Lexbase Social n°965 du 23 novembre 2023 : Licenciement

[Actes de colloques] 10 ans après la loi « Sapin », la place du PSE dans le paysage des mutations économiques

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N7351BZB

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par Luc Bérard de Malavas, Directeur associé, cabinet d’expertise SECAFI

le 21 Novembre 2023

Mots-clés : PSE • DREETS • négociation • rupture conventionnelle • RCC • APC • GPEC • loi « Sapin » • dialogue social • stratégie

Cet article est issu d’un dossier spécial consacré à la publication des actes du colloque intitulé « Le plan de sauvegarde de l'emploi : 10 ans après la loi du 14 juin 2013 », qui s’est tenu le 14 juin 2023 à Toulouse, et organisé par Frédéric Géa, Professeur à l’Université de Lorraine, et Sébastien Ranc, Maître de conférences à l'Université de Toulouse Capitole.

Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici N° Lexbase : N7441BZM


La procédure des plans de sauvegarde de l’emploi a été revue en profondeur il y a dix ans à la suite de la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013. Elle a accordé une place centrale à la négociation en sécurisant les entreprises, en réduisant la judiciarisation, en donnant un rôle important à l’administration, sous le contrôle du juge administratif, et en incitant les partenaires sociaux à la négociation sur le Livre I. En outre, cette primauté à la négociation s’est accompagnée d’une diversification des modes de rupture du contrat de travail conduisant à diminuer la place des PSE. Avec un risque certain concernant ces nouvelles formes de restructurations, car elles présentent, en partie, le risque de ne pas suffisamment prendre en compte la situation des salariés qui restent dans l’entreprise, en particulier s’agissant de leurs conditions de travail. Enfin, malgré l’instauration de l’information-consultation sur les orientations stratégiques, le dialogue social reste le grand absent de l’anticipation des restructurations.


Jusqu’à la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi N° Lexbase : L0394IXU  [1], dite loi Sapin ou « LSE », le PSE ne pouvait être présenté que sous la forme d’un document unilatéral de l’employeur, ce qui conduisait à limiter toute négociation formelle avec les représentants du personnel. La procédure d’information-consultation se déroulait le plus souvent sur un projet déjà abouti. L’autorité administrative disposait d’un pouvoir limité et peu contraignant pour réguler la procédure.

La conduite des restructurations se caractérisait par une forte conflictualité qui était source d’incertitudes pour les employeurs et les salariés et ne facilitait pas l’émergence de mesures favorables au reclassement de ces derniers. Pendant la période 2007-2011, 28 % des PSE des entreprises in bonis ont fait l’objet d’un recours devant le tribunal de grande instance (TGI), avec un taux d’appel élevé (40 % pour l’année 2011). Ces restructurations s’inscrivaient dans un cadre très judiciaire, auquel s’ajoutaient des délais de jugement élevés (11 mois devant le TGI et 18 mois en appel) [2].

La loi de 2013 relative à la sécurisation de l’emploi a voulu remédier à ces maux en introduisant la possibilité d’instaurer un PSE par accord collectif, tout en maintenant la possibilité de le conclure par un document unilatéral. Les organisations syndicales (OS) sont ainsi devenues actrices de la construction du PSE. La LSE a également instauré des délais préfix d’information-consultation des instances représentatives du personnel, sources de forte sécurisation pour les entreprises.

Au cours des dix dernières années, notamment avec les ordonnances travail de septembre 2017, d’autres dispositifs de restructurations se sont développés, diversifiant les modes de rupture du contrat de travail et marquant un déséquilibre entre la prise en compte des salariés qui partent et celle de ceux qui restent. Avec, dès lors que se poursuivent les restructurations « à chaud », l’échec d’outils d’anticipation, telle qu’aurait pu l’être l’information-consultation du CSE sur les orientations stratégiques.

