Lexbase Droit privé - Archive n°530 du 6 juin 2013 : Copropriété

[Evénement] Le contexte des travaux et l'organisation du chantier

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par Michel Simonnot, Architecte DPLG, Expert judiciaire près de la cour d'appel de Paris et Jean-Marc Albert, Avocat à la cour d'appel de Paris

le 06 Juin 2013

L'Association Justice-Construction, présidée par Fabrice Jacomet, dont l'objet essentiel est de favoriser une meilleure imprégnation des contraintes réciproques entre les acteurs du droit immobilier, organisait un colloque qui se tenait le 14 février 2013, à la première chambre de la cour d'appel de Paris, sur le thème "Les travaux dans la copropriété". Lexbase Hebdo - édition privée vous propose de retrouver ici la retranscription in extenso des interventions de M. Michel Simonnot, Architecte DPLG, Expert judiciaire près de la cour d'appel de Paris et de Maître Jean-Marc Albert, Avocat à la cour d'appel de Paris, qui traitaient du contexte des travaux et de l'organisation du chantier, dans laquelle nous nous sommes simplement permis de préciser les références textuelles et jurisprudentielles citées. Les propos exprimés n'engagent que leur auteur

I - Intervention de Michel Simonnot, Architecte DPLG, Expert judiciaire près de la cour d'appel de Paris

"Il m'a donc été demandé de traiter le contexte des travaux lors de la direction du chantier concernant les travaux en copropriété.

Evidemment ce sujet est tellement vaste que je ne pourrai qu'effleurer à partir de quelques cas concrets des principaux domaines où se croisent les problèmes techniques, les problèmes juridiques qui sont bien d'ailleurs l'objet de notre association Justice Construction.

Il convient tout d'abord de distinguer les travaux concernant les parties communes et ceux concernant les parties privatives.

1. Les parties privatives

Concernant ces parties privatives, il convient de rappeler que le syndic et éventuellement l'architecte conseil du syndicat des propriétaires ont un droit de regard sur ces travaux même si, en général, les règlements de copropriété autorisent un copropriétaire à réaliser dans son appartement tous les travaux qu'il juge utiles ou nécessaires, sous réserve que ces travaux ne nuisent pas à la copropriété.

Il n'empêche qu'il convient de vérifier leur incidence qui n'est pas toujours évidente pour un particulier a priori ignorant en la matière.

Tout d'abord, il est absolument indispensable que soit dressé un constat contradictoire des appartements avoisinants, soit par un huissier de justice, soit par l'architecte conseil du syndicat des propriétaires car ces travaux peuvent avoir une incidence importante sur les avoisinants.

Il y a souvent le problème des cloisons qu'on supprime sans précaution alors que très souvent dans les immeubles anciens ces cloisons sont en charge suite à des affaissements de plancher ou divers travaux qui ont été exécutés au cours des temps.

Autre exemple, très souvent les propriétaires modifient l'emplacement des pièces humides et des pièces sèches, alors qu'en général dans les immeubles les salles de bains sont à l'aplomb à tous les niveaux ainsi que la cuisine. Dès lors qu'on change l'affectation de certaines pièces, il peut y avoir des problèmes importants, notamment d'acoustique.

Autre exemple : des plafonds dégarnis pour laisser les poutres apparentes, alors que ces poutres n'ont jamais été faites pour être apparentes. Le nombre de désordres qui en découlent, notamment la suppression des plafonds peut avoir une incidence sur la résistance de ces planchers, ainsi qu'il peut y avoir également des incidences sur les nuisances sonores, parce qu'il n'y a plus du tout d'isolation acoustique assurée par les anciens plafonds, notamment dans les immeubles anciens. Il y a des plafonds très souvent de plâtre fixé sur le Bacula d'une épaisseur très souvent de cinq centimètres donc qui assure une très bonne isolation thermique.

Autre exemple également des chambres de service transformées en studio d'où acrobatie de plomberie pour rejoindre les collecteurs d'eaux usées situés très souvent à l'autre bout de l'immeuble.

On a vu évidemment des propriétaires déverser des eaux usées dans les chéneaux, ce qui est une catastrophe, et j'ai vu pire encore, des eaux usées rejetées dans les collecteurs d'eau ménagère qui sont réservés aux cuisines, excusez-moi, j'ai vu de visu des matières fécales remonter dans les éviers, ce qui n'est pas très agréable.

Pour en terminer sur les parties privatives, il convient de mettre en garde également les copropriétaires sur certains architectes d'intérieur, qui n'ont pas les mêmes règles déontologiques que les architectes. N'importe qui peut se dire architecte d'intérieur.

