Réf. : Cass. civ. 2, 26 octobre 2023, trois arrêts, n° 22-16.185, F-B N° Lexbase : A42781P7 ; n° 21-23.012, F-B, N° Lexbase : A42801P9 ; n° 21-22.315, FS-B N° Lexbase : A42911PM ; Cass. civ. 2, 5 octobre 2023, sept arrêts, n° 21-21.007, FS-B N° Lexbase : A17091KI ; n° 22-16.906, F-B N° Lexbase : A17101KK ; n° 21-21.534, F-B N° Lexbase : A17121KM ; n° 22-14.430, F-B N° Lexbase : A17171KS ; n° 21-23.235, F-B N° Lexbase : A17081KH ; n° 22-13.863, F-B N° Lexbase : A20421KT ; n° 21-17.190, F-B N° Lexbase : A17131KN
Lecture: 1 heure, 54 min
N7295BZ9
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Yannick Ratineau, Maître de conférences à l’Université Grenoble Alpes, Co-directeur de l’Institut d’Études Judiciaires de Grenoble, Co-directeur de la revue BACAGe (Bulletin des Arrêts de la Cour d’Appel de Grenoble), Centre de Recherches Juridiques – EA 1965
le 13 Décembre 2023
Mots-clés : litispendance • identité partielle de la matière litigieuse • déféré • pourvoi • incompétence territoriale • erreur procédurale • régularisation • déclaration d’appel • caducité • conclusions • irrecevabilité • annexe • effet dévolutif • commandement • péremption • relevé d’office • audience
Dans dix arrêts rendus au mois d’octobre 2023 dans le champ de la procédure civile, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation procède à un important revirement de jurisprudence, prononce des solutions nouvelles, assouplit certaines de ces solutions antérieures, et opère quelques rappels utiles.
Parmi la multitude des arrêts rendus par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans le champ de la procédure civile et des voies d’exécution durant le mois d’octobre 2023, dix d’entre eux ont retenu notre attention en raison de leur intérêt jurisprudentiel, et des réflexions qu’ils suscitent. Certains témoignent de la volonté de la deuxième chambre civile d’assouplir certaines solutions jugées trop rigides ou trop formalistes, à l’aune notamment des enseignements tirés de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme. Il en est ainsi lorsqu’elle admet, par exemple, que l’identité partielle de la matière litigieuse constitue un cas d’admission de la litispendance, ou qu’elle consacre un droit à la régularisation de l’erreur procédurale au profit de l’appelant ayant saisi une cour d’appel incompétente. Gardienne des droits fondamentaux et des libertés individuelles en vertu de l’article 66 de la Constitution N° Lexbase : L0895AHM, elle se montre attentive à la préservation des droits processuels des parties au procès en consacrant un droit à l’audience devant le conseiller de la mise en état statuant sur la caducité de la déclaration d’appel ou l’irrecevabilité des conclusions. D’autres solutions sont plus attendues, notamment lorsqu’elle rappelle qu’en présence d’un appel total, l’effet dévolutif n’opère pas, ou qu’elle confirme les enseignements qui avaient été tirés de son avis du 2 juillet 2022 relatif à l’annexe à la déclaration d’appel [1]. Il sera également observé que plusieurs arrêts concernent le déféré, qui, s’il ne constitue pas une voie de recours tend pourtant à la devenir progressivement sous l’influence de la jurisprudence de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation… Bien d’autres thématiques encore sont traitées encore dans ce panorama.
L’on se souvient que, depuis le 1er septembre 2017, l’ensemble des déclarations d’appel introduites le sont au moyen d'une annexe, car l'article 901 du Code de procédure civile N° Lexbase : L5914MBN, modifié par le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d’incompétence et à l’appel en matière civile N° Lexbase : L5564MBP, précisait, jusqu’à sa modification par le décret n° 2022-245 du 25 février 2022 N° Lexbase : L5564MBP, accompagné d’un arrêté du même jour modifiant l’arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel N° Lexbase : L5628MB3, que la déclaration d'appel est faite par un acte contenant, notamment, « les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ». Assez rapidement, les avocats avaient constaté que la capacité du RPVA – limitée à ce moment-là à 4 080 caractères – ne permettait pas toujours de renseigner l’intégralité des chefs de jugement critiqués. Une circulaire de la chancellerie du 4 août 2017 [2] avait donc proposé que, « dans la mesure où le RPVA ne permet l'envoi que de 4 080 caractères, il pourra être annexé à la déclaration d'appel une pièce jointe la complétant afin de lister l'ensemble des points critiqués du jugement. Cette pièce jointe, établie sous forme de copie numérique, fera ainsi corps avec la déclaration d'appel ». Nombre d'avocats avaient donc pris l’habitude de renseigner les éléments d'identification des appelants, des intimés et de la décision attaquée, comme d'habitude par voie électronique, et annexait un fichier joint afin de préciser les chefs de jugement critiqués. Mais c’était sans compter que la circulaire précitée conditionnait la possibilité de joindre une annexe à la déclaration d’appel à la contrainte technique liée aux 4 080 caractères du RPVA. Et c'est ainsi qu’un contentieux particulièrement nourri devait naître devant les cours d’appel. Souhaitant mettre fin à une pratique qui devait rester exceptionnelle, mais qui s’était en réalité généralisée, la Cour de cassation était venue affirmer que les chefs de jugement critiqués doivent figurer dans la déclaration d'appel qui est un acte de procédure se suffisant à lui seul, et que l'appelant peut la compléter par un document faisant corps avec elle, et auquel elle doit renvoyer, à la condition de justifier d'un empêchement technique [3]. Cette jurisprudence, qui avait suscité l’émoi bien légitime des professionnels du droit, a été désavouée par le législateur à l’occasion du décret n° 2022-245 du 25 février 2022 et de l’arrêté du même jour modifiant l’arrêté du 20 mai 2020 N° Lexbase : L1630LXN relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel, qui a modifié l’article 901 du Code de procédure civile, lequel dispose depuis, en son alinéa 1er, que « La déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 N° Lexbase : L8645LYT et par le cinquième alinéa de l’article 57 N° Lexbase : L9288LT8, et à peine de nullité […] ». Depuis le 27 février 2022, date d’entrée en vigueur de ces textes, la déclaration d'appel est donc devenue un acte de procédure qui, le cas échéant lorsque la communication électronique est imposée, peut prendre la forme de deux fichiers, un fichier XML (qui fait l’objet d’un traitement automatisé) et un fichier PDF contenant une annexe éventuelle. La Cour de cassation devait prendre acte, dans un avis du 8 juillet 2022 [4], des modifications apportées à l’article 901 du Code de procédure civile, et avait précisé à cette occasion, d’une part, que le décret n° 2022-245 du 25 février 2022 et l'arrêté du 25 février 2022 sont immédiatement applicables aux déclarations d'appel qui ont été formées antérieurement à l'entrée en vigueur de ces deux textes, pour autant qu'elles n'ont pas été annulées par une ordonnance du magistrat compétent qui n'a pas fait l'objet d'un déféré dans le délai requis, ou par l'arrêt d'une cour d'appel statuant sur déféré ; d’autre part, qu’une déclaration d'appel, à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués, constitue l'acte d'appel conforme aux exigences de l'article 901 du Code de procédure civile même en l'absence d'empêchement technique. C’est précisément ce qu’elle rappelle dans un arrêt rendu le 26 octobre 2023 qui apporte plusieurs confirmations, mais pose également certaines interrogations…
En l’espèce, des difficultés étant survenues au cours des opérations de partage de la succession d’une personne décédée, un tribunal de grande instance a ordonné le partage et la liquidation de la communauté ayant existé entre le défunt et son conjoint, puis de la succession et a désigné le président de la chambre des notaires de l'Hérault pour procéder aux opérations de compte, liquidation et partage de cette succession. L’épouse du défunt a relevé appel de cette décision par déclaration du 3 mars 2020. Sa déclaration d’appel ne comportant visiblement pas les chefs de jugement critiqués à en croire le pourvoi, elle devait régulariser cette situation en joignant à sa déclaration d’appel une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués.
Par arrêt en date du 31 mars 2022, la cour d’appel de Montpellier a jugé que la déclaration d'appel était privée de tout effet dévolutif en ce qu’elle ne faisait mention d'aucun chef du jugement que l'appelante entendait voir critiquer et que, par ailleurs, il n'était fait état d'aucune difficulté technique susceptible de justifier de l'utilisation d'une pièce jointe telle que prévue par la circulaire du 4 août 2017, de sorte qu’elle ne se considérait saisie d'aucune demande.
Un pourvoi en cassation fut bien évidemment formé par l’appelante au sein duquel elle faisait grief à la cour d’appel d’avoir jugé que sa déclaration d'appel en date du 3 mars 2020 était privée de tout effet dévolutif, alors qu'une déclaration d'appel à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués constitue l'acte d'appel conforme aux exigences de l'article 901 du code de procédure civile, dans sa nouvelle rédaction et ce, même en l'absence d'empêchement technique. Le pourvoi indique notamment qu'en l'espèce, l’appelante a « régularisé une déclaration d'appel à laquelle était jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués » [5], ce qui constituait un acte d'appel conforme aux exigences de l'article 901 du Code de procédure civile sans qu'elle n'ait à justifier d'un empêchement technique. De fait, en jugeant pourtant qu'en l'absence de difficultés techniques et à défaut d'avoir mentionné dans la déclaration d'appel les chefs de jugement critiqués, l'appel tel que formulé était dépourvu de tout effet dévolutif, la cour d'appel a violé, pour la demanderesse au pourvoi, l'article 901 du Code de procédure civile.
Dans son arrêt du 26 octobre 2023, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, au visa de l’article 901 du Code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2022-245 du 25 février 2022, casse et annule l’arrêt rendu le 31 mars 2022 par la cour d’appel de Montpellier au motif que, selon ce texte, la déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, notamment les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. Reprenant les éléments de l’avis du 8 juillet 2022, la Cour de cassation rappelle avoir notamment dit que le décret n° 2022-245 du 25 février 2022 et l'arrêté du 25 février 2022 modifiant l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant la cour d'appel sont immédiatement applicables aux instances en cours pour les déclarations d'appel qui ont été formées antérieurement à l'entrée en vigueur de ces deux textes réglementaires, pour autant qu'elles n'ont pas été annulées par une ordonnance du magistrat compétent qui n'a pas fait l'objet d'un déféré dans le délai requis, ou par l'arrêt d'une cour d'appel statuant sur déféré, ce dont elle déduit que, l'instance devant une cour d'appel étant introduite par une déclaration d'appel prenant fin avec l'arrêt que rend cette juridiction, soit en l'espèce l'arrêt du 31 mars 2022, le décret du 25 février 2022 était donc bien applicable au litige, de sorte que la cour d'appel était tenue, au besoin d'office, de faire application de ce nouveau texte. Pour la Cour de cassation, en statuant comme elle l’a fait, alors que cette déclaration d'appel à laquelle était jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués constitue l'acte d'appel conforme aux exigences de l'article 901 du code de procédure civile, dans sa nouvelle rédaction, applicable au litige, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Le premier apport de l’arrêt commenté tient dans l’application dans le temps de la réforme opéré par le décret n° 2022-245 du 25 février 2022 et de l’arrêté du même jour, puisque la Cour de cassation reprend ici le raisonnement qu’elle avait suivi dans son avis du 2 juillet 2022 en se fondant manifestement sur l’article 2 du Code civil N° Lexbase : L2227AB4 ; texte à partir duquel elle a dégagé des solutions de principe, dont celle de l'application immédiate de la loi nouvelle aux instances en cours [6]. Pour rappel, en vertu de ce principe, la loi nouvelle peut être appliquée aux instances en cours et aux instances à venir, ce qui provoque l’exclusion de son champ d’application les actes valablement passés sous l'empire de la loi ancienne, lesquels ne peuvent pas être remis en cause par la loi nouvelle, ainsi que les actes irrégulièrement pris dans le passé, lesquels ne peuvent être validés par la loi nouvelle. Ce qui s’applique à la loi a vocation à s’appliquer aux dispositions nouvelles issues d’actes réglementaires, ce qui est conforme à la jurisprudence du Conseil d’État qui décide de longue date que les décrets et arrêtés ne peuvent avoir un caractère rétroactif [7], ces derniers ne disposant que pour l’avenir [8]. L’on sait depuis son avis du 3 juin 2021 [9] que, pour la Cour de cassation, l’appel constitue une instance à part entière qui est introduite par la déclaration d'appel, et qui prend fin avec l'arrêt que rend la cour d’appel. Rapporté aux faits de l’espèce, l’instance d’appel a donc débuté par la déclaration d’appel introduite par l’appelante le 3 mars 2020, et a pris fin avec l’arrêt rendu par la cour d’appel de Montpellier le 31 mars 2022. Dans ce laps de temps est effectivement intervenu le décret du 25 février 2022 dont la Cour de cassation, dans son avis du 2 juillet 2022, a reconnu l’application immédiate aux instances en cours, pour autant qu'elles n'ont pas été annulées par une ordonnance du magistrat compétent qui n'a pas fait l'objet d'un déféré dans le délai requis, ou par l'arrêt d'une cour d'appel statuant sur déféré. Tel n’était pas le cas ici, et donc ce texte était bien applicable au présent litige, ce dont la Cour de cassation en déduit fort justement que, « la cour d'appel [ était] tenue, au besoin d'office, de faire application de ce nouveau texte ». Si l’arrêt est intéressant, ce n’est pas tellement sur ce premier apport qui était relativement prévisible, voire attendu, mais plutôt sur le second…
Le second apport de l’arrêt réside dans la confirmation de la généralisation de l’emploi de l’annexe à la déclaration d’appel qui n’est donc plus conditionné par l’existence d’un empêchement technique. L’on se souvient que, dans son arrêt du 13 janvier 2022, la Cour de cassation avait approuvé une cour d'appel d'avoir dit que le document joint (l’annexe) ne valait pas déclaration d'appel, sauf à justifier d'un « empêchement technique à renseigner la déclaration ». Cette précision avait soulevé de nombreuses interrogations : l'annexe était-elle le complément de l'acte d'appel uniquement en cas de contrainte technique ? Les avocats pouvaient-il mentionner tous les chefs de jugement critiqués directement sur une annexe qui faisait corps avec la déclaration d'appel ou devait-il commencer par les préciser sur l'acte d'appel et poursuivre sur une annexe pour que celle-ci fasse corps avec l'acte d'appel ? Une déclaration d'appel avec seulement les éléments d'identification des parties et la décision attaquée pouvait-elle être complétée, en cas de contrainte technique, par une annexe sur laquelle figurerait l'ensemble des chefs de jugement critiqués ? Des pratiques disparates étaient nées selon les ressorts. Si certains cabinets préféraient inclure une phrase de type « compte tenu de la contrainte technique liée au nombre limité de caractères, une annexe à la déclaration d'appel est établie », d’autres se contentaient d’une simple indication du renvoi à une annexe dans la déclaration d’appel. Si la modification de l’article 901 du Code de procédure civile, pour préciser désormais que « La déclaration d’appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l’article 54 et par le cinquième alinéa de l’article 57, et à peine de nullité… », était donc apparue comme une avancée, l’emploi de l’expression « le cas échéant » avait généré quelques incertitudes que l’arrêt du 26 octobre 2023 dissipe. En effet, dans son avis du 8 juillet 2022, la Cour de cassation ne s’était pas privée de rappeler le pouvoir réglementaire à ses obligations en ce qui concerne l’intelligibilité des textes qu’il produit, en relevant l’ambiguïté de l'expression « le cas échéant » figurant à l'article 901 du code précité modifié par le décret du 25 février 2022, laquelle pourrait renvoyer à une condition d'utilisation de l'annexe, tel l'empêchement technique… Avec l’arrêt du 26 octobre 2023, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation montre qu’il n’en est rien ! Comme elle le rappelle dans son arrêt, « l’annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués constitue l'acte d'appel ». La déclaration d’appel peut donc prendre la forme de deux fichiers, un fichier XML et un fichier PDF, contenant le cas échéant une annexe, qui doit comprendre obligatoirement les mentions des alinéas 1 à 4 de l’article 901 du Code de procédure civile (autrement dit, les mentions prescrites par les 2° et 3° de l’article 54 et par le cinquième alinéa de l’article 57 du même code ; la constitution de l’avocat de l’appelant ; l’indication de la décision attaquée ; et l’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté). De fait, l’alinéa 5 de l’article 901 qui prévoit que « les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible » ne figure pas parmi les mentions obligatoires dans le fichier XML de la déclaration d’appel.
