Lexbase Droit privé - Archive n°530 du 6 juin 2013 : Copropriété

[Evénement] Les travaux à l'initiative du syndicat des copropriétaires

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par Jean-Robert Bouyeure, Avocat honoraire à la cour d'appel de Paris

le 06 Juin 2013

L'Association Justice-Construction, présidée par Fabrice Jacomet, dont l'objet essentiel est de favoriser une meilleure imprégnation des contraintes réciproques entre les acteurs du droit immobilier, organisait un colloque qui se tenait le 14 février 2013, à la première chambre de la cour d'appel de Paris, sur le thème "Les travaux dans la copropriété". Lexbase Hebdo - édition privée vous propose de retrouver ici la retranscription in extenso de l'intervention de Maître Jean-Robert Bouyeure, avocat honoraire à la cour d'appel de Paris, qui traitait des travaux à l'initiative du syndicat des copropriétaires, dans laquelle nous nous sommes simplement permis de préciser les références textuelles et jurisprudentielles citées. Les propos exprimés n'engagent que leur auteur

"Deux observations en préalable ; la première est que depuis l'adoption de la loi de 1965, pour les travaux sur les parties communes, relevant d'une majorité qualifiée, les majorités nécessaires ont été abaissées à plusieurs reprises.

Je vous rappelle, par exemple, qu'en matière de travaux d'amélioration, on est d'abord passé des trois-quarts des voix de l'ensemble des copropriétaires aux deux-tiers des voix de l'ensemble des copropriétaires. Et puis, on a admis ultérieurement que les travaux pouvaient en seconde lecture être décidés aux deux-tiers des voix des seuls copropriétaires présents ou représentés. Voilà un premier exemple de cet abaissement de majorité.

Le deuxième exemple concerne les travaux de surélévation, qui, dans la plupart des cas, peuvent maintenant se décider à l'article 25, la cession du droit de surélever plus exactement.

Troisième exemple, tout à fait significatif de cette démarche du législateur, de nombreux travaux qui constituent objectivement des travaux d'amélioration ont été, si j'ose dire, déclassés et il est admis qu'ils peuvent maintenant être décidés soit par l'article 25, soit par l'article 24. Il y a de très nombreux exemples et vous me permettrez pour gagner du temps de ne pas vous les rappeler, vous les connaissez parfaitement.

Force est de constater que le législateur a ainsi entendu non seulement faciliter les décisions en matière de travaux, mais les encourager et même inciter les copropriétaires.

Est-ce que le législateur, dans le cadre de la problématique des travaux d'économies d'énergie et de réduction des gaz à effet de serre qui vont devenir effectivement très importants et particulièrement opportuns, va franchir une nouvelle étape qui va consister à ajouter une nouvelle catégorie de travaux à ceux qui seront rendus obligatoires ? La question est posée et se pose avec beaucoup d'acuité.

Nous ne sommes pas là seulement dans les remarques d'ordre juridique, nous touchons à la politique, au sens large du terme, qu'il s'agisse de la politique en matière d'économie d'énergie ou qu'il s'agisse plus globalement de l'économie générale du pays que l'exécution de travaux très importants ne pourrait bien sûr qu'améliorer.

Ma seconde observation est un corollaire de la première. Il y a une véritable inflation des différentes catégories de travaux. En 1965, il y avait cinq grandes catégories de travaux : les travaux de conservation et d'entretien, les travaux rendus obligatoires, ceux d'amélioration, les travaux de surélévation et de construction de nouvelles parties privatives et les travaux de reconstruction.

Aujourd'hui, si j'ai bien compté, je ne suis pas absolument certain du caractère exhaustif de ce chiffre, il y a 14 catégories de travaux différentes, c'est-à-dire 9 de plus qu'en 1965, travaux d'économie d'énergie, travaux d'accessibilité aux handicapés, travaux de mise aux normes des logements, etc..

Ces travaux du syndicat sont normalement exécutés sur les parties communes, mais il arrive que les travaux, à l'initiative du syndicat, doivent également porter sur les parties privatives, ce qui ne va pas sans poser de nombreux problèmes auxquels je ferai référence à la fin de mon exposé.

Je voudrais dans une première partie étudier un certain nombre de problèmes communs à l'ensemble des travaux du syndicat. Dans une seconde partie j'ai choisi d'étudier spécifiquement trois catégories particulières de travaux en faisant pour chacune d'entre elles quelques observations, ce sont les travaux d'amélioration, les travaux communs impliquant une intervention sur les parties privatives et les travaux d'intérêt collectif sur partie privative.