I. La montée en puissante contrainte de la négociation

A. La négociation devient centrale

La diversification des dispositifs de restructuration s’est accompagnée d’une montée en puissance de la négociation. Depuis la LSE, les RCC, GPEC avec congé de mobilité, APC et APLD [3], peuvent être conclus par accord collectif. Contrairement aux PSE, ces autres dispositifs de restructuration ne prévoient pas de consultation obligatoire du CSE. Ils sont nettement moins encadrés que le PSE par le Code du travail.

Avec une interrogation forte concernant la loyauté de la négociation.

Le fait qu’un PSE soit mis en œuvre par un accord majoritaire permet à l’employeur de bénéficier d’un contrôle réduit par la DREETS et de sécuriser la procédure en limitant le risque d’un refus d’homologation du PSE par la DREETS. Les organisations syndicales majoritaires disposent ainsi d’un levier important : l’obtention de leur signature leur permet d’exiger des mesures plus qualitatives. Au-delà des mesures sociales relatives à l’accompagnement et à l’indemnisation des salariés licenciés, la négociation porte également sur l’ingénierie sociale [4]. Les OS peuvent également mettre en balance leur signature sur le Livre I (mesures sociales du PSE) pour chercher à influencer le contenu du Livre II (projet de réorganisation lui-même), par exemple pour limiter le nombre des suppressions de postes.

En 2021, 60 % des 610 PSE validés et/ou homologués ont fait l’objet d’une validation d’accord, 36 % d’une homologation d’un document unilatéral et 4 % d’une procédure mixte [5]. Les PSE soumis au droit commun du licenciement font plus souvent l’objet d’une validation, pour deux tiers d’entre eux, tandis que ceux mis en œuvre dans le cadre d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire font plus souvent suite à l’homologation d’un document unilatéral, pour trois quarts d’entre eux.

Cependant, la négociation reste centrée sur le Livre I, en particulier sur les mesures sociales et des points d’ingénierie sociale, comme les catégories professionnelles et les critères d’ordre de licenciement, des compromis pouvant s’opérer entre ces éléments. La signature d’un accord majoritaire sur le Livre I ne signifie nullement accord des organisations syndicales sur le projet de restructuration (au sens de Livre II). L’avis sur le Livre II est ainsi, la plupart du temps, négatif, même en cas d’accord sur le Livre I.

Si la LSE permet aux OS, via le levier de leur signature du Livre I, une amélioration des mesures sociales, les leviers juridiques de contestation globale du projet de restructuration ont, en parallèle, été incontestablement réduits. La négociation des OS en est d’autant contrainte. De leur côté, les directions d’entreprise disposent du levier de l’absence ou d’une moindre indemnité supralégale de licenciement à défaut d’accord majoritaire, sachant que la DREETS ne contrôle pas ce point.

B. La baisse de la conflictualité en raison d’une négociation tripartite

Qui dit montée en puissance de la négociation, dit évolution de la forme des contentieux. La LSE a instauré un bloc de compétences au profit de l’administration qui intervient sous le contrôle du juge administratif qui doit statuer dans des délais brefs. Le tribunal administratif est compétent pour les contestations portant sur la décision de validation ou d’homologation de la DREETS qui intègre l’appréciation de la régularité de la procédure de licenciement collectif ou les décisions prises par l’administration dans le cadre de son pouvoir d’injonction. Le conseil de prud’hommes, quant à lui, reste compétent a posteriori pour les litiges individuels et pour statuer sur le motif économique. Auparavant, les contentieux devant le TGI opposaient le comité d’entreprise et les syndicats à l’employeur. Désormais, l’administration est partie au procès et défend ses décisions devant le juge administratif. Cela « déconflictualise » les relations sociales.

A noter par ailleurs que le phénomène de « danthonisation » [6] a encore limité les possibilités pour les représentants du personnel d’obtenir de l’administration qu’elle refuse l’homologation ou la validation du PSE, le refus ne pouvant se fonder que sur une irrégularité suffisamment déterminante pour avoir empêché le CSE de rendre un avis éclairé.

