Lexbase Social n°523 du 11 avril 2013 : Sécurité sociale

[Jurisprudence] Obligation d'affiliation : le cycliste participant à une exhibition sportive sans compétition est assimilé à un artiste du spectacle

Réf. : Cass. civ. 2, 28 mars 2013, n° 12-13527, F-P+B (N° Lexbase : A2636KBA)

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N6559BT4

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Protection sociale"

le 11 Avril 2013

Co-emploi, portage salarial, statut du participant à une émission de téléréalité, participation d'un sportif à une manifestation sportive sans compétition : les frontières du salariat sont mouvantes, sous l'effet de l'imagination des DRH (pratiques managériales d'optimisation fiscale et sociale des statuts) et de la volonté des URSSAF de soumettre à cotisation des sommes dont le statut est souvent obscur (honoraires, défraiement, participation aux frais, ....). La doctrine se fait l'écho de toutes les interrogations et difficultés soulevées par ces déplacements de frontière du salariat (1). La Cour de cassation, comme le Conseil d'Etat, sont sollicités à rythme soutenu. Le développement des activités "promotionnelles", dans le cadre d'un spectacle, mettant en scène des sportifs, génère un certain nombre de difficultés juridiques, liées notamment au statut des sportifs, dans ce cadre précis ; aux conditions dans lesquelles ils effectuent ces prestations ; surtout, à leur statut juridique, notamment en droit de la Sécurité sociale (quel assujettissement, en tant que salarié ou en tant que travailleur indépendant ?). Le contentieux est plutôt rare et la Cour de cassation a tranché cette difficulté, dans le sens de l'extension du domaine du salariat. La Cour de cassation admet que les dispositions des articles L. 7121-1 (N° Lexbase : L3098H9M) et suivants du code du travail (artistes du spectacle), L. 7123-2 (N° Lexbase : L3214H9W) et suivants et L. 7123-6 (N° Lexbase : L3224H9B) du Code du travail (mannequins) puissent s'appliquer à des domaines autres que la diffusion artistique (théâtre, concerts, expositions, installations, vidéo, ...) et le mannequinat, tels que, de manière générale, tous les spectacles vivants, notamment à dimension sportive. La présomption de salariat posée par les textes (C. trav., art. L. 7121 et s., art. L. 7123-2 et s. et art. L. 7123-6) peut jouer dans le cadre d'exhibitions sportives sans compétition, et par exemple s'appliquer aux coureurs cyclistes participant à titre individuel à ce type de manifestation. L'arrêt rapporté contribue au régime juridique du sportif en droit du travail (2).
Résumé

Sont notamment compris parmi les personnes auxquelles s'impose l'obligation d'affiliation aux assurances sociales du régime général, les artistes du spectacle et les mannequins. Les dispositions des articles L. 7121-1 et suivants du Code du travail (artistes du spectacle), L. 7123-2 et suivants et L. 7123-6 du Code du travail (mannequins) n'excluent pas les exhibitions sportives sans compétition et s'appliquent aux coureurs cyclistes participant à titre individuel à ce type de manifestation.

I - Régime de l'affiliation des mannequins et artistes

A- Présomption légale de contrat de travail

1 - Artistes

Le législateur a retenu le principe d'une présomption de salariat pour les artistes. En effet, tout contrat par lequel une personne s'assure, moyennant rémunération, le concours d'un artiste du spectacle en vue de sa production, est présumé être un contrat de travail dès lors que cet artiste n'exerce pas l'activité qui fait l'objet de ce contrat dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce (C. trav., art. L. 7121-3 N° Lexbase : L3102H9R).

Cette présomption joue pour les artistes du spectacle, dont le législateur a donné une définition. Sont réputés avoir la qualité artistes du spectacle, notamment : l'artiste lyrique ; l'artiste dramatique ; l'artiste chorégraphique ; l'artiste de variétés ; le musicien ; le chansonnier ; l'artiste de complément ; le chef d'orchestre ; l'arrangeur-orchestrateur ; le metteur en scène, pour l'exécution matérielle de sa conception artistique (C. trav., art. L. 7121-2 N° Lexbase : L3100H9P).

