Lexbase Pénal n°41 du 23 septembre 2021 : Patrimoine

[Panorama] Panorama saisies et confiscations (janvier 2020 – août 2021)

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N8791BYA

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[Panorama] Panorama saisies et confiscations (janvier 2020 – août 2021). Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/72428492-panoramapanoramasaisiesetconfiscationsjanvier2020aout2021
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par Éric Camous, Procureur de la République près le tribunal judiciaire de Narbonne, Docteur en droit, Lauréat du grand prix de l’École nationale de la magistrature

le 04 Octobre 2021

Mots-clés : confiscation • droit de propriété • communauté • saisies • AGRASC

Ce panorama sur les saisies et confiscations concerne les arrêts de la Chambre criminelle considérés comme les plus importants rendus entre janvier 2020 et août 2021. Si la chronologie de la procédure commande d’analyser les saisies avant les confiscations, la bonne compréhension des règles impose d’inverser la grille de lecture. En effet, il faut d’abord maîtriser le fonctionnement de la peine de confiscation pour savoir quelles règles s’appliquent aux saisies.

Cet article est issu du dossier spécial « Droit pénal et patrimoine : saisir et punir » publié le 23 septembre 2021 dans la revue Lexbase Pénal. Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici : (N° Lexbase : N8809BYW)


 

I. La confiscation

1. La décision de confiscation ne peut avoir deux fondements différents

Cass. crim., 18 mars 2020, n° 18-83.986, F-D

2. Le prononcé de la confiscation obéit aux règles qui gouvernent la motivation de toute peine

Cass. crim., 2 décembre 2020, n° 19-84.363, F-D

3. Propriété économique et libre disposition

Cass. crim., 25 novembre 2020, n° 19-86.979, FS-P+B+I et n° 16-86.240, FS-P+B+I

4. La confiscation ne peut être prononcée à l’encontre d’un tiers propriétaire de bonne foi

CJUE, 14 janvier 2021, aff. C-393/19, OM

5. Le contrôle de proportionnalité de l’atteinte portée au droit de propriété s’applique au visa des textes généraux et spéciaux

Cass. crim., 24 juin 2020, n° 19-85.074, F-P+B+I

6. La confiscation d’un bien appartenant à la communauté dont un seul est condamné doit porter sur la totalité de ce bien

Cass. crim., 9 septembre 2020, n° 18-84.619, FS-P+B+I

7. La confiscation en valeur ne peut être supérieure au montant du produit de l’infraction

Cass. crim., 9 septembre 2020, n° 19-84.301, FS-P+B+I

8. La confiscation d’un bien dont le condamné avait la libre disposition exige la démonstration de cet état de fait

Cass. crim., 24 juin 2020, n° 19-84.477, F-D

9. Les biens sur lesquels porte la confiscation doivent être clairement spécifiés tout comme le fondement de la peine à laquelle ils se rapportent

Cass. crim., 16 décembre 2020, n° 19-87.622, FS-P+B+I

Cass. crim., 12 mai 2021, n° 20-81.014, F-P

Cass. crim., 27 mai 2021, n° 20-83.197, F-D

10. Le fondement de la confiscation doit être expressément indiqué dans la motivation de la décision

Cass. crim., 23 mars 2021, n° 20-81.479, F-D

II. Les saisies pénales

11. La procédure pénale tient la procédure commerciale en l’état

Cass. crim., 24 juin 2020, n° 19-85.874, F-P+B+I

12. La date de réalisation de la saisie des fonds déposés sur un compte bancaire correspond au moment où ceux-ci deviennent indisponibles quelle que soit la date à laquelle la somme est versée sur le compte de l’AGRASC

Cass. crim., 1er avril 2020, n° 19-85.770, F-P+B+I

13. L’annulation de la mise en examen ne fait pas obstacle au maintien de la saisie pénale

Cass. crim., 4 mars 2020, n° 19-81.371, F-P+B+I

14. Saisie de l’instrument de l’infraction et contrôle de proportionnalité

Cass. crim., 4 mars 2020, n° 19-81.818, F-P+B+I

15. Le risque de dissipation du bien est inopérant pour justifier la saisie pénale d’un bien dont la mise en œuvre est soumise à une motivation spéciale

