Réf. : Cass. civ. 1, 6 décembre 2023, n° 22-19.285, FS-B N° Lexbase : A6695174
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par Marie Le Guerroué
le 14 Décembre 2023
► Le secret professionnel de l'avocat ne constitue pas en lui-même un obstacle à l'application des dispositions de l'article 145 du Code de procédure civile dès lors que les mesures d'instruction sollicitées, destinées à établir la faute de l'avocat, sont indispensables à l'exercice du droit à la preuve du requérant, proportionnées aux intérêts antinomiques en présence et mises en œuvre avec des garanties adéquates.
Faits et procédure. Un avocat inscrit au barreau de Toulouse avait conclu avec une société une convention de prestations juridiques. La société, soutenant que l'avocat avait commis un détournement de clientèle et une rétention de dossiers, avait déposé plainte pour abus de confiance. La convention avait été résiliée à l'initiative de l'avocat. Le président d'un tribunal judiciaire, saisi d'une requête de la société sur le fondement des articles 145 N° Lexbase : L1497H49, 845 N° Lexbase : L9340LT4 et 846 N° Lexbase : L9341LT7 du Code de procédure civile, avait désigné un huissier de justice, avec mission de se rendre au cabinet professionnel de l'avocat et de procéder, avec l'aide éventuelle d'un expert informatique, notamment, à la recherche de documents et correspondances de nature à établir les faits litigieux, les copies réalisées devant être séquestrées entre les mains de l'huissier de justice. L'ordonnance avait été exécutée. L'avocat avait alors assigné la société en rétractation de cette ordonnance, opposant le secret professionnel.
En cause d’appel. Pour rétracter l'ordonnance sur requête, l'arrêt rendu par la cour d’appel de Toulouse retient qu'aucun texte n'autorise la consultation ou la saisie des documents détenus par un avocat au sein de son cabinet en dehors de la procédure prévue à l'article 56-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L1314MAW et que le juge a autorisé des mesures sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile qui ne sont pas légalement admissibles en ce qu'elles portent atteinte au secret professionnel des avocats.
Devant la Cour de cassation, la société fait grief à l'arrêt rendu par la cour d’appel de rétracter l'ordonnance, de prononcer la nullité du procès-verbal et de restituer les pièces appréhendées.
Solution. La Haute juridiction rend sa décision au visa de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et les articles 145 du Code de procédure civile, 66-5, alinéa 1er, de la loi n° 71-1130, du 31 décembre 1971 N° Lexbase : L6343AGZ et 4 du décret n° 2005-790, du 12 juillet 2005 N° Lexbase : L6025IGA, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2023-552, du 30 juin 2023, portant Code de déontologie des avocats N° Lexbase : L0651MIX.
Elle énonce que le droit à un procès équitable, garanti par le premier de ces textes, implique que chaque partie à l'instance soit en mesure d'apporter la preuve des éléments nécessaires au succès de ses prétentions. Aux termes du deuxième de ces textes, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées, à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. Constituent des mesures légalement admissibles, au sens de ce texte, des mesures d'instruction circonscrites dans le temps et dans leur objet et proportionnées à l'objectif poursuivi. Si, selon le troisième de ces textes, le secret professionnel couvre en toutes matières, dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères, à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention « officielle », les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier, il est institué dans l'intérêt du client ayant droit au respect du secret des informations le concernant et non dans celui de l'avocat. En application du quatrième de ces textes, l'avocat ne peut commettre aucune divulgation contrevenant au secret professionnel, à moins qu'il n'assure sa propre défense devant une juridiction.
Pour la Cour, il s'en déduit que le secret professionnel de l'avocat ne constitue pas en lui-même un obstacle à l'application des dispositions de l'article 145 du Code de procédure civile dès lors que les mesures d'instruction sollicitées, destinées à établir la faute de l'avocat, sont indispensables à l'exercice du droit à la preuve du requérant, proportionnées aux intérêts antinomiques en présence et mises en œuvre avec des garanties adéquates.
La Cour de cassation estime qu’ en statuant comme elle l’a fait, la cour d'appel a donc violé les textes susvisés.
Cassation. La Cour casse et annule la décision rendue par la cour d'appel de Toulouse.
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