Lexbase Social n°534 du 4 juillet 2013 : Social général

[Textes] Commentaire de l'article 12 de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, relative à la sécurisation de l'emploi, sur le temps partiel

Réf. : Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, relative à la sécurisation de l'emploi (N° Lexbase : L0394IXU)

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[Textes] Commentaire de l'article 12 de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, relative à la sécurisation de l'emploi, sur le temps partiel. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/8890547-textescommentairedelarticle12delaloin2013504du14juin2013relativealasecurisationde
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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

le 09 Juillet 2013

La loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, relative à la sécurisation de l'emploi, publiée au Journal officiel du 16 juin 2013, contient de nombreuses dispositions intéressant tant la protection sociale que la formation professionnelle, les relations collectives, la mobilité du salarié, le licenciement économique ou encore le temps de travail ou la conciliation prud'homale. Lexbase Hebdo - édition sociale vous propose de revenir, avec Christophe Radé, sur l'article 12 instaurant de nouvelles règles sur le temps partiel. Objectifs. Les dispositions voulues par les partenaires sociaux visent à assurer aux salariés à temps partiel de nouvelles garanties en termes de volume d'heures minimum et de paiement des heures complémentaires. Le dispositif, qui pose désormais un plancher de 24 heures hebdomadaires et prévoit le paiement des dépassements, repose sur la conclusion d'un accord de branche qui sera vraisemblablement étendu pour que les dérogations, en pratiques assez nombreuses, prévues par le texte, puissent bénéficier aux entreprises qui le souhaiteraient. Les exceptions au principe posé sont par ailleurs nombreuses et on peut craindre qu'au-delà de l'effet d'annonce le dispositif ne soit pas à même de garantir effectivement, pour ceux qui ne travaillaient pas jusqu'à présent 24 heures par semaine, une augmentation de leur temps de travail.

Base conventionnelle. Comme pour les autres aspects de la loi relatifs à la mobilité ou à la sauvegarde de l'emploi, le dispositif, voulu par les partenaires sociaux et repris par la loi, repose sur la négociation collective, ici au niveau de la branche.

L'article L. 2241-13 nouveau (N° Lexbase : L0624IXE) fait ainsi obligations aux organisations liées par accord de branche, à défaut professionnel, d'engager des négociations relatives au temps partiel "dès lors qu'au moins un tiers de l'effectif de la branche professionnelle occupe un emploi à temps partiel".

Cette négociation devra s'ouvrir, comme l'avaient d'ailleurs souhaité les partenaires sociaux, avant le 17 septembre 2013, dans les branches où le tiers des salariés occupe un emploi à temps partiel, ou dans les trois mois qui suive le franchissement de ce seuil.

Le contenu de cette négociation est imposé a minima puisqu'elle devra porter "notamment" sur "la durée minimale d'activité hebdomadaire ou mensuelle, le nombre et la durée des périodes d'interruption d'activité, le délai de prévenance préalable à la modification des horaires et la rémunération des heures complémentaires".

Base contractuelle. Le contrat de travail à temps partiel devra désormais comporter une nouvelle clause écrite mentionnant "les modalités selon lesquelles des compléments d'heures peuvent être accomplis au-delà de la durée fixée par le contrat" (C. trav., art. L. 3123-14 (N° Lexbase : L0679IXG).

A défaut, l'employeur ne pourra pas mettre en oeuvre la possibilité de recourir aux compléments d'heures si le salarié s'y refuse.

Principe d'une durée minimale. Le législateur a repris ici la disposition de l'ANI du 11 janvier 2013 (N° Lexbase : L9638IUI) fixant désormais comme principe un minimum de 24 heures par semaine, étant entendu qu'il peut s'agir d'une durée moyenne calculée sur le mois (sans autre condition) ou sur une durée plus importante fixée par l'accord collectif servant de base conventionnelle (C. trav., art. L. 3123-14-1]).

Entrée en vigueur et droit transitoire. Cette disposition imposant une durée minimale est applicable à compter du 1er janvier 2014 (art. 12-VIII).

Pour les contrats de travail en cours à cette date, et jusqu'au 1er janvier 2016, sauf convention ou accord de branche conclu au titre de l'article L. 3123-14-3 du même code (N° Lexbase : L0626IXH), cette durée minimale sera "applicable au salarié qui en fait la demande, sauf refus de l'employeur justifié par l'impossibilité d'y faire droit compte tenu de l'activité économique de l'entreprise".

Exceptions individuelles à la durée minimale (C. trav., art. L. 3123-14-2 N° Lexbase : L0625IXG). La loi a prévu que le salarié pourrait renoncer à cette durée minimale, en demandant à travailler moins de 24 heures par semaine, mais a limité cette faculté à deux cas : celui où le salarié invoquerait l'existence de "contraintes personnelles", et celui où il souhaiterait cumuler plusieurs contrats à temps partiel pour une durée totale au moins égale à 24 heures.

Cette demande dérogatoire doit être "écrite et motivée". L'employeur aura tout intérêt à exiger cet écrit motivé de la part du salarié qui ne pourra pas, ultérieurement, remettre en cause son consentement s'il a effectivement remis à l'employeur ce document écrit.

S'agissant du motif tiré d'un cumul d'emplois, l'idéal serait que le salarié fournisse à l'employeur la copie des autres contrats de travail à temps partiel lui permettant de vérifier que le salarié disposera effectivement du nombre d'heures total minimum.

Mais s'agissant des "contraintes personnelles" invoquées par le salarié, il devra se contenter de ses explications car on ne voit pas comment il pourrait se permettre d'aller en vérifier l'existence et/ou la pertinence sans porter atteinte au droit au respect de la vie privée du salarié qui demeure seul juge des motifs qui pourraient le pousser à renoncer à la durée minimale légale de 24 heures.

Seule l'information des représentants du personnel (comité d'entreprise, à défaut délégués du personnel) portant sur le "nombre des demandes de dérogations individuelles" pourra éventuellement attirer l'attention sur d'éventuelles excès ou abus, même si, en l'absence d'obligation de les informer sur les motifs de dérogation (contraintes ou cumuls) cette information manquera certainement d'effectivité.

Exceptions collectives à la durée minimale. La durée de 24 heures peut être diminuée par les partenaires sociaux au niveau de la branche.

La loi a toutefois prévu deux précautions (C. trav., art. L. 3123-14-3).

La première tient aux contreparties exigées à un tel abaissement (les partenaires sociaux ne peuvent donc pas totalement supprimer ce minimum) : l'accord de branche doit en effet prévoir soit "des garanties quant à la mise en oeuvre d'horaires réguliers" (les salariés "payant" alors la régularité par un abaissement de leur minimum...) soit permettre de réduire à due proportion la durée minimum pour les salariés ayant par ailleurs d'autres emplois à temps partiel dès lors que la durée cumulée est au moins égale à 24 heures. Dans une telle hypothèse, l'accord de branche doit prévoir que les heures accomplies seront regroupées "sur des journées ou des demi-journées régulières ou complètes" (C. trav., art. L. 3123-14-4 N° Lexbase : L0627IXI).

La seconde tient au contrôle exercé par le ministère du Travail puisque ces dérogations devront résulter d'accords de branche étendus.

Exception légale de droit. Comme l'avaient prévu les partenaires sociaux, une exception légale de plein droit est prévue pour les salariés âgés de moins de 26 ans et poursuivant des études ; les contrats individuels pourront stipuler des durées moindres compatibles avec ces études.

Le choix de la limite à 26 ans n'est guère pratique pour les étudiants poursuivant des études doctorales et qui peuvent avoir également besoin d'une durée moindre, mais dans ce cas le doctorant salarié pourra demander à réduire son horaire pour "convenances personnelles" (cf. supra).

Entreprises de travail temporaire d'insertion. La loi a également prévu la possibilité de déroger au minimum de 24 heures hebdomadaires pour les salariés "lorsque le parcours d'insertion le justifie".

Horaire de travail. L'article L. 3123-16 du Code du travail prévoyait antérieurement que "l'horaire de travail du salarié à temps partiel ne peut comporter, au cours d'une même journée, plus d'une interruption d'activité ou une interruption supérieure à deux heures".

