Lexbase Social n°526 du 1 mai 2013 : Social général

[Evénement] Sécurisation de l'emploi : les points clés de la réforme - Compte-rendu d'un petit-déjeuner du cabinet Coblence & Associés

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[Evénement] Sécurisation de l'emploi : les points clés de la réforme - Compte-rendu d'un petit-déjeuner du cabinet Coblence & Associés. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/8203244-evenement-securisation-de-lemploi-les-points-cles-de-la-reforme-compterendu-dun-petitdejeuner-du-cab
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par Grégory Singer, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition sociale

le 03 Mai 2013

L'Assemblée nationale a adopté, le mercredi 24 avril 2013, le texte de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de sécurisation de l'emploi. Le Sénat doit l'examiner à son tour le 14 mai. Cette future loi, dont la complexité interpelle les acteurs du droit social, nécessite de cerner les premières difficultés. Afin de présenter les points clés de la réforme, le cabinet Coblence & Associés a organisé un petit-déjeuner, le 18 avril 2013, animé par Catherine Davico-Hoarau et Elisabeth Laherre, avocats associés. Cependant, pour avoir une idée précise des impacts de ce projet de loi, il faudra attendre les décrets et la circulaire ministérielle, déjà présentée comme plus importante que la loi, elle-même, souligne Catherine Davico-Hoarau. Les intervenantes ont livré leurs sentiments, leurs analyses du projet de loi. Catherine Davico-Hoarau précise, en introduction, que la loi sera mise en oeuvre, notamment pour les procédures de licenciement économique, dès le 1er juillet 2013, ce qui laissera assez peu de temps aux entreprises devant mettre en place un PSE. I - De nouveaux outils pour les entreprises
  • La mobilité volontaire externe

Maître Elisabeth Laherre présente les nouveaux dispositifs de mise en oeuvre de la mobilité du salarié. Les dispositions sur la mobilité volontaire externe sont incontestablement positives pour les salariés. Cette mobilité, dont les dispositions ont très peu évolué depuis l'Accord national interprofessionnel (N° Lexbase : L9638IUI), ressemble fortement au congé sabbatique (1). Cette mobilité n'est pas, cependant, un droit pour le salarié et nécessite un accord de l'employeur.

Afin d'améliorer la fluidité du marché du travail, la mobilité volontaire externe permet à un salarié qui a une ancienneté de plus de vingt-quatre mois dans une entreprise de plus de trois cent salariés de demander la suspension de son contrat pendant une période afin d'exercer un emploi dans une autre entreprise. Il peut, ainsi, tenter une autre expérience dans une entreprise différente de son entreprise initiale tout en ayant la garantie de retrouver son emploi d'origine aux mêmes conditions. La mobilité devra faire l'objet d'un avenant au contrat qui prévoira la durée de la suspension du contrat de travail et les modalités de prévenance si le salarié refuse de revenir à l'issue de la période prévue. Le silence du salarié vaudra une volonté de retour. Si le salarié ne revient pas, son départ aura les effets d'une démission avec dispense de préavis. La décision du salarié devra être formalisée par un courrier annonçant son intention de ne pas réintégrer l'entreprise. Quid de l'absence de retour du salarié ? Pourra-t-on se prévaloir de son silence pour caractériser la démission ou faudra-t-il procéder à son licenciement pour absence injustifiée après une mise en demeure ? La loi ne prévoyant pas cette hypothèse, Elisabeth Laherre préconise de se placer sur le terrain de l'absence injustifiée.

Il est à noter que l'employeur devra communiquer au comité d'entreprise, tous les six mois, la liste des demandes de période de mobilité volontaire sécurisée et de la suite qui leur a été donnée.

Certains points ne sont pas définis par la loi mais ne présentent pas de réelles difficultés pour Maître Laherre. Elle souligne notamment qu'il n'existe aucune relation entre le nouveau et l'ancien employeur, il ne s'agit pas prêt de main d'oeuvre. Elle indique également que le salarié se trouvant dans une situation de suspension du contrat, l'obligation de loyauté subsiste et devrait interdire au salarié de travailler pour une entreprise concurrente.

