La lettre juridique n°560 du 27 février 2014 :

[Jurisprudence] Le cautionnement d'une location avec option d'achat ne relève pas des dispositions de l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier

Réf. : Cass. com., 28 janvier 2014, n° 12-24.592, F-P+B (N° Lexbase : A4432MDI)

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[Jurisprudence] Le cautionnement d'une location avec option d'achat ne relève pas des dispositions de l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/14456907-jurisprudence-le-cautionnement-dune-location-avec-option-dachat-ne-releve-pas-des-dispositions-de-la
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par Gaël Piette, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur-adjoint de l'IRDAP, Directeur scientifique de l'Encyclopédie Lexbase "Droit des sûretés"

le 27 Février 2014

La Cour de cassation rend actuellement d'intéressantes décisions quant au champ d'application de la législation relative au cautionnement. A la fin de l'année dernière, elle a précisé que l'avaliste ne peut invoquer l'exigence de proportionnalité posée par l'article L. 341-4 du Code de la consommation (N° Lexbase : L8753A7C) (1). En ce début d'année, elle précise le domaine de l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L2501IXW).
Dans cette affaire, une banque avait conclu avec une société un contrat de location avec option d'achat d'un navire. Des associés de la société s'étaient portés cautions solidaires des engagements de celle-ci. A la suite d'impayés de loyers et de la liquidation judiciaire de la société locataire, la banque a déclaré sa créance dans cette procédure, et a assigné les cautions en paiement. Ces dernières ont entendu, à titre reconventionnel, rechercher la responsabilité de la banque. Outre des moyens sans intérêt, l'un des cofidéjusseurs soulevait le fait que la banque ne s'était pas acquittée de l'obligation d'information annuelle édictée par l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier. La Cour de cassation, par l'arrêt commenté, confirme l'arrêt d'appel (CA Nîmes, 19 juin 2012, n° 11/02270 N° Lexbase : A1963IPE), en refusant de faire application de ce texte à la caution du locataire avec option d'achat. La solution retenue par la Cour de cassation le 28 janvier 2014 était prévisible (I). Cette prévisibilité ne l'empêche pas d'être contestable (II), ce qui nous amènera à nous demander si la caution n'aurait pas pu agir sur un fondement différent (III).

I - Une solution prévisible

La motivation de l'arrêt du 28 janvier 2014, il faut bien l'avouer, est succincte. La Cour retient que "les dispositions de l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier ne sont pas applicables à la caution du locataire avec option d'achat, qui s'acquitte de loyers".

Le refus d'appliquer l'article L. 313-22 ne se fonde pas sur la qualité des parties. Ce texte vise en effet "les établissements de crédit ou les sociétés de financement [qui ont] accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou morale". Or, dans l'espèce ayant donné lieu à l'arrêt commenté, une banque avait contracté (location avec option d'achat) avec une société. Les conditions personnelles posées par l'article L. 313-22 étaient par conséquent réunies : un établissement de crédit avait contracté avec une entreprise (2).

Le débat portait davantage sur l'expression "concours financier". Cette expression, davantage de commodité que juridique, n'est guère parlante. C'est cependant de jurisprudence constante de la Cour de cassation que de refuser l'application de l'article L. 313-22 aux opérations de crédit-bail, au motif que le crédit-preneur s'acquitte de loyers (3). Certes, ces décisions rendues à propos du crédit-bail ont une motivation juridique réduite au strict minimum. La Cour y décide que "les dispositions de l'article 48 de la loi du 1er mars 1984 [(LXB=L7474AGW]), devenu l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier] ne sont pas applicables en faveur de la caution du crédit-preneur qui s'acquitte de loyers". Il n'en demeure pas moins que ces arrêts constituaient des signes avant-coureurs de la décision commentée : location avec option d'achat et crédit-bail sont deux mécanismes très proches, se distinguant principalement par le type d'opération financé. La seule motivation des arrêts relatifs au crédit-bail était que le crédit-preneur verse des loyers à son cocontractant. Or, l'arrêt du 28 janvier 2014 reprend plus ou moins expressément cette idée, en relevant que le "locataire avec option d'achat [...] s'acquitte de loyers". C'est donc parce que l'obligation principale consiste dans le paiement de loyers, et non dans le remboursement, au sens strict, d'un emprunt, que la caution ne peut invoquer l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier. L'idée de la Cour de cassation semble finalement s'appuyer sur le fait qu'il ne s'agit pas d'un prêt d'argent, mais de l'achat d'un bien par un établissement bancaire, suivi d'une location.