L’administration ne se contente pas d’intervenir au terme de la procédure. La fonction d’homologation ou de validation des PSE a nettement renforcé l’influence des DREETS. Ces dernières accompagnent les parties tout au long de la procédure, allant dans le sens d’une sécurisation accrue des entreprises. Elles jouent un rôle de tiers de confiance entre l’employeur et les représentants du personnel. Il est rare qu’un refus d’homologation ou de validation n’ait pas au préalable donné lieu à des remarques de l’administration. Les entreprises sont sensibilisées par la DREETS sur leurs obligations dans ce cadre. La faiblesse du taux de refus ou d’homologation des procédures de PSE entérine le résultat d’une négociation de plus en plus tripartite. Sur la période 2014-2018, le taux de refus d’homologation ou de validation s’est élevé à 4,4 % [7].

Le nouveau régime juridique des PSE a conduit à baisser le recours au contentieux administratif. Au plan national, fin mai 2014, le taux de recours était seulement de 8 % sur les 616 décisions prises par l’administration alors qu’il s’élevait à 25 % devant le tribunal de grande instance pour les PSE déposés avant la mise en place de la LSE. Logiquement, les PSE mis en œuvre par suite d’un accord négocié majoritaire génèrent encore moins de contentieux (5 %) [8]. Sur la période 2014-2018, la part des PSE portés devant le juge a été en moyenne de 6,5 % pour un taux d’annulation de 1,5 % [9].

II. Les modes de rupture de contrat de travail se sont diversifiés

A. Face à un recours moindre aux PSE, une poussée de l’individualisation des ruptures de contrat

Le PSE n’est plus l’outil unique de gestion de l’emploi. Les dispositifs de restructuration et de sortie de l’emploi se sont diversifiés. Avec les PDV [10], RCC, GPEC congé de mobilité et ruptures conventionnelles, les choix individuels des salariés ont davantage de place.

Les PSE sont historiquement faibles. Cette baisse démarre à l’issue de la crise de 2008 : dès 2010, le nombre de PSE est au plus bas depuis le début des années 2000. Cette baisse s’est poursuivie durant toute la décennie jusqu’à aujourd’hui, excepté lors de la crise du Covid-19. Alors que le nombre de PSE évoluait entre 200 et 300 chaque trimestre, il est descendu entre 100 et 150 en 2018 et 2019, puis en dessous de 100 depuis 2021. L’entrée en vigueur de la RCC en 2018 ne suffit pas à expliquer l’écart, entre 20 et 30 RCC (hors crise Covid) étant initiées chaque trimestre. Depuis son introduction en 2008, la rupture conventionnelle a fortement progressé.

Les évolutions respectives des PSE et des ruptures conventionnelles conduisent à s’interroger sur le lien entre les deux et sur une éventuelle substitution des secondes aux premiers. Sur ce point, le législateur est clair : une entreprise de plus de 50 salariés qui envisagerait de supprimer ou de transformer plus de 10 emplois sur une période de 30 jours ne pourrait se soustraire à la procédure de licenciement pour motif économique en concluant une rupture conventionnelle, car l’article L. 1233-61 du Code du travail N° Lexbase : L7291LHI dispose que l’employeur doit établir et mettre en œuvre un PSE pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. La rupture conventionnelle est possible pour toutes les autres situations.

Dans un arrêt du 19 janvier 2022 [11], la Cour de cassation, confirmant cette position, a constaté que de nombreuses ruptures conventionnelles étaient intervenues dans un contexte de suppression d’emplois dû à des difficultés économiques et qu’elles s’inscrivaient dans un projet global et concerté de réduction des effectifs au sein de l’entreprise. Elle a jugé en conséquence que les ruptures conventionnelles, dans ce cadre précis, doivent être prises en compte pour déterminer les obligations de l’employeur en matière de PSE.