Cass. crim., 21 octobre 2020, n° 19-87.783, F-D


I. La confiscation

1. La décision de confiscation ne peut avoir deux fondements différents - Cass. crim., 18 mars 2020, n° 18-83.986, F-D (N° Lexbase : A49543KP). Condamnées pour des faits de blanchiment, des personnes se sont vues confisquer des fonds et un bien immobilier sur la base d’une motivation selon laquelle « les prévenus encourent la confiscation de tout ou partie des biens acquis au moyen de fonds blanchis et que les relevés de comptes qu'ils produisent ne suffisent pas à prouver que l'achat de la maison en cause a été exclusivement financé avec des fonds dont l'origine est licite, motifs de nature à justifier la confiscation du produit direct ou indirect de l’infraction ». La Cour de cassation a cassé cet arrêt en ce que les juges du fonds se sont appuyés sur deux fondements différents qu’ils ont réunis dans une même analyse. Ils ont tout d’abord fait référence à la confiscation de l’ensemble des biens que prévoit l’article 324-7, 12 du Code pénal (N° Lexbase : L3744IYC) en matière de répression du blanchiment et auquel renvoie l’article 131-21, alinéa 6 du même code (N° Lexbase : L9506IYQ). Finissant leur propos, ils ont évoqué la confiscation du produit direct ou indirect de l’infraction que prévoit l’article 131-21 alinéa 3. Or la peine de confiscation ne peut avoir qu’un seul fondement qu’il appartient de préciser et de motiver (Cass. crim., 18 mars 2020, n° 18-83.986, F-D).

2. Le prononcé de la confiscation obéit aux règles qui gouvernent la motivation de toute peine - Cass. crim., 2 décembre 2020, n° 19-84.363, F-D N° Lexbase : A957838A). Comme toute peine, la confiscation doit être motivée. Cette exigence est d’autant plus forte que la Chambre criminelle en contrôle aujourd’hui la bonne application. Le débat s’est focalisé depuis plusieurs années sur la question de la proportionnalité de l’atteinte portée au droit de propriété. Cette question n’est cependant pas la seule à laquelle les juges sont tenus de répondre. Il leur faut également expliquer en quoi la sanction répond aux exigences de l’article 132-1, alinéa 3 du Code pénal (N° Lexbase : L9834I3M) selon lequel « dans les limites fixées par la loi, la juridiction détermine la nature, le quantum et le régime des peines prononcées en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale, conformément aux finalités et fonctions de la peine énoncées à l’article 130-1 ». C’est pour avoir omis de répondre à ces questions que la Chambre criminelle est entrée en voie de cassation par un arrêt en date du 2 décembre 2020. En l’espèce, une cour d’appel a condamné une personne reconnue coupable de non-justification de ressources du fait de relations entretenues avec un trafiquant de stupéfiants à la confiscation du pavillon servant de domicile familial. Si la proportionnalité de l’atteinte portée au droit de propriété a été abordée, les juges ne se sont pas suffisamment expliqués « sur la situation personnelle de la prévenue décrite comme sans profession et sans ressources et mère de deux enfants mineurs » (Cass. crim., 2 décembre 2020, n° 19-84.363, F-D). Cette décision a le mérite de mettre en lumière la double exigence de motivation de la peine de confiscation. Les juges sont tenus de dire en quoi cette peine est proportionnée à l’atteinte portée au droit de propriété lorsque ce principe s’applique. Mais ils doivent aussi s’expliquer sur les exigences de l’article 132-1 du Code pénal.

3. Propriété économique et libre disposition - Cass. crim., 25 novembre 2020, n° 19-86.979, FS-P+B+I N° Lexbase : A552137M et n° 16-86.240, FS-P+B+I N° Lexbase : A552137M. La confiscation peut porter sur les biens dont la personne est propriétaire mais également, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, sur ceux dont elle a la libre disposition. Cette règle a pour objet de lutter contre toutes les formes de dissimulation du patrimoine consistant à le confier à des tiers tout en continuant à en avoir la jouissance. Encore faut-il démontrer que le tiers en question est de mauvaise foi. Le sujet nourrit un abondant contentieux qui a conduit la Chambre criminelle à préciser le sens devant être donné à cette mauvaise foi et les critères utiles à l’identification de son existence. C’est dans cette doctrine en construction que s’inscrit l’arrêt en date du 25 novembre 2020.

