Est dépourvu de cause réelle et sérieuse, le licenciement d'une salariée qui, encore liée par un contrat de travail, s'engage auprès d'une entreprise concurrente, lorsque le comportement de la société qui a laissé la salariée dans l'incertitude sur le sort de son contrat de travail est à l'origine de la situation invoquée comme cause de licenciement. Telle est la solution retenue par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 24 avril 2013 (Cass. soc., 24 avril 2013, n° 11-26.391, FS-P+B
N° Lexbase : A6746KCT).
Dans cette affaire, plusieurs salariées, employées par la société O., en qualité d'agent de service, étaient affectées en dernier lieu au chantier de nettoyage S.. Par lettres du 7 décembre 2007, la société O. les a avisées de la perte de ce marché au 1er janvier 2008 et de la reprise de leur contrat de travail par la société D.. Le 17 décembre 2007, la société D. a fait connaître à la société O. et aux salariés affectés sur le chantier S. que leurs contrats de travail n'étaient pas transférés de plein droit. Les cinq salariées se sont vues proposer par la société D. une nouvelle embauche, sans reprise d'ancienneté. Ayant conclu avec cette société un contrat de travail le 28 décembre 2007, elles ont été licenciées pour faute grave par la société O., le 28 janvier 2008, pour "
incapacité d'honorer votre contrat de travail O. du fait d'une signature d'un contrat équivalent chez D.". La société fait grief aux arrêts (v. not., CA Bordeaux, 15 septembre 2011, n° 09/07383
N° Lexbase : A1375H73) de dire les licenciements sans cause réelle et sérieuse et de la condamner au paiement d'indemnités alors que commet une faute justifiant le licenciement, voire un licenciement pour faute grave, le salarié qui, encore lié par un contrat de travail, s'engage auprès d'une entreprise concurrente. La Haute juridiction rejette les pourvois. Après avoir informé les salariées qu'elle n'était pas en mesure de procéder à un reclassement de l'ensemble des salariés affectés au marché perdu pour plus de 1 800 heures durant la dernière semaine de l'année 2007, la société O. ne leur avait donné d'indication ni sur leur futur professionnel au lendemain des fêtes de fin d'année, ni sur la conduite à suivre à partir du 2 janvier 2008. La cour d'appel a pu décider que les salariées n'avaient pas manifesté une volonté claire et non équivoque de démissionner et a pu écarter l'existence d'une faute grave et décider, en conséquence, que les licenciements étaient dépourvus de cause réelle et sérieuse (sur l'abandon de poste non-constitutif d'un motif de licenciement, cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E9145ESI).
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