Lexbase Droit privé - Archive n°530 du 6 juin 2013 : Copropriété

[Evénement] L'office du juge

Lecture: 16 min

N7343BT7

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Evénement] L'office du juge. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/8392947-evenement-loffice-du-juge
Copier

par Denise Jaffuel, Conseiller à la cour d'appel de Paris

le 06 Juin 2013

L'Association Justice-Construction, présidée par Fabrice Jacomet, dont l'objet essentiel est de favoriser une meilleure imprégnation des contraintes réciproques entre les acteurs du droit immobilier, organisait un colloque qui se tenait le 14 février 2013, à la première chambre de la cour d'appel de Paris, sur le thème "Les travaux dans la copropriété". Lexbase Hebdo - édition privée vous propose de retrouver ici la retranscription in extenso de l'intervention de Madame Denise Jaffuel, Conseiller à la cour d'appel de Paris, qui traitait de l'office du juge, dans laquelle nous nous sommes simplement permis de préciser les références textuelles et jurisprudentielles citées. Les propos exprimés n'engagent que leur auteur

"La loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 (N° Lexbase : L5536AG7) a institué un statut de la propriété immobilière raffiné et un peu abstrait, au terme duquel chaque copropriétaire a la propriété exclusive des parties privatives comprises dans son lot, lequel lot comprend nécessairement une quote-part des parties communes dont il est propriétaire indivis avec les autres copropriétaires ou certains d'entre eux s'il existe des parties communes spéciales.

Le juge saisi d'un litige de copropriété devra veiller au respect du droit de propriété de chacun des copropriétaires sur ses parties privatives, tel que défini par l'article 544 du Code civil (N° Lexbase : L3118AB4) qui est de valeur constitutionnelle et reconnue par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme, même dans les rapports de droit privé.

Pour ce qui concerne les parties communes, la loi de 1965 a prévu que les décisions se prennent en assemblée générale, selon un mécanisme de démocratie directe.

Le juge devra veiller à respecter la souveraineté de l'assemblée ; respect du droit de propriété et respect de la souveraineté de l'assemblée sont deux notions essentielles, quelquefois un peu oubliées dans les débats passionnels qui opposent les parties au litige qui voudraient amener le juge soit à sacrifier le droit de propriété de l'un au nom de l'intérêt collectif de tous, soit à annuler des décisions de l'assemblée générale au seul motif qu'elles seraient inopportunes.

Certes, dans les années 2000, le législateur a donné aux juges des pouvoirs exorbitants du droit commun, tel que déposséder l'assemblée générale de son pouvoir de décision, transmis à un administrateur provisoire, ou encore ordonner la scission de la copropriété, mais le juge ne peut exercer lesdits pouvoirs que dans le cas particulier des copropriétés en difficulté.

En dehors du cas des copropriétés en difficulté, le législateur a expressément prévu dans les articles 30 (N° Lexbase : L4837AHM) et 34 (N° Lexbase : L4840AHQ) de la loi, l'intervention judiciaire dans le cadre des travaux d amélioration en donnant au juge une marge d'opportunité et presque un pouvoir d'administration, puisqu'il peut autoriser les travaux refusés par l'assemblée générale -nous l'avons vu- et/ou dispenser un copropriétaire de participer aux dépenses d'amélioration jugées somptuaires. On en a parlé ce matin.

Le législateur permet aussi au juge, dans l'article 43 de la loi (N° Lexbase : L4850AH4), de réputer non écrites certaines clauses du règlement de copropriété et si lesdites clauses concernent la répartition des charges de procéder à leur nouvelle répartition.

La jurisprudence, quant à elle, a posé les bases du contrôle du juge dans le respect du droit de propriété de la souveraineté de l'assemblée générale et des dispositions impératives de la loi de 1965 et de son décret d'application.

Ainsi le juge peut-il contrôler notamment la régularité formelle de la convocation et de la tenue de l'assemblée générale, gage que la démocratie directe s'est exercée dans des conditions royales, l'abus de majorité dans la prise des décisions ou le caractère d'urgence pour la réalisation des travaux à l'initiative du syndic qui ne peut être ni de commodité, ni de convenance.

C'est en ayant en tête ces éléments qu'il convient d'examiner l'office du juge à l'occasion des travaux de copropriété qui varie, selon qu'il est saisi d'une contestation par un copropriétaire de travaux décidés par assemblée générale, d'une action du syndicat à l'encontre du syndic ou plus généralement de l'ancien syndic pour des travaux commandés à l'initiative de ce dernier au titre de l'urgence, d'une action en responsabilité du syndicat sur le fondement notamment de l'article 14 de la loi (N° Lexbase : L4807AHI) pour vice de construction ou défaut d'entretien des parties communes, ou encore de l'action d'un copropriétaire demandant au juge l'autorisation d'effectuer, à ses frais, des travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble que l'assemblée générale a refusés.