En l’espèce, un homme et son épouse étaient propriétaires indivis d’un immeuble dont une cour d’appel a prononcé la confiscation dans son entier. La peine a donc porté pour moitié sur la part dont le condamné était propriétaire et pour l’autre moitié sur celle appartenant à son épouse qui pourtant n’a pas été condamnée. C’est donc au titre de la libre disposition que cette part a pu être confisquée selon une motivation qui mérite toute l’attention. Les juges ont uniquement concentré le propos sur le fait que le mari était le seul en rapport avec les locataires. Il se comportait par conséquent comme le « propriétaire économique » de la totalité de l’immeuble et des loyers sans rien dire de la mauvaise foi de l’épouse.  (Cass. crim., 25 novembre 2020, n° 19-86.979, FS-P+B+I et n° 16-86.240, FS-P+B+I). Deux enseignements doivent être tirés de cette décision. Le premier est que la preuve de la mauvaise foi du propriétaire tend à être absorbée par la démonstration de la libre disposition d’un bien selon des conditions qui se révèlent particulièrement souples. En témoigne, la seule prise en considération de ce que l’époux était le seul en rapport avec les locataires. Le second enseignement est la réapparition de cette notion de propriété économique qui renvoie à celle d’« ayant droit économique » ou de « bénéficiaire effectif » et que défend une certaine doctrine (V. H. Robert, Une importante réforme de la procédure pénale inachevée. À propos de la loi du 9 juillet 2010, JCP G, 2010, 1067).

4. La confiscation ne peut être prononcée à l’encontre d’un tiers propriétaire de bonne foi - CJUE, 14 janvier 2021, aff. C-393/19, OM (N° Lexbase : A23244C3). Les arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) portant sur la peine de confiscation méritent d’être signalés au regard de l’importance que peut avoir une jurisprudence qui, dépassant les frontières nationales, concerne l’ensemble des pays de l’union. Elle constitue le marqueur d’une harmonisation en devenir des règles répressives qui en l’espèce intéressent la législation bulgare. Manifestation soucieuse de lutter contre toutes les formes de contrebande, elle prévoit la confiscation des moyens de transport utilisés, même lorsqu’ils appartiennent à un tiers de bonne foi. C’est en application de cette règle qu’une demande de restitution d’un camion de transport appartenant à une société turque a été rejetée. Le chauffeur s’est vu reprocher le transport illégal de 3 000 pièces de monnaie anciennes en Allemagne.  

La société n’étant en aucune manière mise en cause dans la procédure, sa bonne foi ayant été reconnue, la CJUE a été interrogée sur la compatibilité de sa législation avec les articles 17 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (N° Lexbase : L8117ANX). Si le droit de propriété est garanti à l'article 17 de la Charte, il peut cependant être soumis à des limitations obéissant à des objectifs d'intérêt général poursuivis par l'Union et ne constituant pas une intervention démesurée et intolérable portant atteinte à la substance même du droit garanti. C’est pourquoi la confiscation des instruments utilisés pour commettre une infraction pénale passible d'une peine privative de liberté d'une durée supérieure à un an est prévue par la décision-cadre 2005/212 du 24 février 2005 (Décision-cadre n° 2005/212/JAI du Conseil, du 24 février 2005, relative à la confiscation des produits, des instruments et des biens en rapport avec le crime N° Lexbase : L2912LHC). Ce texte autorise expressément la confiscation des biens appartenant à des tiers tout en indiquant – et la précision a tout son sens – que leurs droits doivent être protégés lorsqu'ils sont de bonne foi. C’est au visa de ces dispositions que la confiscation du véhicule a été jugée comme constituant une atteinte démesurée et intolérable au droit de propriété, contraire à l'article 17 de la Charte (CJUE, 14 janvier 2021, aff. C-393/19, OM).