Le législateur a défini le régime de cette présomption :

- la présomption de l'existence d'un contrat de travail subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération, ainsi que la qualification donnée au contrat par les parties ;

- la présomption subsiste même s'il est prouvé que l'artiste conserve la liberté d'expression de son art, qu'il est propriétaire de tout ou partie du matériel utilisé ou qu'il emploie lui-même une ou plusieurs personnes pour le seconder, dès lors qu'il participe personnellement au spectacle (C. trav., art. L. 7121-4 N° Lexbase : L3104H9T) ;

- la présomption de salariat ne s'applique pas aux artistes reconnus comme prestataires de services établis dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen où ils fournissent habituellement des services analogues et qui viennent exercer leur activité en France, par la voie de la prestation de services, à titre temporaire et indépendant (C. trav., art. L. 7121-5 N° Lexbase : L3106H9W).

2 - Mannequins

A l'image des artistes, la législateur est intervenu pour définir ce que recouvre la catégorie "mannequin". Toute personne qui est chargée : soit de présenter au public, directement ou indirectement par reproduction de son image sur tout support visuel ou audiovisuel, un produit, un service ou un message publicitaire ; soit de poser comme modèle, avec ou sans utilisation ultérieure de son image (C. trav., art. L. 7123-2 N° Lexbase : L3214H9W).

Là aussi, la législateur a posé une présomption : tout contrat par lequel une personne s'assure, moyennant rémunération, le concours d'un mannequin est présumé être un contrat de travail (C. trav., art. L. 7123-3 N° Lexbase : L3216H9Y).

Là encore, le législateur a fixé un régime juridique de la présomption :

- la présomption de l'existence d'un contrat de travail subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée au contrat par les parties (C. trav., art. L. 7123-4 N° Lexbase : L3218H93) ;

- elle n'est pas détruite par la preuve que le mannequin conserve une entière liberté d'action pour l'exécution de son travail de présentation (C. trav., art. L. 7123-4) ;

- la présomption de salariat ne s'applique pas aux mannequins reconnus comme prestataires de services établis dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen où ils fournissent habituellement des services analogues et qui viennent exercer leur activité en France, par la voie de la prestation de services, à titre temporaire et indépendant (C. trav., art. L. 7123-4-1 N° Lexbase : L8708IP9).

B - Conséquences attachées à la présomption de salariat

1 - Effets de la présomption de salariat

Le législateur a dressé une liste de professions qui, par l'effet d'une certaine fiction, sont considérées comme devant être affiliés en tant que salariés, même s'ils ne sont pas occupés dans l'établissement de l'employeur ou du chef d'entreprise, même s'ils possèdent tout ou partie de l'outillage nécessaire à leur travail et même s'ils sont rétribués en totalité ou en partie à l'aide de pourboires (CSS, art. L. 311-3 N° Lexbase : L2976IQB). Le législateur a repéré un ensemble de personnes qui rentrent dans ces prévisions, parmi lesquelles, les artistes du spectacle et les mannequins auxquels sont reconnues applicables les dispositions des articles L. 762-1 (N° Lexbase : L5801H9Q) et suivants anciens du Code du travail (devenus art. L. 7121-3), s'agissant des artistes et des articles L. 763-1 (N° Lexbase : L6817ACH) et suivants anciens du Code du travail (devenu les articles L. 7123-2 et suivants), s'agissant des mannequins.

2 - Fiscalité applicable au salaire

- Artistes chanteurs : l'article 2 de la loi n° 69-1186 du 26 décembre 1969, relative à la situation juridique des artistes du spectacle et des mannequins (N° Lexbase : L7313IEL), doit, eu égard à la généralité de ses termes, recevoir application en matière fiscale, notamment pour la qualification, au regard des différentes catégories de revenus définies par le Code général des impôts, des rémunérations perçues par les artistes à raison de l'enregistrement de leurs interprétations.