  • La mobilité interne

Le projet de loi met également en place une mobilité interne afin de résoudre pour Elisabeth Laherre, "les usines à gaz formées par le process de modification du contrat résultant d'une modification du lieu de travail", entraînant la nécessité de mettre en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi dès lors qu'il y avait plus de dix refus.

La mobilité interne est ainsi destinée à favoriser la mobilité fonctionnelle ou géographique à l'intérieur de l'entreprise. Le syndicat des avocats d'entreprise en droit social, Avosial, avait souhaité élargir cette mobilité interne au groupe. Ces amendements n'ont cependant pas été adoptés.

Cette question devra faire l'objet d'une nouvelle négociation triennale facultative qui portera sur la mobilité professionnelle ou géographique interne à l'entreprise dans le cadre de mesures collectives d'organisation en dehors de tout projet de réduction d'effectifs. Il est à noter que, dans les entreprises d'au moins trois cents salariés, elle sera intégrée à la GPEC. Les accords devront réunir la majorité classique des 30 %.

La négociation devra notamment aborder les mesures d'accompagnement en terme de formation et d'aide à la mobilité géographique (comme, par exemple, les frais de déménagement), les limites de cette mobilité (la zone de mobilité) et les mesures permettant de concilier vie personnelle et vie professionnelle. Ces dernières mesures seront particulièrement surveillées à l'occasion des contentieux, la jurisprudence et les textes européens y faisant référence étant nombreux.

L'accord de mobilité devra être porté à la connaissance de chaque salarié, il ne s'agira pas d'un simple affichage. Une phase de concertation devra être prévue avant la mise en oeuvre d'une mobilité. En cas de refus, le salarié pourra être licencié. Il est à noter qu'il s'agira d'un licenciement individuel pour motif économique. A l'origine, l'ANI prévoyait des licenciements pour motif personnel. Cette évolution risque d'être source de contentieux pour Maître Laherre dans les situations "hors motif économique" (amélioration de la compétitivité, changement de locaux). Les parlementaires n'ont pas ajouté de clause prévoyant que le refus d'acceptation de la mobilité constitue un motif réel et sérieux économique.

L'accord sur la mobilité interne a pour effet de suspendre les clauses du contrat de travail contraires à l'accord conclu. En revanche, il ne peut avoir pour effet une diminution de la rémunération, ni de la classification professionnelle, nous rappelle Elisabeth Laherre.

  • Les accords de maintien de l'emploi

Disposition symbolique de la flexibilité du droit du travail, les accords de maintien de l'emploi, inspirés du droit allemand, permettront à l'employeur, en cas de graves difficultés économiques conjoncturelles rencontrées, uniquement par l'entreprise, d'aménager de manière temporaire, via un accord collectif majoritaire, le temps de travail et la rémunération.

Il est important de souligner que cet accord collectif doit être majoritaire, signé par un ou plusieurs syndicats ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés lors du premier tour des dernières élections du comité d'entreprise ou à défaut des délégués du personnel, et non pas seulement recueillir 30 % des suffrages. S'il est signé par un élu ou un salarié mandaté, il devra être approuvé par référendum auprès des salariés à la majorité des suffrages exprimés. Les partenaires sociaux devront, également, être d'accord sur le diagnostic indiquant les graves difficultés économiques conjoncturelles.

L'accord devra porter sur la durée du travail, l'organisation du temps de travail, la rémunération des salariés, le suivi de l'évolution du contexte économique et de la mise en oeuvre de l'accord, les modalités d'information des salariés. L'accord ne devra cependant pas négocier de durées inférieures à 35 heures. Selon Elisabeth Laherre, une partie de l'esprit du texte de l'ANI disparaît par cette interdiction d'organiser une durée inférieure à 35 heures.

En contrepartie de cet accord, les salariés seront assurés d'un maintien de leur emploi pendant une durée au moins égale à celle de l'accord et l'employeur ne pourra pas licencier pour motif économique durant cette période. Une clause pénale sera également prévue par l'accord en cas de violation de l'un des engagements contenus dans celui-ci.

A l'instar de l'accord sur la mobilité interne, l'accord aura également pour effet de suspendre les clauses du contrat de travail qui lui sont contraires. S'il n'a pas déterminé le délai et les modalités de l'acceptation ou du refus du salarié, la procédure de modification du contrat de travail s'appliquera.

