Réf. : Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, relative à la sécurisation de l'emploi (N° Lexbase : L0394IXU)
Lecture: 7 min
N7907BTZ
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit de la protection sociale"
le 09 Juillet 2013
I - Période de mobilité volontaire sécurisée, au sens de l'ANI du 11 janvier 2013 (N° Lexbase : L9638IUI)
Au titre de l'ANI du 11 janvier 2013, les partenaires sociaux avaient proposé la création d'un droit à une période de mobilité volontaire sécurisée (1). Il s'agissait de développer la compétence des salariés qui souhaitent de plus en plus pouvoir changer d'emploi, mais peuvent y renoncer faute de la sécurisation adaptée.
La réponse des partenaires sociaux a consisté dans la mise en place d'une période de mobilité volontaire sécurisée. Le salarié qui justifie d'une ancienneté minimale de deux ans dans une entreprise de 300 salariés et plus, aurait pu, à son initiative et avec l'accord de son employeur, mettre en oeuvre une "période de mobilité" lui permettant de découvrir un emploi dans une autre entreprise.
A - Mise en oeuvre
La période de mobilité aurait été mise en oeuvre par accord entre l'employeur et le salarié.
Elle aurait donné lieu à la conclusion d'un avenant au contrat de travail, préalable à sa prise d'effet. L'avenant aurait prévu l'objet, la durée et la date de prise d'effet de la période de mobilité. Pendant cette période, le contrat de travail aurait été suspendu. Si la demande de mobilité du salarié avait fait l'objet de deux refus successifs de l'employeur, le salarié aurait, selon l'article 7 de l'ANI du 11 janvier 2008, pu bénéficier d'un accès privilégié au CIF.
B - Situation du salarié
1- Cessation de la période de mobilité
Dans l'hypothèse d'une cessation avant le terme de la période de mobilité, le retour du salarié dans l'entreprise n'aurait pu intervenir que du commun accord des parties (ANI 11 janvier 2013, art. 7). Mais l'avenant au contrat de travail pouvait prévoir un droit au retour du salarié dans l'entreprise d'origine, à tout moment, pendant la période de mobilité, notamment pendant la période d'essai dans l'autre entreprise ou en cas de fermeture de l'entreprise d'accueil.
Dans l'hypothèse d'une cessation au terme de la période de mobilité, les partenaires sociaux avaient prévu que le salarié puisse choisir de revenir, ou non, dans l'entreprise d'origine. L'avenant au contrat de travail aurait alors prévu un délai de prévenance, avant le terme de la période de mobilité, que le salarié observe pour informer l'employeur de son choix. A défaut d'information du salarié avant le terme de la période de mobilité, il aurait été présumé avoir choisi de revenir dans l'entreprise d'origine.
En droit conventionnel (ANI 11 janvier 2013, art. 7), si le salarié ne souhaitait pas revenir dans son entreprise d'origine, le contrat de travail aurait été rompu au terme de la période de mobilité. Cette solution posait des difficultés juridiques, dans la mesure où cette rupture aurait constitué une démission et n'aurait été soumise à aucun préavis de la part de l'une ou l'autre des parties. Une telle règle, de plus, relevait de la compétence du législateur, sous le contrôle, a posteriori, du juge.
En cas de démission du salarié au terme de la période de mobilité, l'entreprise aurait été exonérée, à l'égard du salarié concerné, de l'ensemble des obligations légales et conventionnelles qui auraient résulté d'un licenciement pour motif économique.
2 - Retour dans l'entreprise d'origine
Si le salarié revenait dans son entreprise d'origine, il retrouvait de plein droit son emploi antérieur ou un emploi similaire, assorti d'une qualification et d'une rémunération qui n'aurait pu être inférieure à celles de son emploi antérieur, ainsi que du maintien à titre personnel de sa classification.
II - Période de mobilité volontaire sécurisée, intégrée par la loi n° 2013-504 du 11 janvier 2013 (N° Lexbase : L0394IXU)
Le législateur a validé la proposition des partenaires sociaux, de mettre en place une mobilité volontaire sécurisée (C. trav., art. L. 1222-12 N° Lexbase : L0423IXX et L. 1222-13 N° Lexbase : L0425IXZ) (2). Le bénéfice d'une période de mobilité volontaire sécurisée afin d'exercer une activité dans une autre entreprise, au cours de laquelle l'exécution de son contrat de travail est suspendue, obéit à un régime précis.
A - Champ d'application
1 - Domaine
Ce dispositif vise les entreprises et les groupes d'entreprises, au sens de l'article L. 2331-1 (N° Lexbase : L9924H83), d'au moins 300 salariés. Selon les travaux parlementaires (3), cette condition n'est applicable qu'à l'entreprise d'origine, le salarié pouvant effectuer sa mobilité dans une entreprise de dimension inférieure. Il vise tout salarié justifiant d'une ancienneté minimale de vingt-quatre mois, consécutifs ou non.