Le Conseil d'Etat en a tiré la conséquence qu'une distinction doit être opérée entre les sommes destinées à rémunérer les heures pendant lesquelles l'artiste fait enregistrer ses interprétations et les sommes qui lui sont dues au titre de l'exploitation des enregistrements. Seules les premières, qui rémunèrent une prestation pour laquelle la présence physique de l'artiste est indispensable doivent être classées, pour l'établissement de l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des traitements et salaires (3).

- Comédien : le juge administratif veille aux montages juridiques et financiers entre les comédiens, les diverses sociétés de production cinématographique et les sociétés en participation en vue de la production de films (4).

II - Appréciation judiciaire de la présomption

A - Appréciation de la présomption de salariat des artistes et mannequins

1 - Présomption de salariat des artistes

La liste des professions énumérées à l'article L. 762-1 du Code du travail n'était pas limitative, la Cour de cassation a considéré comme artistes ou mannequins salariés :

- une personne chargée, lors d'un spectacle, de fournir la sonorisation et l'éclairage en liaison avec le metteur en scène : son rôle est d'autant plus important qu'elle travaille pour une association de bénévoles, et qu'elle n'est pas un simple exécutant (5) ;

- les metteurs en scène, la décoratrice et la costumière sont des artistes du spectacle. Ils ont été rémunérés pour leur activité. La cour d'appel en a exactement déduit, sans avoir à caractériser l'existence d'un lien de subordination, que, quelque soit le mode et le montant de leur rémunération, le contrat qui les liait à l'association était présumé être un contrat de travail (6) ;

- une personne prêtant sa voix dans une émission de télévision. Pour exclure les animateurs, les présentateurs des émissions télévisées et leurs assistants et les comédiens dits "de voix off", les juges du fond ont retenu que le fait d'annoncer les numéros gagnants ou les sommes gagnées, de divertir le public, de le détendre entre deux émissions, de simuler la réaction des gagnants lors de répétitions ou "l'habitude particulière de faire tournoyer le micro en entrant dans le plateau" constituent des gestes répétitifs ou l'expression achevée d'un présentateur aguerri, qui ne traduisent pas une création singulière, personnelle, risquée, fruit de dons ou aboutissement de solides études artistiques ou rendue possible par le travail, l'expérience ou la séduction, insusceptible d'être reprise par un tiers sinon à titre d'imitation (sic). Au contraire, pour la Cour de cassation, la participation artistique n'implique pas nécessairement l'originalité. Les intéressés, en l'espèce, se livraient par la voix ou le geste à un jeu de scène impliquant une interprétation personnelle. En effet, doivent être qualifiés d'artistes du spectacle les personnes participant à une manifestation destinée à un public et faisant appel à leur talent personnel (7) ;

- les participants à une émission de téléréalité (8). En l'espèce, les participants avaient l'obligation de prendre part aux différentes activités et réunions ; ils devaient suivre les règles du programme définies unilatéralement par le producteur ; ils étaient orientés dans l'analyse de leur conduite ; certaines scènes étaient répétées pour valoriser des moments essentiels ; les heures de réveil et de sommeil étaient fixées par la production ; le règlement leur imposait une disponibilité permanente, avec interdiction de sortir du site et de communiquer avec l'extérieur, et stipulait que toute infraction aux obligations contractuelles pourrait être sanctionnée par le renvoi. La cour d'appel a pu caractériser l'existence d'une prestation de travail exécutée sous la subordination de la société G., et ayant pour objet la production d'une "série télévisée", prestation consistant pour les participants, pendant un temps et dans un lieu sans rapport avec le déroulement habituel de leur vie personnelle, à prendre part à des activités imposées et à exprimer des réactions attendues, ce qui la distingue du seul enregistrement de leur vie quotidienne. On aura, bien sûr, reconnu les arrêts "Ile de la tentation".