Tout comme les accords de mobilité, si le salarié refuse, il pourra être licencié pour motif économique dans le cadre d'une procédure individuelle.

Les parties peuvent saisir le TGI en la forme des référés (procédure d'urgence au fond) si les engagements pris ne sont pas exécutés de manière loyale et sérieuse ou si la situation économique de l'entreprise a évolué de manière significative. Si le juge suspend l'accord, il fixe ledit délai de suspension. A l'expiration du délai, si les parties n'ont pas trouvé de nouvel accord, elles pourront de nouveau saisir le juge. Celui-ci, au vu des éléments présentés, autorisera, selon la même procédure, la poursuite de l'accord ou la suspension définitive de ses effets. Le juge va-t-il ainsi contrôler la situation économique de l'entreprise, se demande Elisabeth Laherre.

II - Vers une refonte procédurale du licenciement économique ?

Le projet de loi met en place une réforme substantielle de la procédure de licenciement économique. Selon Maître Catherine Davico-Hoarau, les grands gagnants de cette réforme sont les organisations syndicales qui ont un rôle plus important au détriment des comités d'entreprise. L'administration du travail (le Direccte) acquiert également de nouvelles compétences (homologation, contrôle). L'autorité judiciaire perd le contentieux des procédures de licenciement économique au niveau collectif, le texte transférant certaines compétences de contrôle aux juridictions administratives.

La procédure de licenciement économique pourra désormais être engagée à la suite de la conclusion d'un accord majoritaire ou par l'élaboration d'un document unilatéral par l'employeur.

Des négociations avec les organisations syndicales peuvent ainsi être ouvertes avant même la première réunion d'information-consultation du comité d'entreprise qui ne serait pas passible de délit d'entrave au fonctionnement du comité d'entreprise pour Catherine Davico-Hoarau. Pour aboutir à un accord, ce dernier doit être signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli 50 % des suffrages. L'employeur qui entend conclure ledit accord devra en informer sans délai l'administration. Cet accord pourra ainsi fixer le contenu du PSE ainsi que les modalités de consultation et d'information du comité d'entreprise et la mise en oeuvre des licenciements (pondération et périmètre de l'ordre des critères du licenciement, calendrier, nombre de catégories et d'emplois visés par le licenciement). Les nouvelles dispositions interdisent à l'accord de déroger à certaines dispositions, notamment les obligations de formation, d'adaptation et de reclassement, les informations sur le projet que doit nécessairement transmettre l'employeur au comité d'entreprise, les règles d'information-consultation du comité d'entreprise.

L'accord d'entreprise peut, ainsi, tout prévoir en matière de licenciement économique. Selon l'intervenante, si l'employeur obtient cet accord majoritaire, le comité d'entreprise perd tout son rôle.

A défaut d'accord, l'employeur devra établir, après la dernière réunion du comité d'entreprise, un document unilatéral qui précisera le contenu du PSE ainsi que l'ensemble des éléments sur lesquels aurait pu porter la négociation d'un accord majoritaire. L'employeur doit-il commencer par tenter de négocier un accord majoritaire ou peut-il directement choisir la voie du document unilatéral, permettant au comité d'entreprise de recouvrir la plénitude de ses pouvoirs ? L'ANI ne dit pas si l'on doit commencer par un accord, selon Maître Davico-Hoarau, mais le manque de clarté du texte, à l'heure actuelle, pose la question de la primauté de l'accord.

Le document n'est élaboré qu'à l'issue de la dernière réunion du comité d'entreprise. Le projet de loi modifie grandement la procédure de consultation mentionnée à l'article L. 1233-30 du Code du travail (N° Lexbase : L6222ISA). Il y aura désormais seulement deux réunions au lieu de trois, même si un expert-comptable est désigné dès la première réunion. Lors de cette première réunion sera ainsi décidée la négociation d'un accord et/ou la désignation d'un expert. Le comité d'entreprise dispose, sauf accord collectif contraire, de délais préfix qui varient en fonction du nombre de licenciements envisagés pour rendre son avis : deux mois (10 à 99 salariés) ; trois mois (100 à 249 salariés) ; quatre mois (plus de 249 salariés). Il est à noter que le comité d'entreprise est réputé consulté à défaut d'avis rendu à l'expiration du délai. Si le comité d'entreprise décide de la désignation de l'expert, cette expertise n'aura aucun effet sur les délais qui ne seront pas prolongés. L'expert aura ainsi des délais plus courts pour établir son rapport. Il aura dix jours pour demander à l'employeur les informations qui lui seraient manquantes à compter de sa désignation. L'employeur aura huit jours pour lui répondre. Le cas échéant, l'expert demandera, dans les dix jours, des informations complémentaires à l'employeur, qui devra répondre à cette demande dans les huit jours à compter de la date à laquelle la demande de l'expert sera formulée. L'expert devra présenter son rapport dans les quinze jours au plus tard avant la dernière réunion du comité d'entreprise.