À retenir : Les chefs du jugement critiqués peuvent figurer dans une annexe jointe sous la forme d’un fichier PDF, et ce, même en l’absence d’un empêchement technique. L’annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués constitue l'acte d'appel. |
Depuis l’entrée en vigueur des dispositions du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 [10] qui a modifié, notamment, l’article 562 du Code de procédure civile N° Lexbase : L7233LEM, l'appel « général » - ou « total » - de la décision de première instance est prohibé, du moins quand l'acte d’appel ne tend pas à l'annulation du jugement ou que l'objet du litige n'est pas indivisible. L’appelant a donc, depuis cette date, l’obligation de lister les chefs de jugement critiqués dans sa déclaration d’appel. La circulaire du 4 août 2017 de présentation des dispositions du décret du 6 mai 2017 [11] est venue préciser utilement que, dans l’hypothèse où aucun chef de jugement n'est critiqué expressément, il n'y a pas d'effet dévolutif. La sanction pouvait sembler sévère, mais finalement à la hauteur des enjeux et de l’objectif poursuivi par le décret du 6 mai 2017. Si, dans un premier temps, la Cour de cassation n’a pas suivi la solution préconisée par la circulaire du 4 août 2017, en limitant la sanction encourue par l’appelant dont la déclaration d’appel ne mentionne pas les chefs de jugement critiqués à l’hypothèse d’une nullité pour vice de forme, régularisable dans le délai imparti à l’appelant pour conclure, et d’autre part, qu’il ne résulte de l’article 562 du Code de procédure civile, elle avait par la suite élargi l’éventail des sanctions, à l’occasion d’un arrêt rendu le 30 janvier 2020 [12], en se ralliant à la solution préconisée par la circulaire du 4 août 2017, à savoir : l’absence d’effet dévolutif de la déclaration d’appel. Ainsi, sauf hypothèse dans laquelle l'acte d’appel tend à l'annulation du jugement ou que l'objet du litige est indivisible [13], l’appelant doit faire apparaître les chefs de jugement critiqués dans sa déclaration d’appel, lesquels regroupent les dispositions du jugement statuant sur les demandes, partiellement ou totalement, rejetées formées par l’appelant en première instance, ainsi que les demandes de première instance, accueillies par le premier juge et faisant grief à l’appelant, de l’adversaire ; mais également les éventuelles demandes sur lesquelles le juge de première instance aurait omis de statuer et qui ne figuraient donc pas au dispositif de la décision de première instance [14], ou encore les éventuelles condamnations prononcées par le juge, telle l’amende civile [15]. Naturellement, la mention des chefs de jugement renverra nécessairement aux demandes formées par les parties devant le tribunal lorsque le juge de première instance se sera contenté, dans le dispositif de sa décision, de statuer en déboutant les parties de toutes leurs demandes, fins et conclusions, sans autre forme de précision. Les chefs de jugement critiqués sont en principe reproduits dans le champ « objet/portée de l’appel », prévu à cet effet par le formulaire de déclaration d’appel en ligne. Au regard de ces règles strictement appliquées par la Cour de cassation, il nous avait semblé, alors que nous commentions l’arrêt du 30 janvier 2020 [16], que les formulations visant de façon générale « l'ensemble des chefs de jugements » ou « tous les chefs de jugement » devaient être proscrites en ce qu’elles pouvaient parfaitement être assimilées à un appel « total » déguisé. L’arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 26 octobre 2023 vient nous donner raison.
En l’espèce, un salarié conteste son licenciement devant un conseil de prud'hommes. Le 7 janvier 2019, il interjette appel du jugement en date du 20 décembre 2018 de ce conseil de prud'hommes ayant notamment dit son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et l'ayant débouté de l'ensemble de ses demandes. Par arrêt en date du 27 mai 2021, la Cour d’appel de Grenoble infirme le jugement et condamne l’employeur à payer à son salarié la somme de 27 900 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et une indemnité de procédure de 2 000 euros, ainsi qu'aux dépens de première instance.
Un pourvoi en cassation est formé par l’employeur qui reproche à la cour d’appel d’avoir statué comme elle l’a fait, alors que seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement, et que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas, et la cour d'appel n'est saisie d'aucune demande. Or, en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que la déclaration d'appel du salarié « porte comme mention s'agissant de « l'objet/portée de l'appel : appel sur toutes les dispositions du jugement », et qu'en retenant, pour infirmer le jugement entrepris, que « quoique l'appelant n'ait pas énuméré l'ensemble des dispositions du jugement, la déclaration d'appel en visant « toutes » les dispositions, a nécessairement opéré l'effet dévolutif pour la totalité du dispositif du jugement du conseil de prud'hommes de Grenoble du 20 décembre 2018 » alors qu’elle aurait dû considérer qu'en l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel, elle n'était saisie d'aucune prétention, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 562 et 901-4° du Code de procédure civile N° Lexbase : L5914MBN.
La cassation prononcée par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, au visa des articles 562 et 901-4 du Code de procédure civile, ce dernier dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, dans son arrêt rendu le 26 octobre 2023, ne devrait donc surprendre personne. Même si la solution était attendue, la Haute juridiction prend non seulement la peine de rappeler le raisonnement qui la fonde, mais également de rappeler, selon elle, sa conformité aux canons du droit à un procès équitable.
Dans l’arrêt rapporté, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation rappelle qu’en vertu de l’article 562 du Code de procédure civile, lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas. Cette sanction étant particulièrement sévère pour les plaideurs, elle rappelle également que l’article 901-4 du Code de procédure civile, la déclaration d'appel affectée d'une irrégularité, en ce qu'elle ne mentionne pas les chefs du jugement attaqués, peut être régularisée par une nouvelle déclaration d'appel, dans le délai imparti à l'appelant pour conclure au fond, ce dont elle déduit, d’une part, que ces règles encadrant les conditions d'exercice du droit d'appel dans les procédures avec représentation obligatoire qui résultent clairement des textes applicables, sont dépourvues d'ambiguïté et présentent un caractère prévisible. Leur application immédiate aux instances en cours ne porte pas atteinte au principe de sécurité juridique ni au droit à un procès équitable, et qu’il n'y a, dès lors, pas lieu de différer les effets de celles-ci ; d’autre part, qu’elles ne restreignent pas l'accès au juge d'appel d'une manière ou à un point tel que ce droit s'en trouve atteint dans sa substance même. Elles poursuivent un but légitime au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales N° Lexbase : L7558AIR, en l'occurrence une bonne administration de la justice, et ne portent pas une atteinte disproportionnée à l'accès au juge d'appel, un rapport raisonnable de proportionnalité existant entre les moyens employés et le but visé [17].
À retenir : La déclaration d'appel qui porte comme seule mention, s'agissant de l'objet/portée de l'appel, « appel sur toutes les dispositions du jugement », ne mentionne pas les chefs du jugement expressément critiqués, de sorte que l’effet dévolutif n’opère pas, la cour d'appel n'étant donc saisie d'aucune demande. |
L’audience constitue le temps fort d’un procès, qu’il soit civil ou pénal. Elle est à la fois un lieu et un temps redouté ou attendu par le justiciable qui va se préparer, des semaines durant, voire des mois parfois, à cet instant durant lequel il va rencontrer son juge. Parfois cette rencontre se déroule dès la phase d’instruction de l’affaire. Dans le riche contentieux de la caducité de la déclaration d'appel, il peut être observé que les articles 902 N° Lexbase : L7237LER et 908 N° Lexbase : L7239LET du Code de procédure civile prévoient qu’elle est prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état qui statue après avoir sollicité les observations écrites des parties. Qui si les parties demandent à être entendues dans le cadre d’une audience ? Celle-ci est-elle de droit bien que les textes ne la prévoient pas, ou le juge dispose-t-il de la faculté de la refuser en se fondant sur les seules dispositions du code de procédure civile ? Il faut se souvenir que, pour le Conseil constitutionnel, l’audience est une composante du procès équitable. Il lui a d’ailleurs donné, en ce sens, la valeur d’une « garantie légale » des droits processuels constitutionnels dont les parties disposent [18]. C’est à cette question que la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a répondu dans un arrêt du 26 octobre 2023.
En l’espèce, par déclaration du 5 novembre 2019, une salarié relève appel d'un jugement rendu le 28 mars 2019 par un conseil de prud'hommes dans un litige l'opposant à son employeur. Par ordonnance du 13 octobre 2020, un conseiller de la mise en état constate la caducité de la déclaration d'appel sur le fondement des articles 902 N° Lexbase : L7237LER et 911-1 N° Lexbase : L7237LER du Code de procédure civile, au motif que l'appelante n'avait pas signifié la déclaration d'appel dans le mois de l'invitation qui lui avait été faite par le greffe le 16 décembre 2019. La salariée a relevé appel de cette ordonnance. Par arrêt en date du 16 juin 2021, la cour d’appel de Paris confirme l’ordonnance rendue le 13 octobre 2020 par le conseiller de la mise en état, et prononce la caducité de la déclaration d’appel.
Un pourvoi en cassation est formé comportant un second moyen qui fait tout l’intérêt de l’arrêt, et dans lequel la salariée faisait grief à la cour d’appel d’avoir retenu que l’article 911-1, alinéa 2, du Code de procédure civile « ne prévoit pas d'entendre les parties mais impose de solliciter leurs observations écrites. Ainsi, la seule obligation du conseiller de la mise en état est d'inviter les parties à présenter leurs observations », alors « qu'il résulte de l'article 907 du code de procédure civile qu'à moins qu'il ne soit fait application de l'article 905 du Code de procédure civile, l'affaire est instruite sous le contrôle d'un magistrat de la chambre à laquelle elle est distribuée, dans les conditions prévues par les articles 780 N° Lexbase : L9318LTB à 807 N° Lexbase : L3381MI3 du code précité, imposant notamment la tenue d'une audience devant le conseiller de la mise en état […]. »
Par arrêt du 26 octobre 2023, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, après avoir écarté le premier moyen qu’elle juge non fondé, casse et annule, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris, au visa des articles 911-1, alinéa 2, du Code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, au motif que, selon le premier de ces textes, le conseiller de la mise en état est tenu de solliciter les observations écrites des parties avant de prononcer la caducité de la déclaration d'appel ou l'irrecevabilité des conclusions, tandis qu’il résulte du second que la tenue d'une audience en matière civile constitue l'une des composantes du droit à un procès équitable, ce dont il résulte, pour la Cour de cassation, que, hors les cas où il décide, d'office, d'appeler les parties à une audience, le conseiller de la mise en état, qui statue sur la caducité de la déclaration d'appel ou l'irrecevabilité des conclusions, n'est pas tenu d'organiser une audience, sauf si les parties le lui demandent. Ainsi, en retenant, pour confirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état, que l'article 911-1 du Code de procédure civile ne prévoit pas d'entendre les parties, mais impose de solliciter leurs observations écrites et que la seule obligation du conseiller de la mise en état est d'inviter les parties à présenter leurs observations, ce qui a été effectivement fait, alors qu'il résulte de la requête figurant en production que l'appelante avait sollicité une audience, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
L’intérêt de l’arrêt rendu le 26 octobre 2023 réside en ce que la Cour de cassation, au visa des articles 911-1, alinéa 2, du Code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, rappelle que la tenue d'une audience en matière civile constitue l'une des composantes du droit à un procès équitable, ce que le Conseil constitutionnel a déjà eu l’occasion d’affirmer dans sa décision n° 2020-866 QPC du 19 novembre 2020 relative à la conformité des procédures sans audience à la Constitution [19] en lui conférant « la valeur d’une garantie légale » des différents droits processuels dont disposent les parties. Pour autant, le Conseil constitutionnel a également reconnu au législateur la compétence pour apporter des limitations à ce principe, et il s’attache à vérifier que la mise en œuvre de procédures juridictionnelles civiles sans audience ne conduit pas à priver de garanties légales l’exercice des droits de la défense et du droit à un procès équitable. Quid du juge ? Le juge peut-il imposer aux parties l’absence d’audience ? L’on sait que cette hypothèse est déjà envisagée par le droit positif puisque l’article L. 212-5-1 du Code de l’organisation judiciaire N° Lexbase : L0598LTC précité dispose que, « devant le tribunal de grande instance [devenu tribunal judiciaire à la suite de l’entrée en vigueur des dispositions de l’ordonnance n° 2019-964 du 18 septembre 2019 N° Lexbase : L4046LSN, la procédure peut, à l'initiative des parties lorsqu'elles en sont expressément d'accord, se dérouler sans audience. En ce cas, elle est exclusivement écrite. Toutefois, le tribunal peut décider de tenir une audience s'il estime qu'il n'est pas possible de rendre une décision au regard des preuves écrites ou si l'une des parties en fait la demande. » Mais hors le cas où une disposition prévoit spécialement cette hypothèse, le juge peut-il décider d’écarter l’audience au profit d’un débat contradictoire organisé autour de simples échanges écrits au travers desquels les parties présentent leurs observations ? L’on sait là encore que, pour le Conseil constitutionnel, la possibilité de formuler des observations orales au cours d’une audience ne constitue qu’une modalité d’exercice du principe du contradictoire, dont le respect peut être assuré par des échanges écrits. C’est ce que prévoit le code de procédure civile, notamment pour la caducité de la déclaration d’appel qui est prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état qui statue après avoir sollicité les observations écrites des parties. Comme le faisait observer la cour d’appel, l’article 911-1 du Code de procédure civile ne fait obligation au conseiller de la mise en état que de solliciter les observations écrites des parties, pas de les entendre ! Mais ce raisonnement est censuré par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation qui procède à une lecture combinée de l’article 911-1 du Code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, que le conseiller de la mise en état, qui statue sur la caducité de la déclaration d'appel ou l'irrecevabilité des conclusions, n'est pas tenu d'organiser une audience, sauf si les parties le lui demandent. La Cour de cassation consacre ainsi un véritable droit à l’audience au profit des parties devant le conseiller de la mise en état dans la phase d’instruction, du moins lorsqu’il statue sur la caducité de la déclaration d’appel ou sur l'irrecevabilité des conclusions. Dès lors qu’elles sollicitent une audience, le conseiller de la mise en état ne peut se retrancher derrière la lettre de l’article 911-1 du Code de procédure civile pour rejeter ou ignorer cette demande, et solliciter les observations écrites des parties. En revanche, il nous semble qu’une lecture a contrario de la solution retenue dans l’arrêt du 26 octobre 2023 conduit à considérer que l’audience ne s’impose pas au conseiller de la mise en état lorsque les parties n’en font pas la demande, ce dernier pouvant, en application de l’article 911-1 du Code de procédure civile, solliciter simplement leurs observations écrites.
À retenir : Lorsque le conseiller de la mise en état statue sur la caducité de la déclaration d’appel ou sur l'irrecevabilité des conclusions, l’audience est de droit pour les parties qui en font la demande. |
En affirmant que la régularisation de la fin de non-recevoir tirée de la saisine d’une juridiction incompétente est possible si, au jour où elle intervient, dans le délai d’appel interrompu par une première déclaration d’appel formée devant une juridiction incompétente, aucune décision définitive d’irrecevabilité n’est intervenue, la Cour de cassation procède à un revirement de jurisprudence qui était très attendu ! D’aucuns y verront “la main“ du juge européen qui a condamné la France pour formalisme excessif dans l’arrêt Xavier Lucas c/ France [20]. Pourtant, et sans chercher à minorer l’influence de la jurisprudence de la CEDH sur l’élaboration des décisions de justice par le juge national, force est de constater que la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, après avoir multiplié les exigences formalistes par une interprétation particulièrement stricte, voire restrictive [21], des dispositions du code de procédure civile, avait déjà donné des signes d’assouplissement dès le début du printemps 2022 [22]. L’arrêt rapporté s’inscrit assurément dans ce changement de paradigme amorcé sous la double influence du législateur français [23], ce dont la haute juridiction a pris acte [24], et du juge européen.
En l’espèce, le 7 septembre 2018, un jugement est rendu par un conseil de prud’hommes, lequel est notifié, dans les formes, le 22 octobre 2018, ce qui a pour effet de faire courir le délai d’appel. Le 20 novembre 2018, un premier appel est interjeté devant une cour d’appel qui est territorialement incompétente. Le 18 décembre 2018, un second appel est interjeté devant la cour d’appel territorialement compétente, au-delà du délai initial qui avait expiré le 23 novembre 2018 donc, mais aucune décision définitive de rejet pour motif de fond ou d’irrecevabilité n’avait été rendue au moment où le second appel a été interjeté, celle-ci n’intervenant que le 11 octobre 2019 lorsque la première cour d’appel saisie rend une décision d’irrecevabilité fondée sur son incompétence territoriale. En conséquence de cette décision, la seconde cour d’appel saisie rend à son tour une décision d’irrecevabilité fondée sur le caractère tardif de l’appel. C’est à l’encontre de cet arrêt qu’un pourvoi en cassation est formé, lequel posait à la deuxième chambre civile de la Cour de cassation la question de savoir si la décision d’irrecevabilité du premier appel fondée sur l’incompétence territoriale de la cour d’appel neutralise rétroactivement l’effet interruptif du délai d’appel associé à ce même appel. L’enjeu était de taille ici ! En effet, dans l’hypothèse où l’effet interruptif est réputé rétroactivement non avenu, le second appel doit être considéré comme tardif. Mais si l’effet interruptif survit, le second appel doit être considéré comme recevable. En appel, l’incompétence territoriale est, en principe, sanctionnée par une irrecevabilité [25] fondée sur les dispositions de l’article R. 311-3 du Code de l’organisation judiciaire N° Lexbase : L6510IAD. La solution retenue par la première cour d’appel qui était territorialement incompétente était donc pleinement justifiée au regard de ce texte. Celle retenue par la seconde cour d’appel l’était aussi au regard de la position de la Cour de cassation sur cette question qui, si elle admettait que la régularisation d’une première déclaration d’appel devant une cour d’appel ne privait pas l’appelant du droit de régulariser une seconde déclaration d’appel devant une autre cour d’appel, notamment en cas d’incompétence de la première, exigeait toutefois que l’appel de régularisation soit relevé dans le délai d’appel initial [26]. Cette solution aboutissait, comme le reconnaît elle-même la Cour de cassation dans l’arrêt commenté, « à faire rétroagir une décision d’irrecevabilité rendue postérieurement au second appel formé devant la juridiction compétente », de sorte que le second appel régularisé hors délai d’appel initial devait être regardé comme tardif [27]. Cette solution marquait clairement la préférence de la Cour de cassation à l’article 2243 du Code civil N° Lexbase : L7179IA7, au détriment de l’article 2241 du même code N° Lexbase : L7181IA9, aux termes duquel la demande en justice interrompt le délai de forclusion, y compris lorsqu’elle est régularisée devant une juridiction incompétente.
Dans l’arrêt rendu le 5 octobre 2023, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation opère donc un revirement de jurisprudence en retenant que « la régularisation de la fin de non-recevoir tirée de la saisine d’une juridiction incompétente est possible si, au jour où elle intervient, dans le délai d’appel interrompu par une première déclaration d’appel formée devant une juridiction incompétente, aucune décision définitive d’irrecevabilité n’est intervenue ». Elle reconnaît que l’appelant peut régulariser son erreur en relevant un nouvel appel devant la cour d’appel compétente dans le délai d’appel interrompu, pour autant qu’il le fasse avant qu’intervienne la décision définitive d’irrecevabilité du premier appel. Pour la deuxième chambre civile, « Seule cette interprétation est de nature à donner son plein effet à la faculté offerte à l’appelant de régulariser cette fin de non-recevoir en rendant effective l’interruption du délai d’appel résultant de l’application de l’article 2241 du Code civil ». Ce revirement de jurisprudence consacre donc l’hypothèse selon laquelle l’effet interruptif de la première déclaration d’appel survit à l’irrecevabilité de cette dernière lorsqu’elle procède d’un motif d’incompétence. Dans l’arrêt rapporté, la deuxième chambre civile pose toutefois des conditions à cette possibilité offerte à l’appelant qu’il convient d’examiner.
Tout d’abord, à la lecture de l’arrêt, tout un chacun aura compris qu’il n’est pas possible de régulariser un nouvel appel dès lors qu’une décision définitive d’irrecevabilité à l’égard de la première déclaration d’appel mal orientée est rendue. Cette solution nous semble être fondée sur les dispositions de l’article 911-1, alinéa 3, du Code de procédure civile N° Lexbase : L7243LEY qui prohibe, en ce cas, la réitération d’un appel principal. Sur ce point, il sera rappelé que, dans la mesure où l’ordonnance du conseiller de la mise en état (en circuit long) et celle du président de chambre ou du magistrat désigné par le premier président (en circuit court) ne sont pas des décisions définitives d’irrecevabilité, puisqu’elles sont, l’une comme l’autre, susceptibles de faire l’objet d’un déféré [28], rien n’empêche donc l’appelant de régulariser son erreur dans le délai de déféré. Si aucun déféré n’est régularisé, l’ordonnance devient définitive au jour de l’expiration du délai pour déférer, lequel court à compter du jour de l’ordonnance, le premier jour étant compté [29]. Si un déféré est régularisé, cela rallonge d’autant le délai de régularisation, jusqu’au jour où la cour d’appel statue. L’appelant dispose donc de plusieurs sessions de rattrapage de son erreur initiale.
Ensuite, il doit être observé que la nouvelle solution affirmée par la Cour de cassation ne vise que l’hypothèse dans laquelle l’irrecevabilité de la première déclaration d’appel interruptive résulte de l’incompétence de la cour d’appel saisie, en accord avec l’article 2241 du Code civil, ce qui ne sera pas le cas lorsqu’elle résulte d’une autre cause. Quid de l’hypothèse hybride ? En d’autres termes, que se passe-t-il si une déclaration d’appel est déposée devant une cour d’appel incompétente par une personne n’ayant pas qualité pour le faire ? Cette déclaration d’appel est-elle interruptive, et l’interruption survit-elle en ce cas à la décision d’irrecevabilité prononcée par la première cour d’appel saisie ? Tout dépend du contenu du motif d’irrecevabilité retenu par le juge d’appel. Il nous semble que, si la cour d’appel déclare l’appel irrecevable en retenant le motif tiré de son incompétence, l’effet interruptif de la première déclaration d’appel devrait survivre à son irrecevabilité. Mais, si la première cour d’appel déclare l’appel irrecevable en se fondant sur le défaut de qualité à relever appel de l’appelant, l’effet interruptif associé à la première déclaration devrait être neutralisé en principe. Quid si la cour d’appel vise, dans le dispositif de son arrêt, les deux motifs ? La réponse devient ici nettement plus délicate à apporter… Ainsi, il y a fort à parier que ce revirement fera l’objet de précisions dans les mois à venir car, à l’évidence, le principe nouveau posé par l’arrêt du 5 octobre 2023, et qui nous semble devoir être pleinement approuvé en ce qu’il redonne sa pleine effectivité à l’article 2241 du Code civil, est susceptible de soulever, dans les prétoires, quelques difficultés.
À retenir : La régularisation de la fin de non-recevoir tirée de la saisine d’une juridiction incompétente est possible si, au jour où elle intervient, dans le délai d’appel interrompu par une première déclaration d’appel formée devant une juridiction incompétente, aucune décision définitive d’irrecevabilité n’est intervenue. |
En affirmant que, sur renvoi après cassation, le déféré de l’ordonnance du président rejetant la caducité de la déclaration d’appel est irrecevable, au motif que les articles 1037-1 N° Lexbase : L7045LEN et 916, alinéa 2 N° Lexbase : L8615LYQ du Code de procédure civile n’ouvrent le déféré que s’il est mis fin à l’instance, la Cour de cassation rend une décision qui ne peut emporter que l’adhésion dans un premier temps, et susciter la réflexion dans un second temps. Tout d’abord, parce que si les cas de caducité de déclaration d’appel sont assez nombreux, ceux portant sur la caducité de déclaration de saisine sont assez peu courant en pratique, tout simplement parce que ces procédures de renvoi après cassation ne sont légion non plus. De fait, un arrêt portant sur cette thématique est donc nécessairement intéressant. Ensuite, parce que l’arrêt rapporté l’est d’autant plus, dans le contexte d’une énième réforme annoncée de notre procédure civile, qu’il invite, une fois n’est pas coutume, à faire le constat des nombreuses incohérences de notre droit positif, lesquelles résultent d’un travail législatif qui manque singulièrement de rigueur.
En l’espèce, après cassation, la société Axa saisit la cour d’appel de renvoi, par déclaration de saisine, dans les conditions fixées par l’article 1037-1 du Code de procédure civile, intimant une première société, et une société, en sa qualité de liquidateur judiciaire d’une seconde. L'affaire est fixée à bref délai. Au motif, semble-t-il, que la déclaration de saisine n’aurait pas été signifiée à l’une des parties défaillantes dans le délai de dix jours prévu par l’alinéa 2 de l’article 1037-1 du Code de procédure civile, le président est saisi d’un incident de caducité. Par ordonnance, le président écarte la caducité. L’ordonnance est déférée à la cour d’appel qui déclare le déféré irrecevable. Un pourvoi en cassation est formé dans lequel la demanderesse fait grief à l’arrêt rendu le 30 mars 2022, par la cour d’appel de Toulouse, d’avoir déclaré irrecevable le déféré formé à l’encontre l’ordonnance du président de chambre de la cour d’appel, en invoquant principalement deux arguments.
Le premier argument se fonde sur la violation des articles 1037-1 et 916 du Code de procédure civile par la cour d’appel en ce qu’elle aurait rejeté le déféré au motif que l’ordonnance du premier président n’a pas mis fin à l’instance, alors même que, selon la demanderesse, le président de chambre ou le magistrat désigné par le premier président avait une compétence exclusive pour statuer sur l'incident de caducité de la déclaration de saisine de la cour de renvoi, et sa décision était assortie de l'autorité de la chose jugée. Par conséquent, cette décision est susceptible d’un recours en déféré, indépendamment du fait qu'elle n'ait pas mis fin à l'instance.
Le second argument se fonde sur le fait que la cour d’appel n’aurait pas tiré les conséquences légales qui s’évinçaient de ses propres constatations, invoquant de nouveau la violation des articles 1037-1 et 916 du Code de procédure civile car, selon la demanderesse, l’article 916 du code précité prévoit que les ordonnances du conseiller de la mise en état peuvent faire l'objet d'un recours en déféré lorsqu'elles statuent sur la caducité de l'appel, et qu’en l’espèce, la cour d'appel a constaté que l'article 1037-1 renvoyait aux dispositions de l'article 916 du même code. Puisque l'ordonnance du 16 mars 2021 statuait sur la caducité de la déclaration de saisine de la cour de renvoi en rejetant ces demandes de caducité, elle pouvait bien faire l'objet d'un recours en déféré conformément à l'article 916 du code précité.
Par arrêt en date du 5 octobre 2023, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation rejette le pourvoi, au visa des articles 1037-1 et 916 du Code de procédure civile, au motif que c’est à bon droit que la cour d’appel a déclaré irrecevable le déféré formé contre l’ordonnance du président de chambre ayant rejeté la demande de caducité de la déclaration de saisie.
Dans la procédure d’appel, en circuit ordinaire tout du moins, l’article 916, alinéa 3, du Code de procédure civile ouvre largement le déféré des ordonnances de mise en état, et la modification de ce texte par le décret n° 2020-1452 du 27 novembre 2020 [30], entrée en vigueur le 1er janvier 2021, n’y change rien. De fait, lorsqu’un conseiller de la mise en état statue sur une question de caducité, le déféré est ouvert, quelle que soit l’issue de l’incident. Toutefois, dans la procédure sur renvoi de cassation, qui n’est pas une procédure d’appel ordinaire, c’est l’article 1037-1 du code de procédure civile qui régit le cas particulier du déféré des ordonnances du de chambre ou le magistrat désigné par le premier président. Selon ce texte, « Les ordonnances du président de la chambre ou du magistrat désigné par le premier président statuant sur la caducité de la déclaration de saisine de la cour de renvoi ou sur l’irrecevabilité des conclusions de l’intervenant forcé ou volontaire ont autorité de la chose jugée. Elles peuvent être déférées dans les conditions des alinéas 2 et 4 de l’article 916 ». À la lecture de ce texte, l’on comprend donc que, par principe, le déféré de l’ordonnance du président en renvoi de cassation est donc ouvert. Toutefois, l’article 916 du Code de procédure civile, auquel renvoie l’article 1031-7 du même code, et plus précisément son alinéa 2, précise que les ordonnances « peuvent être déférées par requête à la cour dans les quinze jours de leur date lorsqu’elles ont pour effet de mettre fin à l’instance, lorsqu’elles constatent son extinction ou lorsqu’elles ont trait à des mesures provisoires en matière de divorce ou de séparation de corps ». En reprenant les hypothèses visées par ce texte, l’on peut immédiatement écarter celle relative au renvoi aux mesures provisoire en matière de divorce ou de séparation de corps qui est sans intérêt ici, et en ce qui concerne le constat de l’extinction, seule la caducité est susceptible d’avoir un intérêt dans la mesure où le président ne pouvait être saisi d’aucun autre incident d’instance. Le problème est qu’en l’espèce, l’on se trouve dans le cas d’une caducité de la citation, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il est rigoureusement impossible, à ce jour, de dire si, oui ou non, la citation en renvoi de cassation est la signification de la déclaration de saisine, la jurisprudence de la Cour de cassation sur cette question manquant singulièrement de clarté [31]… En outre, l’extinction doit être constatée, et ce n’est pas le cas si la caducité est écartée, comme c’était le cas en l’espèce. Finalement, il faut comprendre que ce n’est que lorsqu’il est mis fin à l’instance que le déféré est ouvert contre l’ordonnance du président en renvoi de cassation, lequel dispose de pouvoirs très limités en vertu des dispositions de l’article 1037-1 du Code de procédure civile, les alinéas 2 et 7 de ce texte prévoyant seulement qu’il statue sur la caducité de la déclaration de saisine si elle n’est pas signifiée dans le délai de dix jours de l’avis de fixation, et sur l’irrecevabilité des conclusions de l’intervenant forcé ou volontaire [32]. L’arrêt commenté doit être approuvé, nous semble-t-il, même si l’on peut regretter que la Cour de cassation n’a pas jugé opportun d’ajouter à un texte visiblement mal rédigé, comme l’était l’article 916 du Code de procédure civile dans sa version antérieure à la réforme de 2017, en ce qu’il prévoyait un déféré pour l’ordonnance de mise en état qui déclarait irrecevable les conclusions de l’intimé, alors que rien n’était prévu pour l’ordonnance qui déclarait les conclusions recevables, de sorte que seul le pourvoi était ouvert. Pour ce qui nous intéresse ici, l’on pourrait considérer que cette absence de déféré a été réfléchie par le législateur dans l’objectif de ne pas retarder l’issue de la procédure sur renvoi de cassation. Idée séduisante, mais dans ce cas, l’ordonnance du président devrait être dépourvue de toute autorité de chose jugée, de telle sorte que la cour d’appel devrait pouvoir statuer sur cette caducité de la déclaration de saisine. Or l’article 1037-1 du Code de procédure civile dispose que, lorsque le président écarte cette caducité, il n’y a pas de déféré possible, et la cour d’appel ne peut être saisie de cette question puisque le président s’est prononcé par une ordonnance ayant autorité de chose jugée ; ordonnance dont l’autorité de chose jugée s’impose donc à la cour d’appel... En pareille hypothèse, seul le pourvoi sera ouvert, avec l’arrêt au fond, puisque l’ordonnance du président n’aura pas mis fin à l’instance. L’on ne peut que regretter le fait que le législateur n’ait pas opérer un renvoi de l’article 1037-1 à l’alinéa 3 de l’article 916 du même code, plutôt qu’à son alinéa 2, ou alors qu’il n’est pas jugé bon de ne pas conférer autorité de chose jugée aux ordonnances non susceptibles de déféré, ce qui aurait permis à la cour d’appel de statuer de manière définitive sur cette question de procédure. Gageons que la réforme annoncée de notre procédure civile soit l’occasion d’un travail législatif plus rigoureux qui permette de rectifier cette maladresse de renvoi lourde de conséquences. Peut-être pourrait-elle être aussi l’occasion de donner davantage de pouvoirs au président de chambre, que ce soit en circuit ordinaire à bref délai ou en renvoi de cassation, tout en prévoyant que ce pouvoir juridictionnel est partagé avec la cour d’appel [33]. Il convient de rappeler que, lorsque l’affaire a été fixée dans un délai très bref, la saisine du président est susceptible de retarder l’issue de la procédure, surtout si un déféré est formé. Il n’est pourtant pas rare en pratique qu’un incident, parfois tardif, oblige la cour d’appel à annuler les fixations à bref délai pour que soit évacuée la question de procédure, ce qui est contraire à l’exigence de célérité propre au bref délai…
À retenir : sur renvoi après cassation, le déféré de l’ordonnance du président rejetant la caducité de la déclaration d’appel est irrecevable car les articles 1037-1 et 916, alinéa 2, du code de procédure civile n’ouvre le déféré que dans l’hypothèse où il est mis fin à l’instance. |
Définir le déféré est devenu un exercice périlleux auquel nous ne nous livrerons pas ici… Au mieux, il est possible de le présenter comme une spécificité de la procédure d’appel qui permet à un plaideur de contester une décision prise au cours de l’instance, à la condition toutefois qu’un texte le prévoit. Si le déféré concerne essentiellement la procédure d’appel avec représentation obligatoire, à l’occasion de laquelle il peut permettre à un plaideur de contester une ordonnance du conseiller de la mise en état ou du président, en circuit court, et, uniquement lorsqu’il est mis fin à l’instance, dans le cas particulier du renvoi de cassation, il est aussi susceptible de concerner la procédure sans représentation obligatoire [34]. L’explosion des incidents de procédure ces dix dernières années, qui a entraîné la création des audiences d’incident, alors que ces incidents étaient jadis si peu nombreux qu’ils étaient simplement évoqués en conférences de mise en état, a conduit le déféré a prendre une place très importante dans les procédures en appel, au point qu’il est possible de se demander s’il ne tend pas à devenir progressivement une voie de recours que les parties doivent utiliser lorsqu’il est ouvert, comme l’indique la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 5 octobre 2023, et qui est déjà promis à publication.
En l’espèce, une société se pourvoit en cassation à l’encontre d’une ordonnance du président de chambre d’une cour d'appel, dans une procédure d'appel à bref délai, ayant déclaré caduque la déclaration d'appel formé contre l'ordonnance rendue par le juge-commissaire d’un tribunal de commerce. Le pourvoi a été examiné d'office quant à sa recevabilité. Pour la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, le pourvoi est irrecevable, et précise que, dans une procédure d'appel à bref délai, les ordonnances du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, statuant sur la caducité ou sur l'irrecevabilité en application des articles 905-1 N° Lexbase : L7035LEB et 905-2 N° Lexbase : L7036LEC du Code de procédure civile, peuvent être déférées à la cour d'appel, tout en rappelant que le pourvoi en cassation n'est ouvert qu'à l'encontre des jugements rendus en dernier ressort.
La solution retenue interroge lorsque la Cour de cassation rappelle que le pourvoi en cassation n’est ouvert qu’au jugement rendu en dernier ressort, principe conforme à l’article 605 du code de procédure civile au visa duquel l’arrêt est rendu. Mais, si l’ordonnance du président n’est pas rendue en dernier ressort, cela reviendrait à suggérer qu’elle l’est en premier ressort, et donc qu’elle peut faire l’objet d’une voie de recours… Or, seul le déféré est disponible à ce stade, et jusqu’à preuve du contraire, il n’est pas une voie de recours ! L’on peine donc à comprendre l’intérêt de cette précision qui, en réalité, obscurcit plus qu’elle n’éclaire à la compréhension de l’arrêt rapporté, ce d’autant que ce n’est bien évidemment pas la première fois qu’un plaideur fait fi du déféré, et prend le risque de former directement un pourvoi en cassation contre l’ordonnance. La première chambre civile de la Cour de cassation avait déjà indiqué sur cette thématique que « l’ordonnance du conseiller de la mise en état (…) revêtue de l’autorité de la chose jugée, est devenue irrévocable », ce dont elle avait déduit que « le pourvoi, fût-il formé avec celui dirigé contre l’arrêt au fond, est irrecevable.» [35] De son côté, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation avait également eu l’occasion d’affirmer, au visa des articles 605 N° Lexbase : L6762H7L et 916 du Code de procédure civile, que l’ordonnance du président étant susceptible d’un déféré, le pourvoi n’est pas recevable [36] ! Dans l’arrêt rapporté, il sera remarqué que la Cour de cassation fait que répéter la solution, à la différence qu’elle ajoute cette précision relative au « jugement en dernier ressort » dont on peine à comprendre l’intérêt.
L’arrêt rendu le 5 octobre 2023 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation pose un principe clair : Lorsque l’ordonnance est susceptible d’un déféré, le plaideur qui entend la contester n’a d’autre choix que de former un déféré, la voie du pourvoi en cassation étant indisponible. Et il doit être rappelé que le plaideur ne pourra pas attendre l’arrêt au fond pour former un pourvoi en cassation contre l’arrêt au fond et l’ordonnance de mise en état parce que cette ordonnance étant irrévocable, elle n’est plus susceptible du moindre recours… Et donc d’un pourvoi en cassation. Si le déféré est ouvert, c’est ce recours que le plaideur devra exercer, et seulement lui. Seul l’arrêt sur déféré, qui constitue un jugement en dernier ressort, sera susceptible de faire l’objet d’un pourvoi en cassation qui pourra être dirigé, éventuellement, contre l’arrêt au fond et contre l’arrêt sur déféré. Ce n’est que dans l’hypothèse dans laquelle le déféré n’est pas ouvert que l’ordonnance de mise en état pourra faire l’objet d’un pourvoi en cassation. Tel sera le cas, par exemple, des ordonnances de mise en état rendues en 2020, lorsque le conseiller de la mise en état a statué sur les fins de non-recevoir autres que celles de l’article 914 du code de procédure civile. Le déféré n’étant pas ouvert, jusqu’au 1er janvier 2021, il nous semble que, la seule voie de contestation possible de ces ordonnances soit le pourvoi en cassation, notamment en annulation pour excès de pouvoir lorsque les conseillers de la mise en état ont outrepassé leurs pouvoirs juridictionnels, comme en témoigne l’arrêt n° 22-14.430 rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 5 octobre 2023 et commenté infra.
À retenir : si le déféré est ouvert pour contester une ordonnance, c’est ce recours que la partie devra exercer, et lui-seul. Il n’y a que dans l’hypothèse où le déféré n’est pas ouvert que l’ordonnance de mise en état, ou rendue par un juge-commissaire d’un tribunal de commerce comme dans l’espèce rapportée, pourra faire l’objet d’un pourvoi en cassation. |
Avec le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 [37], le législateur a élargi les pouvoirs juridictionnels du juge de la mise en état à toutes les fins de non-recevoir [38], mais ce qu’il n’a curieusement pas envisagé, c’est qu’en modifiant les pouvoirs de ce dernier, ils modifiait nécessairement, par voie de conséquence, ceux du conseiller de la mise en état, notamment parce que l’article 907 du Code de procédure civile N° Lexbase : L3973LUP renvoie aux textes concernant la procédure de première instance ; renvoi auquel il devrait toutefois être mis un terme à l'occasion de la réforme à venir de la procédure d'appel. Assez rapidement, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a suscité le débat en décidant, dans un avis du 3 juin 2021 [39], que le conseiller de la mise en état pouvait connaître, en appel, de toutes les fins de non-recevoir fraîchement tombées dans l’escarcelle du juge de la mise en état en première instance pour tous les appels formés à compter du 1er janvier 2020. Le problème est qu’au 1er janvier 2020, l’article 916 du code de procédure civile N° Lexbase : L8615LYQ n'ayant pas encore été modifié par le décret n° 2021-1452 du 27 novembre 2020 [40], le conseiller de la mise en état pouvait donc être saisi, mais sans possibilité de déférer son ordonnance à la cour d’appel… C’est ce qui explique que, dans l’avis rendu le 3 juin 2021, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation avait pris le soin de préciser que « le conseiller de la mise en état ne peut donc statuer sur les autres fins de non-recevoir qui lui sont soumises ou qu'il relève d'office qu'à compter de cette date », soit le 1er janvier 2021, date d'entrée en vigueur de l’article 916 du Code de procédure civile modifié. En d’autres termes, le conseiller de la mise en état ne pouvait statuer, qu'à compter du 1er janvier 2021 et dans des appels formés à compter du 1er janvier 2020, sur des fins de non-recevoir autres que celles prévues à l'article 914 du Code de procédure civile N° Lexbase : L7247LE7. C’est précisément ce point qui a été négligé par les plaideurs dans une affaire à l’origine d’un arrêt rendu le 5 octobre 2023 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation.
En l’espèce, les 10 et 17 janvier 2020, les CSE de deux compagnies aériennes ont relevé appel d’un jugement rendu le 26 novembre 2019 dans une instance les opposant à M. X. Par ordonnance du 19 novembre 2020, un conseiller de la mise en état a rejeté l'incident soulevé par l’intimé, lequel a alors déféré cette ordonnance à la cour d'appel. Par arrêt en date du 2 mars 2022, la Cour d’appel de Paris a déclaré que le conseiller de la mise en état était incompétent pour statuer sur les fins de non-recevoir. Un pourvoi en cassation est formé dans lequel le demandeur argue de la violation des articles 907 et 789, 6° du Code de procédure civile N° Lexbase : L9322LTG car, selon lui, à la suite du dépôt le 20 mai 2020 des conclusions d’incident de l’intimé, dans lesquelles il soulevait des fins de non-recevoir tirées, notamment, du défaut de capacité et de pouvoir d'ester en justice des deux demandeurs, le CME avait rendu son ordonnance le 19 novembre 2020, soit antérieurement à la possibilité de former un déféré contre une ordonnance statuant sur une fin de non-recevoir.
Par arrêt en date du 5 octobre 2023, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation rejette le pourvoi aux motifs que, les nouvelles attributions conférées par le décret du 11 décembre 2019 au conseiller de la mise en état s'exercent sous réserve que soit ouvert contre ses décisions un déféré devant la cour d'appel, juridiction appelée à trancher en dernier ressort les affaires dont elle est saisie, et qu’à cette fin, le décret n° 2020-1452 du 27 novembre 2020 a complété l'article 916 du Code de procédure civile pour étendre le déféré aux ordonnances du conseiller de la mise en état statuant sur toutes fins de non-recevoir. Or, comme le précise la Cour de cassation, dans la rédaction antérieure de ce texte, le déféré n'était ouvert qu'à l'encontre des ordonnances par lesquelles ce conseiller tranchait les fins de non-recevoir tirées de l'irrecevabilité de l'appel et celles tirées de l'irrecevabilité des conclusions et des actes de procédure en application des articles 909 N° Lexbase : L7240LEU, 910 N° Lexbase : L7241LEW et 930-1 N° Lexbase : L7249LE9 de ce code, dont la connaissance lui était déjà confiée par l'article 914, dans des conditions spécifiquement fixées par ce texte, ce dont elle déduit que le décret du 27 novembre 2020 étant, au terme de son article 12, alinéa 2, entré en vigueur le 1er janvier 2021, pour s'appliquer aux instances d'appel en cours, le conseiller de la mise en état ne peut statuer sur les autres fins de non-recevoir qui lui sont soumises ou qu'il relève d'office qu'à compter de cette date. La Haute juridiction approuve donc le raisonnement de la cour d’appel qui, ayant constaté que le conseiller de la mise en état avait rendu une ordonnance le 19 novembre 2020 suite aux conclusions d'incident de l’intimé, notifiées le 20 mai 2020, soulevant des fins de non-recevoir tirées notamment du défaut de capacité et de pouvoir d'ester en justice des deux demandeurs, soit antérieurement à la possibilité de former un déféré contre une ordonnance ayant statué sur une fin de non-recevoir, en a exactement déduit que ce conseiller de la mise en état n'était pas compétent pour statuer sur cet incident.
Si la solution de la Cour de cassation semble devoir être approuvée de prime abord, une lecture plus attentive de l’arrêt nous conduit à nuancer ce propos. Il nous semble en effet curieux que la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire approuve une cour d’appel qui se prononce sur un déféré formé le 28 novembre 2020, c’est-à-dire à une date à laquelle, précisément, le déféré n’était pas ouvert… En principe, et c’est ce que la deuxième chambre civile de la Cour de cassation rappelle dans l’arrêt n° 21-21.534 rendu le même jour que l’espèce rapportée, et commenté supra, lorsque le déféré est ouvert, le pourvoi est irrecevable, ce dont il faut donc déduire que, lorsque le déféré est fermé, c'est le pourvoi qui s'ouvre, comme c'était le cas avant la réforme de 2017, lorsque le conseiller de la mise en état rejetait l'irrecevabilité des conclusions de l'intimé [41]. Par ailleurs, du côté de la cour d’appel, il est possible de s’interroger sur le fait de savoir s’il n’aurait pas été plus pertinent de faire usage du déféré nullité [42] plutôt que de statuer sur un déféré qui n’était pas ouvert ? Le déféré nullité lui aurait permis de prononcer la nullité de l'ordonnance de mise en état, sans aller jusqu’à déclarer le conseiller de la mise en état incompétent, ce qui semble évident lorsque ce dernier statue au-delà de ce que ses pouvoirs juridictionnels lui permettent de faire. Dans cette affaire, sauf si l'arrêt au fond a été rendu entre temps, l’instance se poursuit puisqu’il n’y a pas été mis fin, de sorte que l'intimé va pouvoir enfin saisir le conseiller de la mise en état qui est donc compétent depuis le 1er janvier 2021. Mais l'intimé devra s'interroger sur le fait de savoir si les fins de non-recevoir soumises initialement au conseiller de la mise en état ne lui échappaient pas au profit de la cour d'appel, en ce qu'elles « auraient pour conséquence, si elles étaient accueillies, de remettre en cause ce qui a été jugé au fond par le premier juge [43]. » Reste que, au-delà de ce cas d’espèce, tous les avocats savent bien que, depuis 2020, de nombreux incidents ont été formés sur lesquels des conseillers de la mise en état incompétents ont rendu des ordonnances, et des cours d'appel des arrêts sur déféré… Dans ces affaires, les conseillers de la mise en état comme les cours d’appel, parce qu’ils ont excédé les limites de leurs pouvoirs juridictionnels, ont commis des excès de pouvoir qui ont vicié les procédures, dont certaines sont encore en cours… Avec l’arrêt rapporté, les avocats des plaideurs mécontents savent maintenant que ces juges ne pouvaient pas statuer, ce d’autant que ces ordonnances de mise en état et ces arrêts sur déféré ont autorité de chose jugée, ce qui empêche les parties de soumettre ces fins de non-recevoir à la cour d'appel, qui seule pouvait en connaître… Il y a donc fort à parier que dans les mois à venir, la Cour de cassation soit amenée à se prononcer encore sur ce point de procédure dès lors que les plaideurs mécontents de l'arrêt au fond vont pouvoir envisager un pourvoi en cassation contre l'ordonnance, ou l'arrêt sur déféré, et espérer obtenir, par voie de conséquence, une cassation de l'arrêt au fond.
À retenir : le décret du 27 novembre 2020 étant, au terme de son article 12, alinéa 2, entré en vigueur le 1er janvier 2021, pour s'appliquer aux instances d'appel en cours, le conseiller de la mise en état ne peut statuer sur les autres fins de non-recevoir qui lui sont soumises ou qu'il relève d'office qu'à compter de cette date. |
En affirmant, au visa de l’article 100 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1362H49, que si le même litige est pendant devant deux juridictions de même degré également compétentes pour en connaître, la juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir au profit de l'autre si l'une des parties le demande, et qu’à défaut d’une telle demande, elle peut le faire d'office, l’o pourrait se dire que l’arrêt rendu le 5 octobre 2023 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation ne mérite pas spécialement de retenir l’attention tant la solution est connue de tous. Pourtant, en lisant plus attentivement cette décision, l’on mesure assez rapidement que la haute juridiction va bien au-delà du simple rappel d’une règle connue de tous pour admettre une conception extensive de la litispendance lorsque celle-ci est réalisée dans le cas d’une identité partielle seulement de la matière litigieuse [44].
En l’espèce, le 2 mai 2007, une banque consent à un emprunteur un prêt pour un investissement immobilier. À la suite d'impayés ayant donné lieu à la constatation de la déchéance du terme, la banque assigne son débiteur en paiement devant le tribunal de grande instance de Pontoise le 31 mai 2010. Ce dernier assigne, le 23 juillet 2010, devant le tribunal de grande instance de Marseille, une société ainsi que divers établissements bancaires parmi lesquels la banque, et des notaires afin de voir engager leur responsabilité civile à la suite du dépôt d'une plainte pénale. Le 9 août 2019, le client forme une demande reconventionnelle destinée à mettre en cause la responsabilité de la banque du fait de manquements dans son obligation d’information et de mise en garde et visant au paiement d’une somme résultant de la perte de chance devant le tribunal de grande instance de Pontoise. À la demande de la banque, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Pontoise a, par ordonnance du 22 octobre 2020, constaté que la condition de litispendance était caractérisée entre la demande reconventionnelle en dommages-intérêts formulée par l’emprunteur à l’encontre de la banque, dont la juridiction était saisie, et son action en responsabilité en cours devant le tribunal de grande instance de Marseille dans le cadre de son action civile. En conséquence, le juge a ordonné le dessaisissement du tribunal de grande instance de Pontoise au profit du tribunal judiciaire de Marseille. L’emprunteur a interjeté appel de cette décision.
La cour d’appel de Versailles, par arrêt en date du 17 juin 2021, confirme l’ordonnance rendue par le juge de la mise en état au motif que l'exception de litispendance était valable, et a ordonné, en conséquence, le dessaisissement du tribunal de Pontoise. Pour motiver leur décision, les juges d’appel relèvent qu’en l’espèce, la juridiction saisie en premier, au sens de l’article 100 du code de procédure civile, est « celle saisie en premier de cette demande de [l’emprunteur], en l’occurrence le Tribunal de grande instance de Marseille auprès duquel il avait assigné la banque en réparation de son préjudice, et non celle saisie auparavant par la banque, procédure à l’occasion de laquelle [l’emprunteur] avait à nouveau formulé sa demande de réparation à titre reconventionnel, c’est-à-dire le Tribunal de grande instance de Pontoise ». Ils ajoutent d’ailleurs que, « ce n’est qu’à la faveur de ces derniers développements que la banque a pu se convaincre qu’était constituée une situation de litispendance suffisamment précise pour la soumettre au juge de la mise en état ».
Dans son pourvoi en cassation, le demandeur arguait de la violation de l’article 100 du Code de procédure civile par la cour d’appel, notamment en ce que, « c'est l'acte introductif d'instance et non la formation de la demande qui date chronologiquement l'antériorité de la saisine. » Or, pour juger qu'il existait une situation de litispendance sur la demande de réparation à l'encontre de la banque, la cour d'appel a pourtant retenu que la juridiction saisie en premier, au sens de l'article 100 du Code de procédure civile, était celle saisie en premier de cette demande, en l'occurrence le tribunal de grande instance de Marseille auprès duquel il avait assigné la banque en réparation de son préjudice, et non celle saisie auparavant par la banque, procédure à l'occasion de laquelle le demandeur avait à nouveau formulé sa demande de réparation à titre reconventionnel, c'est-à-dire le tribunal de grande instance de Pontoise.
Par arrêt en date du 5 octobre 2023, la Cour de cassation, au visa de l’article 100 du Code de procédure civile, prononce la cassation de l’arrêt de la cour d’appel au motif que, si le même litige est pendant devant deux juridictions de même degré également compétentes pour en connaître, la juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir au profit de l'autre si l'une des parties le demande. Or, comme le relève la Cour de cassation, la cour d’appel « avait relevé que le tribunal de grande instance de Pontoise avait été saisi en premier lieu, ce dont il résultait qu’il ne pouvait se dessaisir au profit de la juridiction de Marseille, saisie en second lieu ».
Parce que la litispendance doit éviter que deux juridictions statuent concomitamment sur une même demande, en permettant à l’une d’elles de se dessaisir au profit de l’autre, elle suppose, pour être constituée, qu’un même litige soit porté devant deux juridictions différentes. Pour la Cour de cassation, il ne pouvait y avoir - jusqu’à l’arrêt commenté du moins - litispendance qu’en présence deux demandes identiques, c’est-à-dire deux demandes présentant une identité totale de matière litigieuse en ce qu’elles ont le même objet et soumettent au juge la même prétention [45], portée devant deux juridictions différentes. Par ailleurs, lorsque les deux juridictions devant lesquelles la même affaire est pendante sont de même degré, un critère chronologique joue puisque l’article 100 du Code de procédure civile prévoit que la juridiction « saisie en second lieu », devant laquelle doit être soulevée l’exception de procédure, doit se dessaisir au profit de l’autre. Quid lorsque, comme en l’espèce, une demande initiale est présentée devant une première juridiction, qu’une demande initiale, différente de la première, est présentée devant une seconde juridiction, et qu’enfin une demande reconventionnelle [46] – identique à la première demande – est présentée devant la première juridiction ? Jusqu’à présent, le positionnement de la Cour de cassation était très clair : dès lors que l’identité de la matière litigieuse n’est que partielle [47], il ne s’agit plus, pour la haute juridiction, de deux demandes identiques, et dans ce cas, l’exception de litispendance doit laisser la place à l’exception de connexité dès lors que les deux demandes sont unies par un simple lien entre elles. Avec l’arrêt du 5 octobre 2023, la Cour de cassation assouplit sa position en admettant une identité seulement partielle de matière litigieuse puisque, précisément, l’identité de matière litigieuse ne concerne que la demande reconventionnelle destinée à mettre en cause la responsabilité de la banque.
L’admission de la litispendance fondée sur l’identité partielle de matière litigieuse résultant de la présentation de la demande reconventionnelle complique toutefois la mise en œuvre du critère chronologique qui doit permettre de déterminer, en présence de juridictions de même degré, celle qui doit se dessaisir au profit de l’autre. En application de l’article 100 du Code de procédure civile, c’est en principe la juridiction « saisie en second lieu », devant laquelle doit être soulevée l’exception de procédure, qui doit se dessaisir au profit de l’autre, et la Cour de cassation apprécie la date de saisine de la juridiction en se référant à l’acte qui matérialise cette saisine, du moins lorsque celui-ci est distinct de l’acte introductif d’instance [48]. Mais, dans l’espèce rapporté, il sera observé que l’identité de litige n’a pas existé dès la saisine de la seconde juridiction par la deuxième demande. L’identité de litige n’a existé qu’à compter par la présentation de la demande reconventionnelle en responsabilité de l’emprunteur devant tribunal de grande instance de Pontoise saisi de la première demande. Partant, deux options s’offraient à la Cour de cassation dans l’application de l’article 100 du Code de procédure civile : soit elle prenait en compte uniquement les demandes réalisant la litispendance, soit la demande initiale présentée le 23 juillet 2010 devant le tribunal de grande instance de Marseille dans la cadre de la plainte pénale et la demande reconventionnelle présentée le 9 août 2019 devant le tribunal judiciaire de Pontoise, soit tenir compte uniquement de la saisine des juridictions réalisée respectivement par les demandes initiales présentées, d’une part, par la banque devant le tribunal de grande instance de Pontoise le 31 mai 2010, et d’autre part, par l’emprunteur devant le tribunal de grande instance de Marseille, dans la cadre de la plainte pénale, le 23 juillet 2010. Dans le premier cas, le tribunal de grande instance de Pontoise étant saisi en second, il devait se dessaisir au profit de celui de Marseille ; dans le second cas, c’était l’inverse. On notera que la cour d’appel avait opté pour la chronologie des demandes, mais la cassation prononcée par Haute juridiction, au visa de l’article 100 du code de procédure civile, qu’elle privilégie la chronologie des saisines initiales, même si la litispendance n’est réalisée que par la demande reconventionnelle. Comme le fait remarquer Corinne Bléry, « c’est là l’apport essentiel de l’arrêt… dont il résulte que le déclinatoire de litispendance bénéficie ici d’une certaine souplesse qui lui est généralement déniée [49]. »
Si, dans le silence des textes, et notamment de l’article 100 du code de procédure civile, l’opinion doctrinale majoritaire considère que l’exception de litispendance doit être présentée in limine litis, et simultanément avec toute autre exception de procédure, au motif qu’une situation de litispendance peut être immédiatement décelée en raison des éléments objectifs qui la caractérise, au titre par exemple que l’exception d’incompétence, l’arrêt rapporté témoigne de ce qu’il n’est pas si évident qu’il n’y paraît de prime abord de détecter un cas de litispendance. Dans l’espèce rapportée, il sera rappelé que ce n’est que neuf ans après la saisine de la première juridiction que nait la litispendance, en raison de la demande reconventionnelle. Et il nous semble que la logique la plus élémentaire commande, nous semble-t-il, de ne point pouvoir reprocher à un plaideur de ne pas avoir présenté de déclinatoire de litispendance avant que la litispendance n’ait précisément été constituée… Pour cette raison, la solution retenue par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 5 octobre 2023 doit être pleinement approuvée.
À retenir : en vertu de l’article 100 du Code de procédure civile, si le même litige est pendant devant deux juridictions de même degré également compétentes pour en connaître, la juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir au profit de l’autre si l’une des parties le demande. À défaut, elle peut le faire d’office. En application de ce principe, la juridiction saisie en premier du litige ne peut se dessaisir au profit de celle saisie en second, même si elle est saisie en second de la demande reconventionnelle qui constitue la litispendance. |
La communication par voie électronique (CPVE) ne cesse de nourrir un contentieux important qui donne lieu à une jurisprudence riche d’enseignements. Reste que la lecture de certaines décisions rendues par la Cour de cassation peut laisser le lecteur averti quelque peu perplexe quant à l’intérêt de la solution rappelée. Il en est ainsi, de prime abord, de l’arrêt rendu le 5 octobre 2023 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, qui mérite néanmoins d’être signalé en ce qu’il comporte un rappel utile concernant la délimitation du champ d’application de la CPVE facultative laquelle ne semble pas être aussi évidente que l’on aurait pu le penser pour les juges du fond, y compris pour des actes dont la dématérialisation a pourtant toujours été possible, ce qui est le cas de la déclaration d’appel en procédure orale.
En l’espèce, le juge des enfants du tribunal judiciaire de Saint-Pierre rend un jugement en matière d’assistance éducative le 17 août 2020, dont l’avocat des parents interjette appel par voie électronique le 4 novembre 2020. Par arrêt en date du 10 février 2021, la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion, déclare l’appel irrecevable au motif qu’il ne pouvait être formé que « selon les formes prescrites par la loi, à savoir par déclaration au greffe de la cour d'appel ou par courrier recommandé adressé au même greffe, que le code de procédure civile ne prévoit aucune exception à ce principe et qu'alors que la procédure devant la chambre des mineurs, statuant en matière d'assistance éducative, est orale, la voie du RPVA, strictement réservée aux procédures écrites, ne saurait être admise pour se substituer à la déclaration au greffe ou au courrier recommandé avec accusé de réception. »
Un pourvoi en cassation est formé par les parents pour violation des articles 748-1 N° Lexbase : L0378IG4, 748-3 N° Lexbase : L1183LQU et 748-6 N° Lexbase : L1184LQW du Code de procédure civile N° Lexbase : L0378IG4, ensemble l’article 2 de l’arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication électronique devant les cours d’appel N° Lexbase : Z99935SQ en vertu duquel, « dans les procédures sans représentation obligatoire en matière civile, et notamment en matière d’assistance éducative, la déclaration d’appel peut être valablement adressée au greffe de la cour d’appel par la voie électronique par le biais du réseau privé virtuel des avocats (RPVA). »
Au visa de l’article 748-1 du Code de procédure civile et de l’arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt du 5 octobre 2023, casse l’arrêt rendu par la cour d’appel au motif que, « en matière d’appel contre un jugement d’assistance éducative, régi par la procédure sans représentation obligatoire conformément à l’article 1192 du code de procédure civile, les envois, remises et notifications des actes de procédure, des pièces, avis, avertissements ou convocations, des rapports, des procès-verbaux ainsi que des copies et expéditions revêtues de la formule exécutoire des décisions juridictionnelles peuvent être effectués par voie électronique par le biais du « réseau privé virtuel des avocats », de sorte qu’en statuant comme ils l’ont fait, alors que la déclaration d'appel avait été transmise par le biais du RPVA, les juges d’appel ont violé les dispositions de l’article 748-1 du Code de procédure civile et de l’arrêté du 20 mai 2020 précité.
L’article 748-1 du Code de procédure civile visé par la Cour de cassation pose en principe que l’utilisation de la voie électronique est facultative. Elle ne devient obligatoire qu’à compter de l’instant où une disposition spéciale impose ce type de transmission. Mais ce texte pose, dans le même temps, une limite : le respect de l’article 748-6 du Code de procédure civile et des arrêtés techniques qu’il prévoit ; arrêtés techniques qui peuvent exclure certains actes de procédure du dispositif de la CPVE lorsque celle-ci est facultative. L’article 748-1 du code précité n’opère pas de distinction selon que la procédure suivie est écrite ou orale, de sorte qu’il n’appartenait pas aux juges d’appel de distinguer là où la loi ne distingue pas. La CPVE s’applique en procédure orale car, si la formulation orale des prétentions par les parties excluait, par nature, toute possibilité de dématérialisation, l’entrée en vigueur des dispositions du décret du 1er octobre 2010 [50], a nécessairement changé la donne en organisant, pour les procédures orales, le passage de la forme orale à la forme écrite… Reste que, même antérieurement à cette métamorphose, le Code de procédure civile a toujours exigé la réalisation de certains actes de procédure sur support papier. C’est ce qui explique que, lorsque la CPVE a été étendue aux procédures sans représentation, l’article 1er de l’arrêté du 5 mai 2010 [51] a limité le recours facultatif à la communication par voie électronique aux « envois et remises des déclarations d’appel, des actes de constitution et des pièces qui leur sont associées ». L’application de cette disposition a donné lieu à une jurisprudence abondante qui a généré une situation complexe - et source d’erreurs - pour les avocats, comme certaines décisions rendues en application du droit antérieur à l’entrée en vigueur des dispositions de l’arrêté du 20 mai 2020 précité en témoignent [52]. Selon cette jurisprudence, dans les procédures sans représentation obligatoire devant la cour d’appel, l’arrêté du 5 mai 2010 s’appliquait et les actes non énumérés dans l’arrêté devaient nécessairement être remis ou adressés par voie papier, alors que, dans l’hypothèse où la représentation était obligatoire devant la cour d’appel, tous les actes étaient transmissibles par voie électronique, nonobstant la liste établie par l’arrêté consolidé du 30 mars 2011 relatifs à la communication électronique dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d’appel N° Lexbase : L9025IPX, car l’article 930-1, alinéa 1er, du Code de procédure civile N° Lexbase : L7249LE9 vise, sans opérer de distinction, les « actes de procédure » [53]. Si la situation s’est simplifiée avec l’entrée en vigueur des dispositions de l’arrêté du 20 mai 2020 qui n’opère plus de distinction selon que la procédure suivie devant la cour d’appel est avec ou sans représentation obligatoire, et ne limite plus les actes susceptibles de transmission dématérialisée dans ce dernier cas, il n’en demeure pas moins que la remise des actes par voie électronique est obligatoire en procédure avec représentation obligatoire [54], alors qu’elle est facultative en procédure sans représentation obligatoire [55], et l’examen des textes – comme de la jurisprudence antérieure à l’entrée en vigueur des dispositions de l’arrêté du 20 mai 2020 – montre que la CPVE n’a jamais été interdite dans la procédure d’appel sans représentation obligatoire ; tout au plus était-elle limitée aux actes écrits autonomes avant le décret de 2010, dont la déclaration d’appel fait partie. Aucune disposition issue des arrêtés de 2010 ou 2020 n’apporte, par ailleurs, de dérogation à cette règle en matière d’assistance éducative.
À retenir : l’article 748-1 du Code de procédure civile permet la transmission de la déclaration d’appel au greffe par voie électronique dans les procédures sans représentation obligatoire, y compris en matière d’assistance éducative, aucun arrêté technique n’apportant en ce domaine une quelconque limitation à la règle sus-énoncée. |
Le 5 octobre 2023, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a rendu riche d’enseignements relativement à la question du relevé d’office de la péremption du commandement valant saisie. Si ce n’est pas la première fois que la Haute juridiction traite ce point de procédure, l’arrêt commenté doit retenir l’attention car, en affirmant au sein de ce dernier, qu’il résulte des articles R. 321-20 N° Lexbase : L8667LYN et R. 321-21 N° Lexbase : L7887IUN du Code des procédures civiles d’exécution que si le juge de l’exécution peut relever d’office la péremption du commandement de payer valant saisie immobilière, il n’est toutefois pas tenu de le faire, mais également qu’en application de l’article R. 322-60 N° Lexbase : L2479ITY du même code, les parties ne sont pas recevables à présenter de nouvelles contestations ou de nouvelles demandes à l’occasion de l’instance d’appel du jugement d’adjudication, la Haute juridiction poursuit son œuvre jurisprudentielle sur la délimitation des frontières de l’office du juge de l’exécution en matière de péremption du commandement de payer valant saisie immobilière, et apporte un éclairage intéressant sur les limites de l’effet dévolutif de l’appel formé à l’encontre du jugement d’adjudication ayant statué sur des contestations.
En l’espèce, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine a engagé une procédure de saisie immobilière, postérieurement à la délivrance de l’assignation à l’audience d’orientation et au dépôt du cahier des conditions de vente. La partie saisie fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire et assigne les organes de la procédure collective en intervention forcée pour cette audience d’orientation qui, entre temps, avait fait l’objet de plusieurs renvois. Par jugement d’orientation, le juge de l’exécution a débouté la partie saisie et le mandataire judiciaire de leurs contestations et fixé la date de la vente forcée.
Le saisi interjette appel du jugement d’orientation, lequel sera déclaré irrecevable par arrêt du 23 avril 2019, tout comme le pourvoi formé contre cette décision, rejeté par arrêt du 19 novembre 2020 [56]. La date d’adjudication a alors été fixée, et l’occasion de l’audience d’adjudication, le saisi a élevé des contestations en sollicitant, à titre principal la suspension de la procédure, et à titre subsidiaire le report de l’adjudication, en se fondant sur le pourvoi en cassation qui était alors en cours. Par jugement du 2 septembre 2019, le juge de l'exécution a déclaré irrecevable la demande du saisi tendant à la suspension de la procédure de saisie immobilière, rejeté sa demande de report de l'adjudication et adjugé l'immeuble saisi. Le saisi a interjeté appel de ce jugement, conformément à l’alinéa 2 de l’article R. 322-60 du Code des procédures civiles d’exécution, et soutenait, pour la première fois, la caducité du commandement… En excipant de sa péremption.
Par arrêt en date du 9 mars 2021, la cour d’appel d’Angers déclare son appel recevable uniquement du chef de disposition du jugement entrepris ayant déclaré irrecevable sa demande de suspension de la procédure de saisie immobilière engagée à son encontre par la banque, rejette sa demande de report de l'adjudication de l'immeuble saisi, et le juge irrecevable en ses demandes telles que présentées en appel.
Dans son pourvoi, le saisi fait grief à l’arrêt d’appel d’avoir statué comme elle l’a fait, alors « que le commandement de payer valant saisie cesse de plein droit de produire effet si, dans les deux ans de sa publication, il n'a pas été mentionné en marge de cette publication un jugement constatant la vente du bien saisi ; que le juge qui constate que le commandement de payer valant saisie immobilière est périmé le relève d'office ; que la cour d'appel, en ne relevant pas la péremption du commandement de payer valant saisie immobilière alors que celle-ci était acquise, a violé l'article R. 321-20 du Code des procédures civiles d'exécution dans sa rédaction applicable en la cause », d’une part, et que d’autre part, « à l'expiration du délai de péremption de deux ans prévu à l'article R. 321-20 du Code des procédures civiles d'exécution dans sa rédaction applicable en la cause, toute partie intéressée peut demander au juge de l'exécution de constater la péremption du commandement de payer valant saisie ; que le moyen tiré de la caducité ou de la péremption du commandement peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel, et qu'en déclarant [le saisi] irrecevable en ses demandes présentées en appel au motif qu’il ne critique pas le jugement d'adjudication en ce qu'il a refusé de faire droit à ses demandes de sursis à statuer et de report au motif que le pourvoi en cassation ne présente aucun caractère suspensif et [qu’] il se contente de solliciter l'annulation de la procédure d'adjudication et du jugement déféré au motif que le commandement de saisie immobilière est devenu caduc dès avant l'audience d'adjudication alors que sa déclaration d'appel fixant l'étendue de la dévolution à l'égard des parties intimées en vertu de l'article 562 du code de procédure civile ne tend pas à l'annulation du jugement et qu'il n'a pas saisi le premier juge de sa contestation relative à la caducité du commandement, qui est nouvelle en appel et comme telle irrecevable en application de l'article 564 N° Lexbase : L0394IGP du même code », la cour d’appel aurait ainsi violé l'article R. 321-21 du Code des procédures civiles d'exécution.
Par arrêt du 5 octobre 2023, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation rejette les pourvois principal et incident. Reprenant point par point les arguments développés par la demanderesse, la Cour de cassation rappelle tout d’abord que, selon l'article R. 321-20 du Code des procédures civiles d'exécution, le commandement de payer valant saisie cesse de plein droit de produire effet si, dans les cinq ans de sa publication, il n'a pas été mentionné en marge de cette publication un jugement constatant la vente du bien saisi, et que, si, selon l'article R. 321-21 du même code, à l'expiration du délai prévu à l'article R. 321-20 et jusqu'à la publication du titre de vente, toute partie intéressée peut demander au juge de l'exécution de constater la péremption du commandement et d'ordonner la mention de celle-ci en marge de la copie du commandement publié au fichier immobilier, il résulte de la combinaison de ces textes que, si le juge de l'exécution peut relever d'office la péremption du commandement de payer valant saisie immobilière, il n'est toutefois pas tenu de le faire. Poursuivant son raisonnement, la Cour de cassation affirme également que, selon l'article R. 322-60, alinéa 2, du Code des procédures civiles d'exécution, seul le jugement d'adjudication qui statue sur une contestation est susceptible d'appel de ce chef, ce dont il résulte que les parties ne sont pas recevables à présenter de nouvelles contestations ou de nouvelles demandes à l'occasion de cette instance d'appel. De facto, par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du Code de procédure civile, l'arrêt, qui a relevé que le saisi n'avait pas saisi le juge de l'exécution de sa contestation relative à la péremption du commandement de payer valant saisie immobilière, se trouve légalement justifié de ce chef.
Le premier apport de l’arrêt rendu le 5 octobre 2023 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation réside assurément dans la délimitation des frontières de l’office du juge de l’exécution en matière de péremption du commandement de payer valant saisie immobilière. Par un arrêt du 21 mars 2019 [57], la deuxième chambre civile avait déjà eu l’occasion de préciser que le juge de l’exécution statuant en matière de saisie immobilière pouvait relever d’office la péremption du commandement de payer valant saisie immobilière, solution qu’elle avait confirmée par deux arrêts en 2020 [58]. Dans ces deux arrêts, la Cour de cassation avait indiqué que la cour d’appel, saisie d’une demande de péremption du commandement valant saisie et d’une demande de caducité de celui-ci, a fait une exacte application de l’article R. 321-20 du Code des procédures civiles d’exécution en examinant en premier lieu si le commandement était périmé et, constatant qu’il l’était, n’a pas statué sur la demande de caducité, et mettait déjà en exergue la subsidiarité de ce relevé d’office en retenant que la cour d’appel n’avait pas commis d’excès de pouvoir en l’espèce en prorogeant un commandement de payer valant saisie immobilière après avoir vérifié qu’il ne s’était pas écoulé plus de deux années (cinq années aujourd’hui [59]) depuis la publication de la dernière décision de prorogation, peu important que le commandement alors périmé ait pu être indûment prorogé par une décision antérieure non contestée par les parties. L’arrêt rendu le 5 octobre 2023 vient affiner davantage encore les contours de l’office du juge de l’exécution en cas de péremption du commandement. Pour se faire, elle commence par rappeler que selon l’article R. 321-20 du Code des procédures civiles d’exécution, le commandement de payer valant saisie cesse de plein droit de produire effet si, dans les cinq ans de sa publication, il n’a pas été mentionné en marge de cette publication un jugement constatant la vente du bien saisi, et que, selon l’article R. 321-21 du même code, à l’expiration du délai prévu à l’article R. 321-20 et jusqu’à la publication du titre de vente, toute partie intéressée peut demander au juge de l’exécution de constater la péremption du commandement et d’ordonner la mention de celle-ci en marge de la copie du commandement publié au fichier immobilier. Or, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt commenté, il sera observé que le saisi, qui ne s’était pas prévalu de cette péremption lors des contestations élevées à l’audience d’adjudication, présentait ce moyen pour la première fois devant la cour d’appel. Bien conscient qu’un risque d’irrecevabilité pesait, il arguait donc qu’il appartenait au juge de l’exécution de relever d’office cette péremption. La Cour de cassation ne le suit pas dans son raisonnement, et retient une autre interprétation de la lecture combinée des articles R. 321-20 et R. 320-21 du Code des procédures civiles d’exécution en retenant que, si le juge de l’exécution peut relever d’office la péremption du commandement de payer valant saisie immobilière, il n’est toutefois pas tenu de le faire.
Le second apport de l’arrêt rendu le 5 octobre 2023 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation porte sur les limites de l’effet dévolutif de l’appel formé à l’encontre du jugement d’adjudication ayant statué sur des contestations. Sur ce point, il résulte de l’article R. 322-60 du Code des procédures civiles d’exécution que « Le jugement d’adjudication est notifié par le créancier poursuivant, au débiteur, aux créanciers inscrits, à l’adjudicataire ainsi qu’à toute personne ayant élevé une contestation tranchée par la décision. Seul le jugement d’adjudication qui statue sur une contestation est susceptible d’appel de ce chef dans un délai de quinze jours à compter de sa notification ». Dans l’arrêt commenté, l’on voit bien que le saisi avait élevé des contestations à l’audience d’adjudication tenant en une demande de suspension des poursuites, et une demande de report, que le juge de l’exécution a rejetées, maintenant ainsi l’adjudication. Ce n’est que devant la cour d’appel que le saisi s’est prévalu pour la première fois de la péremption du commandement de payer valant saisie, laquelle était survenue avant la date d’adjudication. Si la cour d’appel a confirmé le jugement sur les prétentions qui avaient été soutenues en première instance, elle a déclaré irrecevable le moyen nouveau tiré de la péremption du commandement, au visa de l’article 564 du Code de procédure civile, ce que le saisi critiquait dans son pourvoi. La Cour de cassation, sans approuver le raisonnement tenu de la cour d’appel, rejette néanmoins le pourvoi en opérant par substitution de motifs [60], ce qui doit mériter toute notre attention. En reprenant le raisonnement suivi par la Cour de cassation dans son arrêt du 5 octobre 2023, l’on constate qu’elle déduit de l’article R. 322-60, alinéa 2, du Code des procédures civiles d’exécution que les parties ne sont pas recevables à présenter de nouvelles contestations ou de nouvelles demandes à l’occasion de cette instance d’appel. Pour la Cour de cassation, l’alinéa 2 de l’article R. 322-60 du Code des procédures civiles d’exécution entraine, pour l’audience d’adjudication en tout cas, les mêmes conséquences que celles résultant de l’article R. 311-5 du même code : l’irrecevabilité des contestations et demandes incidentes formées après l’audience d’orientation, sauf exceptions particulières, sans qu’il soit besoin de se fonder sur l’article 564 du Code de procédure civile. Il faut donc comprendre de la solution retenue dans l’arrêt du 5 octobre 2023 que, seules les contestations et demandes incidentes formées lors de l’audience d’adjudication peuvent être soumises à l’examen de la cour d’appel en raison de la limitation du recours à l’encontre de ce jugement posée par l’alinéa 2 de l’article R. 322-60 du Code des procédures civiles d’exécution…
À retenir : en vertu des articles R. 321-20 et R. 321-21 du Code des procédures civiles d’exécution, si le juge de l’exécution peut relever d’office la péremption du commandement de payer valant saisie immobilière, il n’est toutefois pas tenu de le faire. Par ailleurs, il résulte de l’article R. 322-60 du même code que les parties ne sont pas recevables à présenter de nouvelles contestations ou de nouvelles demandes à l’occasion de l’instance d’appel du jugement d’adjudication. |
[1] Cass. avis, 8 juillet 2022, n° 22-70.005, FS-B N° Lexbase : A72698AH.
[2] Circ. DACS, NOR: JUSC1721995C du 4 août 2017, de présentation des dispositions du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d’incompétence et à l’appel en matière civile, modifié par le décret n° 2017-1227 du 2 août 2017 N° Lexbase : L6244LGD.
[3] Cass. civ. 2, 13 janvier 2022, n° 20-17.516, FS-B N° Lexbase : A14867IU ; C. Bléry, Application inopportune de la notion d’accessoire à la déclaration d’appel, Lexbase Droit privé, janvier 2022, n° 892 N° Lexbase : N0197BZC ; – A. Martinez-Ohayon, Annexe à la déclaration d’appel : valable uniquement en présence d’un empêchement d’ordre technique!, Lexbase Droit privé, janvier 2022, n° 891 N° Lexbase : N0084BZ7 ; D. 2022, 325, note M. Barba ; AJ fam. 2022, 63, obs. F. Eudier et D. D’Ambra.
[4] Cass. avis, 8 juillet 2022, n° 22-70.005, FS-B N° Lexbase : A72698AH ; Y. Ratineau, Utilisation de l’annexe dans la déclaration d’appel : les précisions de la Cour de cassation, Le Quotidien, juillet 2022, n° 915 N° Lexbase : N2262BZS.
[5] La régularisation de la déclaration d’appel aurait mérité des développements mais, faute de pouvoir accéder à l’arrêt d’appel, nous nous sommes résignés à ne pas traiter ce point, l’arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation ne comportant pas suffisamment d’éléments pour mener une analyse juridique approfondie du raisonnement tenu par les juges d’appel.
[6] Cass. civ. 2, avis, 22 mars 1999, n° 09-90.005, Bull. avis, n°2.
[7] CE, ass., 25 juin 1948 : Journal L'Aurore, GAJA, n° 62.
[8] CE 4 octobre 1974 : Dame David, Recueil Lebon 464.
[9] Cass. avis, 3 juin 2021, n° 15008 N° Lexbase : A29374UC.
[10] Décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d'incompétence et à l'appel en matière civile N° Lexbase : L2696LEL.
[11] Circ. DACS, NOR: JUSC1721995C, du 4 août 2017, de présentation des dispositions du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d'incompétence et à l'appel en matière civile, modifié par le décret n° 2017-1227 du 2 août 2017 N° Lexbase : L6244LGD.
[12] Cass. civ. 2, 30 janvier 2020, n° 18-22.528, FS-P+B+I N° Lexbase : A89403C4 ; Y. Ratineau, Sanction de l’acte d’appel ne mentionnant pas les chefs critiqués du jugement : entre clarifications et questionnements, Lexbase Droit privé, février 2020, n° 814 N° Lexbase : N2332BYZ.
[13] Cass. civ. 2, 9 juin 2022, n° 21-11.401, FS-B N° Lexbase : A791374T ; Y. Ratineau, Panorama de jurisprudence : remettre toujours le métier sur l’ouvrage, Lexbase Droit privé, juin 2022, n° 912 N° Lexbase : N1989BZP.
[14] À condition bien entendu que l’appel ne se limite pas uniquement à ces demandes (car il serait alors irrecevable) ou encore que le tribunal n’ait pas déjà été saisi d’une requête en omission de statuer (car la cour d’appel ne serait pas compétente : CPC, art. 461 N° Lexbase : L6571H7I).
[15] CPC, art. 32-1 N° Lexbase : L6815LE7.
[16] Y. Ratineau, Sanction de l’acte d’appel ne mentionnant pas les chefs critiqués du jugement : entre clarifications et questionnements, Lexbase Droit privé, février 2020, préc.
[17] Déjà en ce sens : Cass. civ. 2, 2 juillet 2020, n° 19-16.954, F-P+B+I N° Lexbase : A56913QT.
[18] Cons. const., n° 2020-866 QPC du 19 novembre 2020 N° Lexbase : A944634M ; Y. Ratineau, Conformité des procédures sans audience à la Constitution : quand le Conseil constitutionnel valide l’adaptation du droit à un procès équitable à l’état d’urgence sanitaire, Lexbase Droit privé, décembre 2020, n° 846 N° Lexbase : N5505BYK.
[19] Cons. const., n° 2020-866 QPC du 19 novembre 2020 : préc.
[20] CEDH, 9 juin 2022, Xavier Lucas c/ France, n° 15567/20 N° Lexbase : A0732727 ; V. not. : Dalloz actualité, 16 juin 2022, obs. C. Bléry ; Gaz. Pal. 26 juillet 2022, p. 34, obs. S. Amrani-Mekki.
[21] Il convient de rappeler ici que la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a, par exemple, retenu l’absence d’effet dévolutif de la déclaration d’appel lorsque celle-ci est dépourvue des chefs de jugements critiqués (Cass. civ. 2, 17 septembre 2020, n° 18-23.626, FS-P+B+I N° Lexbase : A88313TA ; Cass. civ. 2, 20 mai 2021, nos 19-22.316, F-P N° Lexbase : A25334SM, Y. Ratineau, Dispositif des conclusions d’appel : application dans le temps de la solution nouvelle de la Cour de cassation, Lexbase Droit privé, juin 2021, n° 868 N° Lexbase : N7812BYY ; F. Seba, Conclusions devant la cour d’appel, à fond la forme !, Lexbase Droit privé, mars 2023 n° 939 N° Lexbase : N4720BZT), ou prononcé la solution formaliste de trop avec la neutralisation de l’annexe à la déclaration d’appel (Cass. civ. 2, 13 janvier 2022, n° 20-17.516, FS-B N° Lexbase : A14867IU) ; C. Bléry, Application inopportune de la notion d’accessoire à la déclaration d’appel, Lexbase Droit privé, janvier 2022, n° 892 N° Lexbase : N0197BZC ; A. Martinez-Ohayon, Brèves, Annexe à la déclaration d’appel : valable uniquement en présence d’un empêchement d’ordre technique !, Lexbase Droit privé, janvier 2022, n° 891 N° Lexbase : N0084BZ7; D. 2022, 325, note M. Barba ; AJ fam. 2022, 63, obs. F. Eudier et D. D’Ambra).
[22] Par ex. : Cass. civ. 2, 3 mars 2022, n° 20-20.017 N° Lexbase : A0732727, Y. Joseph-Ratineau, Précision des chefs de jugement critiqués dans le dispositif des conclusions d’appel : Tout va bien (ou presque) : Lexbase Droit privé, mars 2022 N° Lexbase : N0911BZR ; v. égal. : Cass. civ. 2, 29 septembre 2022, n° 21-23.456 N° Lexbase : A34268LH ; Cass. civ. 2, 8 juin 2023, n° 21-22.263, F-B N° Lexbase : A79179YU ; n° 21-19.997, F-B N° Lexbase : A79169YT ; n° 21-23.684, F-B N° Lexbase : A79209YY ; v. égal. : Cass. com., 14 juin 2023, n° 21-15.445, F-B N° Lexbase : A79949Z4. Pour une étude de ces décisions, v. C. Perret, Procédure d’appel : l’expression d’un formalisme raisonné, Lexbase Droit privé, août 2023, n° 950 N° Lexbase : N5987BZR.
[23] Décret n° 2022-245 du 25 février 2022 favorisant le recours à la médiation, portant application de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire et modifiant diverses dispositions N° Lexbase : Z45979TY. Arrêté du 25 février 2022 modifiant l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d'appel N° Lexbase : L5628MB3.
[24] Cass. civ. 2, avis, 8 juillet 2022, n° 22-70.005 N° Lexbase : A0732727. V. : Y. Ratineau, Utilisation de l’annexe dans la déclaration d’appel : les précisions de la Cour de cassation, Lexbase Droit privé, juillet 2022, n° 915 N° Lexbase : N2262BZS.
[25] Not. : Cass. civ. 2, 9 juillet 2009, n° 06-46.220, FS-P+B N° Lexbase : A7198EIG, Brèves, De l'appel formé devant une cour d'appel dans le ressort de laquelle n'est pas située la juridiction dont émane la décision attaquée, Lexbase Social, juillet 2009, n° 360 N° Lexbase : N1130BLG, RTD civ. 2010. 370, obs. crit. P. Théry ; Cass. com, 29 mars 2017, n° 15-17.659, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A6067UMN, P. Le More, Compétence des juridictions spécialisées en matière de pratiques restrictives de concurrence, Lexbase Affaires, juin 2017, n° 513 N° Lexbase : N8739BWL ; Cass. civ.2, 19 novembre 2020, n° 19-22.185 N° Lexbase : A0732727.
[26] Cass. civ. 2, 1er octobre 2020, n° 19-11.490, FS-P+B+I N° Lexbase : A49893WP, A. Martinez-Ohayon, Saisine de deux cours d’appel distinctes : la validité du second appel sous certaines conditions, Lexbase Droit privé, octobre 2020, n° 839 N° Lexbase : N4801BYH, Dalloz actualité, 28 oct. 2020, obs. R. Laffly. – Cass. civ. 2, 2 juillet 2020, n° 19-14.086, F-P+B+I N° Lexbase : A56583QM ; Cass. civ. 2, 18 mars 2021, n° 20-14.466, F-D N° Lexbase : A89694LR ; Cass. civ. 1, 22 septembre 2021, n° 20-15.817, FS-B N° Lexbase : A134547X, C. Lhermitte, Appel irrecevable et appel hors délai ou quand le désordre de l’Ordre permet que tout rentre dans l’ordre, Lexbase Avocats, octobre 2021 N° Lexbase : N8974BYZ.
[27] Cass. civ. 2, 21 mars 2019, n° 17-10.663, FS-P+B, N° Lexbase : A8907Y4N, A. Seïd Algadi, Effet interruptif d’une déclaration d’appel formée devant une cour d’appel incompétente, Lexbase Droit privé, juillet 2019, n° 790 N° Lexbase : N9799BX9, Dalloz actualité, 8 avr. 2019, obs. R. Laffly. – Cass. civ. 2, 27 juin 2019, n° 18-11.471, F-D N° Lexbase : A3025ZHI, Proc. 2019, comm. 245, obs. H. Croze ; Cass. civ. 2, 4 novembre 2021, n° 19-24.924, F-D, N° Lexbase : A06897B7.
[28] CPC art. 916 N° Lexbase : L0063HPZ.
[29] Cass. civ. 2, 30 juin 2022, n° 21-12.865, F-D N° Lexbase : A198979K, D. 2022, 1687, note J. Jourdan-Marques.
[30] Décret n° 2020-1452 du 27 novembre 2020 portant diverses dispositions relatives notamment à la procédure civile et à la procédure d’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions N° Lexbase : L2353L8N.
[31] Cass. civ. 2, 29 septembre 2022, n° 20-22.558, FS-B N° Lexbase : A51368LS, A. Martinez-Ohayon, Cour d’appel de renvoi : les formalités relatives à la procédure à jour fixe doivent-elles être réitérées ?, Lexbase Droit privé, octobre 2022, n° 919 N° Lexbase : N2770BZM ; Cass. civ. 2, 24 mars 2022, n° 19-25.033, F-B N° Lexbase : A30697R4, A. Martinez-Ohayon, Précision sur la qualification de l’arrêt réputé contradictoire, Lexbase Droit privé, mars 2022, n° 900 N° Lexbase : N0916BZX, AJ fam. 2022, 243, obs. F. Eudier et D. d’Ambra ; V. égal. : Cass. civ. 2, 14 avril 2005, n° 03-14.510, F-P+B N° Lexbase : A8675DHR, Dr. et pr. 2005, 359, obs. Leborgne).
[32] L’on pourrait rajouter l’hypothèse de l’irrecevabilité de l’appel en application de l’article 964 du Code de procédure civile, même si en pratique la question ne devrait pas se poser dans la mesure où le timbre fiscal n’est pas dû en procédure sur renvoi de cassation, ce dernier ayant déjà été réglé à l’occasion de l’instance d’appel.
[33] Cass. civ. 3, 4 mars 2021, n° 19-12.564 F-P N° Lexbase : A01994KL, Y. Ratineau, Panorama, Procédure à bref délai : retour sur les cinq arrêts rendus par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 2 décembre 2021, Lexbase Droit privé, janvier 2022, n° 889 N° Lexbase : N9941BYT, D. 2021. 1048, obs. N. Damas.
[34] CPC, art. 945 N° Lexbase : L1033H4Z.
[35] Cass. civ. 1, 10 avril 2013, n° 12-14.939, F-P+B+I N° Lexbase : A9961KBK, E. Vergès, Le déféré d'une ordonnance du conseiller de la mise en état fait obstacle au pourvoi en cassation contre cette décision, Lexbase Droit privé, mai 2013, n° 527 N° Lexbase : N7026BTE.
[36] Cass. civ. 2, 17 septembre 2020, n° 19-17.469, F-P+B+I N° Lexbase : A88383TI, A. Martinez-Ohayon, Procédure à bref délai : irrecevabilité du pourvoi dirigé à l’encontre de l’ordonnance rendue par le président de chambre de la cour d’appel, Lexbase Droit privé, septembre 2020, n° 837.
[37] Décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile N° Lexbase : L8421LT3.
[38] CPC, art. 789 N° Lexbase : L9322LTG.
[39] Cass. civ. 2, avis, 3 juin 2021, n° 15008 N° Lexbase : A29374UC ; v. égal. : Cass. civ. 2, avis, 11 oct. 2022, n° 22-70.010, FS-B N° Lexbase : A40718N4, D. 2022. 2015 , note M. Barba et T. Le Bars.
[40] Décret n° 2020-1452 du 27 novembre 2020 portant diverses dispositions relatives notamment à la procédure civile et à la procédure d’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions N° Lexbase : L2353L8N.
[41] Cass. civ. 3, 28 février 2018, n° 15-20.116, F-D N° Lexbase : A0481XGW, D. 2019, 555, obs. N. Fricero.
[42] Cass. civ. 2, 9 janvier 2020, n° 18-19.301, F-P+B+I N° Lexbase : A47583HA, A. Martinez-Ohayon, L’ouverture «minime» d’une voie de recours à l’encontre de la décision de radiation du CME, Lexbase Droit privé, janvier 2020, n° 809 N° Lexbase : N1911BYG, RTD civ. 2020, 449, obs. P. Théry.
[43] Cass. civ. 2, avis, 3 juin 2021, préc.
[44] V., Dalloz actualité, 20 octobre 2023, obs. C. Bléry.
[45] Cass. soc., 17 décembre 1984, n° 84-60.350 N° Lexbase : A3272AAG ; Cass. civ. 2, 24 février 1988, n° 86-16.414 N° Lexbase : A4646CZ4.
[46] En l’espèce, cette demande reconventionnelle était hybride en ce qu’elle contenait un moyen de défense à la demande en paiement dirigée contre l’emprunteur, et une demande tendant à ce que la responsabilité de la banque demanderesse soit engagée. Or, bien qu’elle ne le dise pas explicitement, l’on sait que depuis l’arrêt « Cesareo » (Cass. Ass. plén., 7 juillet 2006, n° 04-10.672, P+B+R+I N° Lexbase : A4261DQU) la Cour de cassation impose en réalité un principe de concentration des demandes, et non seulement des moyens qui oblige les parties à présenter, dès l’instance initiale, l’ensemble des moyens qu’elles estiment de nature, soit à fonder la demande, « soit à justifier son rejet total ou partiel ». Si le défendeur oublie un moyen de défense, il ne peut plus présenter une demande fondée sur celui-ci. Or, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt commenté, il sera observé que, si l’emprunteur n’avait pas présenté ce moyen de défense dans l’instance relative à la demande en paiement devant le Tribunal de grande instance de Pontoise, et que ce tribunal avait rendu un jugement avant le tribunal de grande instance de Marseille, il aurait pu lui être reproché, par ce dernier, de ne pas avoir concentré ses défenses à Pontoise.
[47] La Cour de cassation a, par exemple, décidé qu’il n'y a pas litispendance entre une instance en divorce et une instance de conversion de séparation de corps en divorce (Cass. civ. 2, 23 juin 1982, no 81-11.700 N° Lexbase : A7185CIX) ou entre l'action en concurrence déloyale qu'exerce une société contre d'anciens salariés et l'action en détermination des conditions de rupture du contrat de travail que forment contre elle ces derniers (Cass. soc., 13 octobre 1988, no 85-45.486 N° Lexbase : A8560AAB).
[48] Cass. civ. 3, 10 décembre 1985, n° 84-16.799, P N° Lexbase : A5319AAA.
[49] V., Dalloz actualité, 20 octobre 2023, obs. C. Bléry.
[50] Décret n° 2010-1165 du 1er octobre 2010 relatif à la conciliation et à la procédure orale en matière civile, commerciale et sociale N° Lexbase : L0992IN3.
[51] Arrêté 5 mai 2010 relatif à la communication électronique dans les procédures sans représentation obligatoire devant les cours d’appel N° Lexbase : Z11402KH.
[52] Cass. civ. 2, 17 novembre 2022, n° 21-16.185, FS-B N° Lexbase : A28598T3 ; Cass. civ. 2, 8 décembre 2022, n° 21-14.144, FS-D N° Lexbase : A82638YP.
[53] Il convient de signaler que lorsque la procédure relevait du premier président, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation jugeait qu’elle n’était soumise ni à l’arrêté de 2010, ni à celui de 2011, et qu’elle ne pouvait être diligentée par voie électronique dans la mesure où le premier président est lui-même une juridiction autonome au sein de la cour d’appel.
[54] CPC, art. 930-1 précité
[55] CPC, art. 748-1 précité
[56] Cass. civ. 2, 19 novembre 2020, n° 19-21.365 N° Lexbase : A17131KN.
[57] Cass. civ. 2, 21 mars 2019, n° 17-31.170, F-P+B N° Lexbase : A8975Y48 ; A. Seïd Algadi, Effet du commandement valant saisie immobilière en cas de constat de la péremption, Lexbase Droit privé, mars 2019, n° 809 N° Lexbase : N8228BXZ ; v. déjà en ce sens : Cass. civ. 2, 18 octobre 2018, n° 17-21.293, F-P+B N° Lexbase : A0005YHN ; A. Seïd Algadi, Effet du commandement valant saisie immobilière en cas de constat de péremption, Lexbase Droit privé, novembre 2018, n° 759 N° Lexbase : N6089BXS.
[58] Cass. civ. 2, 19 mars 2020, n° 19-11.722, F-P+B+I N° Lexbase : A06343MG, A. Martinez-Ohayon, La péremption du commandement de payer valant saisie immobilière s’impose au juge la constatant et prime sur un éventuel incident de caducité, Lexbase Droit privé, mai 2020, n° 820 N° Lexbase : N3410BYX ; Cass. civ. 2, 19 mars 2020, n° 19-10.469, F-P+B+I N° Lexbase : A05083MR ; A. Martinez-Ohayon, Irrecevabilité du pourvoi dirigé à l’encontre d’un arrêt confirmant la prorogation des effets du commandement de payer valant saisie immobilière indûment prorogé par une décision antérieure, Lexbase Droit privé, juin 2020 N° Lexbase : N3406BYS ; V. égal. : F. Kieffer, Caducité sur péremption ne vaut… Ou petite physiologie de la péremption du commandement, Lexbase Droit privé, juin 2020, n° 828 N° Lexbase : N3743BYB.
[59] L’article 2, 4°, du décret n° 2020-1452 du 27 novembre 2020 a modifié l’alinéa 1er de l’article R. 322-20 du code des procédures civiles d’exécution qui dispose, depuis son entrée en vigueur au 1er janvier 2021, et qui est applicable aux instances en cours à cette date, que, « Le commandement de payer valant saisie cesse de plein droit de produire effet si, dans les cinq ans de sa publication, il n’a pas été mentionné en marge de cette publication un jugement constatant la vente du bien saisi ». Antérieurement à cette modification, le délai de péremption du commandement était de deux ans.
[60] CPC, art. 620, al. 1er N° Lexbase : L6779H79 ; CPC, art. 1015 N° Lexbase : L5802L8E.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:487295