2 - Présomption de salariat des mannequins

La Cour de cassation s'est prononcée, dans un arrêt "Johnny Hallyday", rendu en 2010. Aux termes du protocole d'accord, Johnny Hallyday a autorisé la société à utiliser son nom, sa signature et sa photo des quadri-packs de café prestige dans le cadre d'une opération, moyennant une rémunération de 167 694 euros hors taxe. La qualification du contrat doit s'envisager au regard de l'ensemble des éléments de l'engagement souscrit qui comporte non seulement l'autorisation d'utiliser l'image de Johnny Hallyday mais également sa signature et son nom de scène, de telle sorte que l'intéressé a fait bénéficier le produit distribué par la société de sa notoriété pour favoriser sa promotion et sa vente. Ce faisant, Johnny Hallyday n'a pas entendu se soumettre aux pouvoirs de direction de la société, la convention ayant pour objet de prévoir strictement les conditions de la promotion dans un temps limité et à des conditions précisées au contrat de nature à prévenir une utilisation non souhaitée par l'artiste. Mais pour la Cour de cassation, la décision des juges du fond repose sur des motifs impropres à détruire la présomption de salaire qui s'attache à la rémunération versée par la société à l'intéressé alors qu'il résultait de ses constatations que le contrat avait pour objet une activité de mannequin (9).

B - Appréciation de la présomption de salariat des sportifs

Le droit européen est fixé depuis 1995 : les joueurs de football sont considérés comme des salariés ordinaires (CJCE, 15 décembre 1995, aff. C-415/93 N° Lexbase : A7546AHX). Le droit interne s'est aligné sur cette solution.

1 - Les sportifs, en compétition

- Joueur de rugby. La jurisprudence est constante, la Cour de cassation rappelant que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs. Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné (10).

En l'espèce, la cour d'appel avait décidé que la convention liant les parties est une convention de défraiement et non un contrat de travail. La mention dans la convention de l'obligation faite aux joueurs de participer aux rencontres sportives, de s'entraîner conformément aux directives données par l'encadrement, de respecter une certaine hygiène de vie, ainsi que le règlement du club ne caractérisent pas, à elle seule, l'existence d'un lien de subordination dans la mesure où ces consignes sont inhérentes à la pratique du rugby et entrent uniquement dans le cadre d'un simple rapport d'autorité sportif, indispensable à la poursuite d'un sport collectif et à l'organisation des matches et entraînements. De plus, les juges du fond ont relevé que M. O. exerçait à temps plein et à titre salarié une activité de chauffeur livreur ce qui constitue un indice de l'absence de lien salarié avec le club sportif. Le joueur, adhérent de l'association, participait à une équipe amateur qui s'entraînait le soir, pendant deux heures, généralement trois fois par semaine.

La Cour de cassation a censuré les juges du fond, pour s'être prononcée par des motifs inopérants tirés de l'exercice d'une activité professionnelle exercée parallèlement, à temps complet, par l'intéressé. En effet, le sportif était tenu, sous peine de sanctions, conformément au règlement interne du club et la charte des droits et des devoirs du joueur de participer aux activités sportives, de suivre les consignes données lors des entraînements et de respecter le règlement du club. De plus, le joueur percevait des sommes en contrepartie du temps passé dans les entraînements et les matches, ce dont il résultait que, nonobstant la qualification conventionnelle de défraiement, elles constituaient la rémunération d'une prestation de travail.

- Joueur de football. La Cour de cassation s'est prononcée à plusieurs reprises. Le lien de subordination a été caractérisé et retenu, dans ces affaires.

Les juges du fond doivent, pour caractériser le lien de subordination existant entre un sportif amateur et un club, rechercher si, étant tenu de respecter le calendrier des entraînements et des matches et les instructions de l'entraîneur, le joueur n'encourt pas une sanction en cas d'inobservation du calendrier ou des directives qui lui sont données. Ils doivent, en outre, s'expliquer sur les frais que doit couvrir l'indemnité mensuelle convenue entre les parties (11). Bref, pour la Cour de cassation, le lien de subordination est bien caractérisé en l'espèce.