La plupart du temps, ces architectes d'intérieur ont leurs entreprises, donc se servent doublement d'une part en honoraires, d'autre part sur les entreprises, ce qui est tout à fait contraire aux règles déontologiques des architectes et ce qui pose un préjudice vis-à-vis de la profession.

2. Les parties communes

Il convient de distinguer les travaux d'urgence et les travaux faisant l'objet d'un vote de l'assemblée générale des copropriétaires.

2.1. Les travaux faisant l'objet d'un vote de l'assemblée générale

Il convient de rappeler qu'il est du devoir du syndic de recommander lors du vote des travaux l'intervention d'un architecte. Le syndic n'a aucune compétence pour assurer la maîtrise d'oeuvre des travaux.

A défaut le syndic va tenir le rôle du maître d'oeuvre, mais quelle qualification a-t-il pour remplir cette mission ?

Il y a également l'exemple du syndic qui est également architecte. Je ne pense pas que ce soit très souhaitable pour l'indépendance de cette deuxième casquette d'architecte.

Le syndic devra également demander aux copropriétaires quelles sont les entreprises qu'ils désirent consulter. En effet, très souvent lors d'une assemblée de copropriétaires, l'architecte, conseil du syndicat, se fait doubler par un copropriétaire qui, au dernier moment d'une assemblée, va présenter des devis.

Evidemment, il s'est servi des devis qui ont été joints à la convocation et a trouvé tartempion pour trouver une entreprise moins chère. C'est trop facile. Le syndic doit demander au cours de l'Assemblée quelles sont les entreprises qu'ils veulent consulter.

Egalement il y a le problème de l'architecte, conseil du syndicat des propriétaires, qui se trouve dans une situation très difficile pour recommander certains travaux, notamment une couverture.

A partir de quand une couverture doit-elle être rénovée ?

On va accuser l'architecte d'être au pourcentage et de pousser à la dépense, donc c'est très délicat pour l'architecte conseil.

Vient ensuite le problème de financement des travaux. Il y a le respect des deux mois légaux après l'envoi du compte rendu de l'assemblée générale, mais quid du financement lorsqu'un copropriétaire est défaillant en cours de travaux ?

Ce problème de financement est encore plus ardu lorsqu'il s'agit de travaux urgents.

2.2. Les travaux urgents

Quelles sont les obligations du syndic lorsque qu'il y a péril en la demeure ? Comment se financeront ces travaux ?

C'est pour cela qu'il est important de prévoir dans le budget d'un syndicat de copropriétaires d'une part le montant des travaux que peut engager le conseil syndical, et d'autre part le montant des travaux que peut engager le syndic lui-même sans recourir à une assemblée générale.

Dans les autres cas ils doivent convoquer une assemblée générale extraordinaire.

Enfin en guise de conclusion, il serait bon que tout immeuble fasse l'objet d'un audit de l'architecte conseil du syndicat des copropriétaires pour établir par ordre d'urgence les travaux nécessaires à la bonne conservation de l'immeuble, ainsi qu'un cahier des charges pour les travaux d'entretien courant.

Là, j'ai d'autres exemples à évoquer, c'est le contrôle des canalisations d'assainissement qui sont souvent enterrées dans le sous-sol. J'ai eu le cas de conséquences dramatiques parce que ces canalisations fuyaient et cela attaquait les fondations de l'immeuble, par la création de fontis.

Est-ce que ces fontis étaient consécutifs aux fuites ou est-ce ces fuites qui étaient consécutives aux fontis ? C'est l'histoire de l'oeuf et de la poule. Il est important de vérifier les canalisations d'assainissement pour éviter des travaux très importants.

Nonobstant le problème que posent souvent les règlements de copropriété en raison de leur manque de précision sur les obligations de chacun. On prend souvent l'exemple du plancher. Qu'est-ce qu'on entend par plancher ? Est-ce que c'est le gros oeuvre entre deux niveaux ou simplement le parquet ? Là-dessus il y a de mauvaises interprétations évidemment qui peuvent être très néfastes.

Je terminerai par un problème personnel. Je suis privé de cheminée depuis le début de l'hiver alors que je m'en sers depuis 30 ans. Un copropriétaire s'est plaint de ce que le conduit de fuyard était enfumé, d'après le règlement de copropriété les conduits de fumée sont partis communes en ce sens que les gaines et coffres sont indiqués parmi les parties communes.

C'est en contradiction avec un autre article du même règlement qui stipule que sont parties communes les parties qui ne sont pas affectées à l'usage exclusif d'un copropriétaire déterminé donc contraction dans ce même règlement.