La solution retenue par l'arrêt commenté était donc prévisible, au regard de la jurisprudence antérieure en matière de crédit-bail. Elle n'en est pas moins contestable.

II - Une solution contestable

Même si l'expression "concours financier" n'est guère explicite, il y a lieu de penser qu'une opération de crédit est un concours financier (4). La Cour de cassation paraît même parfois amalgamer les deux expressions (5). Or, l'article L. 313-1, alinéa 2, du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L9234DYN) assimile aux opérations de crédit "toute opération de location assortie d'une option d'achat" (6). La location avec option d'achat est donc une opération de crédit. On ne voit guère pourquoi ce ne serait pas un concours financier.

Il n'y a aucune raison d'exclure la location avec option d'achat de la notion de concours financier, sous prétexte que sa contrepartie prend la forme de loyers. Certes, il s'agit, dans ce cas, de la location d'un bien, et non de la mise à disposition de fonds. Mais il n'en demeure pas moins que la location avec option d'achat est avant tout une opération de financement. De nombreuses opérations de crédit n'engendrent pas une avance de fonds, remboursable par échéances. L'escompte, par exemple, est une opération de crédit, donnant lieu à un transfert de créances, mais non à une avance de fonds (7).

A dire vrai, il est difficilement compréhensible que des opérations de crédit, qui permettent à des entreprises (dans le cadre du crédit-bail) ou à des particuliers (dans le cadre d'une location avec option d'achat) de financer l'acquisition de biens, soient exclues du champ d'application de l'article L. 313-22. Cette idée est renforcée par le fait que les loyers payés par le locataire avec option d'achat (et le raisonnement vaut également pour le crédit-bail) comprennent les intérêts dont il doit s'acquitter envers l'établissement de crédit.

Ainsi, il nous semble que l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier devrait avoir vocation à s'appliquer à la caution d'un locataire avec option d'achat. La solution aurait, en outre, le mérite d'être davantage respectueuse de l'adage Ubi lex non distinguit nec nos distinguere debemus. Ce texte ne discriminant pas les concours remboursables par échéances et ceux remboursables par le biais de loyers, aucune raison ne justifie d'opérer une telle distinction.

Enfin, il est permis de s'interroger sur l'opportunité pour la caution d'avoir fondé son action sur l'article L. 313-22.

III - L'existence possible d'un autre fondement à l'action de la caution

La caution avait choisi de fonder son action sur l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier. Même si la solution adoptée par la Cour de cassation est contestable, elle n'en était pas moins prévisible. Il aurait alors été certainement plus opportun de fonder la demande sur l'article L. 341-6 du Code de la consommation (N° Lexbase : L5673DLP). Ce texte avait parfaitement vocation à s'appliquer à l'espèce, et aurait difficilement pu être écarté par la Cour de cassation.

Il pourrait sembler étrange au profane qu'un texte du Code de la consommation puisse s'appliquer à une affaire dans laquelle les associés d'une société cautionnent cette dernière au profit d'un établissement bancaire. C'est pourquoi il convient de rappeler que, pour la Cour de cassation, les articles L. 341-2 (N° Lexbase : L5668DLI) à L. 341-6 du Code de la consommation peuvent profiter à des cautions agissant dans le cadre de leur activité professionnelle (8).

Certes, et le fondement choisi par la caution s'explique sûrement ainsi, la sanction prévue par l'article L. 313-22 est plus profitable à la caution puisque ce texte prévoit la déchéance du créancier de son droit aux intérêts échus durant la période au cours de laquelle l'information fait défaut. L'article L. 341-6, lui, prévoit seulement la déchéance du créancier de son droit au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus durant cette période (9).

C'est l'occasion de remarquer, une fois encore, la pauvreté intellectuelle et la faiblesse juridique des dispositions relatives au cautionnement issues de la loi pour l'initiative économique du 1er août 2003 (loi n° 2003-721 N° Lexbase : L3557BLC) (10). L'information prévue par l'article L. 341-6 est absolument étrangère à une situation d'impayé. La référence aux pénalités et intérêts de retard n'a donc aucune raison d'être (11).