Dans le cas spécifique de grappes dispersées de ruptures conventionnelles ayant une cause économique, mais difficiles à identifier et à agréger dans certaines entreprises, surtout celles comportant plusieurs sites, il serait nécessaire d’octroyer des moyens supplémentaires aux DREETS pour leur permettre d’opérer leur contrôle sur l’homologation des ruptures conventionnelles individuelles, y compris à l’aide de compilation des demandes de ruptures conventionnelles effectuées dans des périmètres géographiques différents.

B. Des réponses adaptées aux besoins des entreprises

Les dispositifs de restructuration ont des objectifs différents : certains encadrent la rupture des contrats, d’autres ont pour objet de maintenir l’emploi.

Le PSE vise à supprimer des postes avec ruptures de contrats de travail.

Les RCC et GPEC avec congé de mobilité constituent des formes de départ volontaires et aboutissent à des ruptures de contrats de travail d’un commun accord, sans motif économique, mais sans pour autant obligatoirement supprimer les postes.

L’APC vise, quant à lui, à modifier les contrats de travail des salariés sur la rémunération, le temps de travail et/ou la mobilité (géographique et fonctionnelle) afin de répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise ou en vue de préserver ou de développer l’emploi, puisque les stipulations de l’accord supplantent celles du contrat pour sa durée d’application. Le refus du salarié de modifier son contrat peut entraîner son licenciement (dans une procédure individuelle sans avoir à justifier d’un motif économique).

L’APLD permet la mise en place d’heures chômées sur une durée maximum de trois ans, avec une compensation par l’État afin de maintenir l’emploi et les compétences. Ce dispositif qui fait suite à une initiative des partenaires sociaux [12] a permis de sauver des emplois. Il a donc permis d’éviter des PSE.

Enfin, le dispositif de Transitions collectives (Transco) vise à favoriser la mobilité des salariés positionnés sur des métiers fragilisés vers des emplois stables dans d’autres entreprises. Sa complexité ne lui a cependant pas permis de toucher un large public.

Ces différents dispositifs constituent des réponses plus adaptées aux besoins des entreprises. Ce faisant, ils peuvent éviter des PSE. L’exemple le plus flagrant a été celui de l’APLD.

III. Améliorer le cadre des restructurations

A. Les dispositifs de restructuration existants ont montré leurs limites

Les nouvelles formes de restructurations, issues notamment des ordonnances de septembre 2017, présentent un cadre légal beaucoup plus souple que celui du PSE, ce qui peut constituer des limites à une négociation sur des fondements équilibrés.

L’accord de RCC est centré sur le nombre de ruptures de contrats de travail et des mesures sociales pour les salariés qui partent, avec un simple contrôle de régularité de la DREETS. Ce dispositif n’impose pas la réalisation d’un réel diagnostic économique préalable, aucune organisation cible n’est présentée dans le même temps (une consultation éventuelle du CSE organisée a posteriori sur l’organisation cible et les impacts sur la santé, la sécurité et les conditions de travail des salariés apparaîtrait sans effet réellement utile) et aucune expertise légale n’est prévue. Le risque est que la négociation « oublie » la situation des salariés qui restent, notamment de leurs conditions de travail. La négociation préalable d’un accord de méthode pour éviter ces écueils peut ainsi s’avérer utile.

L’accord GPEC avec congé de mobilité ne donne lieu à aucun plafond de nombre de ruptures de contrats de travail et aucun contrôle de la DREETS. Une récente jurisprudence de la Cour de cassation [13] est venue utilement préciser qu’un projet de réorganisation doit obligatoirement donner lieu à consultation du CSE, même si la réorganisation découle de la mise en œuvre de l’accord GPEC.

L’accord de performance collective (APC) présente, quant à lui, le risque d’un déséquilibre réel [14], notamment dans les entreprises sans organisation syndicale et/ou de petite taille. L’ajout dans l'article L. 2254-2 du Code du travail N° Lexbase : L9871LL8 de clauses obligatoires permettrait d’éviter, voire de limiter, des négociations déséquilibrées : clause de maintien de l’emploi sur une durée définie, clause de retour à meilleure fortune, efforts proportionnés des dirigeants et actionnaires par rapport aux salariés, accord conclu à durée déterminée.

