Lexbase Social n°965 du 23 novembre 2023 : Licenciement

[Actes de colloques] La négociation des plans de sauvegarde de l’emploi

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N7437BZH

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par Frédéric Géa, Professeur à la Faculté de droit de Nancy, Université de Lorraine, Directeur du Master mention Droit social

le 22 Novembre 2023

Mots-clés : PSE • accord majoritaire • négociation • consultation • contenu 

Cet article est issu d’un dossier spécial consacré à la publication des actes du colloque intitulé « Le plan de sauvegarde de l'emploi : 10 ans après la loi du 14 juin 2013 », qui s’est tenu le 14 juin 2023 à Toulouse, et organisé par Frédéric Géa, Professeur à l’Université de Lorraine, et Sébastien Ranc, Maître de conférences à l'Université de Toulouse Capitole.

Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici N° Lexbase : N7441BZM


Encourager la négociation des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE). Tel fut l’un des principaux objectifs poursuivis par la loi n° 2013-504, du 14 juin 2013, relative à la sécurisation de l'emploi N° Lexbase : L0394IXU et, plus particulièrement, de son volet consacré à la réforme de la procédure des grands licenciements collectifs. Cette loi, qui assura la transdiction de l’accord national interprofessionnel (ANI), du 11 janvier 2013 [1], marquait-elle un tournant, à cet égard ? Il est clair que jusque-là, les plans de sauvegarde de l’emploi – et avant eux les plans sociaux [2] – ne faisaient que rarement l’objet d’accords collectifs. Au demeurant, les règles ne différenciaient pas selon que le plan donnait lieu à une élaboration unilatérale – mais au travers de la procédure d’information/consultation du comité d’entreprise – ou d’une négociation, si bien que le contrôle judiciaire, avec ses exigences, s’avérait identique. Cela étant, et les praticiens le savent, ces plans ouvraient sur des formes de « négociation » visant à obtenir un avis favorable du comité d’entreprise. Le comité avait ses stratégies, assorties de ses moyens d’action (dont l’action judiciaire engagée en cours de procédure), et l’employeur ses préoccupations (notamment l’impératif de contenir la durée de la procédure). C’est ainsi, le cas échéant, que des compromis se construisaient – sur fond d’un rapport de force. Sans doute est-ce cela justement que la réforme entendit changer, à travers son aspiration à favoriser des PSE donnant lieu à des accords avec les organisations syndicales représentatives. Car il s’agissait de réduire autant que possible la conflictualité – à travers ses différentes manifestations – de ces plans. L’idée de favoriser la négociation des PSE avait cependant déjà connu, auparavant, des débuts de traduction. L’on se souviendra, en particulier, que les accords de méthode en matière de licenciement économique, que la loi n° 2003-6, du 3 janvier 2003, portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques, dite loi « Fillon » N° Lexbase : L9374A8P, avait instaurés, se virent deux ans plus tard, avec la loi n° 2005-32, du 18 janvier 2005, de programmation pour la cohésion sociale, dite loi « Borloo » N° Lexbase : L6384G49, reconnaître la capacité d’anticiper le contenu du PSE [3]. Bref, si la loi du 14 juin 2013 marqua, à coup sûr, une évolution absolument décisive, en qu’elle allait véritablement encourager la négociation des PSE, cette orientation, non seulement ne venait pas de nulle part, mais procédait, en outre, de l’ambition de modifier les comportements des acteurs concernés.

La loi relative à la sécurisation de l’emploi a bel et bien changé la donne. Le renversement s’est traduit rapidement, mais le bilan officiel dressé par la DGEFP en juin 2023 permet aujourd’hui, avec le recul nécessaire, de caractériser le changement de perspective qui s’est produit et d’en mesurer l’ampleur. Depuis 2015, environ 80 % des PSE ont donné lieu à une tentative de négociation avec une ou des organisations syndicales représentatives. Lorsque la voie de la négociation est empruntée, celle-ci aboutit, le plus souvent, à la signature d’un accord collectif majoritaire, et cette proportion a même augmenté au fil du temps, passant de 84 % en 2015 à 90 % en 2022. Sur la période concernée, ce sont, en définitive, 67 % de PSE qui, dans les entreprises in bonis, ont fait l’objet d’un accord validé par l’administration, sachant que l’on observe des fluctuations et un infléchissement en 2022 (67 % en 2015, 75 % en 2018, 63 % en 2022). La DGEFP introduit toutefois une intéressante nuance, en précisant que la part des PSE négociés se révèle « sensiblement plus importante au sein des grandes entreprises (plus de cinq cents salariés) », où elle atteint le seuil de 75 %, contre 48 % dans les entreprises occupant moins de cent salariés [4]. Bien sûr, ces statistiques n’éclairent qu’une partie du phénomène, en le saisissant avant tout sous un angle quantitatif. En tant que telles, elles ne disent rien – puisque tel n’est pas leur objet – du contenu des accords négociés, de ce que l’on négocie effectivement, ou des raisons ayant conduit les acteurs, tant du côté des directions d’entreprise que des syndicats, à négocier un accord sur le PSE (dans le cadre d’un projet de licenciement collectif ou d’un plan de départs volontaires) plutôt qu’un autre type d’accord [5]. Ce qui est saisi, c’est une dynamique d’ensemble, en soi difficilement contestable, pensons-nous.

Compte tenu de la perspective dans laquelle s’inscrivent notre colloque et, à présent, ces actes, nous n’entendons pas aborder – en long, en large et en travers – les différentes facettes de la négociation du PSE. Nous prendrons le parti de focaliser notre regard, au titre des déplacements qui se sont produits en ce domaine, sur ce que nous envisagerons comme des lignes de fuite (I.), avant de faire ressortir ce que nous percevons comme des zones d’ombre (II.).

I. Les lignes de fuite

Une manière de saisir les mouvements, notamment au sein d’un tableau, consiste à en saisir les lignes de fuite (au sens, comme l’entendaient Gilles Deleuze et Felix Guattari, de processus qui ouvrent sur des devenirs et au terme desquels on ne finit jamais au même point). S’agissant de la négociation des PSE, tel qu’elle s’est recomposée sur la base de la réforme de 2013, deux nous semblent devoir être mises en exergue.