S'ensuit un problème important puisque le chemisage de ce conduit se monte à 4 000 euros -le chemisage est important c'est ce qui explique le montant important de ces travaux-.

A partir de ces quelques exemples j'espère que j'ai pu poser quelques problèmes que Maître Albert va peut-être reprendre sur le plan juridique".

II - Intervention de Maître Jean-Marc Albert, Avocat à la cour d'appel de Paris

"La réflexion concernant le contexte des travaux et l'organisation du chantier que vient d'ouvrir M. Simonnot, expert judiciaire, architecte doté d'une grande expérience, fait apparaître immédiatement la nécessité d'intervenants, d'acteurs qualifiés afin de préparer et de mettre en oeuvre des travaux qui seront choisis et qui doivent être déterminés.

Avec l'expérience, il apparaît en effet que ce sont seules les analyses préalables, les diagnostics, toutes les précisions techniques relatives aux travaux, à leur nature, à leur importance, à leur nécessité ou pas, à leur coût, à leur délai qui vont permettre de déterminer la qualification juridique puis les conditions de leur réalisation.

C'est donc ici souligner immédiatement le rôle des professionnels qualifiés que sont outre le syndic de copropriété, l'architecte, mais les bureaux d'études qui vont être chargés d'éclairer ceux qui décideront et qui paieront, les copropriétaires.

D'où l'intérêt d'évoquer et ce sera mon cheminement, d'une part, quelles sont les sources des travaux dans une copropriété, et, d'autre part, les moyens pour les exécuter.

1. Les sources des divers travaux

C'est un raisonnement que j'ai adopté, il vaut ce qu'il vaut, c'est ma classification, je la présente telle quelle. J'ai voulu distinguer, d'une part, les travaux imposés et, d'autre part, les travaux proposés. On verra les travaux demandés.

1.1. Les travaux imposés à une copropriété

Evidemment ils impactent les parties communes comme cela a déjà été évoqué, ceci peut également, subséquemment impacter les parties privatives.

1.1.1. Les travaux imposés par les règlements ou autorités administratives

A titre d'exemples, je survole les travaux imposés :

- ce seront les mises aux normes des ascenseurs ;
- les travaux d'économie d'énergie ou de réduction des émissions de gaz à effet de serre qui seront le prolongement des lois "Grenelle", notamment de la loi "Grenelle II" (loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 N° Lexbase : L7066IMN), mais je laisserai le prochain intervenant développer cet aspect ;
- ce seront les canalisations en plomb qui vont être supprimées, ces opérations de repérage de l'amiante ;
- ce pourra être également le ravalement qui est imposé par le maire ;
- et cela a été évoqué également, dans un futur proche, ce seront les règles qui résultent de la loi "PMR", loi relative aux personnes à mobilité réduite (loi n° 2005-102 N° Lexbase : L5228G7R), c'est-à-dire toutes les mesures qui vont devoir s'appliquer pour les handicapés.

1.1.2. Les travaux imposés par l'urgence

Il a été rappelé tout à l'heure qu'au terme de l'article 18 de la loi de 1965 (N° Lexbase : L4813AHQ), il s'agit des travaux qui sont nécessaires à la sauvegarde de l'immeuble. Citons à titre d'exemple les canalisations qui fuient, un défaut d'étanchéité d'une terrasse ou des premières mesures à prendre après un incendie et toutes les règles qui interviennent pour l'exécution de ces travaux seront évoquées plus tard dans cette journée.

1.1.3. Les travaux imposés par les obligations du syndic de pourvoir à la conservation, à la garde et à l'entretien de l'immeuble

J'ai classé dans cette catégorie tout ce qui me paraît imposé par les obligations du syndic en application de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965, qui impose au syndic de pourvoir à la conservation, à la garde et à l'entretien de l'immeuble.

En effet, le syndic doit surveiller l'immeuble et initier les travaux nécessaires. Citons, à titre d'exemple, le ravalement qui n'est pas imposé par l'administration, mais qui est nécessaire à l'entretien de l'immeuble. Ce sont les travaux de maintenance de l'ascenseur, les peintures d'une cage d'escalier, les travaux de plomberie.

Je l'ai vu récemment également, ce sont des travaux qui, là, impactent les parties privatives. Pour des raisons de sécurité il faut changer tous les gardes corps d'un immeuble. Enfin, j'ai classé, là aussi arbitrairement, dans cette catégorie, les décisions de faire réaliser un diagnostic ou un audit d'un immeuble par un architecte.

