Les déclarations homophobes du "patron" d'un club de football professionnel peuvent faire peser, sur ce club, la charge de prouver qu'il ne mène pas une politique d'embauche discriminatoire. L'apparence de discrimination fondée sur l'orientation sexuelle pourrait être réfutée à partir d'un faisceau d'indices concordants. Telles sont les solutions retenues par la Cour de justice de l'Union européenne dans un arrêt du 25 avril 2013 (CJUE, 25 avril 2013, C-81/12
N° Lexbase : A5588KCX).
Dans cette affaire, une organisation non gouvernementale dont l'objet est de promouvoir et de protéger les droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transsexuelles en Roumanie, a déposé plainte devant le Conseil national de lutte contre les discriminations (CNCD) à l'encontre d'un club de football professionnel et du "patron" de ce club. L'ONG a fait valoir que le principe de l'égalité de traitement avait été violé en matière de recrutement. En effet, dans une interview concernant l'éventuel transfert d'un footballeur professionnel, M. B. aurait déclaré, en substance, qu'il n'engagerait jamais un sportif homosexuel. L'ONG affirme que ce club n'a pris, à aucun moment, ses distances à l'égard des déclarations de M. B.. Le CNCD a notamment estimé que ces circonstances ne relevaient pas du domaine du travail, les déclarations de M. B. ne pouvant être considérées comme provenant d'un employeur ou d'une personne chargée de l'embauche. Toutefois, le CNCD a considéré que ces déclarations constituaient une discrimination sous la forme de harcèlement et a sanctionné M. B. par un avertissement. Cette sanction était la seule alors possible en vertu du droit roumain, puisque la décision du CNCD avait été rendue plus de six mois après la date des faits reprochés. L'ONG a introduit un recours contre cette décision devant la cour d'appel de Bucarest qui a posé des questions préjudicielles à la Cour de justice portant sur l'interprétation de la Directive 2000/78 du Conseil du 27 novembre 2000 (
N° Lexbase : L3822AU4). Dans son arrêt, la Cour relève que la Directive est de nature à s'appliquer dans des situations qui concernent des déclarations portant sur les conditions d'accès à l'emploi, y compris les conditions de recrutement. La Cour souligne que les spécificités de recrutement des footballeurs professionnels sont sans incidence à cet égard car l'exercice du sport en tant qu'activité économique relève bien du droit de l'Union. Par conséquent, un employeur défendeur ne saurait réfuter l'existence de faits permettant de présumer qu'il mène une politique d'embauche discriminatoire en se limitant à soutenir que les déclarations suggestives de l'existence d'une politique d'embauche homophobe émanent d'une personne qui, bien qu'elle affirme et semble jouer un rôle important dans la gestion de cet employeur, n'est pas juridiquement capable de le lier en matière d'embauche.
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