La législation française prévoit elle aussi la possible confiscation des biens qui appartiennent à des tiers non visés par les chefs de prévention et qui par conséquent ne sont pas appelés à être jugés et condamnés. Elle subordonne toutefois cette peine à deux conditions cumulatives. Il faut tout d’abord que le condamné ait eu la libre disposition de ces biens et surtout que la mauvaise foi de leur propriétaire soit démontrée (C. pénal, art. 131-21, al. 2, 5, 6). L’atteinte ainsi portée au droit de propriété n’est pas appelée à constituer une atteinte disproportionnée au droit de propriété eu égard à l’importance du motif d’intérêt général poursuivi : lutter contre toutes les formes de dissimulation des enrichissements illicites.

5. Le contrôle de proportionnalité de l’atteinte portée au droit de propriété s’applique au visa des textes généraux et spéciaux – Cass. crim., 24 juin 2020, n° 19-85.074, F-P+B+I (N° Lexbase : A21143PY). La proportionnalité de l’atteinte portée au droit de propriété doit faire l’objet d’une motivation spéciale dès lors que la confiscation porte sur un bien qui n’est ni le produit ni l’objet de l’infraction. C’est cette règle que rappelle la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans son arrêt du 24 juin 2020. Elle sanctionne l’arrêt d’une chambre des appels correctionnels qui a prononcé la confiscation de comptes bancaires et d’un bien immobiliser au visa des articles 131-21 alinéa 6 et 324-7, 12° du Code pénal. Ces dispositions intéressent la confiscation de patrimoine qui notamment réprime le délit de blanchiment. Les biens en question s’avéraient être la propriété des personnes condamnées sans qu’il soit fait référence au produit ou à l’objet de l’infraction. Comme le rappelle la cour, « il incombe en conséquence au juge qui décide de confisquer un bien, après s'être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, de préciser la nature et l'origine de ce bien ainsi que le fondement de la mesure et, le cas échéant, de s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de cette peine » (Cass. crim., 24 juin 2020, n° 19-85.074, F-P+B+I).

6. La confiscation d’un bien appartenant à la communauté dont un seul est condamné doit porter sur la totalité de ce bien Cass. crim., 9 septembre 2020, n° 18-84.619, FS-P+B+I (N° Lexbase : A16713T3). Une cour d’appel a prononcé la confiscation, au titre du produit de l’infraction, d’une maison et d’un appartement détenus par un couple qui se trouvait être marié sous le régime de la communauté. Toute la difficulté résidait dans le fait que l’époux était le seul à être condamné, l’épouse ayant bénéficié d’une ordonnance de non-lieu interdisant qu’elle puisse elle aussi être mise en cause. Faisant valoir sa bonne foi, celle-ci a demandé à la cour d’appel de rectifier l’arrêt initial en précisant que la confiscation ne portait que sur la seule part indivise des immeubles appartenant au condamné. C’est ainsi que l’arrêt de fond rendu à ce sujet a limité la confiscation à la seule quote-part indivise de l’époux. Une décision dont le pourvoi a permis à la Chambre criminelle de confirmer la jurisprudence applicable à la confiscation des biens soumis au régime de l’indivision. La peine de confiscation doit porter sur la totalité du bien. Une solution qui s’impose parce qu’il ne peut en exister d’autres. Tout vient de ce que chaque quote-part correspond à une quotité indéterminée qu'il n'est pas possible d'individualiser. S'il en était décidé autrement, il faudrait préalablement connaître la valeur de chaque part et par voie de conséquence celle de l'ensemble. Une méthode qui n'est envisageable que dans le cadre d'un partage qui justement n’a pas eu lieu. À défaut, ce serait au juge de fixer cette valeur ce qui est impossible sans courir le risque d'une sous-évaluation qui constituerait une atteinte au droit de propriété.

Envisagé dans le cadre d’un régime de communauté, la situation présente certaines singularités que rappelle la Chambre criminelle. Il résulte des dispositions de l’article 1413 du Code civil (N° Lexbase : L1544ABS) que le paiement des dettes dont chaque époux est tenu, pour quelque cause que ce soit, pendant la communauté, peut toujours être poursuivi sur les biens communs, à moins qu'il n'y ait eu fraude de l'époux débiteur et mauvaise foi du créancier, sauf la récompense due à la communauté s'il y a lieu. Il en est ainsi des dettes nées d'une infraction commise par un époux seul. Encore faut-il s’entendre sur le sens de l’expression « dettes nées d’une infraction commise par un époux seul » dont il n’est pas certain, au regard du principe d’interprétation stricte de la loi pénale, que cela puisse concerner la peine de confiscation qui ne crée pas une dette en soit.