Je voudrais ici évoquer dans le cadre de cette mission du syndic certains compagnons de route du syndic qui sont des documents qui me paraissent absolument nécessaires, que l'on ne voit pas toujours, aussi je voudrais les citer à titre d'information :

- Le carnet d'entretien

Je rappelle que le carnet d'entretien a été instauré par la loi de 2000, la loi "SRU" (loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2001 N° Lexbase : L9087ARY). Cette disposition se trouve intégrée aujourd'hui dans l'article 18, alinéa 1, tiret 3, de la loi de 1965, au terme duquel le syndic est chargé d'établir et de tenir à jour un carnet d'entretien de l'immeuble. Le contenu de ce carnet d'entretien peut être élargi par l'assemblée générale, mais strictement, la loi est fixée par le décret du 30 mai 2001 (décret n° 2001-477 N° Lexbase : L4868IPY), décret d'application de la loi "SRU".

Dans les éléments que doit contenir ce carnet d'entretien on trouve des éléments intéressants pour un syndic et pour les divers intervenants : l'année de la réalisation des travaux importants avec l'identité du locateur d'ouvrage, la référence des contrats d'assurance dommage ouvrage, les contrats d'entretien et de maintenance des équipements connus, l'échéancier du programme pluriannuel de travaux qui peut être décidé par l'assemblée générale, qui prévoit les travaux et l'étalement de leur financement.

- Le diagnostic technique

Il s'agit d'un document obligatoire qui est préalable à la mise en copropriété d'un immeuble construit depuis plus de 15 ans. Il s'agit de l'article 111-6-2 du Code de la construction d'habitation (N° Lexbase : L8934ASP). Certes, le voeu de la loi était de donner une information pour renseigner l'acquéreur. Il n'en demeure pas moins qu'à mon sens, avec le carnet d'entretien, ils sont des documents très utiles pour le syndic.

Je voudrais aussi évoquer deux autres compagnons de route du syndic. Il s'agit des DOE et des DIUO

- Le dossier des ouvrages exécutés (DOE)

Le DOE, dossier des ouvrages exécutés, doit être fourni au maître d'ouvrage par les constructeurs, le maître d'oeuvre, après construction de l'immeuble ou après de gros travaux. L'intérêt du DOE c'est évidemment d'avoir la réalité des travaux exécutés dont on sait qu'ils ne sont pas toujours strictement conformes aux travaux conçus.

- Le dossier des interventions ultérieures sur l'ouvrage (DIUO)

Le DIUO émane d'un personnage sur lequel je reviendrai parce qu'il me paraît extrêmement important à rappeler en ce qui concerne son intervention. Le DIUO c'est donc le dossier des interventions ultérieures sur l'ouvrage. C'est un document qui est établi par le coordonnateur SPS, celui qui est chargé de la santé, de la sécurité, de la protection des travailleurs sur le chantier. Ce document me paraît intéressant dans la mesure où il comprend tous les plans, les notes techniques, toutes les informations relatives à la recherche des matériaux amiante et autres. Surtout c'est un texte du Code du travail, parce que tout ce qui se rapporte au coordonnateur SPS se trouve dans le Code du travail. Il y a un article R. 4532-97 du Code du travail (N° Lexbase : L9674H98) qui prévoit que ce DIUO doit être joint aux actes notariés établis à chaque mutation d'ouvrage et dans le cas d'une copropriété, un exemplaire du dossier est étalement remis au syndic de l'immeuble.

Voici donc ce que j'ai classé dans la catégorie des travaux imposés.

1.2. Les travaux proposés par le syndicat des copropriétaires ou qui font l'objet d'une demande d'autorisation

1.2.1. Les travaux dits d'amélioration

On peut parler d'une installation d'antenne, d'un réseau TV, d'une installation d'un nouvel ascenseur ou d'un ascenseur plus confortable, de l'installation d'une chaudière plus performante. On a évoqué tout à l'heure le changement de système de chauffage collectif en chauffage individuel. Ce peut être un ravalement qui n'est pas imposé par l'administration mais qui dépasse l'entretien courant.

1.2.2. Les travaux de sécurisation de l'accès à l'immeuble ou imposés, tels un interphone, un digicode, etc..

Ce type de travaux peut présenter des difficultés, en particulier quand l'assemblée générale des copropriétaires décide la fermeture totale de l'immeuble en permanence ; là, se pose la question de la compatibilité avec l'exercice d'une activité commerciale ou professionnelle, compatibilité qui est d'ailleurs prévue à l'article 26 e de la loi de 1965 (N° Lexbase : L4826AH9).