Donc, j'ai organisé en 4 situations l'office du juge afin de voir comment cet office varie selon la situation où l'on se trouve.

1. Les travaux décidés par le syndicat des copropriétaires et contestés par l'un d'eux

Analysons d'abord les travaux décidés par le syndicat des copropriétaires et contestés par l'un d'eux.

Le juge dans ce cas a le pouvoir de contrôler, si une partie le lui demande, si les travaux contestés ont été décidés à la majorité requise. Je rappelle, article 24 (N° Lexbase : L4824AH7) pour les travaux de conservation et d'entretien, article 25 (N° Lexbase : L4825AH8) pour les travaux obligatoires, 26 (N° Lexbase : L4826AH9) pour ceux d'amélioration, et si la résolution en répartit le coût conformément à l'article 10 de la loi (N° Lexbase : L4803AHD), selon qu'il porte sur des parties communes ou sur des éléments communs ou encore de l'article 30 (N° Lexbase : L4837AHM) pour les travaux d'amélioration et conformément à la répartition des charges stipulée au règlement de copropriété.

Le juge a également le pouvoir de vérifier si les documents prévus à l'article 11 du décret du 17 mars 1967 (N° Lexbase : L5497IGP), notamment plusieurs devis pour l exercice de la concurrence ou un document reprenant les conditions essentielles des contrats proposés, ont bien été notifiés aux copropriétaires au plus tard en même temps que l'ordre du jour, afin de s'assurer que ceux-ci ont eu les informations nécessaires pour se prononcer par un vote éclairé et délibérer en connaissance de cause.

Si l'une des conditions précitées n'est pas remplie, le juge annulera la résolution, mais le juge n'a pas le pouvoir d'apprécier la décision corrélée en opportunité, c'est-à-dire qu'il ne peut pas l'annuler au motif, par exemple, que des travaux de peinture décidés sur la porte d'entrée ne serviraient à rien parce qu'il faudrait préalablement refaire la porte.

J'ai aussi en tête une situation qui montre bien que le justiciable ne comprend pas toujours que le juge va vérifier la régularité, la forme, mais pas l'opportunité. Il s'agissait d'un immeuble dans Paris, un immeuble ancien qui avait été racheté par un marchand de biens, mais qui avait fait très peu de travaux et le règlement de copropriété donnait beaucoup de liberté à chacun pour organiser ses parties privatives.

Alors que les premiers travaux avaient été faits, il y avait eu quelques désordres dans l immeuble. Les copropriétaires étaient assez prudents et lorsqu'un copropriétaire est venu demander l'autorisation d'abattre une cloison, l'assemblée générale lui a dit "oui, mais il serait souhaitable que vous mettiez un IPN".

Le copropriétaire est allé devant le tribunal pour contester la résolution qui mettait cette condition à l'autorisation de travaux et parallèlement il est allé en référé pour demander la désignation d'un expert. Celui-ci a été désigné, il est venu sur place et a dit que, compte tenu des travaux que comptait faire le copropriétaire il n'y avait pas besoin de poser un IPN. Le copropriétaire est revenu devant le juge qui était saisi de sa contestation de résolution et il a dit "vous voyez, il faut annuler cette résolution, parce que je n'avais pas besoin de mettre un IPN" et il demandait au juge non pas de considérer, par exemple, que les copropriétaires auraient commis un abus de majorité en imposant une condition qui n'était pas nécessaire ; il demandait au juge de dire la vérité, c'est-à-dire qu'il n'y avait pas besoin de cet IPN et en conséquence d'annuler la résolution.

La cour qui a été saisie de ce dossier n'a pas annulé la résolution parce que, en opportunité, le juge n'a pas à contrôler l'opportunité de la décision, sauf le cas échéant, s'il y avait un abus de majorité, mais fallait-il encore le soulever. C'est un exemple classique où le copropriétaire était sûr de son bon droit, il n'a pas obtenu satisfaction dans le contentieux de l'assemblée générale.

En opportunité, le juge n'a pas le pouvoir d'apprécier les décisions prises. Le juge ne peut pas non plus, si la résolution querellée ayant donné lieu à un seul vote comporte plusieurs points, en annuler certains et en valider d'autres. La seule chose que puisse faire le juge c'est soit annuler toute la résolution, soit valider l'ensemble de la résolution.