Plus pertinente est la référence aux articles 1441 (N° Lexbase : L1592ABL) et 1467 (N° Lexbase : L1604ABZ) du Code civil qui disposent que, lorsque des époux sont mariés sous le régime de la communauté légale, il n’y a lieu à liquidation de la masse commune, laquelle a pour finalité la fixation des droits des époux dans celle-ci, qu’après dissolution de la communauté, et que le législateur, qui a limitativement énuméré les motifs de dissolution, n’a pas prévu de cause de dissolution partielle. Or, prévoir comme l’a fait la cour d’appel que la confiscation porte sur la seule quote-part indivise conduit à préjuger de cette dissolution. Raison pour laquelle la décision a été cassée.

Comme en matière d’indivision, le bien soumis au régime de la communauté doit être confisqué dans son entier quand bien même l’autre époux jamais condamné serait de bonne foi. Tout se règle au moment de l’exécution de la peine. Le bien sera vendu par adjudication à l’issue de quoi les opérations de partage pourront avoir lieu entre l’État, nouveau propriétaire et ce qui revient au tiers de bonne foi (Cass. crim., 9 septembre 2020, n° 18-84.619, FS-P+B+I).

7. La confiscation en valeur ne peut être supérieure au montant du produit de l’infraction - Cass. crim., 9 septembre 2020, n° 19-84.301, FS-P+B+I (N° Lexbase : A16753T9). Prévue par l’article 131-21, alinéa 9 du Code pénal, la confiscation en valeur constitue une modalité de mise en œuvre de cette peine. Elle conduit à confisquer une somme correspondant au montant du bien concerné en lieu et place de ce dernier. Dit autrement, le bien objet de la confiscation n’est pas celui qui va constituer l’objet de la sanction. Celle-ci va porter sur un montant qui correspond à la valeur dudit bien. Le tribunal indiquera à ce sujet : « prononce la confiscation du bien (désignation) et dit que cette confiscation s’appliquera en valeur pour un montant de … ». La conséquence est que cette valeur doit correspondre au prix de marché du bien en question. Un montant qui doit lui-même être en adéquation avec les règles qui gouvernent le motif même de la confiscation. Car cette peine peut avoir différents fondements : objet, ou produit de l’infraction, bien ayant servi à sa commission, richesses dont la personne ne peut justifier l’origine ou, tout simplement, pour les qualifications les plus graves, patrimoine propre du condamné. S’agissant plus particulièrement du produit de l’infraction, la règle veut que ce qui est confisqué doive être en adéquation avec ce produit. Il est possible de confisquer moins. Il n’est en revanche pas permis de confisquer plus sauf à changer de fondement. C’est pour ne pas avoir respecté cette règle que l’arrêt de cour d’appel en question a été cassé (Cass. crim., 9 septembre 2020, n° 19-84.301, FS-P+B+I).

8. La confiscation d’un bien dont le condamné avait la libre disposition exige la démonstration de cet état de fait - Cass. crim., 24 juin 2020, n° 19-84.477, F-D (N° Lexbase : A70023PZ). La peine de confiscation ne porte pas seulement sur les biens dont le condamné est propriétaire. Elle peut également s’étendre à ceux dont il a la libre disposition sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi. La conséquence est qu’un tiers à la procédure peut se voir déposséder d’une part de son patrimoine pour l’avoir abandonné à celui qui est condamné, et ce, en pleine connaissance de cause s’agissant des infractions reprochées. Une mesure qui est particulièrement attentatoire au droit de propriété et que justifie la lutte contre les opérations de dissimulation que savent mettre en œuvre les délinquants les plus chevronnés. Encore faut-il, et c’est l’objet de la cassation prononcée le 24 juin 2020, que cette libre disposition soit suffisamment univoque (Cass. crim., 24 juin 2020, n° 19-84.477, F-D). En l’espèce, une cour d’appel a prononcé la confiscation de valeurs contenues dans un coffre-fort qui était au nom de la sœur du condamné. Le père et l’oncle, propriétaires déclarés de ces valeurs, en ont sollicité la restitution. Pour rejeter la demande, la cour d’appel a fait état de ce que le condamné était lié par des liens familiaux très fort avec les auteurs de la requête. En outre, le montant particulièrement important des richesses confisquées était très supérieur à celui de la couverture d’assurance du coffre-fort. Une analyse que la Chambre criminelle a jugé insuffisante ce qui s’entend malgré les soupçons légitimes qui pèsent sur l’origine réelle de ces valeurs.