Je veux évoquer un litige qui est actuellement pendant devant la huitième chambre du présent tribunal. Il s'agit d'un médecin gynécologue obstétricienne qui demande l'annulation d'une assemblée générale ayant voté à une majorité renforcée la fermeture totale et permanente de l'immeuble avec installation d'un digicode et d'interphone, entraînant l'obligation pour ce médecin qui n'a pas de secrétaire médicale d'interrompre l'examen éventuel et délicat d'une patiente pour aller ouvrir.

1.2.3. Les travaux de surélévation, de construction de nouveaux bâtiments, qui sont des travaux qui peuvent être proposés dans une copropriété.

1.3. Les travaux qui sont envisagés par le copropriétaire

Comme il s'agit d'une intervention dans le cadre de cette journée, je ne rentrerai pas dans le détail. Je rappellerai simplement qu'un copropriétaire peut faire ce qu'il veut dans son lot, tout ce qui est purement privatif, mais évidemment dès lors qu'il s'agit d'affecter les parties communes, voire entraîner une gêne aux autre copropriétaires, il faut une autorisation préalable. Ceci a été rappelé tout à l'heure.

A titre d'exemples, il y a les percements dans un mur porteur, ceux pour réunir deux lots d'une dalle ou d'un plancher, le changement de radiateurs lorsque qu'il s'agit d'un chauffage collectif, celui d'une fenêtre... En fait, tous les travaux qui vont être susceptibles d'affecter l'immeuble, de constituer une gêne pour les autres copropriétaires je le rappelle.

Je voudrais m'attarder sur deux cas qu'on a eu l'occasion de constater à la faveur de diverses affaires judiciaires : le cas du revêtement de sol, soit un copropriétaire qui retire la moquette pour y mettre du parquet ; le cas de la suppression d'une cloison pouvant considérer que cette cloison peut être retirée sans précaution alors que, comme M. Simonnot l'a rappelé tout à l'heure, les architectes le savent bien, une cloison dans le temps peut devenir porteuse avec les effets de tassement d'immeuble, etc..

Voilà donc le contexte dans lequel les travaux se présentent dans une copropriété. Avant leur exécution, évidemment, ces travaux devront être votés par l'assemblée générale des copropriétaires qui va en déterminer le coût, le financement, etc..

Cela m'amène à une deuxième partie de mon intervention.

2. Les acteurs et les moyens qui vont intervenir en vue de l'organisation du chantier

2.1. La préparation et le choix des travaux

C'est important ici de rappeler la nécessité de définir techniquement et précisément les travaux. En premier lieu, cela va de soi, mais je souhaite le rappeler et insister, les copropriétaires qui vont décider et payer ces travaux doivent les accepter ou les refuser d'une manière parfaitement éclairée.

Pour être éclairé, indépendamment de l'intervention du syndic, on voit ainsi l'intérêt de l'intervention de maîtres d'oeuvre compétents, architecte ou bureau d'études spécialisé, pour tout ce qui peut concerner des spécificités techniques.

Mais, on verra souvent que c'est un audit, un diagnostic établi par l'architecte, déterminant l'état de l'immeuble et les travaux à envisager, qui seront la base qui permettra de réfléchir sur les travaux à envisager.

J'indique aussi parce que ce n'est pas toujours le cas, il est bon de rappeler qu'un copropriétaire qui veut obtenir une autorisation de travaux a largement intérêt à se faire assister d'un maître d'oeuvre pour présenter un projet bien ficelé devant l'assemblée.

La nécessité d'être précis c'est que les copropriétaires, pour la plupart, sont des profanes et on voit bien que les travaux ne sont pas toujours simples, à savoir des travaux doivent être impérativement effectués immédiatement alors que d'autres peuvent attendre.

Il y a parfois plusieurs méthodes, il existe des variantes et c'est ce qu'il faut expliquer aux copropriétaires. Ceci est fait par le syndic mais, la plupart du temps, le maître d'oeuvre, souvent l'architecte qui a préparé ces travaux, est fort heureusement présent à l'assemblée générale des copropriétaires pour expliquer ce dont il s'agit.

Cela mérite explication, je voudrais illustrer mon propos par la question qu'on trouve souvent en copropriété, qui est celle des ravalements de façade. Rappelons qu'il existe deux types de ravalement, le ravalement purement esthétique, qui mêle de l'enduit et de la peinture, et le ravalement avec une fonction d'étanchéité, qui peut entraîner piochage des enduits, reprise du support et application de produits adaptés.

Cela a des conséquences. Evidemment en ce qui concerne le ravalement esthétique, il est attirant pour les copropriétaires parce qu'il est moins cher ; toutefois, ce ravalement sera limité dans le temps, et surtout ne constituera pas l'ouvrage, cette notion qui entraîne l'application éventuelle de la garantie décennale.