La recherche de compromis équilibrés nécessite de donner des moyens supplémentaires aux représentants du personnel, afin que les négociations puissent se dérouler en toute loyauté : un diagnostic économique, autant que possible partagé, de la situation de l’entreprise, une articulation entre le projet d’accord et le projet de réorganisation qui va de pair et qui donnera lieu à information-consultation du CSE, un droit à expertise financé par l’entreprise. La négociation doit intégrer tous les paramètres, de la nécessité de la restructuration aux impacts pour les salariés qui partent et pour ceux qui restent.

B. L’anticipation ne sera au rendez-vous qu’en redonnant une place centrale au dialogue social sur la stratégie

Lors de la mise en place d’un PSE, par voie négociée ou unilatérale, le CSE fait l’objet d’une double consultation : l’une sur le projet de restructuration ou de réorganisation (Livre II du Code du travail) et l’autre sur le projet de licenciement, c’est-à-dire le PSE lui-même incluant les mesures sociales (Livre I du Code du travail). La LSE a offert la possibilité d’ouvrir les négociations du Livre I en amont de l’ouverture du Livre II, ce qui a eu pour corollaire leur déconnexion. Ainsi, quand la négociation se limite aux seules mesures sociales de manière stricte, le débat sur le projet économique devient secondaire et la présentation du rapport d’expertise apparaît formelle et sans effet [15]. Par conséquent, pour favoriser la négociation sur les choix stratégiques de l’entreprise, il est indispensable de ne pas déconnecter l’examen du Livre I de celui du Livre II.

Au-delà, il est plus que pertinent que les représentants du personnel et leurs experts puissent intervenir le plus en amont possible en cas de restructuration à venir, idéalement avant le lancement de la procédure. L’information-consultation sur les orientations stratégiques et les conséquences sur l’emploi (ICOS) permet aux élus et à la direction d’échanger précocement sur la situation économique de l’entreprise. Or, dans les faits, l’ICOS conduit davantage à préparer les élus à l’éventualité d’un PSE qu’à le prévenir ou proposer des alternatives [16]. Pour deux raisons principales : l’incapacité des entreprises à prévoir leur stratégie à un horizon suffisamment lointain pour anticiper leurs besoins en matière d’emploi et de compétences et les adaptations progressives qui en découlent [17] ; le blocage du dialogue social sur la stratégie de l’entreprise, comme l’a illustré le baromètre du dialogue social du Groupe Alpha [18]. Si ce sujet fait partie des plus discutés en réunion de CSE, en revanche, il est celui pour lequel l’écart de sentiment d’influence entre directions et représentants du personnel est le plus grand, ce qui illustre la difficulté pour les représentants du personnel à peser sur les décisions avant qu’elles ne soient prises.

Pour renforcer le dialogue sur la stratégie, pourquoi ne pas renforcer la présence d’administrateurs salariés au conseil d’administration [19], lieu où se discutent et se prennent les décisions.

Conclusion

Si la multiplication des dispositifs de restructuration a sécurisé les entreprises, il n’en est pas de même pour les salariés. Ceux qui partent de l’entreprise ne sont, par définition, pas concernés par les effets futurs dans l’entreprise de la suppression éventuelle du poste qu’ils occupaient. Leur situation comparative dépend des mesures sociales et des dispositifs de reclassement dont ils vont bénéficier. La diversité des situations rend impossible un constat univoque.