A. La figure de l’accord majoritaire sur le PSE

La première ligne de fuite – qui s’impose d’emblée comme évidente – concerne la figure même l’accord majoritaire fixant le contenu du PSE, pour reprendre une formule qu’affectionne le Conseil d’État. Il faut garder à l’esprit que cet accord incarna, avec celui qui correspondait dans la loi du 14 juin 2013 aux accords de maintien de l’emploi, la première expression tout à la fois manifeste et impérative d’un accord d’entreprise majoritaire (si l’on réserve le cas du protocole d’accord préélectoral [6] et de l’alternative qu’avait ouverte la loi n° 2004-391, du 4 mai 2004, relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social N° Lexbase : L1877DY8 [7]), avec l’exigence d’une signature par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant réuni « au moins 50 % » des suffrages recueillis en faveur des syndicats représentatifs au premier tour des dernières élections des titulaires, à l’époque, au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, et ce, quel que soit le nombre de votants. Ce qui constituait alors l’exception est, par la suite, devenu, avec les réformes de 2016 et 2017, le principe posé au premier alinéa de l’article L. 2232-12 N° Lexbase : L8604LGR, concernant les conditions de validité d’un accord d’entreprise, à ceci près que l’exigence requise consiste à réunir « plus de 50 % » de ces mêmes suffrages (peut-être serait-il judicieux d’uniformiser un jour ces rédactions…) et qu’il n’a pas été question, pour le PSE, d’autoriser la conclusion d’un accord minoritaire ratifié par les salariés à la majorité des suffrages exprimés, autrement dit par référendum [8].

Les arrêts Pages jaunes N° Lexbase : A3522DME N° Lexbase : A3500DML auront constitué un terrain propice pour éprouver la figure de l’accord majoritaire relatif au PSE. L’on songe d’abord, bien sûr, à celui rendu par le Conseil d’État le 22 juillet 2015, dans sa première série de décisions se rapportant au régime institué par la loi de 2013 [9]. L’affaire concernait un accord signé par plusieurs délégués syndicaux. Seulement, l’un d’entre eux n’avait pas fait l’objet d’une nouvelle désignation après les dernières élections, ce qui fait que, juridiquement, son mandat n’avait pas été renouvelé et qu’il n’était pas habilité à conclure un accord collectif au nom de son organisation. Faute de pouvoir prendre en compte l’audience de ce syndicat, l’accord n’apparaissait plus majoritaire au sens de l’article L. 1233-24-1 du Code du travail N° Lexbase : L8600LGM, et le Conseil d’État jugea, sans surprise, que la décision de validation devait être annulée [10]. Cette affaire a eu des suites puisque, devant le juge judiciaire cette fois, se posa la question de savoir si les salariés concernés pouvaient se prévaloir de la nullité de leur licenciement et obtenir leur réintégration de plein droit (sauf impossibilité matérielle), en vertu des articles L. 1235-10 N° Lexbase : L0726IX8 et L. 1235-11 N° Lexbase : L8064LGR – ce qui suppose que l’annulation de la décision administrative résulte de l’absence ou de l’insuffisance du plan de reclassement – ou si ceux-ci ne pouvaient prétendre qu’à l’indemnisation envisagée à l’article L. 1235-16 N° Lexbase : L2151KGR. Se pouvait-il que cet accord, finalement minoritaire, puisse être considéré comme instituant un PSE assorti d’un plan de reclassement ? Sans doute pas, mais la Cour de cassation n’a pu, en considération du principe de séparation des autorités judiciaire et administrative, que décider le contraire, à la faveur d’un arrêt daté du 13 janvier 2021 qui, reconnaissons-le, se révélait troublant, du moins en première approche [11]. Cela n’a pas empêché la Chambre sociale de juger, quatre mois plus tard, avec une décision du 27 mai 2021, que les salariés en cause pouvaient, individuellement, se prévaloir devant le juge judiciaire du défaut de validité de l’accord collectif déterminant le contenu du PSE, à la suite de la décision du juge administratif qui avait annulé l’accord [12]. C’est dire à quel point l’affaire Pages jaunes a ouvert sur un imbroglio juridique déstabilisant quelque peu les repères quant au sort devant être réservé à cet accord minoritaire.

D’autres questions ont surgi à propos de cet accord majoritaire, en particulier celle de savoir si un syndicat catégoriel est en droit de le négocier et de le conclure, aux côtés d’un ou plusieurs syndicats intercatégoriels, lorsque les suppressions d’emploi n’affectent pas, au sein du ou des établissements concernés, la catégorie de salariés que ledit syndicat a statutairement vocation à représenter. Telle était la problématique que souleva l’affaire DIM qui alimenta les discussions doctrinales avant que le Conseil d’État ne reconnaisse, dans un arrêt du 5 mai 2017, la capacité pour un syndicat catégoriel, dès lors qu’il est représentatif au niveau de l’entreprise, de conclure un tel accord, même dans ces circonstances particulières [13]. Sous-tendait cette solution, parmi d’autres arguments, la considération selon laquelle l’accord majoritaire fixant le contenu du PSE fait l’objet de règles spéciales qui dérogent au droit commun des conventions et accords collectifs de travail, dont celles se rapportant, précisément, aux syndicats catégoriels. Voilà qui contribue à caractériser le particularisme de cet accord majoritaire, dont les traits aujourd’hui ne sont plus tout à fait, nous semble-t-il, ceux qu’on lui prêtait en 2013. On le pensait arrimé au seul niveau de négociation de l’entreprise, à l’exclusion de tout autre. L’on sait maintenant qu’il peut aussi, à certaines conditions certes, être négocié au niveau de l’UES, le Conseil d’État ayant tranché en ce sens [14]. La voie de la négociation au niveau d’un établissement ou d’un groupe paraît encore fermée [15], en dépit de velléités repérables ici ou là. L’on affirmait qu’il était impossible de conclure un tel accord dans une entreprise dépourvue de délégué syndical, mais la possibilité de transformer sur la base de stipulations d’un accord de branche étendu un comité social et économique en conseil d’entreprise [16], lui-même susceptible de négocier un accord sur le PSE [17], dément – au moins sur le plan théorique, car de telles stipulations semblent rarissimes – cette hypothèse. Discrètement, cette figure de l’accord collectif majoritaire fixant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi s’affine et chemine, y compris là où on ne l’attendait pas.