Le ravalement d'étanchéité en revanche, plus cher certes, entraîne une pérennité des travaux et constituera lui un ouvrage qui entraînera l'application de la garantie décennale sous réserve que les conditions de son application soient réunies.

En indiquant cela, je ne fais que rappeler la jurisprudence consacrée en ce domaine depuis les arrêts du 3 mai 1990 (Cass. civ. 3, 3 mai 1990, n° 88-19.642 N° Lexbase : A4042AH8) et du 4 avril 2002 (Cass. civ. 3, 4 avril 2002, n° 00-13.890, FS-D N° Lexbase : A4279AY7) de la troisième chambre civile de la Cour de cassation, qui a retenu qu'un ravalement est un ouvrage dès lors que les travaux réalisés concourent à l'étanchéité du bâtiment, étanchéité étant différente d'imperméabilisation.

Cette hypothèse aussi est intéressante dans la mesure où la question se pose souvent : est-ce qu'il faut conclure une assurance dommage ouvrage ? Je rappelle ici très rapidement que dès lors que les travaux peuvent entraîner la garantie décennale des constructeurs, l'assurance dommage ouvrage s'impose et qu'elle est toujours obligatoire.

En revanche, évidemment, elle n'a vocation à s'appliquer que lorsqu'il s'agira de dommages de nature décennale et donc, par conséquent, ne doit être souscrite que lorsqu'on peut envisager des dommages de cette nature.

Ce n'est pas toujours le cas, ce n'est pas évident pour le syndic, et je ne sais pas si j'ai le temps, mais je vais citer très rapidement un extrait d'un jugement qui a été rendu le 15 janvier 2013 par la sixième chambre de ce tribunal où précisément la question de la nature du ravalement se posait et de ses conséquences au regard des constructeurs et de leurs assureurs.

Le tribunal relève qu'il s'agit d'un ravalement accompagné de travaux de menuiserie et de plomberie et ensuite pour arriver à la qualification il dit ceci : "en outre, il ressort du rapport d'expertise que tant le maître d'oeuvre que l'entreprise avaient décelé la présence importante d'humidité dans la façade dès l'installation des échafaudages. Dans ce contexte, les travaux de piochage réalisés ont bel et bien consisté à réhabilité l'ensemble des façades en les vidant de leur humidité, les laissant sécher avant de procéder au ravalement proprement dit. Le ravalement litigieux doit donc être considéré comme un ouvrage à part entière".

Le problème c'est qu'évidemment la question de la préparation du diagnostic est importante, mais les travaux avaient commencés sans qu'on envisage un piochage de cette nature. Ce n'est qu'au cours des travaux qu'on l'a envisagé, d'où la difficulté pour le syndic de savoir à l'avance si on va rentrer dans le cadre d'une garantie décennale ou non.

Une petite astuce, un petit conseil qui se fait souvent, il suffit de conclure conventionnellement l'application de la garantie décennale avec les intervenants, ceci se fait de manière générale, notamment lorsqu'il s'agit de travaux de climatisation, de travaux d'aménagement qui représentent un enjeu financier.

J'ai une autre illustration, je ne sais pas si j'ai le temps Monsieur le Président, mais je vais essayer de la placer rapidement. Une illustration de la difficulté parfois qu'ont les copropriétaires pour accorder ou non une autorisation.

Il s'agit là d'un copropriétaire qui est un opérateur de télécommunication, qui répand dans Paris la fibre optique. Il ne s'agit pas ici d'un sujet se rapportant à l'installation de la fibre optique dans un immeuble, mais il s'agit d'un opérateur qui cherchait un local pour abriter l'arrivée de tous les câbles dans plusieurs arrondissements de Paris qui contenaient la fibre optique et il cherchait donc ce local pour pouvoir y installer cela.

Dans une copropriété, cet opérateur achète un local, l'immeuble est à destination d'habitation, de commerce et de bureaux et le local qui est acheté est un local à destination de bureau.

L'opérateur présente un premier projet à la copropriété en demandant à être autorisé non pas en soi à installer ce réseau de raccordement qu'on appelle -il le présente comme cela- NRO, noeud de raccordement optique, mais il demande l'autorisation de faire des percements pour pourvoir passer précisément ces câbles et les faire arriver dans ce local, local dans lequel il fallait installer des armoires diverses pour accueillir ces fibres optiques.

Les copropriétaires voient arriver cette installation avec inquiétude. Il devait y avoir des batteries diverses et autres, et on leur dit : "voilà, on voudrait installer ce NRO". Les copropriétaires demandent à l'opérateur de revoir sa copie, de donner des éléments complémentaires et de revenir lui présenter ce projet. Il n'y a donc pas de vote de résolution, il y a un vote qui décide de surseoir à décider.

L'opérateur retravaille son projet et sentant qu'effectivement il y a une difficulté puisque le local est à usage de bureau alors que ce que l'on présente est quand même extrêmement technique, il va cette fois-ci présenter un projet quasi identique, mais il va en changer la dénomination. Cela ne s'appellera plus NRO, mais un bureau de contrôle des boxes des fibres optiques et il y rajoute pour une partie un service après-vente, en disant : "vous voyez, ce sont des bureaux".

Les copropriétaires sont toujours extrêmement inquiets et pas satisfaits de cette présentation et concomitamment à la deuxième assemblée générale où le projet est présenté il est à nouveau décidé de surseoir à décider cette autorisation, la copropriété initie un référé, saisit le juge en désignation d'un expert afin de savoir ce qu'est ce projet et ce qu'on va rentrer dans la destination de bureau ou autres.

L'expertise judiciaire va se dérouler et concomitamment d'ailleurs, l'opérateur qui n'est pas satisfait va attaquer l'assemblée générale en disant : "une première fois vous n'avez pas voulu décider, une deuxième fois vous ne décidez pas, donc je considère que votre deuxième assemblée est un refus déguisé et donc je demande à l'autorisation judiciaire de faire ces travaux".

L'expert judiciaire fait son travail et va conclure en disant que le projet lui-même est essentiellement un projet de raccordement de ces fibres optiques qui est qualifié, parce qu'il y aura une demande auprès de la mairie de Paris, de Cinaspic, définition du Code de la construction et de l'habitation qui correspond à des constructions et installations nécessaires au service public ou d'intérêt collectif.

L'expert outrepassant peut-être un peu sa mission dira : "pour moi, ce ne sont pas des bureaux" et dira en revanche pour l'autre partie : "les services après-vente sont effectivement des bureaux".

Le tribunal est donc saisi, mais nous n'aurons pas la réponse au fond puisqu'en réalité, dans un jugement récent, le tribunal a considéré que l'action de l'opérateur était irrecevable dans la mesure où la latitude de la copropriété qui, avant de décider, avait été jusqu'à demander la désignation d'un expert judiciaire, le tribunal a considéré que c'était une décision parfaitement légitime, et que, par conséquent, il n'y avait pas de refus déguisé, et qu'il n'y avait donc pas eu de décision de refus de l'assemblée générale. Par conséquent, la demande d'autorisation était irrecevable puisque le préalable c'est qu'il y ait un refus.

Voilà donc pour illustrer mon propos, la difficulté parfois de décider pour des copropriétaires.

2.2. L'exécution des travaux

Celle-ci va évidemment au préalable entraîner des mesures fondamentales, à savoir d'abord pour l'assemblée générale le choix des intervenants. Il va de soi pour moi que dès qu'il s'agit de travaux importants, l'assemblée générale des copropriétaires doit désigner et doit décider de l'intervention d'un maître d'oeuvre qui, au-delà de la conception, devra assurer la direction des travaux, de façon à ce que ceux-ci soient exécutés conformément aux règles de l'art et conformément aux décisions de l'assemblée générale.

La question du choix de l'entreprise et du montant des devis se présente ensuite. Je rappelle qu'il y a des obligations dans la loi de 1965 qui font qu'au-delà d'un certain montant, qui est d'ailleurs décidé par l'assemblée générale, plusieurs devis doivent être présentés aux copropriétaires, mais comme l'a dit M. Simonnot, il y a parfois certaines dérives en ce domaine.

Je pense pour moi que l'intervention d'un maître d'oeuvre, d'un architecte qui conçoit le projet avec un cahier des charges, puis qui procède à un appel d'offres, qui ensuite va faire un résultat de cet appel d'offres et qui va venir devant les copropriétaires pour leur dire : "il y a trois entreprises, je vous conseille de prendre celle-ci qui ne sera pas forcément la moins chère, mais qui paraitra peut-être la plus qualifiée pour faire ces travaux" est à mon sens la meilleure situation pour un choix éclairé des copropriétaires.

L'exécution des travaux fait apparaître évidemment le rôle fondamental du syndic, dont on rappellera qu'au terme de l'article 18 de la loi de 1965, est chargé d'assurer l'exécution des délibérations de l'assemblée générale. C'est donc le syndic qui sera l'interlocuteur de l'architecte et des entreprises et personne d'autre. Il aura donc le rôle de maître d'ouvrage, devra signer les marchés, être présent aux réunions de chantiers, exercer et effectuer la réception.