1. Quelques problèmes communs à l'ensemble des travaux

Tout à fait arbitrairement, quatre thèmes communs à l'ensemble des travaux :

1- La qualification juridique des travaux et les problèmes que pose une telle qualification ;

2- Les décisions de l'assemblée générale en matière de travaux ;

3- Le coût et le financement des travaux ;

4- Une question qui pose souvent des problèmes, qui suscite beaucoup d'irritation, les honoraires du syndic sur les travaux.

1.1. La qualification juridique des travaux

D'une telle qualification dépend un certain nombre de conséquences et la première, la plus importante d'entre elles, étant la majorité applicable. Force est de constater que parfois on peut hésiter, à juste titre, entre des qualifications juridiques différentes. Est-ce que tels travaux sont des travaux de conservation d'entretien relevant de l'article 24 (N° Lexbase : L4824AH7) ? Est-ce que ce sont des travaux d'amélioration relevant de l'article 26 (N° Lexbase : L4826AH9) ?

Il arrive aussi que des travaux relèvent tout à la fois des deux catégories, or bien évidemment c'est une seule et même majorité qui devra s'appliquer lors de la prise de décision de l'assemblée.

A propos de ce problème de qualification, deux questions : qui fixe cette qualification et donc qui fixe la majorité applicable ? Selon quels critères ? C'est le bon sens en ce qui concerne la majorité applicable c'est la loi.

Oui mais que se passe-t-il si on a un doute quant à l'interprétation de la loi ? Je dirais très prudemment -j'ai été avocat pendant des décennies- qu'en aval c'est le tribunal qui dira in fine quelle était la qualification juridique et donc la majorité applicable.

Oui, mais que se passe-t-il en amont lorsque la décision de l'assemblée est prise ? C'est à l'assemblée de choisir la majorité à laquelle elle va décider d'exécuter des travaux et je dirais qu'elle le fait sous sa responsabilité.

Oui mais voilà, il y a en pratique une façon de procéder qui est génératrice, qui doit être génératrice de difficultés, c'est qu'en général la majorité applicable aux travaux soumis à l'assemblé est indiquée dans l'ordre du jour, elle est indiquée dans la convocation.

Première constatation, c'est une pratique qui n'est pas obligatoire. Il y a quelques décisions de jurisprudence de juridictions du fond qui disent qu'elle n'est ni obligatoire, ni nécessaire, mais elle est extrêmement fréquente.

Que se passe- t-il s'il y a un hiatus, si une erreur est commise à un stade quelconque de la prise de décision ? Je vous présenterai deux propositions : je dirais que la décision prise par l'assemblée est régulière si elle est conforme à la majorité prévue par la loi, même si ce n'est pas celle prévue dans la convocation, mais au moment même où je formule cette proposition je me demande si elle et toujours exacte, car ne faut-il pas réserver la possibilité pour les défaillants, en ce cas, de soutenir qu'ils ont été trompés par la mention d'une majorité erronée dans la convocation ? Je pose la question, je n'ai pas une réponse absolument certaine.

La décision prise conformément à la majorité légale sera parfaitement irrégulière même si elle est conforme à la majorité indiquée dans la convocation, dès lors que cette majorité n'est pas la bonne sur le plan de l'application de la loi.

Deuxième question, quel est le critère de la distinction ? Lorsque vous avez des travaux qui relèvent, qui pourraient relever de qualifications juridiques différentes, quel critère faut-il retenir ? J'en vois deux personnellement.

- Le premier, je pourrais le qualifier, de façon un peu imprudente, de critère de prévalence de la majorité la plus faible.

Il me semble que si les travaux, en application de la loi, relèvent de la majorité ordinaire, et aussi d'une majorité plus forte, qu'ils peuvent être pris valablement à la majorité ordinaire, article 24.

Je prends un exemple, ce sont les travaux de ravalement. Lorsque les travaux de ravalement sont nécessaires pour la bonne conservation d'un immeuble, ils peuvent se référer à l'article 24 ; oui mais les travaux de ravalement en question peuvent avoir fait l'objet d'une injonction administrative et par conséquent relever aussi des travaux rendus obligatoires de l'article 25 (N° Lexbase : L4825AH8). Il me semble dans ce cas, il y a un arrêt ancien de la Cour de cassation qui l'a jugé, que c'est la qualification la plus faible qui doit être retenue, des travaux de ravalement nécessaires pour le bon entretien de l'immeuble sont votés à l'article 24, même si par ailleurs ils sont rendus obligatoires.

