Lexbase Contentieux et Recouvrement n°4 du 21 décembre 2023 : Responsabilité

[Brèves] Rupture abusive et brutale d’une relation impliquant une SCP d’huissiers : application du droit commun

Réf. : Cass. com., 6 décembre 2023, n° 21-25.369, F-D N° Lexbase : A865917T

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par Claire-Anne Michel, Maître de conférences, Université Grenoble-Alpes, Centre de recherches juridiques (CRJ)

le 26 Avril 2024

► La victime d’une rupture abusive et brutale peut décider de fonder son action sur le droit commun et non sur la disposition spéciale du Code de commerce ; si cette rupture abusive et brutale est caractérisée, le préjudice subi est alors égal à « la perte de la marge brute que la victime de la rupture aurait pu réaliser pendant la durée du préavis non respecté », y compris lorsque le co-contractant victime est un huissier

Faits et procédure. En l’espèce, une SCP d’huissiers s’était vu confier par l’Urssaf le recouvrement de créances. Une convention initiale unissait donc la société et l’Urssaf qui était initialement d’une durée d’un an renouvelable par tacite reconduction. Quatre ans après le début de la convention, l’Urssaf avait fait savoir à la SCP qu’elle entendait mettre un terme à la convention moyennant un délai d’un peu moins de quatre mois. La SCP assigna donc l’Urssaf pour rupture abusive et brutale de la relation contractuelle. La cour d’appel avait d’une part retenu la responsabilité contractuelle de l’Urssaf sur le fondement du droit commun mais avait considéré que, s’agissant de l’évaluation du préjudice subi par la SCP, la jurisprudence indemnisant la perte de marge subie pendant la durée de préavis devait être écartée, et ce, en raison du caractère spécifique de l’activité de l’étude d’huissiers (CA Douai, 7 octobre 2021, n° 19/06337 N° Lexbase : A748848T).

Moyens du pourvoi. La SCP considérait d’une part que la rupture de la convention relevait de l’article L. 410-1 du Code de commerce N° Lexbase : L6581AIL, dans sa version applicable au litige, à savoir celle antérieure à l’ordonnance n° 2021-649, du 26 mai 2021, lequel a vocation à s’appliquer à « toutes les activités de production, de distribution et de services ». Elle considérait, d’autre part, que « la réparation du préjudice résultant du non-respect d’une obligation de respecter un préavis doit replacer la victime dans la situation dans laquelle elle se serait trouvée si le juste préavis avait été exécuté ».

Solution. S’agissant du premier moyen, le pourvoi est rejeté. La Cour de cassation relève que la cour d’appel n’a pas écarté la disposition spéciale issue du Code de commerce, mais s’est simplement fondée sur le droit commun pour sanctionner la rupture du contrat sans respecter de délai de préavis suffisant.

Deux remarques s’imposent. La première tient à l’application de l’article L. 410-1 du Code de commerce aux huissiers. Si certaines professions sont exclues du domaine d’application de cette disposition, à ce jour, il n’a pas été statué sur celle d’huissier. L’arrêt n’y répond pas, ce qui amène à la seconde remarque.

L’arrêt n’exclut pas la possibilité pour la cour d’appel de statuer sur le fondement du droit commun. S’agissant de l’application de l’article L. 410-1, seule la cour d’appel de Paris est en mesure de statuer sur ce fondement. Mais, la cour d’appel, autre que celle de Paris, celle de Douai en l’espèce, pouvait connaître de la question mais exclusivement sur le fondement du droit commun (Cass. com., 7 octobre 2014, n° 13-21.866, F-D N° Lexbase : A0508M7X). Tel était le cas en l’espèce. La victime d’une rupture brutale peut donc décider de délaisser le droit spécial au profit du droit commun (Cass. com., 8 février 2017, n° 14-28.232 N° Lexbase : A4746TBE).

S’agissant du second moyen, relatif au non-respect d’un délai de préavis raisonnable, la Cour de cassation considère qu’y compris en présence d’huissiers, « le préjudice subi du fait du non-respect d’un préavis raisonnable consiste en la perte de la marge brute que la victime de la rupture aurait pu réaliser pendant la durée du préavis non-respecté ». La cassation est donc prononcée au visa des textes antérieurs à l’ordonnance du 10 février 2016, et notamment l’article 1134 du Code civil. Une solution identique avait déjà été dégagée en présence d’un délai de préavis légalement fixé (Cass. com., 26 octobre 2022, n° 21-12.848 N° Lexbase : A55608RD).

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