En amont, pour commencer les travaux, le syndic devra tout mettre en oeuvre pour que les fonds soient disponibles quand il le faut. Il devra donc procéder aux appels de fonds et je ne fais qu'évoquer ici le fait que, comme les travaux coûtent cher, les copropriétaires ont toujours la possibilité, mais le syndic aussi maintenant, soit parce que c'est obligatoire soit parce que c'est bienvenu, de faire organiser le financement de ces travaux.

Si ce financement repose sur plusieurs années, cela peut être dans le cadre d'un plan pluriannuel de travaux ; il existe aussi le fonds spécial qui peut être constitué pour la réalisation de ces travaux.

Avant la réalisation des travaux donc, et je reviens sur ce qui a été évoqué tout à l'heure, il y a des mesures préalables qui sont fondamentales parce qu'on est dans un site occupé, que dans certains cas il va falloir passer chez les copropriétaires... Le syndic devra prévenir, prendre toutes les mesures nécessaires, parfois établir un constat préalable pour éviter toutes difficultés ultérieures.

Malheureusement il peut être parfois obligatoire d'avoir recours au juge parce que le propriétaire refuse par exemple d'enlever son vélo sur une terrasse ou un balcon, ou fait de la résistance. C'est le juge, dans ce cas-là, qui pourra prendre des mesures avec condamnation sous astreinte pour que ces travaux puissent être réalisés.

2.3. Les acteurs des travaux

Je passerai rapidement sur ce point puisqu'il a été abordé précédemment. Au-delà de l'architecte il y a classiquement ceux qui interviennent, l'entreprise, éventuellement un contrôleur technique, surtout s'il s'agit par exemple d'un ascenseur, des bureaux d'études spécialisés, chacun ayant une obligation, obligation qui résulte de son marché, etc..

Je terminerai en mettant en lumière cet intervenant qui me paraît fondamental parce qu'il est chargé précisément de veiller à la sécurité de la santé des travailleurs et les gros travaux dans une copropriété peuvent être source très facilement d'accidents ou autres. Il s'agit du coordonnateur de sécurité et de santé au travail, soit le coordonnateur SPS. Je voudrais rappeler cet article L. 4532-2 du Code du travail (N° Lexbase : L1665H9K) qui prévoit, et c'est pénalement sanctionné, que le maître d'ouvrage doit désigner un coordonnateur SPS dès la conception de l'ouvrage pour tout chantier de bâtiment où sont appelés à intervenir plusieurs travailleurs indépendants ou entreprises, entreprises sous- traitantes incluses.

La jurisprudence de la Cour de cassation prévoit :

- premièrement, que la dérogation de la prendre un coordonnateur SPS qui est prévu pour les particuliers n'est pas applicable à un syndicat des copropriétaires, c'est un arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 11 juillet 2001 (Cass. civ. 3, 11 juillet 2001, n° 00-11.984 N° Lexbase : A2357AUT) ;

- deuxièmement, la Cour de cassation à l'occasion d'une affaire pénale a souligné que l'obligation d'un coordonnateur SPS s'impose dès lors qu'il existe au moins une entreprise et un travailleur indépendant, c'est-à-dire qu'il suffit d'une entreprise et pas seulement une coactivité entre plusieurs entreprises, et l'intervention d'un architecte ou d'un bureau d'études, un ingénieur, un travailleur indépendant pour que le coordonnateur SPS soit obligatoire.

Je rappelle que l'article L. 4744-4 du Code du travail (N° Lexbase : L2000H9X) prévoit une amende de 9 000 euros pour un maître d'ouvrage qui ne désigne pas le coordonnateur ou qui ne lui donne pas l'autorité et les moyens indispensables à l'exercice de sa mission et, qu'en cas de récidive, c'est un emprisonnement d'un an et une amende de 15 000 euros qui sont encourus, outre les peines complémentaires qui peuvent aller jusqu'à l'interdiction d'exercer pendant 5 ans.

Pour terminer sur le coordonnateur SPS, je rappelle que jusqu'à 760 000 euros le maître d'oeuvre peut être désigné comme coordonnateur SPS, mais il doit en avoir les compétences et la formation. Au-delà de ce montant, le coordonnateur doit être une personne physique différente.

Pour conclure on s'aperçoit à l'examen de ces éléments qu'il s'agit de situations extrêmement diverses qui exigent des compétences techniques pour que les copropriétaires décident de manière éclairée.

L'important contentieux évoqué tout à l'heure résulte fréquemment d'imprécisions matérielles ou financières faute d'une préparation suffisante. Gageons que ce colloque participera à une amélioration dans l'organisation de ces travaux".

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