2 - Conditions
Le salarié doit obtenir l'accord de son employeur. Si l'employeur oppose deux refus successifs à la demande de mobilité, l'accès au congé individuel de formation est de droit pour le salarié, sans que puissent lui être opposées la durée d'ancienneté (mentionnée à l'article L. 6322-4 N° Lexbase : L3503H9M) ou les dispositions de l'article L. 6322-7 (N° Lexbase : L6266ISU) (prévoyant le report de ce congé si 2 % des salariés sont déjà absents à ce titre, ni la durée d'ancienneté exigée).
De manière générale, l'employeur peut en refuser le bénéfice au salarié, s'il estime, après avis des représentants du personnel, que son absence pourrait avoir des conséquences préjudiciables à la production et à la marche de l'entreprise.
B -Régime
1 - Régime contractuel
Ce sont les parties au contrat qui organisent le régime de la période de mobilité volontaire sécurisée, dans le cadre d'un avenant au contrat de travail, qui détermine :
- l'objet ;
- la durée ;
- la date de prise d'effet ;
- le terme de la période de mobilité ;
- le délai dans lequel le salarié informe par écrit l'employeur de son choix éventuel de ne pas réintégrer l'entreprise ;
- les situations et modalités d'un retour anticipé du salarié, qui intervient dans un délai raisonnable et qui reste dans tous les cas possible à tout moment avec l'accord de l'employeur.
2 - Suspension du contrat de travail
Le salarié demeure inclus dans les effectifs de son entreprise d'origine, y reste électeur et éligible, y conserve ses mandats, bénéficie de la même protection en cas de licenciement économique ou de transfert de société, et demeure tenu d'une obligation de loyauté. Il ne perd, en aucun cas, ses droits accumulés à congé payé, qu'il peut prendre avant son départ en mobilité, percevoir sous forme d'une indemnité compensatrice, ou reporter s'il le souhaite avec l'accord de l'employeur. Si l'avenant le prévoit, la durée de la mobilité peut être prise en compte pour le calcul de son ancienneté.
3 - Situation du salarié
A son retour dans l'entreprise d'origine, le salarié retrouve de plein droit son précédent emploi ou un emploi similaire, assorti d'une qualification et d'une rémunération au moins équivalentes ainsi que du maintien à titre personnel de sa classification. C'est le "droit de retrouver son emploi".
La solution diverge sensiblement de celle prévue par les partenaires sociaux (supra), puisqu'ils avaient, seulement, prévus que si le retour du salarié dans l'entreprise intervient avant le terme prévu à l'avenant, ce retour ne peut intervenir que du commun accord des parties.
Mais en même temps, la solution retenue par le législateur est conforme à celle proposée par les partenaires sociaux, selon laquelle, lorsque le salarié revient dans son entreprise d'origine, il retrouve, de plein droit, son emploi antérieur ou un emploi similaire, assorti d'une qualification et d'une rémunération qui ne peut être inférieure à celles de son emploi antérieur, ainsi que du maintien à titre personnel de sa classification.
Si le salarié choisit de ne pas réintégrer son entreprise d'origine au cours ou au terme de la période de mobilité, le contrat de travail qui le lie à son employeur est rompu. Cette rupture constitue une démission qui n'est soumise à aucun préavis autre que celui prévu par avenant (mentionné à l'article L. 1222-13 N° Lexbase : L0425IXZ).
Là encore, la solution diverge sensiblement de celle mise en place par l'ANI du 11 janvier 2013 (supra), selon laquelle à défaut d'information du salarié avant le terme de la période de mobilité, il est présumé avoir choisi de revenir dans l'entreprise d'origine ; si le salarié ne souhaite pas revenir dans son entreprise d'origine, le contrat de travail est rompu au terme de la période de mobilité et cette rupture constitue une démission et n'est soumise à aucun préavis de la part de l'une ou l'autre des parties ; enfin, en cas de démission du salarié au terme de la période de mobilité, l'entreprise est exonérée, à l'égard du salarié concerné, de l'ensemble des obligations légales et conventionnelles qui auraient résulté d'un licenciement pour motif économique.
4 - Rapports collectifs de travail
Le législateur créé une nouvelle information qui doit être transmise par l'employeur au profit des représentants du personnel. L'employeur communique semestriellement au comité d'entreprise la liste des demandes de période de mobilité volontaire sécurisée avec l'indication de la suite qui leur a été donnée.
(1) F. Géa, Vers un nouveau modèle de droit du travail ? A propos de l'ANI du 11 janvier 2013, SSL, n° 1568, 21 janvier 2013, préc. ; v. nos obs., Commentaire des articles 3 à 10 de l'Accord national interprofes-sionnel du 11 janvier 2013, pour un nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l'emploi et des parcours professionnels des salaries, Lexbase Hebdo n° 514 du 31 janvier 2013 - édition sociale (N° Lexbase : N5575BTN).
(2) J.-M. Germain, Rapport, Assemblée nationale, n° 847, 27 mars 2013, p. 119 ; C. Jeannerot, Rapport, Sénat, n° 501, 11 avril 2013, p. 26 ; P.-Y. Verkindt, Les mobilités, JCP éd. S, 2013, n° 1261 ; L. Marquet de Vasselot, La mobilité et l'emploi : vers de nouvelles pratiques ? JCP éd. S, 2013, n° 1262.
(3) J.-M. Germain, Rapport, Assemblée nationale, n° 847, 27 mars 2013, préc., p. 121
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:437907