Catherine Davico-Hoarau souligne que, dès que serait envisagé un projet de suppression des effectifs, il y aura information-consultation du CHSCT.

Le projet de loi renforce le rôle de l'administration dans le cadre d'un projet de licenciement économique. Elle sera informée par l'employeur dudit projet au plus tôt le lendemain de la première réunion du comité d'entreprise, l'employeur devant lui transmettre l'intégralité des informations qu'il a donnée au comité. L'administration devra ensuite valider ou homologuer l'accord ou le document. La Direccte compétente sera celle du lieu où se trouve l'entreprise ou l'établissement concerné par le projet. Selon le texte présenté à la Commission mixte paritaire, l'autorité administrative notifiera à l'employeur la décision de validation dans un délai de quinze jours à compter de la réception de l'accord collectif et la décision d'homologation dans un délai de vingt-et-un jours à compter de la réception du document complet élaboré par l'employeur. L'administration vérifiera la conformité par rapport aux exigences légales, la régularité de procédure d'information-consultation du CE et du CHSCT et, le cas échéant, l'existence d'un plan de reclassement et les modalités de suivi de la mise en oeuvre de celui-ci. En cas d'homologation du document unilatéral, le contrôle sera identique mais l'administration sera plus "pointilleuse" pour Maître Davico-Hoarau. Le silence de la Direccte vaudra acceptation mais impliquera que l'employeur transmette au CE une copie de l'accusé de réception de l'administration.

En cas d'absence de validité ou d'homologation, il faudra soit entamer une nouvelle négociation, soit déposer un recours devant la juridiction administrative. Il serait en tout cas impossible de licencier des salariés, l'absence de validité ou d'homologation entraînant la nullité des licenciements.

Le recours administratif doit être déposé dans les deux mois ; il s'agit d'un recours contentieux et non hiérarchique. L'employeur peut déposer un recours à compter de la notification de validation ou d'homologation, tout comme les organisations syndicales représentatives ou les salariés à compter de la date à laquelle la décision aurait été portée à leur connaissance. Le tribunal administratif aura trois mois pour statuer. S'il ne s'est pas prononcé dans le délai prévu, le litige sera porté devant la cour administrative d'appel qui aura, à son tour, trois mois pour statuer. La cour administrative d'appel pourra, également, ne pas avoir le temps de rendre un arrêt et l'affaire sera alors directement portée devant le Conseil d'Etat. L'absence de décision rendue à la fois par le tribunal administratif et par la cour administrative d'appel soulève de sérieuses difficultés.

Pour Maître Davico-Hoarau, il est important de bien souligner qu'il n'y a plus du tout de contrôle du juge judiciaire sur la procédure de licenciement économique, c'est "une petite révolution".

Tout licenciement intervenu en l'absence de décision de validation ou d'homologation ou en cas de décision négative de la Direccte est nul. En cas d'annulation de ladite décision pour absence ou insuffisance de PSE, c'est la procédure de licenciement qui est nulle avec comme effet pour le salarié de pouvoir prétendre à sa réintégration ou à défaut à une indemnité égale à douze mois de salaire minimum. Si l'annulation est due à une autre cause alors le salarié peut prétendre à sa réintégration sauf en cas d'impossibilité (comme, par exemple, la fermeture du site) ou à une indemnité égale à six mois de salaire en sus de l'indemnité légale de licenciement.

Bien que le juge judiciaire n'intervienne plus au cours de la procédure de licenciement économique, le salarié conserve toujours la possibilité, après son licenciement, de contester celui-ci devant le conseil de prud'hommes.