Dès lors qu'un joueur n'établit pas avoir signé un engagement dans lequel il déclarait se soumettre sans aucune réserve au règlement intérieur du club et ne pouvait s'abstenir de se présenter à un entraînement ou à un match, ni décider de ses horaires ou de son incorporation dans l'équipe, le lien de subordination vis-à-vis de l'association n'est pas établi selon les juges du fond. Pour la Cour de cassation, au contraire, les juges du fond auraient dû rechercher si le joueur exécutait son travail sous l'autorité d'un employeur qui avait le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné (12).

De même, dans une autre affaire, un joueur recevait une rémunération fixe et mensuelle ; il devait participer aux entraînements et aux matchs, tout retard ou absence étant sanctionné ; il devait respecter les contrats publicitaires et participer à l'encadrement de l'école de football ; il était tenu de répondre à toute convocation et de se plier à la discipline du club. Bref, le joueur se trouvait dans un état de subordination caractéristique du contrat de travail (13).

Dans une autre affaire, pour jouer avec l'équipe première, les joueurs percevaient une rémunération fixe et mensuelle qualifiée d'"honoraires" auxquels s'ajoutaient des primes de match et bénéficiaient d'un logement meublé. Le contrat les liant au club les obligeait à se conformer au règlement intérieur, à respecter les contrats publicitaires et les contrats d'équipement passés par le club ainsi qu'à participer à l'encadrement de l'école de football ; ils ne pouvaient s'abstenir, sans motif légitime, de participer aux entraînements et aux matchs, tout retard ou absence étant sanctionné ; ils étaient tenus de répondre à toute convocation et, de façon générale, de se plier à la discipline du club. Bref, la cour d'appel a pu décider que les joueurs se trouvaient, à l'égard du club, dans un état de subordination caractéristique du contrat de travail (14).

Enfin, le joueur de football qualifié de "joueur promotionnel" qui reçoit en contrepartie de son activité une prime au début de chaque saison ainsi qu'une "indemnité" fixe mensuelle, et qui s'est engagé par contrat à se soumettre au règlement et à la discipline du club et à répondre à toutes les convocations de celui-ci, est vis-à-vis de lui dans un rapport de subordination quelle que soit la dénomination qui lui a été donnée et peu important qu'il exerce ou non une autre activité salariée (15).

Mais ne sont pas salariés :

- les arbitres. Le contrôle incombant aux arbitres au cours des matchs de football implique une totale indépendance dans l'exercice de leur mission. Le pouvoir disciplinaire, que la FFF exerce, à l'égard des arbitres au même titre qu'à l'égard de tous ses licenciés, dans le cadre des prérogatives de puissance publique qui lui sont déléguées, n'était pas assimilable à celui dont dispose un employeur sur son personnel. Aussi, ils ne sont pas liés à la FFF par un lien de subordination (16).

- les joueurs de football mis à disposition de leur club auprès de la FFF. Les juges du fond avançaient cette solution : dirigeant et contrôlant l'activité des joueurs pendant le temps de leur mise à disposition, la FFF exerce sur eux un pouvoir disciplinaire, tout manquement à leurs obligations exposant ces joueurs à des sanctions pouvant notamment les conduire à se voir écartés d'une prochaine sélection ou relégués dans un poste de remplaçant. La Cour de cassation a estimé, au contraire, que ces motifs, impropres à caractériser un pouvoir de direction, de contrôle et de sanction de la FFF à l'égard des joueurs mis à sa disposition par les clubs dont ils sont salariés (17).

2 - Les sportifs, hors compétition

Les arrêts rendus par la Cour de cassation, comme ceux du Conseil d'Etat, vont tous dans le sens d'une caractérisation du contrat de travail, s'agissant de cyclistes, joueurs de football ou boxeurs.

