La juridiction d'instruction régulièrement saisie d'une plainte avec constitution de partie civile a le devoir d'instruire, quelles que soient les réquisitions du ministère public, cette obligation ne cessant, suivant les dispositions de l'article 86 du Code de procédure pénale (
N° Lexbase : L8628HWH), que si, pour des causes affectant l'action publique elle-même, les faits ne peuvent comporter légalement une poursuite ou si, à supposer les faits démontrés, ils ne peuvent admettre aucune qualification pénale. Telle est la solution retenue par la Chambre criminelle dans un arrêt rendu le 19 mars 2013 (Cass. crim., 19 mars 2013, n° 12-81.676, FS-P+B
N° Lexbase : A5811KAH). Dans cette affaire, la plaignante a porté plainte et s'est constituée partie civile contre personnes non dénommées des chefs de tortures et traitements inhumains et dégradants et détention arbitraire auprès du juge d'instruction du TGI. Le juge d'instruction a dit y avoir lieu à informer sur les faits à compter du 30 septembre 2010, date à laquelle la plaignante a acquis la nationalité française. Le ministère public a fait appel de cette ordonnance. La cour d'appel a infirmé l'ordonnance du juge d'instruction et dit n'y avoir lieu à informer, retenant, notamment, que la coutume internationale, qui s'oppose à la poursuite des Etats et de leurs dirigeants devant les juridictions pénales d'un Etat étranger, s'étend à ses organes et agents en raison d'actes qui relèvent de la souveraineté de l'Etat concerné. La plaignante forme un pourvoi en cassation aux motifs qu'il n'appartient pas à la cour de prendre en compte l'origine des instructions qu'auraient pu recevoir leurs représentants et encore moins de les interpeller sur ce point. De plus, la juridiction d'instruction régulièrement saisie d'une plainte avec constitution de partie civile a le devoir d'instruire, cette obligation ne cessant que si, pour des causes affectant l'action publique elle-même, les faits ne peuvent comporter légalement une poursuite ou si, à supposer les faits démontrés, ils ne peuvent admettre aucune qualification pénale. Les actes de torture et de barbarie commis par les agents d'un Etat ne participent pas à l'exercice de la souveraineté de l'Etat et l'interdiction de la torture a valeur de norme impérative ou
jus cogens en droit international, laquelle prime les autres règles du droit international et constitue une restriction légitime à l'immunité de juridiction. La Haute juridiction casse et annule la décision de la cour d'appel, considérant qu'en l'absence de tout acte d'instruction, alors que le juge d'instruction a l'obligation d'informer sur tous les faits résultant de la plainte, sous toutes les qualifications possibles, et que cette obligation n'est pas contraire en son principe à l'immunité de juridiction des Etats étrangers et de leurs représentants, la chambre del'instruction a méconnu les textes susvisés (cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E2065EUZ).
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