B. L’articulation entre consultation et négociation

Une seconde ligne de fuite nous apparaît tout aussi manifeste, en l’occurrence celle relative au problème de l’articulation entre consultation et négociation. Au moment où la loi fut adoptée, l’article L. 1233-30 du Code du travail N° Lexbase : L8096LGX introduisit ce qui semblait bien constituer une exception au principe issu de la jurisprudence consacrée par l’arrêt EDF du 5 mai 1998 N° Lexbase : A2677AC7, en vertu duquel le comité d’entreprise devait être consulté au plus tard avant la signature de l’accord collectif lorsque celui-ci portait sur l’un des objets relevant de la compétence du comité [18]. Son quatrième alinéa prévoyait, en effet, que, lorsqu’ils font l’objet de l’accord collectif sur le PSE, les éléments relatifs au projet de licenciement collectif ne sont pas soumis à la consultation du comité d’entreprise. En pareille hypothèse, la consultation des représentants du personnel devait, aux termes de cette disposition légale, se cantonner à l’opération projetée et à ses modalités d’application ainsi qu’aux éléments relatifs au projet collectif non appréhendés par cet accord. À l’instar de l’étude d’impact réalisée au stade de l’élaboration du projet de loi [19], la DGT et la DGEFP n’estimèrent pas moins dans leur instruction datée du 19 juillet 2013 que s’imposait alors une « consultation sur le contenu du projet d’accord, au titre de la compétence générale du comité d’entreprise en matière d’accords collectifs », consultation qui devait être « préalable à la signature de l’accord » [20]. À notre sens, cette interprétation a perdu toute pertinence et n’a plus lieu d’être depuis que la loi n° 2015-994, du 17 août 2015, relative au dialogue social et à l'emploi, dite loi « Rebsamen » N° Lexbase : L2618KG3, a remis en cause la jurisprudence EDF [21], puisque, désormais, « [l]es projets d’accord collectif, leur révision ou leur dénonciation ne sont pas soumis à l’avis du comité d’entreprise » [22] – formule à laquelle s’est substituée, avec l’ordonnance n° 2017-1386, du 22 septembre 2017, relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l'entreprise et favorisant l'exercice et la valorisation des responsabilités syndicales N° Lexbase : L7628LGM, celle de « consultation du comité », pour reprendre les termes du deuxième alinéa de l’article L. 2312-14 N° Lexbase : L8247LGK. À cet égard, l’on peut dire, nonobstant cette doctrine administrative discutable, que la loi relative à la sécurisation de l’emploi anticipa, en matière de PSE, une évolution postérieure de portée beaucoup plus générale, qui, par effet retour, vint consolider la signification qui, nous semble-t-il, devait lui être conférée. Les dispositions issues de la loi de 2013 n’ont certes jamais exclu l’exigence d’une consultation du comité sur le projet de licenciement collectif, prévue par d’autres dispositions [23] ; elles en ont simplement circonscrit l’objet, qui plus est à le rendant à géométrie variable, suivant que l’accord collectif porte lui-même sur l’ensemble des éléments mentionnés au 2°, du I, de l’article L. 1233-30 N° Lexbase : L8096LGX ou sur une partie de ceux-ci (ce qui correspond à l’hypothèse des PSE « mixtes », lesquels impliquent l’élaboration d’un document unilatéral de l’employeur fixant les aspects [24] non envisagés par l’accord, aux fins de compléter ce dernier [25]). N’apparaissait pas moins à l’œuvre l’amorce d’une redéfinition des rapports entre consultation (du comité) et négociation (avec les délégués syndicaux), conduisant ainsi, comme a pu l’écrire Patrick Morvan, à ce que « [l]es représentants syndicaux court-circuitent les représentants élus du personnel » [26]. L’on pouvait y voir l’un des linéaments, sur le plan systémique, d’un modèle de représentation des travailleurs (déjà) en voie de recomposition.

Dans quelle mesure ces modifications d’ordre normatif ont-elles entraîné un changement dans le comportement des acteurs ? Il est difficile de le dire. Dans nombre de négociations relatives au plan de sauvegarde de l’emploi, les comités sociaux et économiques – au regard des retours que nous en donnent les praticiens – semblent encore consultés sur les questions expressément abordées par l’accord collectif. Par prudence, souvent, car la négociation peut ne pas aboutir à la conclusion d’un accord (qui plus est majoritaire), mais peut-être aussi pour d’autres raisons, le cas échéant afin de renforcer l’acceptabilité du plan, c’est-à-dire sa légitimité. C’est que ces processus, quoi qu’on en dise, ne sont nullement réductibles à une approche juridique fondée sur la dichotomie conformité/non-conformité par rapport aux règles légales [27]. Au demeurant, les pratiques n’ont-elles pas vocation, au regard des évolutions récentes intervenues tant au niveau jurisprudentiel que législatif, à se réorienter en inscrivant au cœur de la consultation du comité social et économique certaines conséquences (potentielles) du projet de licenciement collectif ? L’on songe, d’abord, aux conséquences « en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail ». C’est que, depuis les ordonnances du 22 septembre 2017, ces conséquences font – le cas échéant – partie des renseignements utiles que l’employeur doit adresser aux représentants du personnel sur le projet de licenciement collectif [28] ainsi que de la liste des éléments relevant de la consultation du comité [29]. Il y a lieu de penser, à la lumière de l’analyse développée par le Conseil d’État dans ses arrêts du 21 mars 2023 sur la prise en compte des risques psychosociaux lors de l’élaboration d’un PSE, en tant qu’implication des obligations de l’employeur en matière de prévention des risques [30], que ces conséquences constituent un élément clé, désormais, de la procédure d’information-consultation du comité, y compris lorsque le contenu de ce plan donne lieu à une négociation [31]. Et l’on sera, par ailleurs, enclin à considérer que le comité social et économique, compte tenu du rôle dont l’a investi à ce titre la loi n° 2021-1104, du 22 août 2021, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi « Climat et résilience » N° Lexbase : L6065L7R, devrait également être informé et consulté sur « les conséquences environnementales » du projet de l’employeur, en vertu des exigences découlant de l’article L. 2312-8, II, 1°, et III, du Code du travail N° Lexbase : L6660L7S, et ce, bien que les textes légaux relatifs aux consultations dites ponctuelles n’aient pas été formellement modifiés à cette fin [32]. La discussion, en convenons-en, demeure ouverte, pour l’heure, sur ce second aspect. Il n’empêche. Le surgissement de ces questions, étrangères à la loi du 14 juin 2013, témoigne d’une articulation entre négociation et consultation reposant, en rupture avec la conception initiale, sur une logique de répartition des compétences. Car il semble bien que sur ce registre des conséquences (du projet de licenciement collectif), la concertation avec le comité social et économique ne soit pas reléguée en position ancillaire, donc court-circuitée, par la négociation menée avec les délégués syndicaux. La hiérarchisation des modes de dialogue social (institutionnel) se nuance ici, en laissant poindre une forme de coexistence, irréductible à l’idée de non-cumul. Une ligne de fuite ne ramène jamais au point de départ…