Cyclistes. En l'espèce, dans l'arrêt étudié, à la suite d'un contrôle, l'URSSAF du Cantal a notifié à une association sportive un redressement portant sur les sommes versées aux cyclistes ayant participé en 2006, 2007 et 2008 à une manifestation organisée par cette association. Contestant l'existence d'un lien de subordination entre elle-même et ces cyclistes, l'association a saisi une juridiction de Sécurité sociale. Les juges du fond ont constaté qu'aucun contrat de travail n'avait été signé ; le cachet a été payé à chaque cycliste sur facture dite "prestation de service" ; les intéressés se présentaient avec leur propre matériel ; ils étaient libres dans l'exécution de leur prestation ; ils effectuaient le nombre de tours qu'ils désiraient ; aucune performance n'était demandée. La cour d'appel en a tiré comme conséquence que ces coureurs cyclistes ne réalisaient pas un travail commandé par l'association, qu'ils n'agissaient pas sous son autorité, et qu'il n'y a pas lieu dès lors à leur assujettissement.

L'analyse de la Cour de cassation diverge profondément. La Cour de cassation retient le lien de subordination, sur le fondement de ces différents éléments :

- le travail a été exécuté à la demande de l'association, moyennant le versement direct aux cyclistes d'une somme d'argent, lors d'une exhibition à caractère sportif sans compétition, assimilable à un spectacle ;

- la présence sur les lieux, ainsi que l'exhibition qui était demandée aux cyclistes contre rémunération, caractérisaient le lien de subordination ;

- il importe peu de constater la liberté qui leur était laissée et le fait que ces coureurs cyclistes utilisaient leur propre matériel ;

- ces personnes n'étaient pas affiliées à une caisse de travailleurs indépendants, ce qui ne permettait pas d'écarter la présomption de salariat.

La même solution a été retenue par le Conseil par un arrêt quelques années plus tôt, en 1988 (18). Les dispositions de l'article L. 762-1 ancien du Code du travail (N° Lexbase : L5801H9Q) ne définissent pas de manière limitative les artistes du spectacle. Le législateur n'a imposé aucun aspect culturel particulier à l'activité déployée par ceux-ci. Aussi, ce régime de présomption de salariat s'applique aux cyclistes engagés dans des courses où les coureurs professionnels sont rémunérés pour leur participation. La présomption qu'elles édictent n'implique pas la constatation de l'existence d'un lien de subordination entre l'employeur de spectacle et la personne qui se produit. Au final, le Conseil d'Etat tire la conclusion que les rémunérations perçues par des coureurs cyclistes doivent être classées, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des traitements et salaires définie par le CGI et, en l'espèce, l'administration ne se prévaut d'aucune circonstance propre à détruire la présomption édictée par la loi.

Joueur de football. Dans le même sens, la Cour de cassation a admis que en contrepartie des prestations qu'ils fournissaient à leur club, les joueurs "promotionnels" de football percevaient, outre des primes variables, une rémunération mensuelle fixe. Ils étaient tenus d'observer les instructions qui leur étaient données par un club, notamment en ce qui concerne les horaires de travail, la discipline du club, les contrats publicitaires et d'équipement et l'encadrement de l'école de formation sportive. Enfin, en cas de retards ou d'absences injustifiés, ils encouraient des sanctions. Aussi, les intéressés se trouvaient placés sous la subordination du club auquel ils étaient liés par un contrat de travail, de telle sorte que leur rémunération était soumise aux cotisations de Sécurité sociale, du FNAL et du versement de transport (19).

Boxeur. Une société organisait des soirées au cours desquelles étaient retransmis des combats de boxe mettant en jeu un titre de championnat. Les boxeurs n'étaient pas inscrits au registre du commerce et participaient bien à l'organisation d'exhibitions, notion incluant en l'espèce celle de performance. Aussi, les juges ont conclu à l'organisation de spectacles au sens de l'article L. 311-3, alinéa 15 du Code de la Sécurité sociale. Les boxeurs intéressés devaient être assujettis au régime général de la Sécurité sociale (20).