Enfin, le juge ne peut pas substituer sa décision à celle qu'il annule. Il appartient à l'assemblée, seule, dans sa souveraineté de tirer les conséquences de la résolution annulée.

2. Les travaux à l'initiative du syndic au titre de l'urgence

Monsieur Vassiliades nous en a parlé longuement, je vais résumer.

Deux points sont soumis au juge. Premièrement, l'urgence, est-ce que les travaux faits par le syndic sans décision de l'assemblée générale correspondent bien à l'urgence ? Et deuxièmement, article 37 du décret (N° Lexbase : L5532IGY), est-ce que le syndic a informé les copropriétaires et convoqué immédiatement une assemblée générale ?

Les cas d'urgence s'apprécient in concreto, sous les critères de sauvegarde de l'immeuble et si les travaux auxquels le syndic a fait procéder étaient indispensables pour parer à l'urgence. L'urgence est caractérisée si tout retard dans la réalisation des travaux compromet très gravement l'état de l'immeuble.

C'est par exemple l'éclatement d'une canalisation d'eau ou encore, on en a eu beaucoup en 1999, les toitures emportées lors de la tempête. Il est évident que c'est le cas même de l'urgence, mais quels travaux le syndic doit-il faire dans l'urgence ? Premièrement bâcher : il est incontestable et la jurisprudence est constante, que les travaux conservatoires relèvent de l'urgence.

Ce qui est un peu plus difficile à déterminer, ce sont les travaux de nature plus substantielle que l'urgence, par exemple la consolidation d'un mur ou le remplacement partiel d'une climatisation relèvent encore des travaux d'urgence que le syndic peut faire dans le cadre des initiatives qu'il peut prendre.

La jurisprudence sur ce point-là n'est pas trop rigoriste et tient compte de la situation in concreto. Cela me paraissait, lorsque j'étais encore au tribunal, connaissant la réglementation, simple.

On a les situations d'urgence, l'éclatement de la canalisation, la tempête qui emporte le toit... Il faut surtout que le syndic fasse quelque chose, donc il bâche, il fait arrêter l'inondation ; quand il va un peu plus loin, on apprécie si on est encore dans le cadre de l'urgence.

Le tribunal avait été saisi d'une situation qui sortait un peu de l'ordinaire ; je ne sais pas si vous vous souvenez, il y a eu une année où il y a eu quelques décès par légionellose. Il se trouvait que dans un immeuble cossu qui était surtout occupé par des copropriétaires retraités, à l'occasion d'un contrôle de l'eau, -on était en période des fêtes de noël- il y a eu un doute, peut-être y avait-il des légionnelles. Le syndic va faire faire, dans le cadre de ce qu'il considérait être l'urgence, quelques examens, quelques analyses supplémentaires. Les analyses confirment la ou des légionnelles, je ne sais pas très bien la formule technique.

Le syndic fait faire des travaux assez coûteux pour répondre à ce qu'il considérait une situation d'urgence puisque, selon lui, la santé des occupants était en péril. Il laisse passer les fêtes, les travaux sont faits, et deux mois et demi après il convoque une assemblée générale et les copropriétaires refusent de valider les travaux qui ont été faits. Non seulement ils refusent de valider mais en plus ils demandent en référé la désignation d'un expert. On rentre dans une expertise coûteuse, beaucoup plus que les travaux qui avaient été faits par le syndic, et lorsque l'expert rend son rapport il dit : "en fait, il y avait de la légionnelle, mais ce n'était pas dangereux". Les choses qui ont été trouvées n'étaient pas dangereuses pour la santé des occupants.

Là-dessus le syndicat engage la responsabilité du syndic pour demander paiement des travaux, mais surtout paiement de l'expertise. Il s'agissait surtout du coût de l'expertise ! La question était : "est-ce qu'on est dans un cas d'urgence ?", étant entendu que le syndic n'est pas un spécialiste, ni de la qualité des eaux, ni de la santé publique, qu'il s'était entouré d'un minimum d'informations et de mémoire parce que, ce dont je suis sûre, c'est qu'il n'y a pas eu appel de la décision rendue par le tribunal, donc les parties ont dû s'en satisfaire, mais le tribunal avait considéré qu'il n'y avait pas faute du syndic au niveau de la prise de décision de trouver une réponse à quelque chose qui pouvait être grave.

En revanche, il avait commis une faute parce qu'il n'avait pas convoqué immédiatement l'assemblée générale et puis, je ne me souviens plus dans quel sens le tribunal avait traité le problème de savoir qui devait supporter les frais de l'expertise qui était le point central finalement de la discussion.