Pour les salariés qui restent dans l’entreprise, l’organisation qui résultera de la restructuration et les effets des réductions d’effectifs sur leurs conditions de travail sont insuffisamment pris en compte par les partenaires sociaux. Il en résulte une exposition potentielle à des risques psychosociaux. Nous proposons alors deux voies d’amélioration. La première viserait à renforcer la prévention en s’appuyant sur la parole des salariés, suivant en cela la proposition des Assises du Travail d’« ajouter un dixième principe général de prévention à l’article L. 4121-2 du Code du travail N° Lexbase : L6801K9R : écouter les travailleurs sur la technique, l’organisation du travail, les conditions du travail et les relations sociales ». La deuxième voie d’amélioration consisterait à renforcer les instances de proximité afin de mieux assurer la captation de signaux faibles au sein des collectifs de travail dans un contexte où la diversité des dispositifs de restructuration a renforcé la désolidarisation du collectif dans le rapport au travail.

Du point de vue des dispositifs eux-mêmes, les nouvelles formes de restructurations présentent un cadre légal beaucoup plus souple que celui du PSE, ce qui peut constituer des limites à une négociation sur des fondements équilibrés. Apporter des ajustements à ces dispositifs serait ainsi de nature à mieux sécuriser les salariés.


[1] Cette loi fait suite à l’Accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013.

[2] Cour des comptes, Les dispositifs de l’État en faveur des salariés des entreprises en difficulté, Rapport public thématique, 27 juillet 2020 [en ligne].

[3] Les signataires des RCC sont très majoritairement des délégués syndicaux (à 82 %), proportion stable depuis trois ans. Les APC sont signés majoritairement par des DS (à 51 %). Le pourcentage est plus faible, car ils sont conclus le plus souvent dans les PME (en 2020, 66%  des APC ont été signés dans les PME de 11 à 250 salariés).

[4] Détermination des salariés licenciés (indication des catégories professionnelles et des critères d’ordre de licenciement), reclassement interne, éventuelle phase de départ volontaire, etc.

[5] SI-Rupco (DREETS-DGEFP) et Dares.

[6] Par référence à la jurisprudence Danthony (CE, 23 décembre 2011, n° 335033, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A9048H8M) par laquelle le Conseil d’État a posé le principe selon lequel tout vice de procédure n’est pas susceptible d’entraîner l’annulation d’un acte administratif

[7] Chiffres du ministère du Travail cités par Cour des comptes, Les dispositifs de l’État en faveur des salariés des entreprises en difficulté, Rapport public thématique, 27 juillet 2020.

[8] DREETS Centre-Val-de-Loire, Plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) : priorité au dialogue social, 30 septembre 2014 [en ligne].

[9] Chiffres du ministère du Travail cités par Cour des comptes, Les dispositifs de l’État en faveur des salariés des entreprises en difficulté, Rapport public thématique, 27 juillet 2020.

[10] Le PDV autonome est une forme de PSE excluant tout départ contraint.

[11] Cass. soc., 19 janvier 2022, n° 20-11.962, F-D N° Lexbase : A19867KR.

[12] « Manifeste de propositions pour préserver l’emploi et les compétences et construire l’industrie de demain » signé le 18 mai 2020 par l’UIMM et trois organisations syndicales représentatives de la métallurgie (CFDT, CFE-CGC et FO).

[13] Cass. soc., 29 mars 2023, n° 21-17.729, FS-B+R N° Lexbase : A39249LW.

[14] Comme cela a été souligné par le rapport du comité d’évaluation des ordonnances « travail ».

[15] Groupe Alpha, Ires, Orseu, Syndex (2016), Évolution des comités d’entreprise : effets et usages des nouveaux outils de consultation issus de la Loi de Sécurisation de l’Emploi (LSE), rapport de recherche pour la Dares [en ligne].

[16] Ibid.

[17] Centre Études & Prospective du Groupe Alpha, Cerege (2012), Accords d’entreprises sur la GPEC : réalités et stratégies de mises en œuvre, rapport de recherche pour la DARES, volume 1 [en ligne], volume 2 [en ligne].

[18] L’entreprise est-elle un lieu de démocratie sociale ?, 2e baromètre du dialogue social du Groupe Alpha, 21 mars 2023 [en ligne].

[19] La loi PACTE a introduit une amélioration, mais la participation des salariés au conseil d’administration reste insuffisante.

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