- Le second critère est celui classique de la distinction entre l'accessoire et le principal.

Il faut rechercher quel est l'élément principal. Vous savez à ce sujet qu'il y a une jurisprudence selon laquelle lorsqu'on refait, parce que c'est nécessaire, en raison de sa vétusté, un élément d'équipement, même si les travaux de réfection ou de remplacement apportent une amélioration significative, les travaux relèvent de l'article 24, dès lors que la réfection est nécessaire pour une bonne conservation et un bon entretien de l'immeuble. Cela a été jugé notamment pour le remplacement de l'ascenseur.

2.2. Les décisions de l'assemblée générale

Je pose tout d'abord l'affirmation globale selon laquelle tous les travaux dans la copropriété doivent faire l'objet d'une décision d'assemblée générale, tous, sauf une catégorie ou plus exactement ou sous-catégorie, ce sont les travaux de maintenance et de menues réparations, qui rentrent dans le cadre du budget prévisionnel et que le syndic peut exécuter sans décision spécifique de l'assemblée générale.

Ces travaux sont définis à l'article 45 du décret. Je n'ai pas la certitude absolue que la délibération donnée à l'article 45 soit de nature à éliminer toute discussion possible éventuelle.

S'agissant des décisions d'assemblée, la première démarche à faire me semble-t-il est de rechercher quelle est l'assemblée compétente. La réponse est normale, c'est que l'assemblée compétente est l'assemblée générale de l'ensemble de la copropriété, mais parfois, la décision relève d'une assemblée spéciale ou relève d'un vote spécialisé en assemblée générale.

Il y a le cas d'un syndicat secondaire, évidemment pas de difficulté, mais il y a aussi le cas où les travaux n'affectent que les parties communes spéciales qualifiées comme telles par le règlement de copropriété. En ce cas, même si l'existence d'assemblée spéciale n'est pas prévue au règlement de copropriété, dès lors que la décision à prendre relève de parties communes spéciales, seule l'assemblée composée des copropriétaires ayant des droits indivis dans la partie commune spéciale en question pourra prendre la décision.

Enfin il y a un vote spécialisé dans le cadre de ce qui est prévu à l'article 24 de la loi, le cas où le règlement de copropriété prévoit une répartition spéciale des charges pour certains travaux d'entretien, et prévoit de ce fait et en même temps, un vote spécialisé pour les dépenses correspondantes.

C'est une disposition contractuelle qui, à condition que les deux choses soient prévues, répartition des charges et vote spécialisé, doit être respectée, mais attention nous savons à la lumière de la jurisprudence de la Cour de cassation que la spécialisation des votes n'est possible que pour des travaux éligibles à l'article 24 et non pas pour les travaux relevant d'une majorité supérieure.

Deuxième remarque, s'agissant des assemblées, les assemblées successives : il arrive fréquemment que la décision en matière de travaux soit prise par des assemblées successives, car il est très difficile au cours d'une seule et même assemblée de prendre la décision de principe et d'arrêter les modalités, donc plusieurs assemblées successives se tiennent à propos des mêmes travaux.

La jurisprudence de la Cour de cassation est formelle : si une majorité qualifiée est nécessaire pour travaux en question, cette majorité devra être obtenue lors des différentes assemblées successives et non pas seulement lors de la première d'entre elles.

Troisième observation concernant les assemblées générales, c'est la délégation au conseil syndical. Je disais, il y a un instant, qu'il est souvent difficile en assemblée de prendre une décision totale concernant des travaux et il est extrêmement pratique de déléguer au conseil syndical le choix de l'entreprise, le choix de certaines modalités d'exécution. Attention, c'est une source permanente de difficultés et d'irrégularités pour deux raisons.

La délégation au conseil syndical doit être expressément portée à l'ordre du jour. Or force et de constater que c'est souvent une initiative qui est prise en cours d'assemblée, si ce n'est pas prévu à l'ordre du jour l'irrégularité est certaine. Et puis attention, la délégation au conseil syndical n'est possible que pour des décisions relevant de l'article 24, elle ne l'est pas pour les décisions relevant d'une majorité qualifiée.