Joueur de tennis. La même solution a été retenue par le Conseil d'Etat par un arrêt rendu en 2011 (21). Eu égard à la généralité de leurs termes qui ne définissent pas de manière limitative les artistes du spectacle et n'imposent aucun aspect culturel particulier à l'activité déployée par ceux-ci, la présomption de contrat de travail pour tout contrat par lequel une personne s'assure, moyennant rémunération, le concours d'un artiste du spectacle en vue de sa production, s'applicable aux joueurs de tennis professionnels engagés dans des tournois du type de ceux que la Fédération française de tennis organise. Le Conseil d'Etat en a tiré la conséquence que les gains perçus par ces joueurs soient classés pour l'assiette de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires. Cette présomption ne suppose pas la constatation de l'existence d'un lien de subordination entre l'entrepreneur de spectacles et la personne qui se produit et n'exige pas que le contrat conclu en vue de sa production soit passé directement avec elle, ni que la rémunération lui soit versée directement par l'entrepreneur de spectacles.


(1) V. les compte-rendu de G. Singer, Les nouveaux défis du contrat de travail, Lexbase Hebdo n° 435 du 7 avril 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N9604BR7).
(2) V. les obs. de G. Auzero, La qualification de footballeur professionnel, note sous Cass. soc., 12 décembre 2012, n° 11-14.823, FS-P+B (N° Lexbase : A1097IZN), Lexbase Hebdo n° 511 du 10 janvier 2013 - édition sociale (N° Lexbase : N5142BTM) ; J. Barthélémy, Le contrat du sportif, JCP éd. S, 2008, 1430 ; F. Buy, J.-M. Marmayou, D. Poracchia, F. Rizzo, Droit du sport, LGDJ, 3ème édition, 2012 ; G. Simon, C. Chaussard, P. Icard, D. Jacotot, Ch. de La Mardière, V. Thomas, Droit du sport, Thémis droit, 2012 ; J.-P. Karaquillo, Sportif = artiste, une assimilation inappropriée, Jurisport, 2011 ; J. Scavello, Le contrat de travail du footballeur, Dr. soc., 2007, p. 83 ; F. Girard de Barros, Les Bleus versus les Urssaf : match retour 1-0, Lexbase Hebdo n° 336 du 5 février 2009 - La lettre juridique (N° Lexbase : N4816BI9).
(3) CE, 8° et 9° s-s-r., 28 novembre 1980, n° 17049 (N° Lexbase : A9543B8X), Rec., 1980, p. 450 ; Dr. fisc., 1981, n° 45, comm. 1993, concl. P. Lobry ; RJF, février 1981, n° 124.
(4) CE, 7°,8° et 9° s-s-r., 26 juillet 1985, n° 34071 (N° Lexbase : A2856AMQ), Dr. fisc., 1986, n° 13, com. 643, concl. O. Fouquet ; RJF, octobre 1985, n° 1332.
(5) Cass. soc., 8 juillet 1999, n° 97-14.487, publié (N° Lexbase : A8108AGE), Bull. civ. V, n° 339 p. 246.
(6) Cass. soc., 8 juillet 1999, n° 97-14.487, publié, préc..
(7) Cass. civ. 2, 14 décembre 2004, n° 03-30.387, F-D (N° Lexbase : A2205EYC).
(8) CA Paris, 18ème ch., sect. D, 12 février 2008, 3 arrêts, n° 07/02721 (N° Lexbase : A0261D7S), n° 07/02722 (N° Lexbase : A0260D7R) et n° 07/02723 (N° Lexbase : A0250D7E). Voir les obs. de S. Tournaux, Les candidats salariés de "l'Ile de la tentation", Lexbase Hebdo n° 296 du 12 mars 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N3805BEN) et Questions à Maître Jérémie Assous : quand la télé-réalité devient fiction... elle doit être soumise au Code du travail, Lexbase Hebdo n° 334 du 21 janvier 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N3536BIS) ; J. Barthélémy, Qualification de l'activité du participant à une émission de téléréalité, SSL, n° 1382, p. 8 ; P.