Par-delà ces lignes de fuite, la question de la négociation du PSE fait également apparaître des zones d’ombre, qui méritent tout autant de retenir l’attention.

II. Les zones d’ombre

L’ANI du 14 janvier 2013 comportait des zones d’ombre. L’on se demandait, en particulier, ce que pourrait être le contrôle judiciaire de l’accord collectif majoritaire sur le PSE que ce texte envisageait d’instaurer [33]. Cette interrogation, le projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi présenté en mars 2013 la dissipa en prévoyant un contrôle administratif de validation conçu, à la différence de celui exercé au titre de l’homologation du document unilatéral de l’employeur, comme « restreint » [34]. Si, en dehors des infléchissements qui ont alors été décidés, ce projet de loi s’attacha à donner traduction juridique aux orientations retenues par les signataires de l’ANI, le texte, y compris dans sa version définitive, engendra, à son tour, quelques équivoques, dont certaines persistent d’ailleurs aujourd’hui. L’une des plus manifestes, à nos yeux, concerne les dispositions légales se rapportant à une innovation de la loi de 2013, à savoir la faculté instituée au profit du comité d’entreprise de désigner un expert-comptable afin que celui-ci assiste les organisations syndicales représentatives dans la négociation. À qui incombe la prise en charge financière de cette expertise ? Au regard des textes concernés, tant dans leur version originelle que dans leur version actuelle, la réponse apparaît incertaine. La cour administrative d’appel de Paris a certes jugé, en juillet 2022, que les frais d’expertise incombaient à l’employeur [35], mais la solution ne saurait être tenue pour acquise [36]. Reste que les principales zones d’ombre, au sujet de la négociation de l’accord fixant le contenu du PSE, se situent ailleurs.

A. S’agissant du processus de négociation portant sur le PSE

Une première zone d’ombre se loge, à notre avis, au niveau du processus de négociation relatif à l’accord fixant le contenu du PSE. À quel titre ? Au regard des discussions que soulevèrent le projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi puis la loi elle-même la question du « préalable de négociation », pour reprendre la formule de Grégoire Loiseau [37], connut un semblant de cristallisation, bien avant que le sujet ne s’invite sur l’avant-scène des débats en droit du travail français. D’aucuns se demandèrent, en effet, si la formule par laquelle débute l’article L. 1233-24-4 du Code du travail N° Lexbase : L8642LG8 (« À défaut d’accord mentionné à l’article L. 1233-24-1 ») signifiait que le plan de sauvegarde de l’emploi ne pouvait donner lieu à un document unilatéral de l’employeur, c’est-à-dire à une élaboration unilatérale, néanmoins accompagnée d’une concertation avec les représentants des salariés, que lorsqu’une négociation a été préalablement tentée, mais n’a pas abouti à la conclusion d’un accord collectif, du moins aux conditions posées par la loi. Plus que la doctrine, ce furent, en réalité, des avocats qui détectèrent les potentialités de cette formule. L’on serait tenté de dire que la problématique n’eut guère le temps de se développer, puisque, dès le mois de juillet 2013, dans leur instruction commune, la DGEFP et la DGT écartèrent cette interprétation dans leur instruction relative à la mise en œuvre de la procédure de licenciement économique collectif en présentant la voie de la négociation d’un accord majoritaire et celle de l’élaboration du document unilatéral comme des modalités alternatives, sans ordre de priorité ou de préférence. « L’entreprise est libre de choisir d’ouvrir ou non une négociation » [38], y affirmait-on. Sans doute cette position exprimait-elle ce que l’on pourrait identifier à l’intention ou la volonté du législateur – à condition de mesurer la part d’artifice que comporte cette référence. Aux yeux de beaucoup, l’affaire semblait entendue, tout du moins jusqu’à ce que la Cour de cassation, avec ses arrêts Omnitrans, du 17 avril 2019 [39] et Rapide Côte d’Azur, du 13 janvier 2021 [40], vienne cristalliser l’exigence d’une tentative loyale de négociation préalable à la décision (unilatérale) de l’employeur – en l’occurrence à propos de la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts, puis s’agissant du recours au vote électronique [41]. Il y aurait cependant quelque imprudence, comme nous l’avions expliqué dans les colonnes de cette revue [42], à prétendre inférer de ces deux arrêts un (possible) principe susceptible de s’appliquer chaque fois que la loi habilite une décision unilatérale « en l’absence » ou « à défaut » d’un accord collectif, sur un sujet donné. C’est ce que confirme, au demeurant, l’important arrêt rendu par la Chambre sociale le 4 octobre 2023, en écartant une telle grille d’analyse s’agissant des textes légaux relatifs à la base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE) [43]. La propension de l’idée du préalable obligatoire est tributaire de considérations liées, selon les cas de figure concernés, aux règles légales encadrant les actes unilatéraux de l’employeur. Dans ces conditions, compte tenu du contrôle administratif (d’homologation) auquel donne lieu le document unilatéral visé à l’article L. 1233-24-1 N° Lexbase : L8600LGM, il est permis de penser, sous l’angle des textes, que l’élaboration du PSE n’est pas forcément propice à la consécration d’une telle analyse. Encore faut-il introduire ici une nuance. Car si la loi tend à inciter à la négociation du plan, sans l’ériger en préalable obligatoire, l’influence qu’exercent sur le terrain les Dreets (et auparavant les Direccte) afin de convaincre les acteurs de s’engager dans cette voie [44] ouvre sur une alchimie singulière entre liberté et contrainte, pour peu que l’on ne s’en tienne pas à une approche strictement normative.