(1) Cass. civ. 1, 19 décembre 2013, n° 12-25.888, F-P+B (N° Lexbase : A7415KSG), D., 2014, à paraître, avec une note G. Piette et J. Lasserre-Capdeville ; F. Julienne, L'aval n'est pas soumis au principe de proportionnalité, Lexbase Hebdo n° 366 du 23 janvier 2014 - éditions affaires (N° Lexbase : N0318BUC).
(2) Rappelons que la jurisprudence a une interprétation large du terme "entreprise" pour l'application de ce texte, considérant qu'une activité libérale (Cass. civ. 1, 12 mars 2002, n° 99-13.917, FS-P+B+R N° Lexbase : A2259AYC, Bull. civ. I, n° 86, JCP éd. G, 2002, I, 162, n° 2, obs. Ph. Simler ; Cass. civ. 1, 23 mars 2004, n° 01-02.755, F-P N° Lexbase : A6174DBB, Bull. civ. I, n° 94, JCP éd. G, 2004, I, 188, n° 5, obs. Ph. Simler), une SCI (Cass. civ. 1, 15 mars 2005, n° 02-20.335, FS-P+B N° Lexbase : A2960DH4, Bull. civ. I, n° 130 ; Cass. civ. 1, 12 mars 2002, n° 99-15.598, FS-P+B+R N° Lexbase : A2250AYY Bull. civ. I, n° 86) ou une association ayant une activité économique (Cass. civ. 1, 12 mars 2002, n° 99-17.209, FS-P+B+R N° Lexbase : A2241AYN, Bull. civ. I, n° 86) peuvent constituer une entreprise. Adde S. Schiller, La définition de l'entreprise au secours de la caution, RDBF, mai-juin 2002, p.154.
(3) Cass. com., 30 novembre 1993, n° 91-12.123, publié (N° Lexbase : A7938AG4), Bull. civ. IV, n° 435, Defrénois, 1994, 35897, obs. L. Aynès; Cass. civ. 1, 12 décembre 1995, n° 94-10.783, publié (N° Lexbase : A6178ABG) Bull. civ. I, n° 457; Cass. com., 8 novembre 2011, n° 10-24.171, F-D (N° Lexbase : A8852HZU).
(4) A.-S. Barthez et D. Houtcieff, Les sûretés personnelles, Traité, LGDJ, 2010, n° 696.
(5) Cass. com., 3 décembre 2003, n° 99-12.653, FS-P (N° Lexbase : A3769DAT), Bull. civ. IV, n° 188.
(6) Pour une critique de cette assimilation, non parce que la location avec option d'achat ne mérite pas d'être rapprochée des opérations de crédit, mais parce qu'elle est une opération de crédit, sans qu'il soit nécessaire de l'y assimiler, v. Th. Bonneau, Droit bancaire, Montchrestien, 10ème éd., 2013, n° 53.
(7) Th. Bonneau, Droit bancaire, op. cit., n° 50.
(8) A propos des articles L. 341-2 (N° Lexbase : L5668DLI) et L. 341-3 (N° Lexbase : L6326HI7) du Code de la consommation, v. Cass. com., 10 janvier 2012, n° 10-26.630, FS-P+B (N° Lexbase : A5284IAX), RTDCom., 2012, p. 177, obs. D. Legeais, RDBF, mars 2012, p. 45, obs. A. Cerles, Rev. sociétés, mai 2012, p. 286, obs. I. Riassetto ; Cass. civ. 1, 8 mars 2012, n° 09-12.246, F-P+B+I (N° Lexbase : A1703IES). A propos de l'art. L. 341-4 du Code de la consommation (N° Lexbase : L8753A7C), v. Cass. com., 13 avril 2010, n° 09-66.309, F-D (N° Lexbase : A0705EWZ) RLDC, juin 2010, p. 30, obs. J.-J. Ansault ; Cass. com., 22 juin 2010, n° 09-67.814, FS-P+B+I (N° Lexbase : A2722E39), D., 2010, p. 1985, note D. Houtcieff, RTDCiv., 2010, p. 593, obs. P. Crocq, RTDCom., 2010, p. 552, obs. C. Champaud et D. Danet, RDBF, septembre-octobre 2010, n° 172, obs. D. Legeais ; Cass. com., 19 octobre 2010, n° 09-69.203, F-D (N° Lexbase : A4348GCZ), RLDC, décembre 2010, p. 33, obs. J.-J. Ansault.
(9) A.-S. Barthez et D. Houtcieff, Les sûretés personnelles, op. cit., n° 728 et 730.
(10) C. consom., art. L. 341-2 à L. 341-6.
(11) Au contraire, par exemple, de l'article L. 341-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L6510ABQ), qui envisage l'information de la caution dès le premier incident de paiement du débiteur principal non régularisé dans le mois suivant l'exigibilité.

Décision

Cass. com., 28 janvier 2014, n° 12-24.592, F-P+B (N° Lexbase : A4432MDI).

Rejet (CA Nîmes, 19 juin 2012, n° 11/02270 N° Lexbase : A1963IPE).

Lien base : (N° Lexbase : E8135CDN).

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