-Y. Verkindt, Prendre le travail (et le contrat de travail) au sérieux, JCP éd. S, 2009, act. 41 ; Cass. soc., 3 juin 2009, n° 08-40.981, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A5653EHT), v. les obs. de Ch. Radé, TF1 production pris à son propre jeu ! (à propos de la requalification des contrats des participants à l'émission de télévision "L'Ile de la tentation"), Lexbase Hebdo n° 355 du 18 juin 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N6564BKC).
(9) Cass. civ. 2, 3 juin 2010, n° 09-15.496, F-D (N° Lexbase : A2205EYC).
(10) Cass. soc., 28 avril 2011, n° 10-15.573, F-P+B (N° Lexbase : A5364HPD), Bull. civ. V, n° 100, RDT, 2011, p. 370, obs. G. Auzero ; C. Puigelier, Rugby et salariat, JCP éd. S, n° 30, 26 juillet 2011, 1362 ; v. les obs. de G. Singer, Participer à des matchs de rugby est (toujours ?) un travail, Lexbase Hebdo n° 441 du 26 mai 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N3006BS7).
(11) Cass. soc., 14 juin 2006, n° 04-46.795, F-D (N° Lexbase : A9462DP7), JCP éd. S, 2006, 1665, note D. Jacotot. La cour d'appel avait décidé que les parties n'étaient pas liées par un contrat de travail.
(12) Cass. soc., 25 février 1998, n° 95-45.286, inédit (N° Lexbase : A9777CZ7).
(13) Cass. soc., 23 mai 1995, n° 92-40.968, inédit (N° Lexbase : A1291CZT).
(14) Cass. soc., 30 mars 1993, n° 91-40.898, inédit (N° Lexbase : A3366C7S).
(15) Cass. soc., 14 juin 1979, n° 77-41305, publié (N° Lexbase : A7026IZA).
(16) Cass. civ. 2, 22 janvier 2009, n° 07-19.039, FS-P+B (N° Lexbase : A6384ECG), Bull. civ. II, n° 27 ; v. les obs. de G. Auzero, Les joueurs de l'Equipe de France ne sont pas subordonnés à la Fédération française de football, Lexbase Hebdo n° 336 du 5 février 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N4777BIR).
(17) Cass. civ. 2, 22 janvier 2009, n° 07-19.039, FS-P+B, préc..
(18) CE, contentieux, 8 juillet 1988, n° 60731 (N° Lexbase : A6751APQ) Rec. CE, 1988, tables p. 760 ; Dr. fisc., 1988, n° 44, com. 2012, concl. B. Martin Laprade ; RJF, octobre 1988, n° 1155.
(19) Cass. soc., 2 juin 1994, n° 91-18176, inédit (N° Lexbase : A3070AUA).
(20) Cass. soc., 6 mars 2003, n° 01-21.323, inédit (N° Lexbase : A3739A7M).
(21) CE 3° et 8° s-s-r., 22 juin 2011, n° 319240, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3498HU4), Dr. fisc., 2011, n° 44, com. 569, Imposition dans la catégorie des traitements et salaires des gains d'un joueur de tennis professionnel versés à un intermédiaire ; Rev. adm., 2011, p 503, note O. Fouquet ; F. Le Mentec, JCP éd. G, n° 26, 25 juin 2012, doctr. 779, chronique Droit du sport.

Décision

Cass. civ. 2, 28 mars 2013, n° 12-13527, F-P+B (N° Lexbase : A2636KBA)

Cassation, CA Riom, 6 décembre 2011, n° 10/02886 (N° Lexbase : A2951H43)

Textes concernés : CSS, art. L. 311-3, alinéa 15 (N° Lexbase : L2976IQB), C. trav., art. L. 7121-1 (N° Lexbase : L3098H9M) et s., art. L. 7123-2 (N° Lexbase : L3214H9W) et s. et art. L. 7123-6 (N° Lexbase : L3224H9B)

Mots-clés : affiliation, sportif, cycliste, participation à une exhibition sportive, absence de compétition, présomption de salariat, présomption pour les artistes du spectacle, présomption pour les mannequins, affiliation au régime général de la Sécurité sociale

Liens base : (N° Lexbase : E1271EUM)

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