À dire vrai, la véritable zone d’ombre tient moins à cet équilibre subtil qu’à ce qui en constitue une implication aux allures d’occultation, à savoir la difficulté à appréhender, d’un point de vue juridique et sous l’angle du contrôle administratif, l’exigence de loyauté dans la négociation de l’accord fixant le contenu du PSE. L’hypothèse type est la suivante. Une négociation tendant à la conclusion d’un tel accord est formellement engagée, mais l’espace de discussion, en réalité, se trouve quasiment réduit à néant, tout simplement parce que les organisations syndicales sont placées face à une situation où le projet d’accord préparé par l’employeur est, en quelque sorte, à prendre ou à laisser – ce qui exclut toute perspective de concessions réciproques. Ainsi en ira-t-il, par exemple, lorsque, parallèlement ou simultanément, l’employeur a établi un document unilatéral fixant un plan a minima, en menaçant de se rabattre sur celui-ci dans le cas où les syndicats chercheraient à discuter le contenu du projet d’accord collectif qui leur est soumis. Peut-on encore, en pareilles circonstances, parler de négociation ? Et en tout état de cause, n’y aurait-il pas là une atteinte à l’obligation de loyauté dans la négociation ? Dans l’affirmative, quelle conséquence l’autorité administrative pourra-t-elle en tirer si, du fait de cette stratégie, la négociation a échoué et que le contenu du plan a été fixé au moyen d’un document unilatéral ? Voilà le cœur du problème. Lorsque la négociation aboutit à la conclusion d’un accord, il paraît concevable que la Dreets tire du manquement à l’obligation de loyauté un motif fondant un refus de validation. Une telle analyse, certes, n’est pas acquise, mais au moins apparaît-elle plausible. Lorsque la négociation échoue, en revanche, l’administration se trouve juridiquement démunie. Et pour cause : en l’absence de préalable obligatoire de négociation, la Dreets ne pourra qu’exercer le contrôle impliqué par la demande d’homologation du document unilatéral de l’employeur, sans pouvoir l’étendre à la séquence – effectivement préalable – de négociation. Ce faisant, son contrôle ne pourra porter sur le processus de négociation, et le manquement à l’obligation de loyauté qui s’y rapporte deviendra, par-là même, insaisissable (sur le plan juridique, s’entend). Cette impossibilité est celle à laquelle s’était heurté le tribunal administratif de Rouen en présence de circonstances similaires, ce qui l’avait conduit à évaluer l’écart entre les mesures consacrées par le document unilatéral et celles envisagées dans le projet d’accord collectif « non négociable » que celui-ci soumettait aux syndicats afin de déterminer si l'employeur avait mobilisé les moyens dont, manifestement, il disposait [45]. Il y a là comme un angle mort du contrôle administratif – sachant que l’alternative d’un contrôle judiciaire (à quelles fins et pour quelles conséquences ?) peine à convaincre. Voilà bien le cœur du problème : l’absence de préalable de négociation affecte, ici, tant dans son principe que dans ses potentialités l’exigence de loyauté en matière de négociation du PSE. Ce qui n’est guère satisfaisant.

B. S’agissant du contenu de l’accord majoritaire sur le PSE

Une seconde zone d’ombre affecte le contenu de l’accord collectif relatif au PSE. Encore faut-il, là aussi, préciser de quoi l’on parle. Des règles légales ne définissent-elles pas ce contenu ? Assurément, oui. Ce contenu, la loi du 14 juin 2013, l’avait même soigneusement déterminé, en dissociant le contenu obligatoire et le contenu facultatif de cet accord. Certes, pour caractériser l’accord mentionné à l’article L. 1233-24-1 du Code du travail N° Lexbase : L8600LGM, le texte négocié doit bien entendu déterminer le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi. Cette exigence élémentaire conditionne, en réalité, la qualification de cet accord et l’applicabilité du régime qui lui est associé. Reste que le contenu impératif de l’accord collectif concerné ne se limite pas aux mesures susceptibles d’intégrer un plan de reclassement à géométrie variable, mais qui, en principe, comporte, malgré la rédaction discutable des deux premiers alinéas de l’article L. 1233-61 N° Lexbase : L7291LHI, des mesures de reclassement tant interne qu’externe [46]. Revêtent également un caractère obligatoire, en vertu de l’article L. 1233-63, alinéa 1er N° Lexbase : L8596LGH, les modalités de suivi de la mise en œuvre effective de ces mesures, sans qu’il y ait lieu, cette fois, d’y voir une condition de qualification (juridique) de l’accord, dans la mesure où cette règle vaut pour tous les PSE, quel que soit leur mode d’élaboration. Mais l’on sait que l’accord peut par ailleurs porter, à titre facultatif, sur une série d’éléments relatifs à la procédure d’information/consultation des représentants du personnel (en l’occurrence du comité social et économique), au projet de licenciement collectif (pondération et périmètre d’application des critères d’ordre, calendrier des licenciements, nombre de suppressions d’emploi et catégories professionnelles concernées) et aux modalités de mise en œuvre des mesures de formation, d’adaptation et de reclassement prévues. Bien que la loi se soit, à certains égards, démarquée des prévisions de l’ANI, du 11 janvier 2013 [47], ces éléments-là s'inspiraient de ce que les partenaires sociaux envisagées, en ourlant les contours de ce que l'on identifia alors un « super accord de méthode ». Une telle formule, à dire vrai, ne reflète pas exactement la conception que le législateur campe de cet accord majoritaire, même si celui-ci peut effectivement ouvrir sur des dérogations, dans les limites fixées à l’article L. 1233-24-3 N° Lexbase : L8643LG9. L’accord relatif au PSE ne se réduit pas à cette dimension. Seulement, le contenu assigné à cet accord peut-il, aujourd’hui, être appréhendé exclusivement à l’aune des règles légales ? Ce fut le cas pendant des années. Cependant, la jurisprudence inaugurée par les arrêts rendus par le Conseil d’État le 21 mars 2023 [48], bien que ceux-ci concernaient des documents unilatéraux, invite aujourd’hui à répondre par la négative. Lorsque la réorganisation envisagée présente des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, il ne fait aucun doute, à notre avis, en sus de la concertation menée avec le CSE [49], que l’accord collectif devra contenir les actions visant à y remédier, en prévenant ces risques et en protégeant les salariés – sauf à être complété par un document unilatéral de l’employeur sur ce point ou, à défaut, à s’exposer à un refus de validation. Cela signifie que la question des risques psychosociaux est susceptible, en fonction des circonstances, de constituer un élément du contenu facultatif de l’accord relatif au PSE, en dépit du silence de la loi [50]. La zone d’ombre est cependant ailleurs.

À notre avis, la question essentielle est de savoir – pour peu que l’on adopte un point de vue ou une perspective réaliste – ce que l’on négocie effectivement. Quels sont, en effet, les éléments sur lesquels porte réellement la négociation ou, lorsque celle-ci aboutit, l’accord collectif sur le PSE. Cette négociation tend-elle toujours, comme ce fut le cas – semble-t-il – dans les premières années d’application de la loi du 14 juin 2013 [51], à se focaliser sur certains sujets (reclassement, indemnisation), en laissant l’employeur déterminer unilatéralement d’autres éléments jugés plus sensibles (à l’instar du nombre de suppressions d’emploi) en complétant sur ces points l’accord par l’établissement d’un document unilatéral ? Ce n’est pas certain, dans la mesure où les PSE « mixtes » semblent s’être raréfiés au fil du temps. Au-delà de cette question, la négociation d’un accord sur le plan de sauvegarde de l’emploi porte-t-elle avant tout sur les mesures de reclassement ou se centre-t-elle sur les montants des indemnités « supra légales » ? Sans doute les négociations s’avèrent-elles, in situ, tributaires du contexte dans lequel intervient le PSE, notamment en considération du bassin d’emploi ou du secteur d’activité concerné (c’est-à-dire des possibilités concrètes de reclassement, interne comme externe), ainsi que du rapport de forces. L’on manque cependant, au regard des recherches existantes, d’une vision d’ensemble. Une étude portant sur les accords relatifs aux PSE pourrait peut-être faire ressortir, à cet égard, des tendances. Encore faudrait-il que la DGEFP accepte de communiquer aux chercheurs qui entendraient s’y atteler ces accords collectifs qui, par exception, ne donnent pas lieu à publication [52]. À défaut, c’est inévitablement à partir de l’analyse de quelques accords – diffusés par les acteurs eux-mêmes – qu’une enquête peut être menée [53]. Le bilan dressé par la DGEFP en juin 2023, à l’occasion des dix ans de la loi relative à la sécurisation de l’emploi, ne prétendait pas particulièrement éclairer cette question du contenu des accords relatifs au PSE. L’un des constats qu’il pose mérite toutefois, à ce titre, de retenir l’attention, en l’occurrence celui selon lequel la voie négociée se révèle plus fréquente lorsque les entreprises envisagent un dispositif de départs volontaires (80 % des cas, contre 63 % en cas de départs contraints, s’agissant de l’année 2022) [54]. Peut-être cette corrélation résulte-t-elle de contextes favorables à l’un et à l’autre dans les entreprises concernées. Mais l’on sera également enclin à considérer que l’existence ou la perspective de départs volontaires pourrait attiser la négociation relative au plan de sauvegarde de l’emploi – en la rendant, sinon nécessaire, du moins possible. C’est, pensons-nous, de ce type d’éclairage que nous avons besoin pour savoir ce qui se joue à travers la négociation des PSE.

Conclusion. La loi du 14 juin 2013 n’a pas seulement favorisé, sur le plan normatif, la négociation des plans de sauvegarde de l’emploi. Elle est parvenue à modifier les comportements des acteurs, à s’en tenir à la proportion de PSE négociés (et validés par l’administration), autrement dit du point de vue quantitatif. Toutefois, si l’on entend jauger les déplacements qu’a engendrés cette loi, bien d’autres questions surgissent : en quoi les PSE négociés se révèlent-ils différents ou meilleurs que les autres, et notamment de ceux antérieurs à la loi de 2013 ? Et à l’aune de quel critère mener cette appréciation ? La limitation de la conflictualité lors d’un projet de compression d’effectif ? La capacité à favoriser le reclassement des salariés licenciés ? C’est par là que passe aussi, nous semble-t-il, l’appréciation des mérites et vertus des PSE négociés.


[1] ANI, du 11 janvier 2013, pour un nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l’emploi et des parcours professionnels des salariés N° Lexbase : L9638IUI.

[2] C’est, rappelons-le, la loi n° 2002-73, du 17 janvier 2002, de modernisation sociale N° Lexbase : L1304AW9 qui substitua à la dénomination de plan social celle de plan de sauvegarde de l’emploi, de façon à dissiper toute équivoque quant à la finalité de ce plan – qui a toujours été distinct, sur le plan juridique, du plan de licenciement (ou de compression des effectifs).

[3] V. le troisième alinéa de l’article L. 1233-22, du Code du travail N° Lexbase : L8099LG3 dans sa version en vigueur jusqu’au 1er juillet 2013 et, antérieurement à la recodification de 2008, l’ancien article L. 320-3 N° Lexbase : L8920G7I, créé par la loi n° 2005-32, du 18 janvier 2005, de programmation pour la cohésion sociale N° Lexbase : L6384G49.

[4] Ministère du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion, 10 ans après la loi sur la sécurisation de l’emploi. Quel bilan pour les plans de sauvegarde de l’emploi ?, 1er juin 2023, spéc. p. 6-7 [en ligne].

[5] Sur ces aspects, v., dans le présent numéro, les « books » réalisés par des étudiants du Master 2 Droit du Travail et de la Protection Sociale (DTPS) et du Master 2 Dialogue social, au sein du Master Droit social de la Faculté de droit de Nancy – Université de Lorraine, ici et ici.

[6] C. trav., art. L. 2314-6 N° Lexbase : L8504LG3, et, auparavant, C. trav., art. L. 2324-4-1 N° Lexbase : L6597IZD (pour le comité d’entreprise) et C. trav., art. L. 2314-3-1 N° Lexbase : L6598IZE (pour les délégués du personnel), dans leurs versions antérieures à l’ordonnance n° 2017-1386, du 22 septembre 2017, relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l'entreprise et favorisant l'exercice et la valorisation des responsabilités syndicales N° Lexbase : L7628LGM.

[7] Inséré dans un Titre II intitulé « Du dialogue social », l’article 37 de cette loi habilitait une convention de branche ou un accord professionnel étendu à déterminer les conditions de validité des conventions ou accords d’entreprise ou d’établissement en optant soit pour la condition d’une signature par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins la majorité des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, soit pour celle d’une absence d’opposition émanant d’organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins la majorité des suffrages à ces mêmes élections. La première de ces modalités offrait bien une traduction à l’idée d’accord majoritaire. Reste qu’en l’absence d’une convention ou d’un accord étendu, la loi privilégiait la seconde modalité, reposant sur la reconnaissance d’un droit d’opposition (C. trav., anc. art. L. 132-2-2, III N° Lexbase : L4693DZT, dans sa version issue de la loi du 4 mai 2004).

[8] Contrairement à ce que prévoit l’article L. 2232-12 N° Lexbase : L8604LGR et à ce qu’envisageait aussi la loi de 2004, dans l’hypothèse où la condition majoritaire, à supposer qu’elle soit requise, ne serait pas satisfaite.

[9] À ce sujet : F. Géa, Grands licenciements économiques et plan de sauvegarde de l’emploi après la loi du 14 juin 2013 : les premières décisions du Conseil d’État, RDT, 2015, p. 514 et s., concl. G. Dumortier.

[10] CE, 22 juillet 2015, n° 385668 et 386496, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A9294NM8. Précisons que la cour administrative d’appel de Versailles a rejeté la demande par laquelle la société Solocal, venant aux droits de la société Pages jaunes, entendait engager la responsabilité de l’État au titre de l’illégalité de la décision de validation prise par l’autorité administrative, en l’occurrence par la Direccte d’Île-de-France (CAA Versailles, 6e ch., 25 mai 2023, n° 20VE01947 N° Lexbase : A62829XX).

[11] Cass. soc., 13 janvier 2021, n° 19-12.522, FS-P+I N° Lexbase : A23064CE ; RDT, 2021, p. 183, obs. F. Géa.

[12] Cass. soc., 27 mai 2021, n° 18-26.744, FS-P N° Lexbase : A16274TG.

[13] CE Contentieux, 5 mai 2017, n° 389620, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A9885WBQ.

[14] CE, 1re-4e ch. réunies, 2 mars 2022, n° 438136, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A84137PB.

[15] V., cependant, infra, l’analyse développée par G. Auzero.

[16] C. trav., art. L. 2321-2, al. 1er N° Lexbase : L8436LGK.

[17] C. trav., art. L. 1233-24-1 N° Lexbase : L8600LGM, tel que modifié par l’ordonnance n° 2017-1718, du 20 décembre 2017, visant à compléter et mettre en cohérence les dispositions prises en application de la loi n° 2017-1340, du 15 septembre 2017, d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social N° Lexbase : L6578LH4.

[18] Cass. soc., 5 mai 1998, n° 96-13.498, publié au bulletin N° Lexbase : A2677AC7.

[19] Projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi. Étude d’impact, 5 mars 2013, p. 130 [en ligne].

[20] Instruction DGEFP/DGT n° 2013/13, du 19 juillet 2013, relative à la mise en œuvre de la procédure de licenciement économique collectif, p. 7 [en ligne].

[21] V. supra.

[22] Pour reprendre la formule employée par l’ancien article L. 2323-2 N° Lexbase : L5637KGU, avant la réforme de 2017.

[23] Aujourd’hui logées aux articles L. 2312-37, 3° N° Lexbase : L1434LKC, et L. 2312-40 du Code du travail N° Lexbase : L8273LGI.

[24] En l’occurrence les éléments qui se rattachent au contenu dit « facultatif » de l’accord, tel que le caractérise le second alinéa de l’article L. 1233-24-2 du Code du travail N° Lexbase : L7294LHM.

[25] Ces PSE « mixtes » semblent de plus en plus rares, ce qui signifie que les accords conclus tendent à appréhender désormais la totalité des éléments mentionnés, à ce titre, par la loi.

[26] P. Morvan, Restructurations en droit social, coll. Droit & professionnels, LexisNexis, 4e éd., 2017, p. 788, n° 1100. V. également : G. Borenfreund, Le comité d’entreprise : nouveaux enjeux, RDT, 2015, spéc. p. 26.

[27] Sur cette question : F. Géa, Les usages du droit du travail par ses acteurs, RDT, 2022, p. 147 et s.

[28] C. trav., art. L. 1233-31, al. 2, 7° N° Lexbase : L8095LGW.