Catherine Davico-Hoarau se demande d'ailleurs qui contrôle véritablement l'existence du motif du licenciement. En l'état actuel des textes, il semblerait que le juge administratif ne contrôle pas le motif et que cette question soit dévolue à la juridiction prud'homale dans le cadre d'un litige individuel.

La notification du licenciement ne peut intervenir que trente jours à compter de la notification par l'administration de la décision de validation de l'accord majoritaire ou d'homologation du document unilatéral.

Dans l'ANI, l'employeur pouvait privilégier les qualités professionnelles dans les critères de l'ordre des licenciements (2). Cette disposition a disparu du projet de loi, le texte prévoyant que l'on peut désormais privilégier un des critères si l'ensemble de critères est mentionné. Le dispositif se rapproche de la jurisprudence de la Cour de cassation qui prévoit la pondération des critères de l'ordre des licenciements. L'employeur peut également déterminer le périmètre de l'ordre de licenciement, les critères pouvant ainsi être appliqués à un établissement et non à une entreprise.

En cas de licenciement collectif dans les entreprises de plus de 1 000 salariés ayant comme conséquence la fermeture d'un ou de plusieurs établissements, l'entreprise devra nécessairement chercher un repreneur en lien avec leur obligation de revitalisation du bassin d'emploi. Les entreprises doivent informer leur comité d'entreprise qui peut émettre un avis dans les mêmes délais que pour un licenciement économique et formuler des propositions sur les offres de reprise, tout en se faisant assister par un expert-comptable.

III - Les nouveautés en matière d'institutions représentatives du personnel

Le projet de loi de sécurisation de l'emploi modifie certaines règles relatives aux franchissements de seuil. Les entreprises franchissant le seuil de onze salariés ont désormais 90 jours au lieu de 45 jours entre l'information des salariés et la tenue du premier tour des élections. S'agissant du CE, si l'employeur reste tenu de le mettre en place dès lors que "l'effectif de cinquante salariés et plus est atteint pendant douze mois, consécutifs ou non, au cours des trois années précédentes", en revanche, il disposera d'un an pour se conformer complètement aux obligations récurrentes d'information et de consultation.

Le projet de loi renforce également l'information du comité d'entreprise, notamment, par la création d'une base de données économiques et sociales régulièrement mise à jour et mise à disposition du comité d'entreprise, des délégués du personnel et des délégués syndicaux. Cette base est une excellente idée pour Elisabeth Laherre, cette mesure permettant d'éviter la multiplication des litiges sur la transmission des informations périodiques, l'objectif de cette future loi étant de confier aux partenaires sociaux un véritable rôle de partenaire.

La base de données portera sur des informations sur l'année en cours, les deux dernières années et les trois prochaines années, relatives, notamment, aux investissements, fonds propres et endettement ; les rétributions des salariés et des dirigeants ; les activités sociales et culturelles ; les stages, les contrats précaires, la sous-traitance. Il est à noter que le contenu de ces informations serait fixé par décret et pourrait être ensuite adapté par accord de branche, d'entreprise ou de groupe.

Les IRP seront soumises à une obligation de discrétion, obligation qui pose quelques problèmes car n'étant pas sanctionnée. Tant qu'il n'y aura pas une véritable obligation de confidentialité qui ne sera pas sanctionnée, l'entreprise devra compter sur la bonne foi de ses partenaires sociaux selon Elisabeth Laherre.

Dans les entreprises de plus de trois cent salariés, la mise en place de cette base devrait être faite dans l'année suivant la publication de la loi, les entreprises de moins de trois cent salariés auront, pour leur part, deux années pour s'y conformer. La mise à disposition des rapports et informations récurrentes devra se faire dans un délai déterminé par décret et au plus tard au 31 décembre 2016.