Quatrième observation concernant les assemblées générales c'est le caractère immédiatement exécutoire des décisions de l'assemblée. Ce caractère immédiatement exécutoire dont on sait à la lumière d'un arrêt de la Cour de cassation qu'il doit s'entendre à la minute même où la décision est prise, ce caractère immédiatement exécutoire s'applique parfaitement en matière de travaux.

Toutefois, pour les travaux relevant des articles 25 et 26, la loi donne un caractère suspensif au délai de l'article 42 ; donc pour ces travaux et sauf pour urgence, le délai de l'article 42 est suspensif d'exécution, mais ce qui est assez curieux c'est que dès que ce délai est terminé, l'exécution peut être entreprise même s'il y a un recours en annulation.

1.3. Le coût et le financement des travaux

Je me limiterai aux observations suivantes.

- La première et peut-être la plus importante d'entre elles est que le montant des travaux, qui doit être fixé par l'assemblée, doit être respecté.

Il y a des syndics de copropriété dans cette salle et j'attire leur attention sur la responsabilité qui est susceptible de peser sur eux si, faisant exécuter des travaux décidés par l'assemblée, ils acceptent ou laissent s'effectuer un dépassement du montant des travaux.

Monsieur le Président Terrier vous a parlé ce matin d'un arrêt portant sur un dépassement qui était de l'ordre de 7 000 euros, mais moi j'ai vu personnellement et je me réfère à un arrêt rendu il n'y a pas très longtemps par la chambre que préside M. Jacomet, où le dépassement était de 700 000 euros !

En l'absence de ratification de ce dépassement par l'assemblée générale, cette somme a été laissée à la charge du syndic ! Attention !

Ne venons pas rechercher si les travaux en dépassement non approuvé ont été profitables ou non au syndicat, ce n'est pas la question posée. Il n'y a pas en la matière application de la notion d'enrichissement sans cause. Pas du tout. Il s'agit de l'application des règles de la copropriété et des règles du mandat.

Si le syndic a laissé s'exécuter des travaux pour un montant en dépassement de celui voté par l'assemblée, sa responsabilité peut être recherchée et la conséquence est que le montant de ce dépassement pourra être mis à sa charge.

- Deuxième point, l'exigibilité des appels de fonds : je rappelle simplement que cette exigibilité est une notion extrêmement importante en cas de mutation pour savoir qui du vendeur ou de l'acquéreur est tenu de participer au montant des travaux.

- Troisième point, les emprunts du syndicat : la pratique, depuis un certain nombre d'années, a créé deux sortes d'emprunt, premièrement les emprunts individuels groupés qui sont parfois gérés par le syndic pour lequel il intervient et des emprunts collectifs du syndicat, étant précisé qu'en pratique il y a souvent une confusion entre les deux catégories.

Nous avons aujourd'hui un texte du 22 mars 2012 (loi n° 2012-387 du 22 mars 2012, art. 103 N° Lexbase : L5099ISN), qui est venu consacrer et règlementer l'emprunt au titre du syndicat, cet emprunt pouvant suivant les circonstances -c'est évidemment essentiel- être limité aux seuls copropriétaires qui en font la demande.

Malheureusement ce texte extrêmement important et intéressant ne deviendra applicable que lorsque le décret d'application sera promulgué [ndlr : le décret a été publié depuis au Journal officiel du 13 mars 2013, décret n° 2013-205 du 11 mars 2013, relatif à l'emprunt collectif de copropriété N° Lexbase : L3465IWA].

1.4. Les honoraires du syndic

J'en viens au quatrième point commun à l'ensemble des travaux, les honoraires du syndic, qui sont sources d'irritations et de difficultés.

Premièrement, les travaux d'entretien courant compris dans le budget traditionnel ne peuvent donner lieu à honoraires spécifiques du syndic.

Deuxièmement, les travaux hors budget peuvent faire l'objet d'un honoraire spécifique, mais cet honoraire doit faire l'objet d'une décision expresse de l'assemblée et cela depuis la loi "Boutin" du 25 mars 2009 (loi n° 2009-323 du 25 mars 2009, de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion N° Lexbase : L0743IDU).

Il en résulte que les mentions figurant dans le contrat du syndic prévoyant la rémunération du syndic en cas de travaux sont dépourvues de toute valeur juridique puisque c'est l'assemblée, et elle-seule, qui doit se prononcer.

Mais la question s'est posée de savoir si ces mentions du contrat de syndic n'étaient pas valables, en tout cas opportunes pour l'information préalable des copropriétaires.

La commission des clauses abusives s'est penchée sur la question et, dans une recommandation n° 2011-01, a rendu à cet égard un avis particulièrement dépourvu d'artifice et particulièrement net.

Considérant, dit la commission, "qu'un nombre très important de contrats indiquent, dans le cas de travaux autres que ceux d'entretien et de maintenance, que la rémunération du syndic sera constituée par un montant minimum ou un pourcentage du montant des travaux, alors que la loi prévoit en ce cas que les honoraires du syndic sont votés lors de l'assemblée générale ; que ces clauses laissent croire que dans ce cas la rémunération du syndic peut être fixée par avance dans le contrat au lieu d'être votée en assemblée générale ; que ces clauses ont illicites au regard du texte susvisé et, maintenues dans un contrat, abusives".

La profession de syndic est assez bien organisée, pour la majorité d'entre eux, et ayant pris connaissance de cette recommandation, a modifié en pratique le contrat type de syndic. Je crois qu'on maintient toujours une prévision de rémunération, mais il est indiqué expressément dans les contrats que c'est simplement indicatif et que la décision appartient à l'assemblée générale. Voilà ces quelques thèmes communs à l'ensemble des travaux.

2. Quelques observations concernant trois catégories de travaux

Voici quelques observations concernant trois catégories d'entre eux et tout d'abord les travaux d'amélioration.

2.1. Les travaux d'amélioration

Les travaux d'amélioration au sens strict sont ceux qui relèvent de la double majorité de l'article 26 et, bien évidemment, compte tenu de ce que je vous ai dit tout à l'heure, leur domaine s'est réduit comme peau de chagrin puisqu'on a sorti de cette catégorie un certain nombre de travaux pour les soumettre à l'article 24 ou l'article 25.

Ces travaux d'amélioration de l'article 26, c'est la raison pour laquelle j'ai souhaité vous en dire quelques mots, présentent des particularités spécifiques qui sont parfois mal appréhendées, mais attention ces particularités ne s'appliquent qu'à ce qui reste du domaine des travaux relevant de l'article 26, les travaux d'amélioration qui en sont sortis ne sont plus soumis à ces particularités auxquelles je vais maintenant me référer.

Première particularité, le montant des travaux d'amélioration ne se répartit pas comme l'ensemble des charges, mais en fonction des avantages qui en résulteront pour chacun des copropriétaires.

Il s'agit donc, vous le savez d'une répartition qui s'apprécie in concreto et non in abstracto, donc en matière de répartition des charges entraînées par les éléments d'équipement.

C'est assez curieux que 48 ans après que ce texte de l'article 30 (N° Lexbase : L4837AHM) auquel je viens de faire référence ait été promulgué, il soit encore aussi mal connu et aussi mal appliqué en pratique. Pourquoi ? Parce qu'on voit les assemblées générales saisies de la question "vote des travaux d'amélioration".

On est très content de voter des travaux d'amélioration, mais on ne vote pas la répartition en fonction de critères prévus à l'article 30. Il en résulte que la décision d'effectuer des travaux peut être annulée puisqu'on n'a pas prévu la répartition.

Mais il en résulte surtout et aussi, même si personne ne demande l'annulation, que la décision d'effectuer les travaux d'amélioration est un coup d'épée dans l'eau car le syndic ne peut pas demander aux copropriétaires de ne pas lancer les appels de fonds correspondants, car il n'y a pas de répartition qui leur soit applicable.

Je voulais donc attirer votre attention sur ce point.

Deuxième particularité des travaux d'amélioration, c'est la participation différée.

Vous savez que les copropriétaires qui n'ont pas donné leur accord aux travaux, peuvent demander à payer sur dix ans. Très bien, ce sont des dispositions également très incitatives, mais on se posait la question de savoir pendant quel délai les copropriétaires n'ayant pas donné leur accord aux travaux pouvaient exciper d'elle telle possibilité.

La réponse est donnée par la loi du 22 mars 2012. Force est de constater une nouvelle fois que la ligne Maginot juridique qu'on veut édifier ne va pas jusqu'à la mer.

Que dit cette loi ? Elle dit que les copropriétaires qui veulent bénéficier de la participation différée doivent faire connaître cette demande au syndic dans les deux mois de la notification du procès-verbal. Seulement il y a un problème, c'est que le PV n'est pas notifié à ceux qui se sont abstenus. Or ceux qui se sont abstenus ont le droit de demander la participation différée, ils ne seront eux soumis à aucun délai.

Troisième spécificité des travaux d'amélioration : si les travaux sont somptuaires et qualifiés comme tels par un tribunal éventuellement saisi, ces travaux sont inopposables aux copropriétaires qui ont exercé un recours sur ce fondement.

Je vous précise -c'est la raison pour laquelle j'en parle- que selon un arrêt de la Cour de cassation, en la matière -et c'est une exception au principe général- le recours est suspensif.

Un copropriétaire qui exerce un recours pour faire juger que les travaux sont somptuaires n'est pas tenu d'en acquitter le montant.

2.2. Les travaux communs nécessitant un accès aux parties privatives

Deuxième catégorie de travaux sur lesquels je voulais attirer votre attention, les travaux communs nécessitant un accès aux parties privatives.

Il y a un texte, qui est l'article 9 de la loi (N° Lexbase : L4861AHI), qui prévoit que si les circonstances l'exigent et à condition que la jouissance des parties privatives ne soit pas altérée, etc., le syndicat peut obtenir la possibilité d'exécuter des travaux communs à l'intérieur des parties privatives.

Vous savez que le texte de l'article 9 ne prévoit cette possibilité que pour les travaux relevant des articles 25 et 26. Tout le monde est d'accord pour considérer que même pour des travaux relevant des articles 24, il est possible lorsque les circonstances l'exigent d'obtenir l'accès aux parties privatives. Nous sommes ici dans le cadre des pouvoirs habituels du juge des référés.

Il y a en la matière une difficulté et c'est sur cette difficulté que je souhaiterais attirer votre attention. Quid de la prise en charge du coût de la dépose et de la repose des aménagements privatifs concernés par les travaux communs ?

Il arrive en effet fréquemment que pour exécuter des travaux communs, pour accéder aux parties communes, il faille déposer des aménagements privatifs pour ensuite les reposer. Qui a la charge du coût de cette dépose et de cette repose ?

Il faut distinguer entre des aménagements intérieurs et des aménagements en terrasse.

Aménagements intérieurs : le fait générateur de la dépose et de la repose des aménagements c'est l'exécution de travaux communs, donc dette dépose et cette repose ne constituant que l'accessoire aux travaux communs, le coût financier doit être compris dans l'enveloppe commune, dans l'enveloppe collective des travaux, mais selon la jurisprudence de la Cour de cassation -et je vise notamment un arrêt du 17 juin 2009 (Cass. civ. 3, 17 juin 2009, n° 08-16.144, FS-D N° Lexbase : A3044EIL)- le coût de ces travaux doit rester à la charge du copropriétaire concerné, si les travaux privatifs, si les aménagement privatifs ont été exécutés en violation du règlement de copropriété ou en violation des statuts de la copropriété. C'est une décision de bon sens qu'on ne peut qu'approuver.

Aménagements en terrasse : la jurisprudence fait la distinction suivante. La dépose et la repose des aménagements en terrasse sont à la charge du syndicat si ces aménagements sont prévus au règlement de copropriété. Dans le cas contraire, ils sont à la charge du copropriétaire bénéficiant du droit à la jouissance exclusive de la terrasse.

S'agissant de la dépose et de la repose du revêtement superficiel de la terrasse, du carrelage en cas de réfection de l'étanchéité, un arrêt de la Cour de cassation du 29 décembre 2006 décide qu'il incombe aux copropriétaires concernés.

2.3. Les travaux d'intérêt collectif sur parties privatives

Je terminerai par les travaux d'intérêt collectif sur parties privatives. Il peut être de l'intérêt du syndicat d'effectuer des travaux sur les parties privatives et j'envisage cet intérêt dans les deux cas principaux qui se présentent.

Il convient parfois d'effectuer des travaux sur parties privatives pour la sauvegarde de l'harmonie de la façade et de l'aspect esthétique de l'immeuble et ce pour éviter un effet d'hétérogénéité fâcheux donc le côté esthétique.

Deuxième hypothèse, c'est la réalisation de travaux d'économie d'énergie ou de réduction de gaz à effet de serre, ces travaux impliquant fréquemment que les parties privatives soient affectées.

Or, dès lors qu'il s'agit des parties privatives, le syndicat ne peut pas valablement décider d'effectuer les travaux. En présence de cette difficulté, le législateur l'a prévu, mais malheureusement, on peut le regretter, il ne l'a fait que pour les travaux d'économie d'énergie et de réduction des gaz à effet de serre tels que prévus par la loi "Grenelle II" (loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010, portant engagement national pour l'environnement N° Lexbase : L7066IMN).

Cette loi a inséré dans l'article 25 g de la loi de 1965 qui donne à l'assemblée générale la possibilité, aux conditions de l'article 25, de se pencher sur l'exécution de tels travaux.

Cette loi donne à l'assemblée la possibilité d'intervenir et je cite le texte : "ces travaux peuvent comprendre des travaux d'intérêt collectif réalisés sur parties privatives et aux frais du copropriétaire du lot concerné".

Donc travaux d'intérêt collectif, c'est une nouvelle évolution, sur partie privative exécutés sur décision du syndicat, et la loi dit : "pour la réalisation des travaux d'intérêt collectif réalisés sur les parties privatives, le syndicat exerce les pouvoirs du maître d'ouvrage jusqu'à la réception des travaux".

Cela paraissait assez clair, mais est intervenu le décret d'application du 3 décembre 2012 (décret n° 2012-1342 du 3 décembre 2012 N° Lexbase : L5590IUL). Que dit ce décret ? Je cite : "dès lors que de tels travaux sont votés, les copropriétaires concernés sont tenus de les réaliser dans un délai raisonnable".

Voyons, la loi dit que le syndicat est maître d'ouvrage. On peut donc en déduire que c'est lui qui doit exécuter ces travaux. Le texte du décret dit "les copropriétaires concernés doivent exécuter dans un délai raisonnable".

Quand il y a une difficulté, il faut toujours s'adresser aux plus hautes autorités pour tenter de la résoudre et Monsieur le conseiller Capoulade dont je salue la présence dans ces lieux a bien voulu sur cette question préparer un commentaire de ce décret dont je ne dévoile aucun secret en disant qu'il sera publié dans un prochain numéro de la revue "Administrer" et que dit Monsieur Capoulade sur cette question ?

Je cite "cette disposition pourrait [c'est très prudent] paraître en contradiction avec l'alinéa qui charge le syndicat de la maîtrise d'ouvrage", ce qui est logique s'agissant de travaux communs. "Sans doute [dit M. Capoulade], faut-il entendre l'expression les copropriétaires concernés' comme correspondant à la collectivité des copropriétaires, c'est-à-dire le syndicat". Je ferme la citation.

Voilà un avis qui me paraît extrêmement intéressant, que je livre, avec l'autorité qui s'attache à celui qui en est l'auteur.

Je poursuis, car nous n'en avons pas terminé avec ce décret du 3 décembre. Le syndicat des copropriétaires procède à la réception des travaux en présence des copropriétaires concernés.

En cas de réserve, le syndic de copropriété assure le suivi et la réception des travaux destinés à permettre la levée des réserves.

J'ouvre aussi une parenthèse, je me permets de vous indiquer que lorsqu'il y a une quarantaine d'années, dans les années 1970, je me produisais devant la 6ème ou 7ème chambre du tribunal, ou devant la 19ème chambre de la cour, pour plaider dans une affaire de construction, je m'attachais vraiment, avec beaucoup d'humilité, à bien respecter la distinction entre la réception provisoire des travaux et la réception définitive. C'était quelque chose d'extrêmement important. Heureusement, cette distinction a été supprimée par la loi de janvier 1978. On ne parle plus de réception provisoire ni de réception définitive. Je referme la parenthèse et je poursuis mon décret du 3 décembre.

"Après réception définitive des travaux, le syndic de copropriété adresse aux copropriétaires concernés les pièces et documents concernant le dossier".

En conclusion, je dirai que la question principale, me semble-t-il aujourd'hui, pour les années à venir, et s'agissant des travaux en copropriété sera celui du financement. On vous en a parlé. C'est un problème infiniment fondamental, car le montant des sommes représenté par les travaux qui seront nécessaires en matière d'économie d'énergie sera considérable. Il faudra bien trouver des solutions.

Mais les instruments juridiques vont eux-mêmes changer. On annonce d'ailleurs d'ores et déjà une modification de la loi du 10 juillet 1965 par une loi cadre à intervenir.

En matière de travaux dans la copropriété il y a donc de beaux jours à prévoir pour les juristes".

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