Lexbase Avocats n°353 du 5 décembre 2024 : Avocats/Procédure

[Brèves] Non-renvoi d'une QPC portant sur l'inapplicabilité des règles de la postulation devant le tribunal de commerce

Réf. : Cass. civ. 2, 14 novembre 2024, n° 24-14.167, FS-B, QPC N° Lexbase : A54456GR

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par Marie Le Guerroué

le 20 Novembre 2024

► Les dispositions permettant à un justiciable d'être représenté devant la cour d'appel par le même auxiliaire de justice que devant le tribunal judiciaire, devant lequel s'appliquent les règles de la postulation obligatoire territorialement limitée, tandis que les règles de la postulation ne s'appliquent pas devant le tribunal de commerce, devant lequel les parties peuvent se faire représenter par tout avocat ne porte pas atteinte au principe d'égalité devant la justice.

Faits et procédure. Une justiciable a assigné une société devant un juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre et a comparu par une avocate inscrite au barreau de Paris. Elle a relevé appel de l'ordonnance rendue le 27 juin 2023, par déclaration du même jour et l'intimée a soulevé devant la cour d'appel la nullité de cette déclaration, pour avoir été formée par une avocate inscrite au barreau de Paris en méconnaissance des articles 5 et 5-1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 N° Lexbase : L6343AGZ.
QPC. À l'occasion du pourvoi qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 29 février 2024 par la cour d'appel de Versailles, la justiciable a, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée : « L'article 5-1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques est-il contraire aux articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789  N° Lexbase : L1372A9P en ce qu'il résulte de ce texte que les avocats inscrits au barreau de l'un des tribunaux judiciaires de Paris, Bobigny, Créteil et Nanterre peuvent postuler auprès de la cour d'appel de Versailles quand ils ont postulé devant le tribunal judiciaire de Nanterre, mais pas quand ils ont officié au titre de la représentation obligatoire devant le tribunal de commerce de Nanterre ? ».
Examen de la question prioritaire de constitutionnalité. La Cour précise que la question n’est pas nouvelle et les raisons pour lesquelles la question n’est pas sérieuse. Selon l'article 5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, modifié par l'ordonnance n° 2019-964 du 18 septembre 2019 N° Lexbase : L4046LSN, les avocats exercent leur ministère et peuvent plaider sans limitation territoriale devant toutes les juridictions et organismes juridictionnels ou disciplinaires, sous les réserves prévues à l'article 4. Ils peuvent postuler devant l'ensemble des tribunaux judiciaires du ressort de cour d'appel dans lequel ils ont établi leur résidence professionnelle et devant ladite cour d'appel. Par dérogation au deuxième alinéa, les avocats ne peuvent postuler devant un autre tribunal que celui auprès duquel est établie leur résidence professionnelle ni dans le cadre des procédures de saisie immobilière, de partage et de licitation, ni au titre de l'aide juridictionnelle, ni dans des instances dans lesquelles ils ne seraient pas maîtres de l'affaire chargés également d'assurer la plaidoirie. Ainsi, l'article 5 institue un principe de représentation obligatoire devant les tribunaux judiciaires et un monopole de représentation par les avocats, auquel s'attache, sauf exceptions, la postulation territoriale dans les limites du ressort de la cour d'appel dans lequel est établie leur résidence professionnelle. Par dérogation à cette postulation ainsi délimitée, la disposition contestée de l'article 5-1, dans un objectif de bonne administration de la justice et de simplification de la procédure, permet aux avocats inscrits au barreau de l'un des tribunaux judiciaires de Paris, Bobigny, Créteil et Nanterre de postuler auprès de chacune de ces juridictions, et, s'ils ont postulé auprès de l'un des trois premiers de ces tribunaux judiciaire, devant la cour d'appel de Paris, ou auprès du dernier, devant la cour d'appel de Versailles. Or, devant le tribunal de commerce, il résulte de l'article 853 du Code de procédure civile N° Lexbase : L5414L8Z, modifié par le décret n° 2021-1322 du 11 octobre 2021 N° Lexbase : L4794L83 que si les parties sont, sauf disposition contraire, tenues de constituer avocat, notamment dans les contentieux à valeur supérieure à la somme de 10 000 euros, les règles relatives à la territorialité de la postulation n'ont pas vocation à s'appliquer, l'article 5 ne visant que les tribunaux judiciaires. Ainsi, les dispositions contestées permettent-elles à un justiciable d'être représenté devant la cour d'appel par le même auxiliaire de justice que devant le tribunal judiciaire, devant lequel s'appliquent les règles de la postulation obligatoire territorialement limitée, tandis que les règles de la postulation ne s'appliquent pas devant le tribunal de commerce, devant lequel les parties peuvent se faire représenter par tout avocat.
Pour les juges du droit, la différence de situation justifie la différence de traitement, sans que la disposition contestée porte atteinte au principe d'égalité devant la justice.
Par ailleurs, précise la Cour, la disposition contestée permet de simplifier les règles de postulation devant les tribunaux judiciaires concernés, et devant les cours d'appel de Paris et Versailles, sans affecter les conditions d'accès au service public de la justice, ni l'objectif de bonne administration de la justice.
Non-renvoi. La Cour de cassation estime donc qu'il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

 

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