C'est pour dire que le syndic se trouve quelquefois confronté dans ce cadre de l'initiative d'urgence à des questions qui sortent un peu des cas classiques de la porte de garage qui ne ferme pas, ou de la toiture qui s'envole.

3. Les travaux en réparation d'un vice de construction ou du défaut d'entretien des parties communes

Au terme de l'article 14 de la loi, le syndicat des copropriétaires qui a pour objet la conservation de l'immeuble, c'est-à-dire l'entretien en bon état des parties communes et des éléments d'équipements communs, est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par le vice de construction ou le défaut d'entretien des parties communes.

Sur le fondement de cet article 14, notamment dans le contentieux des dégâts des eaux qui est assez abondant en région parisienne et souvent après expertise, le juge condamne le syndicat non seulement à indemniser les préjudices subis par un copropriétaire et/ou son locataire, mais également à faire exécuter le cas échéant sous astreinte les travaux nécessaires pour faire cesser les désordres.

Il appartient alors à l'assemblée générale de voter les travaux prescrits en choisissant l'entreprise qui les exécutera au vu d'un devis ou d'un budget qui servira aux appels de fonds par le syndic.

Il arrive que l'expert dans son rapport préconise la réalisation de travaux de mise aux normes autres que les travaux nécessaires à la réparation des désordres. Dans la mesure où ces travaux de mise aux normes ne sont pas nécessaires à la cessation des désordres, le juge n'a pas à les ordonner, ce qui n'empêche pas l'assemblée générale des copropriétaires informée par le rapport d'expertise, de décider de faire exécuter ces travaux si elle le souhaite.

L'office du juge est identique si l'action est fondée sur les articles 1382 (N° Lexbase : L1488ABQ) ou 1384 (N° Lexbase : L1490ABS) du Code civil ou encore si elle est fondée sur le trouble anormal de voisinage qu'il s'agisse d'un dégât des eaux, de désordres acoustiques ou autres.

4. Les travaux autorisés malgré le refus du syndicat des copropriétaires

Je remercie Maître Baudoin de m'avoir laissé un peu de matière sur ce sujet.

Lorsque l'assemblée générale a refusé d'autoriser un ou plusieurs copropriétaires à effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble, l'article 30, alinéa 4 (N° Lexbase : L4837AHM), donne au juge le pouvoir d'autoriser les travaux aux conditions qu'il fixe.

Pour autoriser les travaux, il n'y a pas lieu pour le juge d'annuler la décision de refus, ni de dire qu'elle est abusive, le refus préalable de l'assemblée constituant une condition de recevabilité de la demande d'autorisation judiciaire de travaux.

Il arrive que, pensant bien faire, le copropriétaire demande au juge dans la même action d'annuler la décision de refus et de l'autoriser en conséquence à réaliser les travaux ou plus souvent à titre principal d'annuler la décision de refus et à titre subsidiaire d'autoriser les travaux.

Or, d'une part, le copropriétaire n'a pas à demander en justice l'annulation de la décision du refus, puis l'autorisation judiciaire, car si le juge annulait la décision de l'assemblée générale, il ne pourrait pas examiner l'autorisation demandée, puisque le refus préalable serait anéanti par l'annulation prononcée.

D'autre part, la saisie du juge supposant un refus définitif de l'assemblée générale, la question se pose de savoir si le copropriétaire peut valablement saisir le tribunal dans le délai de deux mois de l'article 42 (N° Lexbase : L4849AH3) pour demander à titre principal l'annulation de la décision de refus et à titre subsidiaire l'autorisation de travaux, car, dans cette hypothèse, la contestation de la décision de refus empêche celle-ci de devenir définitive ; c'est une question qui se pose.

J'en conclus que demander trop peut s'avérer en l'espèce contre-productif. Il est préférable que le plaideur choisisse avec l'aide de son conseil avant d'introduire l'action, s'il souhaite voir annulée la décision de refus de l'assemblée générale ou demander l'autorisation judiciaire de travaux.

Autre point important, le juge ne peut jamais autoriser a posteriori les travaux entrepris par le copropriétaire de sa propre autorité affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble.

Si la demande lui en est faite, le juge doit ordonner la démolition de ces travaux irréguliers. En revanche, dans le cadre de son pouvoir souverain, l'assemblée générale peut ratifier de tels travaux. Le juge doit vérifier que les travaux envisagés sont conformes à la destination de l'immeuble et qu'ils constituent une amélioration sans qu'il soit nécessaire que cette amélioration bénéficie à l'ensemble des copropriétaires.