[29] C. trav., art. L. 1233-30, I, 2° N° Lexbase : L8096LGX, sachant que cet élément, initialement ajouté à la liste des thèmes sur lesquels porte le contenu facultatif de l’accord fixant le contenu du PSE, en a été, in fine, retiré par l’ordonnance rectificative du 20 décembre 2017.

[30] CE, 1re-4e ch. réunies, 21 mars 2023 (deux arrêts), n° 450012 N° Lexbase : A49979KB et 460660 N° Lexbase : A39099KY, publiés au recueil Lebon N° Lexbase : A49979KB ; L. de Montvalon, RDT, 2023, p. 476. Sur la question de la prise en compte des risques psychosociaux dans l’élaboration du PSE, v. infra, l’étude de L. de Montvalon, La prévention des risques professionnels lors de l'élaboration d'un PSE, Lexbase Social, novembre 2023, n° 965 N° Lexbase : N7350BZA.

[31] Même si, précisons-le, ces deux arrêts du Conseil d’État concernaient des PSE dont le contenu avait été fixé par un document unilatéral de l’employeur.

[32] Pour une argumentation plus étayée, v. F. Géa, Procédure de licenciement collectif : quid des conséquences environnementales ?, RDT, 2023, p. 553 et s.

[33] Car, rappelons-le, cet accord national interprofessionnel ne prévoyait pas de contrôle administratif de l’accord majoritaire fixant le contenu du PSE (v. ANI, du 11 janvier 2013, art 20, préc.).

[34] Projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi. Étude d’impact, préc., p. 129. Adde, Projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi (Procédure accélérée), Ass. nat., n° 774, enregistré le 6 mars 2013, art. 13. Le projet de loi plaça, par ailleurs, à l’issue de la procédure de consultation des représentants du personnel le contrôle de l’autorité administrative au titre de l’homologation du document unilatéral de l’employeur, alors que l’ANI l’avait, quant à lui, situé en amont de cette procédure (ibid.).

[35] CAA Paris, 3e, 29 juillet 2022, n° 22PA02256 N° Lexbase : A23688D3 ; F. Géa, RDT, 2022, p. 708.

[36] Même si, selon nous, elle se défend (v. les obs. mentionnées dans la précédente note de bas de page).

[37] G. Loiseau, Le préalable de négociation, JSL, 19 juin 2020, p. 8.

[38] Instr. DGEFP/DGT n° 2013/13, du 19 juillet 2013, relative à la mise en œuvre de la procédure de licenciement économique collectif, Fiche n° 1, p. 2 N° Lexbase : L1246I3K.

[39] Cass. soc., 17 avril 2019, n° 18-22.948, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A3539Y9X ; F. Bergeron-Canut, Bull. Joly Travail, juin 2019, n° 1117, p. 24 ; RJS, 6/19, n° 363. Adde G. Loiseau, Le préalable de négociation, op. cit.

[40] Cass. soc., 13 janvier 2021, n° 19-23.533, FS-P+R+I N° Lexbase : A23054CD ; F. Petit, Dr. soc., 2021, p. 284. Adde F. Bergeron-Canut, Le préalable obligatoire de négociation s’étend au vote électronique, SSL, 15 février 2021, n° 1941, p. 18 et s.

[41] Sous réserve dans cette seconde hypothèse que l’entreprise comporte un ou des délégués syndicaux.

[42] F. Géa, La tentative loyale de négociation comme préalable, Lexbase Social, avril 2021, n° 862 N° Lexbase : N7234BYL.

[43] Cass. soc., 4 octobre 2023, n° 21-25.748, F-B N° Lexbase : A03681KT ; Liaisons sociales quotidien, n° 18896, du 16 octobre 2023, L’actualité.

[44] En ce sens, v., not. V. Pasquier, P. Motte, Les différents chemins pour négocier un « bon » plan de sauvegarde de l’emploi, in F. Géa et A. Stévenot (dir.), Le dialogue social. L’avènement d’un modèle ?, coll. Paradigme, Bruylant, 2021, p. 455 et s., plus spéc. p. 464.

[45] TA Rouen, 24 décembre 2020, n° 2003814 ; F. Géa, RDT, 2021, p. 180.

[46] À l’exception, si l’on se réfère à la jurisprudence de la Cour de cassation antérieure à la loi de 2013, des plans de départs volontaires autonomes, et sous réserve des interrogations que suscite aujourd’hui, pour l’ensemble des plans de départs volontaires, y compris ceux habituellement qualifiés de mixtes la jurisprudence du Conseil d’État (v. F. Géa, Les subtilités de l’arrêt Paragon Transaction, RDT, 2023, p. 415, et plus spéc. p. 417-418).

[47] L’on se souviendra, en particulier, que l’ANI, du 11 janvier 2013, habilitait cet accord majoritaire à préciser « la date à partir de laquelle peuvent être mis en œuvre les reclassements internes », mais que le législateur a soumis ce sujet à un régime de codécision, en exigeant un « avis favorable » du comité (le comité d’entreprise et, à présent, le comité social et économique) sur la proposition de l’employeur de proposer des mesures de reclassement interne avant l’expiration des délais de consultation de cette instance (C. trav., art. L. 1233-45-1 N° Lexbase : L8640LG4).

[48] CE, 21 mars 2023 (deux arrêts), préc.

[49] V. supra.

[50] Ou, du moins, des dispositions légales ayant pour objet de définir le contenu de cet accord.

[51] À ce sujet, v. F. Géa, Le licenciement comme objet de dialogue social (De la consultation à la négociation), Dr. soc., 2015, p. 994, plus spéc. p. 1001-1002.

[52] C. trav., art. L. 2231-5-1, al. 4 N° Lexbase : L4954LRW.

[53] V. infra, l’étude de M. Kocher, PSE négociés : quel contenu ? Quel suivi ? Compte-rendu d’une étude empirique, Lexbase Social, novembre 2023, n° 965 N° Lexbase : N7425BZZ.

[54] Ministère du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion, op. cit., p. 7.

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