Par ailleurs, sont créés deux nouveaux thèmes de consultation du comité d'entreprise :

- les orientations stratégiques de l'entreprise et notamment leurs conséquences sur l'activité, l'emploi, l'évolution des métiers et des compétences, le recours à la sous-traitance, à l'intérim et aux contrats temporaires. Cette consultation est annuelle et, à l'issue de celle-ci, un avis sera transmis au conseil d'administration ou de surveillance. Le conseil d'administration ou de surveillance, une fois, sa décision arrêtée, devra transmettre sa délibération argumentée au comité d'entreprise qui pourra à son tour y répondre. Pour Elisabeth Laherre, c'est "du droit d'alerte sans alerte". Le comité pourra se faire assister d'un expert-comptable dont le financement à hauteur de 20 % sera pris sur son budget de fonctionnement dans la limite du tiers de son budget de fonctionnement. Cette disposition pourrait éviter certains abus lors de la facturation des experts.

- l'utilisation du crédit d'impôt emploi et compétitivité. Le comité sera consulté chaque année, le 1er juillet, sur cette question. Il lui sera possible, s'il juge l'utilisation de ces sommes non-conforme, de demander des explications à l'employeur au cours de la réunion suivante du comité. Si cette utilisation se relève non adéquate, le comité pourra transmettre un rapport à l'employeur et au comité de suivi régional, lequel adressera ensuite une synthèse annuelle au comité national de suivi.

Désormais, les délais dont disposent le comité d'entreprise et le CHSCT pour rendre leurs avis pourront être fixés, soit par accord entre l'employeur et la majorité des membres titulaires du comité d'entreprise (cet accord pourra être directement énoncé dans le règlement intérieur ou faire l'objet d'une délibération particulière), soit, à défaut d'accord, par décret en Conseil d'Etat. Le champ d'application de ces délais concernera les consultations générales, celles sur le bilan social, celles sur le droit d'expression des salariés et celles sur le contingent annuel d'heures supplémentaires.

Le délai ne pourra jamais être inférieur à quinze jours. A l'issue de ce délai, le comité sera réputé avoir été consulté et avoir émis un avis négatif. C'est une véritable évolution pour Elisabeth Laherre. En effet, il était très compliqué de gérer les absences d'avis, certaines juridictions estimant qu'elles équivalent à un avis négatif tandis que d'autres juridictions exigeaient que la procédure de consultation ait été cloturée, toutes vérifiant en revanche que le CE avait eu toute l'information nécéssaire pour se prononcer.

Dès lors que le comité d'entreprise estimera ne pas être en possession de la totalité des informations, il aura la possibilité de saisir en la forme des référés le TGI afin d'en obtenir communication. Le TGI aura 8 jours pour rendre sa décision, cette action n'ayant pas pour effet d'allonger le délai dont dispose le comité d'entreprise pour rendre son avis sauf si le juge en décide autrement.

Elisabeth Laherre souligne, également, que le texte prévoit d'encadrer la remise du rapport par un expert dans un délai dit "raisonnable" fixé par accord entre l'employeur et la majorité des membres titulaires du comité ou, à défaut d'accord, par décret en Conseil d'Etat.

De plus, l'accord fixera le délai pendant lequel le comité pourra demander des informations supplémentaires à l'employeur pour rendre son avis ainsi que le délai dont disposera l'employeur pour y répondre.

Le projet de loi crée un nouveau recours à l'expertise pour le CHSCT en cas de restructuration et de compression des effectifs.

Elisabeth Laherre loue la création d'une instance de coordination que l'employeur peut mettre en place lorsque plusieurs CHSCT sont concernés par un même projet (aménagements importants, introduction de nouvelles technologies, mise en oeuvre de mutations technologiques) et qui aura pour mission d'organiser une expertise unique. L'instance sera composée de l'employeur et son représentant, de représentants de chaque CHSCT, de l'inspecteur du travail, du médecin du travail et du responsable de la sécurité et des conditions de travail territorialement compétents. La composition est fixée ainsi par la délégation unique du personnel pour la durée des mandats des représentants du personnel.

Sa mission est d'organiser le recours à l'expertise et, éventuellement, de rendre un avis sur le projet. La consultation de cette instance ne se substituera pas à celle des CHSCT ; le rapport de l'expert et l'avis de l'instance seront transmis aux CHSCT concernés par le projet. Faut-il, cependant, mettre en place cette instance dès la publication de la loi ou attendre l'éventuelle introduction d'un projet impactant les conditions de travail se demandent nos intervenantes.