Par exemple, si un copropriétaire du rez-de-chaussée demande l'autorisation d'ériger jusqu'en toiture un conduit d'extraction des gaz brûlés pour les besoins d'un commerce, le juge refusera l'autorisation si la destination de l'immeuble est exclusivement à usage d'habitation.

Dans le cas contraire, le juge ne pourra pas refuser l'autorisation au motif que l'amélioration ne bénéficierait qu'au seul copropriétaire demandeur.

Certains auteurs en doctrine considèrent que le juge du fond possède en la matière un très large pouvoir d'appréciation, car il lui appartient de dire si les travaux envisagés constituent une amélioration et s'ils sont conformes à la destination de l'immeuble, ce point relevant également de son appréciation. Ils en déduisent que sous couvert d'une telle appréciation, le juge peut se livrer à un véritable examen de l'opportunité des travaux.

Cette approche est exacte mais en réalité dans le cadre de l'opportunité le juge va vérifier in concerto non seulement que le demandeur produit un projet abouti des travaux envisagés, que ceux-ci constituent une amélioration et qu'ils sont conformes à la destination de l'immeuble, mais également le cas échéant, après avoir ordonné une mesure d'instruction, il va vérifier que lesdits travaux projetés ne portent pas atteinte aux droits des autres copropriétaires.

Maître Baudoin parlait tout à l'heure d'un ascenseur ; pour l'ascenseur, le juge vérifiera, en général il ne va pas se déplacer sur place, il pourrait le faire, mais il n'a pas trop le temps, donc il enverra un technicien qu'il désigne pour s'assurer que si l'ascenseur empiète sur les escaliers, on pourra quand même descendre un malade sur un brancard, ou par exemple si on doit réduire les dimensions de la porte qui descend à la cave, que la dimension de la porte restante est suffisante pour l'utilisation que les autres propriétaires font des caves.

Donc cette opportunité laissée au juge c'est pour lui permettre d'apprécier in concreto la situation. J'ajoute qu'il arrive qu'entre le moment où l'assemblée refuse les travaux et le moment où le justiciable est devant le juge, il a pu demander l'avis d'un technicien pour corriger les points sur lesquels l'assemblée générale avait indiqué qu'elle conditionnait son refus ou qu'elle justifiait son refus.

Dans ces cas-là, la jurisprudence considère que le copropriétaire n'a pas besoin de retourner devant l'assemblée générale, en disant "j'ai légèrement modifié l'endroit où je vais faire passer ma cheminée", et le juge peut aussi, puisque s'il autorise les travaux c'est aux conditions qu'il fixe lui-même, dire où passerait par exemple la cheminée d'évacuation des gaz brûlés.

Si les travaux portent sur l'aspect extérieur de l'immeuble, le juge vérifiera qu'ils ne portent pas atteinte à l'harmonie ou à l'esthétique de l'immeuble, la décision sera motivée sur ces points.

En général, s'il accorde l'autorisation de travaux, le juge indique, même si on ne le lui demande pas, que ceux-ci seront réalisés sous le contrôle de l'architecte de la copropriété.

En conclusion, je dirai de manière non exhaustive, que ce sont les éléments qui m'apparaissent caractériser l'office du juge à l'occasion des travaux de copropriété et que lorsqu'il peut exercer son office pleinement le juge est heureux.

Je ne sais pas si vous avez vu, mais tout au long de l'entretien je vous ai dit "si on le lui demande", parce qu'en fait, on est en matière de procédure civile et que le juge ne peut pas faire comme on le faisait, et quelquefois c'est vrai que le juge aimerait bien se reporter dans le temps ancien, du temps où les juges parlaient en latin aux plaideurs et où le juge pouvait dire aux plaideurs "dami factum dabo tibi ius", c'est-à-dire "donne-moi le fait, je te donnerai le droit".

Le juge on l'imagine dans un geste auguste récupère les documents, il les met dans le sac, "l'affaire est dans le sac" et puis il suspend le sac au mur, le temps du délibéré.

On n'en est pas là. Aujourd'hui on a des règles de procédure civile et le juge va trancher un litige dans le cadre que fixent les parties, donc le juge doit répondre aux moyens qui sont invoqués par les parties et s'il veut soulever un moyen d'office, parce que ce moyen lui paraît être indispensable à la solution du litige, il faudra qu'il prononce la réouverture des débats pour que les parties s'expliquent sur ces points.

Cela pour vous dire que quand je dis "le juge peut, si on le lui demande", c'est que si on ne le lui demande pas et que ce n'est pas indispensable à la solution du litige, le juge se contentera de répondre aux moyens qui lui sont soumis".

newsid:437343

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus