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par Patrick Baudouin, Avocat à la cour d'appel de Paris
le 06 Juin 2013
"Pour les travaux à l'initiative du copropriétaire, je pense qu'il y a deux points principaux qui peuvent être étudiés, l'un étant d'ailleurs plus riche et plus important que l'autre. On commencera par le plus rapide, le premier, ce sont les travaux effectués par les copropriétaires sur leur partie privative et le deuxième, ce sont les travaux effectués par les copropriétaires sur les parties communes.
1. Les travaux effectués par les copropriétaires sur leur partie privative
Le principe c'est celui de la libre exécution ; comme tout principe, il a quelques limites. Le principe c'est celui de la libre exécution, ce sont les dispositions que vous connaissez de l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965 (N° Lexbase : L4861AHI) qui prévoient que chaque copropriétaire use et jouit librement de ses parties privatives.
Dans la mesure où les travaux ne concernent que les parties privatives sans affecter les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble, le principe c'est que les copropriétaires sont totalement libres de réaliser les travaux.
Il en découle que des clauses de règlement de copropriété, certains règlements de copropriété un peu anciens, qui posent des conditions ou précisent des modalités spécifiques pour l'exécution de ce type de travaux, doivent être réputées non écrites sur le fondement de l'article 43 de la loi de 1965 (N° Lexbase : L4850AH4), dès lors que ces dispositions entraînent une restriction non justifiée aux droits des copropriétaires.
Il en résulte qu'un copropriétaire peut par exemple, en principe, pratiquer une ouverture dans une cloison partie privative, cloison non porteuse ou même concéder à la suppression de cette cloison. On verra qu'il peut quand même y avoir un petit bémol même sur ce sujet.
Donc le principe est simple. Les limites aux principes : elles ne sont pas considérables, mais il faut les évoquer tout de même et il convient d'être vigilant dans certaines circonstances, pour le copropriétaire qui souhaite exécuter des travaux dans ses parties privatives.
En effet, certains travaux en partie privative peuvent avoir des incidences sur l'immeuble au sens large. Justement on évoquait les cloisons à l'instant, il peut en aller ainsi dans le cas de travaux de suppression d'une cloison qui, au fil du temps, et on voit cela assez fréquemment à Paris, dans un certain nombre d'immeubles où des cloisons qui, au départ, n'étaient pas porteuses, au fil du temps le sont devenues ; donc le copropriétaire qui entreprend des travaux de suppression des cloisons de cette nature risque d'affecter la solidité de l'immeuble et risque aussi de voir sa responsabilité engagée si, du fait de ces travaux, il en vient à occasionner des désordres dans les appartements situés aux étages inférieurs ou supérieurs, et en particulier des fissures. Il y a jurisprudence d'ailleurs assez nombreuse là-dessus.
On peut citer un arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 24 septembre 2003 (Cass. civ. 3, 24 septembre 2003, n° 01-17.733, FS-D N° Lexbase : A6283C9L) qui est paru dans la revue "Administrer" de juin 2004, en page 52.
Dans ce cas, il pourra être prudent de soumettre malgré tout le projet de travaux à l'avis de l'architecte de l'immeuble, même si le règlement de copropriété ne contient pas de clause spécifique de cette nature.
Autrement dit, la liberté du copropriétaire d'exécuter des travaux en partie privative trouve sa limite par rapport à deux critères essentiels en matière de copropriété, deux critères qu'on retrouve dans beaucoup d'autres domaines du droit de la copropriété.
Je pensais par exemple à la destination des parties privatives ; d'une part, le copropriétaire ne doit pas porter atteinte à la destination de l'immeuble, c'est une constante et, d'autre part, et c'est en l'espèce le point principal, il convient de ne pas porter atteinte aux droits des autres copropriétaires. Quand le copropriétaire exécute des travaux en partie privative, il doit aussi se soucier des incidences qui peuvent survenir pour d'autres copropriétaires.
On pourrait multiplier les exemples, notamment en jurisprudence. On citera, par exemple, le remplacement d'une moquette par un parquet, le copropriétaire décide de remplacer la moquette par un parquet sauf que cela peut avoir des répercussions au niveau de l'isolation phonique à l'égard des voisins.
Dans ce cas, certaines décisions considèrent, dans des cas d'espèce, que le copropriétaire qui donc a affaibli la qualité acoustique par rapport à ses voisins se trouve être responsable (Cass. civ. 3, 15 janvier 2003, n° 01-14.472, FS-P+B N° Lexbase : A6781A4W) c'est un arrêt qui est paru au bulletin civil III, n° 4.
Il pourra en aller de même de la modification de la disposition d'un appartement, en cas de création d'une pièce humide là où il existait auparavant une pièces sèche, c'est-à-dire que vous avez des appartements qui sont disposés d'une certaine manière, il y a des salles à manger, des salons, des chambres et puis un copropriétaire va modifier la disposition, il va placer sa salle de bains là où auparavant il y avait le salon, la cuisine là où il y avait la salle à manger... Cela peut générer des désagréments acoustiques ou olfactifs et le copropriétaire, malgré la liberté qui lui est reconnue, peut voir sa responsabilité engagée. Il y a là-dessus un arrêt de la Cour de cassation du 17 janvier 1996 (Cass. civ. 3, 17 janvier 1996, n° 94-12.715 N° Lexbase : A5853CUC), paru dans la Revue des loyers 1996, page 404.
On pourrait évoquer beaucoup d'autres travaux de climatisation, par exemple l'installation d'une climatisation, des canalisations qu'on va modifier et qui pourront d'ailleurs toucher aussi aux parties communes.
Voilà en résumé pour cette première partie, la plus simple, qui concerne donc les travaux effectuées par les copropriétaires sur les parties privatives.
2. Les travaux effectués par les copropriétaires sur les parties communes
Deuxième volet, beaucoup plus riche en contentieux et en difficultés, les travaux effectués par les copropriétaires sur les parties communes, touchant les parties communes.
Là, comme vous le savez, il y a deux dispositions essentielles de la loi de 1965, l'article 25 b (N° Lexbase : L4825AH8), l'article 30, alinéa 4 (N° Lexbase : L4837AHM).
L'article 25 b prévoit la nécessité, l'obligation d'une autorisation d'assemblée générale, lorsqu'un ou plusieurs copropriétaires entendent effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble.
Quant à l'article 30, alinéa 4 de la même loi, il prévoit qu'en cas de refus de l'assemblée générale des copropriétaires, le copropriétaire qui n'a pas obtenu d'autorisation peut solliciter du tribunal l'autorisation judiciaire d'exécuter les travaux. Il faut dire que là il existe un contentieux abondant, même considérable. Je n'aborderai que rapidement l'aspect purement contentieux d'autorisation judiciaire parce que je pense que Madame Denise Jaffuel sera amenée à vous en parler tout à l'heure, donc je m'attarderai plutôt sur l'assemblée elle-même, et l'article 25 b plutôt que l'article 30 alinéa 4.
2.1. L'article 25 b de la loi du 10 juillet 1965 : l'autorisation donnée par l'assemblée générale aux copropriétaires d'effectuer des travaux touchant les parties communes
2.1.1. Quels sont les travaux qui relèvent de l'article 25 b ?
Le législateur a posé quatre conditions pour rentrer dans le cadre de l'article 25 b. Il faut qu'il s'agisse de travaux :
- qui affectent les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble ;
- exécutés par un ou plusieurs copropriétaires ;
- exécutés aux frais exclusifs des copropriétaires ;
- qui doivent, nous dit le texte, être conformes à la destination de l'immeuble.
Voici les critères pour que les travaux relèvent de cet accord à obtenir de l'assemblée générale des copropriétaires.
Quelques observations en lien avec ces définitions, je m'empresse de dire que c'est possible de survoler, mais impossible d'approfondir complètement le sujet tant il y a de jurisprudences et de contentieux sur ces questions. On abordera simplement quelques points.
2.1.1.1. Quelques exemples de travaux affectant les parties communes
L'ouverture d'un mur porteur, la création d'une trémie pour rattacher deux niveaux entre eux par un escalier intérieur, l'installation d'un ascenseur qui est, à elle seule, une mine de difficultés et aussi de conflits...
2.1.1.2. Les travaux affectant l'aspect extérieur
Il s'agit par exemple des travaux qui touchent en général aux façades de l'immeuble, l'ouverture d'une fenêtre, la pose de stores, la question aussi des enseignes. Vous voyez qu'il y a matière encore une fois, beaucoup plus étoffée que les quelques exemples.
2.1.1.3. Les travaux sur parties communes faisant l'objet d'une jouissance exclusive
Quid maintenant des travaux sur parties communes lorsque ces parties communes font l'objet d'une jouissance exclusive ?
Ce sera le cas des terrasses, des loggias, des jardins à jouissance exclusive. Est que dans ce cas du fait de la jouissance exclusive, il y a une différence ? Est-ce qu'on est soumis aux mêmes règles ?
Oui, on reste soumis au même principe, même lorsque le copropriétaire est titulaire de la jouissance exclusive de cette partie commune que sera par exemple la terrasse ou le jardin, parce que cela reste une partie commune et dès lors que cela reste une partie commune, le copropriétaire doit suivre la voie qu'il est incité à prendre, résultant de l'article 25 b.
2.1.1.4. Distinction entre les travaux qui relèvent de l'article 25 b, des travaux relevant de l'article 26 de la loi du 10 juillet 1965
Autre question, plus embarrassante, qui donne lieu à des appréciations parfois délicates, il s'agit de la distinction entre les travaux qui relèvent de l'article 25 b, donc les travaux eux-mêmes, des travaux qui peuvent devenir relevant de l'article 26 de la loi du 10 juillet 1965.
Il s'agira là de travaux qui sont des travaux toujours de parties communes, mais qui se traduisent aussi par une emprise sur les parties communes ou par un accroissement de parties privatives, du fait des travaux exécutés.
Emprise sur les parties communes : il faut bien cerner la notion de travaux qui affectent les parties communes pour la différencier de la notion d'appropriation de parties communes relevant de l'article 26. C'est d'autant plus essentiel que quand vous êtes purement sur des travaux touchant, affectant l'aspect extérieur de l'immeuble, vous pouvez saisir le juge en cas de refus, alors que si vous êtes sur le terrain de l'article 26, parce qu'il y a une emprise sur partie commune, vous n'avez pas cette possibilité d'en référer au juge pour qu'il vous donne l'autorisation judiciaire.
Là, l'examen de la jurisprudence montre que plutôt que de s'attacher à des critères quantitatifs de surface, c'est-à-dire savoir si l'emprise c'est 2 mètres carrés, 10 mètres carrés..., elle s'attache plutôt à un critère de finalité. Je vais illustrer cela du propos notamment avec les ascenseurs.
Si la partie commune affectée par les travaux concerne son usage de partie commune, elle reste bien partie commune ou, si l'élément réalisé, avant qu'elle puisse s'intégrer dans les parties communes, il faut considérer qu'il n'y a pas appropriation de parties communes.
En revanche, si la partie commune affectée se trouve soustraite à sa destination de partie commune, se trouve en quelque sorte privatisée complètement ou si son usage se trouve complètement transformé, il faut considérer qu'on se situe dans l'hypothèse d'une appropriation des parties communes ou de modification du règlement de copropriété, ce qui d'une manière ou d'une autre nécessite un vote à la majorité de l'article 26.
Un exemple simple, il y en a bien d'autres : un copropriétaire va demander une autorisation de pose d'une porte, en réalité pour s'approprier quelques mètres carrés d'un couloir commun, qui ne fera que desservir son ou ses locaux. Donc il va faire une demande d'autorisation pour la pose d'une porte. Si en réalité cette demande formulée sous le biais du travail de pose d'une porte implique une appropriation du couloir partie commune, cela relève de la majorité de l'article 26. C'est ce que dit la Cour de cassation dans un arrêt ancien, mais c'est une jurisprudence qui, je crois, n'a jamais été démentie (Cass. civ. 3, 19 décembre 1978, n° 77-13.266 N° Lexbase : A2459CXD), parue au Dalloz 1979, page 443.
Cela étant la distinction n'est pas toujours évidente.
Si on prend le cas de l'installation de l'ascenseur la jurisprudence est assez constante et elle admet que cette installation relève de l'article 25 b en tant que travaux affectant les parties communes, même si l'ascenseur, ce qui est évidemment toujours le cas, ou à peu près, a une emprise.
Pour installer un ascenseur aux frais de certains copropriétaires en parties communes, il y a forcément une emprise en partie commune, surtout si la machinerie d'ascenseur se trouve en partie basse, sauf à racheter parfois une cave qui peut être une partie privative qui sera utilisée, mais il y a une emprise. Dans ce cas, la jurisprudence considère qu'on est quand même dans le cadre de l'article 25 b. Pourquoi ?
Parce que sinon il serait pratiquement impossible sauf accord, ce ne serait pas impossible, mais cela rendrait encore plus difficile l'installation d'ascenseur puisque cela nécessiterait systématiquement le recours à la majorité de l'article 26.
Néanmoins, c'est tout de même intéressant, puisqu'on peut très bien avoir un ascenseur installé à la demande, à l'extrême limite -généralement il y a plusieurs copropriétaires- mais il peut être installé à la demande d'un seul copropriétaire, c'est un détournement de partie commune incontestable au profit de ce copropriétaire. Malgré tout on admet cette majorité article 25 b. L'arrêt de la Cour de cassation est assez intéressant (Cass. civ. 3, 10 octobre 2006, n° 05-17.565, F-D N° Lexbase : A7850DR8) paru dans la revue Administrer de janvier 2007, page 60.
Le problème va se trouver non seulement sur ces questions de travaux affectant les parties communes avec emprise, mais aussi sur une notion plus large qui pourrait être la notion d'une sorte de construction, l'édification d'une construction sur une partie commune, sur un balcon, sur une terrasse ou sur une cour à jouissance privative.
Là, c'est extraordinaire, parce que quand les demandes sont formulées par les pétitionnaires, par les copropriétaires demandeurs, il y a une grande variété d'imagination pour soumettre la demande à l'assemblée des copropriétaires, quand il s'agit en fait d'édifier la possibilité d'une construction permettant d'avoir quelques mètres carrés supplémentaires. On vous fera une demande pour une véranda, une serre, un abri, un jardin d'hiver...
Ce sera parfois le cas, mais dans d'autres cela dissimule des réalités un peu plus consistantes. Le problème se pose assez souvent quand il s'agit de fermer un balcon ou une terrasse, ou carrément d'implanter une construction de jardin.
Le critère retenu par la jurisprudence pour retenir l'application de l'article 25 b et non l'article 26 sera celui de la construction légère et démontable, et encore sous certains nuances, tout ce qui vous est dit n'est pas catégorique et parfois il faut lire un peu entre les lignes les décisions prises par les diverses juridictions, mais la dominante c'est quand même cela.
Si la construction est légère démontable on admettra que cela peut relever de l'article 25 b. Il y a un arrêt de la Cour de cassation, troisième chambre civile, 9 mars 2005 (Cass. civ. 3, 9 mars 2005, n° 03-12.596, FP-P+B N° Lexbase : A2553DHZ), paru dans la revue Loyer copropriété, 2005, commentaire n° 10.
A l'inverse, si la construction présente des caractéristiques plus solides, à plus forte raison si c'est vraiment une construction en dur, on considérera qu'elle relève de la majorité de l'article 26. Là aussi, Cour de cassation, troisième chambre civile, 4 novembre 2004 (Cass. civ. 3, 4 novembre 2004, n° 03-11.741, FS-P+B N° Lexbase : A7664DD9), paru dans la revue Administrer de mars 2005 avec observation de M. Bouillon.
Voilà donc quelques remarques sur cette difficulté à appréhender parfois l'application de l'article 25 b ou de l'article 26.
2.1.1.5. La conformité à la destination de l'immeuble
Dernier point sur ces travaux, la conformité à la destination de l'immeuble qui est aussi une des conditions que pose l'article 25 b, conformité à la destination de l'immeuble. Pour entrer dans le champ de l'article 25 b, les travaux doivent respecter la destination de l'immeuble.
C'est évidemment une notion très vaste et qui va faire l'objet, là comme souvent, d'une appréciation au cas par cas, d'où la difficulté de tracer des lignes directrices extrêmement claires sur cette notion de destination de l'immeuble.
En pratique, lorsqu'il s'agit de travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur, la notion de destination de l'immeuble va plutôt se référer à ce qu'est l'aspect, l'esthétique de l'immeuble, ce qu'est l'harmonie de l'immeuble. Il y aura donc une prise en compte par les magistrats, par les tribunaux de l'intérêt architectural et du maintien de l'harmonie architecturale de l'immeuble sur le plan esthétique.
Il y a là-dessus toute une jurisprudence en matière d'installation d'ascenseur. Généralement, les copropriétaires des étages les plus élevés sont les principaux demandeurs à l'installation des ascenseurs et ceux des étages inférieurs les plus réfractaires.
Dans Paris, dans certains quartiers, je pense en particulier aux 6ème et 7ème arrondissements, il y a de nombreuses demandes d'installation d'ascenseurs avec des copropriétaires qui vont s'opposer en disant "c'est un immeuble classé, qui a une valeur importante en terme de patrimoine, il y a un superbe escalier, une très belle entrée, vous allez installer un ascenseur qui va dénaturer l'esthétique ou l'harmonie de l'immeuble" ; c'est plutôt sur ce plan que se situera le plus souvent la notion d'appréciation de la destination de l'immeuble, entendue dans un sens très large.
Il y a plusieurs décisions, en particulier de la cour d'appel de Paris venant dire : "effectivement si c'est un immeuble qui présente des caractéristiques architecturales particulièrement remarquables, et même parfois à peine très remarquables, mais quand même importantes, on vous dira qu'on ne peut pas installer l'ascenseur, hormis l'unanimité".
De même, la jurisprudence étend un peu cette notion de destination pour dire qu'il ne doit pas y avoir de modification notable des conditions de jouissance des parties communes pour les autres copropriétaires.
On a des exemples de demandes de prolongation d'un escalier principal pour accéder au dernier niveau qui n'est pas desservi en l'état par l'escalier principal ou demande de prolongation de l'ascenseur également. On prendra en compte à la fois la destination de l'immeuble, les droits des autres copropriétaires, les atteintes à leurs modalités de jouissance, tout ceci rentrera dans le cadre de l'appréciation qui pourra être faite en cas de contestation devant les tribunaux d'un refus d'autorisation.
2.1.2. L'autorisation des travaux par l'assemblée générale
Maintenant, deuxième aspect sur ces travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble l'autorisation à proprement parler de l'assemblée générale. Là quelques observations :
Premièrement, en complément de ce que je vous indiquais, qui touche aux conditions de fond qui sont posées par l'article 25 b, il y a aussi des conditions de forme qui seront respectées par le copropriétaire qui entend solliciter l'autorisation.
Pour ceci, il faudra qu'il fasse sa demande auprès du syndic bien sûr, qu'il accompagne cette demande, d'une part, d'un projet de résolution (décret du 17 mars 1967, art. 11, 7° N° Lexbase : L5497IGP) et, d'autre part, depuis un décret du 20 avril 2010 (décret n° 2010-391 N° Lexbase : L9918IGG) qui a modifié le décret de 1967, d'un document précisant, je cite : "l'implantation et la consistance des travaux", autrement dit c'est maintenant l'article 10, alinéa 2, du décret de 1967 modifié par le décret de 2010, donc obligation de bien informer les copropriétaires sur la nature, l'implantation et la consistance des travaux, en complément des conditions de fond que nous avons vues précédemment.
Deuxièmement, l'assemblée générale se prononcera à la majorité de l'article 25 de la loi du 10 juillet 1965, c'est-à-dire une majorité de voix de l'ensemble des membres du syndicat des copropriétaires. Si vous avez 1000 millièmes, il faut 501 millièmes sous la réserve de la possibilité aussi d'une autorisation donnée à la majorité de l'article 25-1, c'est-à-dire que si en première lecture vous avez plus du tiers des voix des copropriétaires composant le syndicat à s'être prononcé en faveur de l'autorisation, il pourra y avoir un vote en deuxième lecture, à la majorité simple de l'article 24. Voilà pour les conditions de majorité.
Troisième point sur l'autorisation de l'assemblée ; celle-ci est en droit de donner son autorisation sous certaines conditions, et en général c'est le cas ; le mieux pour le copropriétaire qui formule une demande auprès de l'assemblée, c'est déjà, dans sa demande, de préciser les conditions auxquelles il est prêt à se soumettre.
Par exemples souscrire une assurance si les travaux portent sur le gros oeuvre, souscrire une assurance dommage ouvrage, garantir la possibilité de contrôle par l'architecte de la copropriété, s'engager à contracter avec des entreprises qualifiées, etc.; éventuellement verser une indemnité pour la gêne occasionnée au syndicat des copropriétaires, donc toute une série de choses qui peuvent relever des pouvoirs de l'assemblée générale.
Voilà pour l'essentiel.
2.2. L'article 30, alinéa 4 de la loi du 10 juillet 1965 : l'autorisation judiciaire d'effectuer certains travaux
Quelques dernières observations qui feront la transition avec l'exposé que vous fera Madame Jaffuel tout à l'heure, puisque cela touche à la fois le déroulement en quelque sorte de l'assemblée générale et donc l'autorisation donnée et aussi la possibilité ensuite de ce recours judiciaire sur le fondement de l'article 30, alinéa 4.
En effet, pour que le juge puisse être valablement saisi, sur le fondement de l'article 30, alinéa 4, il faut que l'assemblée générale dans son déroulement réponde à certaines conditions.
Quelles sont ces conditions pour qu'ensuite il puisse y avoir valablement une contestation et conditions aussi pour que le copropriétaire, parce qu'il y a un double aspect dans le contentieux judiciaire, qui a formulé la demande, puisse lui-même se mettre autant que possible, s'il obtient l'autorisation, à l'abri d'une contestation d'autres copropriétaires qui viendraient dire que son autorisation n'a pas été obtenue dans des conditions régulières ?
Par exemple, on évoquait les conditions de forme, si le copropriétaire obtient une autorisation alors qu'il n'a pas soumis aux copropriétaires un document sur la consistance exacte de ses travaux ; eh bien même ayant obtenu l'autorisation, un autre copropriétaire peut saisir le tribunal d'une demande d'annulation en disant que cette autorisation n'a pas été donnée dans les conditions légales.
D'où l'intérêt de bien respecter les conditions, aussi bien dans la perspective d'un recours d'un autre copropriétaire, si l'autorisation n'est donnée que dans la perspective pour le copropriétaire qui se verrait refuser l'autorisation d'une saisine du tribunal.
Premièrement la demande doit émaner du copropriétaire et non pas, parce que souvent en matière de travaux qui touchent à des lots commerciaux, vous aurez une demande qui sera faite par exemple pour modification de vitrine ou pour une création de trémie, au profit du locataire, au profit de l'exploitant, mais même si c'est au profit de l'exploitant, c'est le copropriétaire qui doit formuler la demande car c'est lui qui est titulaire, qui est membre du syndicat et la loi dit que c'est le copropriétaire qui doit formuler la demande.
De même ce copropriétaire doit être titulaire de droits indivis au regard de la partie commune qui va être concernée.
Ce sont des cas un peu limites, mais qui peuvent se présenter lorsque vous avez dans un immeuble à la fois partie commune générale et partie commune spéciale. Si la demande touche une partie commune spéciale du type un élément d'équipement spécial comme un ascenseur, il faut que le copropriétaire puisse justifier de droits indivis sur la partie commune concernée.
Ensuite, la demande ne peut être formée que pour des travaux relevant de l'article 25 b, on l'a déjà évoqué.
Ensuite il est impératif que l'assemblée ait refusé la demande d'autorisation pour qu'on saisisse le tribunal en cas de refus. Il faut qu'il y ait un refus express ; si l'assemblée s'est contentée de dire "on ne vote pas" ou de reporter à une assemblée ultérieure, ce n'est pas suffisant pour le copropriétaire pour lui permettre de saisir le tribunal, sauf si l'assemblée a des atermoiements, qui, en réalité, équivalent à un refus, et ce dans des conditions un peu abusives.
Les travaux doivent par ailleurs constituer une amélioration. On a vu la destination mais en plus, là, les travaux doivent constituer une amélioration. C'est ce que dit l'article 30 alinéa 4, mais cette amélioration sera interprétée comme amélioration au profit du copropriétaire, c'est-à-dire qu'il suffit que l'autorisation qu'il demande porte sur des travaux qui lui profiteront, et que ce ne soit pas une amélioration par rapport à l'ensemble des copropriétaires.
Enfin, on l'a vu, les travaux doivent être conformes à la destination de l'immeuble.
Dernier point, je pense que Mme Jaffuel y reviendra, mais ce n'est peut-être pas mauvais de le dire deux fois, c'est que pour que le juge puisse être saisi d'une demande d'autorisation judiciaire, il est indispensable que les travaux n'aient pas été réalisés et même qu'ils n'aient pas été entamés, car si le copropriétaire, qui n'a pas obtenu d'autorisation par hypothèse et qui s'est heurté à un refus de l'assemblée générale, saisit le tribunal pour demander une autorisation, mais qu'il est passé outre à l'absence d'autorisation, refus de l'assemblée, et qu'il a commencé à exécuter les travaux, à plus forte raison s'il les a entièrement réalisés, il ne peut plus obtenir du tribunal l'autorisation judiciaire, les juridictions considérant à juste titre qu'elles se trouveraient placées devant le fait accompli et qu'elles n'auraient plus la possibilité d'assortir une autorisation de conditions qu'elles sont éventuellement en droit de demander.
Voilà pour ces aspects liés à l'assemblée générale des copropriétaires. En guise de conclusion, quid de l'absence justement d'autorisation pour un copropriétaire lorsqu'il exécute des travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble ?
Il faut savoir que la sanction est lourde pour lui et qu'elle est assez constante, quasiment automatique. Lorsque le copropriétaire exécute des travaux qui touchent l'aspect extérieur de l'immeuble ou qui affectent les parties communes sans autorisation ni de l'assemblée, ni judiciaire, le syndicat des copropriétaires et même tout copropriétaire au titre de la jouissance de son lot peut poursuivre en justice la démolition et la remise en état.
C'est une action qui peut être faite y compris en référé, par voie de référé, et généralement, j'ai quelques expériences dans le domaine, le juge des référés fait droit à ce type de demande.
C'est une sanction qui peut tomber en plus assez vite sous astreinte, sachant toutefois que l action doit être intentée dans le délai de 10 ans, à compter de la réalisation des travaux, qui est prévu à l'article 42, alinéa 1, de la loi du 10 juillet 1965 (N° Lexbase : L4849AH3), puisqu'il s'agit d'une action personnelle entre le syndicat et un copropriétaire ou entre des copropriétaires selon le demandeur.
Il y a un dernier point, mais je ne vais peut-être pas l'aborder, éventuellement vous pourrez me poser des questions parce que je ne voudrais pas abuser de mon temps de parole par rapport aux autres intervenants, qui est la possibilité -on quitte là ce que nous venons de voir c'est-à-dire les points que j'envisageais, qui est peut-être moins important, bien qu'il soulève aujourd'hui diverses questions- pour le copropriétaire d'exercer son droit de surélever ou de construire lorsqu'il tire son droit de son titre de propriété, voire du règlement de copropriété ou lorsqu'il obtient une cession de droit de surélever ou du droit de construire sur le sol commun.
Là c'est bien le copropriétaire qui entreprendra aussi des travaux de surélévation ou de construction mais dans un tout autre registre. Ce sont les articles, soit 35 (N° Lexbase : L4841AHR), soit 37 (N° Lexbase : L4843AHT) de la loi du 10 juillet 1965".
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