IV - Les évolutions sur le travail à temps partiel

A partir du 1er janvier 2014, les entreprises ne pourront conclure de contrat de travail à temps partiel d'une durée inférieure à 24 heures hebdomadaires. Cette interdiction ne porte-t-elle pas atteinte à la liberté de travail ou à la liberté d'entreprendre ?

Des exceptions vont exister notamment pour les étudiants de moins de 26 ans. Le salarié pourra, de même, faire la demande de manière écrite et motivée de son souhait de travailler moins de 24 heures en raison de contraintes personnelles ou pour lui permettre de cumuler plusieurs activités. Il est à noter qu'une convention ou accord de branche étendu pourra déroger à ce plancher à condition que des garanties soient prévues.

Pour Catherine Davico-Hoarau, ces dispositions semblent également mettre à mal le principe d'égalité de traitement entre les salariés, certains ne pouvant bénéficier de ces dérogations.

La question de la rémunération de ces heures posera également problème. Il y aura ainsi une distinction entre les heures complémentaires et les compléments d'heure. Les heures complémentaires sont celles effectuées au-delà du contrat dans la limite de 10 % (3). Elles ne donnent pas droit à majoration de salaire sauf dispositions conventionnelles contraires. Au-delà, elles sont majorées de 25 %. Désormais, ces heures seront majorées de 10 % à compter du 1er janvier 2014. Celles qui excèderont ce quota pourront se voir appliquer une majoration de 10 %, en sus des 25 %, sauf en cas des dispositions conventionnelles plus favorables.

Par ailleurs, le projet de loi prévoit qu'une convention ou un accord de branche pourra mettre en place la possibilité par avenant au contrat de travail d'augmenter temporairement la durée du travail contractuelle. Les heures faites au-delà de la durée prévue à l'avenant, les compléments d'heures, donneront lieu à une majoration au minimum de 25 %.

V - La conciliation prud'homale

En cas de litige porté devant le conseil des prud'hommes pour contester la régularité ou la cause réelle et sérieuse d'un licenciement, il pourra y être mis fin lors de l'audience de conciliation via un accord entre les parties qui prendra la forme du versement d'une indemnité forfaitaire dont le montant sera déterminé en fonction du barème fixé par décret en fonction de l'ancienneté du salarié. Le procès-verbal constatant l'accord vaudra renonciation de la part des parties à toutes réclamations et autres indemnités. A défaut de conciliation, l'affaire sera portée devant le bureau de jugement.

Catherine Davico-Hoarau se montre très critique sur la mise en place de ce barème créé pour faciliter la conciliation prud'homale. Selon le projet de loi, il sera fixé par un décret en Conseil d'Etat mais Maître Davico-Hoarau rappelle la volonté des partenaires sociaux dans l'ANI :

- entre 0 et deux ans d'ancienneté, deux mois de salaire ;

- entre deux et huit ans d'ancienneté, quatre mois ;

- entre huit et quinze ans d'ancienneté, huit mois ;

- entre quinze et vingt-cinq ans d'ancienneté, dix mois ;

- au-delà de vingt-cinq ans d'ancienneté, quatorze mois de salaire.

Ce barème est donc plus favorable que la sanction appliquée en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse pour les salariés ayant plus de huit ans d'ancienneté. Catherine Davico-Hoarau se demande comment ce barème va réellement être appliqué devant le conseil de prud'hommes et s'il ne va pas être considéré comme un "barème minimal".

Catherine Davico-Hoarau se montre, néanmoins, plus enthousiaste sur la réduction des délais de prescription. Les délais seront de deux ans pour contester l'exécution ou la rupture d'un contrat de travail et de trois ans pour agir en paiement des salaires (sauf discrimination).

Ces nouveaux délais s'appliqueront aux prescriptions en cours mais ne courront qu'à compter de la publication de la loi sans que la durée totale ne puisse excéder la durée antérieure.


(1) Sur le congé sabbatique, cf. l’Ouvrage "Droit du travail" (N° Lexbase : E0234ETT).
(2) Sur la détermination des critères relatifs à l'ordre des licenciements, cf. l’Ouvrage "Droit du travail" (N° Lexbase : E9351ES7).
(3) Sur le régime des heures complémentaires, cf. l’Ouvrage "Droit du travail" .

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