Le texte disposait toutefois qu'"une convention ou un accord collectif de branche étendu, ou agréé en application de l'article L. 313-12 du Code de l'action sociale et des familles (N° Lexbase : L4387IRW), ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut déroger à ces dispositions" soit "en définissant les amplitudes horaires pendant lesquelles les salariés doivent exercer leur activité et leur répartition dans la journée de travail, moyennant des contreparties spécifiques et en tenant compte des exigences propres à l'activité exercée", soit expressément, sans contreparties ; c'est cette dernière possibilité qui est supprimée, dans l'intérêt des salariés, seule subsistant la dérogation avec contreparties.

Majoration. Dans l'ancien dispositif, les heures accomplies par le salarié au-delà de son horaire habituel, et dans la double limite des 10 % et de la durée légale de travail, ne bénéficiaient d'aucune majoration (C. trav., anc. art. L. 3123-17 N° Lexbase : L3844IBY et L. 3123-19 N° Lexbase : L3972IBQ).

Ce sera désormais le cas puisque l'article L. 3123-17 du Code du travail ([LXB=L0681IX]) dispose que chaque heure complémentaire, accomplie dans la limite des 10% de la durée convenue "donne lieu à une majoration de salaire de 10 %". Cette disposition n'est toutefois applicable qu'à compter du 1er janvier 2014 (art. 12-VIII).

Mais si la loi améliore le sort des salariés sur ce point, elle permet, en contrepartie, à l'accord de branche dès lors qu'il aura été étendu, de déroger à la majoration de 25% de l'article L. 3123-19 (N° Lexbase : L0683IXL) prévue pour les heures accomplies au-delà de la limite des 10 %, sans que cette majoration ne puisse être inférieure à 10 %, alignant ainsi ce régime sur celui des heures supplémentaires pour les salariés à temps complet de l'article L. 3121-22 (N° Lexbase : L0431H9T).

Compléments d'heures par avenant. Ce dispositif, voulu par les partenaires sociaux, permet aux parties d'augmenter le volume horaire du salarié, ce qui lui est plus favorable. Mais en contrepartie l'employeur sera dispensé du paiement de la majoration qu'il devrait payer si ce volume avait été maintenu et qu'il avait dû rémunérer des majorations pour heures complémentaires (sauf si l'accord de branche étendu le prévoit). Il répond au désir de permettre aux parties de majorer provisoirement la durée de travail sans risquer de voir le contrat modifié définitivement.

Mise en place. Dans la mesure où ce dispositif déroge au droit à majoration désormais reconnu au salarié qui accomplit des heures complémentaires, la loi exige que l'accord de branche le prévoyant soit étendu (C. trav., art. L. 3123-25 N° Lexbase : L0682IXK).

Le salarié qui a accepté de signer l'avenant perd indirectement le bénéfice de la majoration prévue désormais pour les heures complémentaires dès lors que celles-ci seront désormais intégrées dans la nouvelle durée contractuelle de travail du salarié. A défaut de disposition rétablissant son droit à majoration, ces heures n'auront pas légalement à l'être.

Si le salarié qui exécute désormais des heures en plus dans le cadre d'un complément d'heures par avenant, accomplit plus d'heures que cette nouvelle durée majorée, alors il aura droit à une bonification de 25 %, sans possibilité pour l'accord de branche étendu de ramener ce chiffre à 10 % (alors que cette réduction est désormais possible pour les heures accomplies au-delà de la limite des 10 %).

Nombre d'avenants par année. Ce nombre est fixé par l'accord de branche étendu, dans la limite légale de 8 avenants par salarié et par an.

Ce chiffre pourra toutefois être dépassé car l'article L. 3123-25 permet à l'employeur de procéder à la conclusion d'avenants, en plus du plafond de 8, dès lors qu'il s'agit de remplacer un salarié absent nommément désigné. Cette dernière possibilité permet au salarié à temps partiel de cumuler de fait son contrat à temps partiel, généralement un CDI, par un CDD de remplacement qui va ainsi venir se greffer au précédent, et ce alors que cette possibilité n'était pas possible dans le contexte juridique antérieur.

L'accord étendu pourra également prévoir une majoration pour ces heures avenants (et rétablir ainsi la majoration de 10 % dont l'employeur est légalement dispensé pour la partie majorée - cf. supra) ainsi que d'éventuelles règles de priorité dans l'attribution de ses avenants.

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