La libre disposition implique la démonstration rapportée de ce que le condamné s’est comporté en légitime propriétaire. Il faut pour cela qu’il en ait eu les moyens matériels ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Il lui fallait à tout le moins le concours de sa sœur pour accéder au coffre. La décision aurait pu être toute autre si le condamné avait eu procuration ou si la sœur elle-même avait été jugée pour blanchiment. Dans ce cas, la libre disposition était acquise sous réserve de la mauvaise foi démontrée des propriétaires annoncés.

9. Les biens sur lesquels porte la confiscation doivent être clairement spécifiés tout comme le fondement de la peine à laquelle ils se rapportent - Cass. crim., 16 décembre 2020, n° 19-87.622, FS-P+B+I (N° Lexbase : A06794AE) ; Cass. crim., 12 mai 2021, n° 20-81.014, F-P (N° Lexbase : A85734RX) et Cass. crim., 27 mai 2021, n° 20-83.197, F-D (N° Lexbase : A48484TQ).  « Si la cour d’assises n’a pas à préciser les raisons qui la conduisent à ordonner la confiscation du produit ou de l’objet de l’infraction, elle doit néanmoins énumérer les objets dont elle ordonne la confiscation et indiquer, pour chacun d’eux, s’ils constituent l’instrument, le produit ou l’objet de l’infraction, afin de mettre la Cour de cassation en mesure de s’assurer de la légalité de sa décision, et d’apprécier, le cas échéant, son caractère proportionné » (Cass. crim., 16 décembre 2020, n° 19-87.622, FS-P+B+I). La confiscation porte sur tous les biens meubles ou immeubles, quelle qu'en soit la nature, divis ou indivis. Il faut que les biens concernés soient clairement identifiés dans une décision qui les énumère ou permette à tout le moins de les identifier en même temps que doit être précisé le fondement de la peine prononcée. À ce titre, la seule référence à la confiscation des scellés est insuffisante (Cass. crim 12 mai 2021, n° 20-81.014, F-P et Cass. crim., 27 mai 2021, n° 20-83.197, F-D).

10. Le fondement de la confiscation doit être expressément indiqué dans la motivation de la décision - Cass. crim., 23 mars 2021, n° 20-81.479, F-D (N° Lexbase : A67234MX). L’arrêt de la Chambre criminelle en date du 23 mars 2021 a le mérite de rappeler une règle fondamentale du droit de la confiscation. Les juges sont tenus de préciser le fondement sur lequel ils appuient leur décision. C’est que la confiscation est une peine qui fonctionne à trois étages dont le centre de gravité tourne autour de la preuve. Le premier étage porte sur la confiscation des biens qui ont un lien avec l’infraction. C’est le cas de tout ce qui en est le produit direct ou indirect de l’infraction (C. pén, art. 131-21, al. 3). Il appartient à l’accusation de démontrer que les richesses saisies sont bien en lien avec l’infraction commise. Le deuxième étage relève de ce qui est appelé la confiscation élargie. Lorsque le mis en cause a tiré profit d’une infraction punie de 5 ans d’emprisonnement, sont confiscables tous les biens dont il ne peut justifier l’origine (C. pén, art. 131-21, al. 5).  La charge de la preuve est renversée. C’est à la personne poursuivie de démontrer que ce dont la confiscation est envisagée a été acquis de manière licite. Si elle ne le fait pas, le juge peut prononcer la peine de confiscation. Le troisième étage concerne la confiscation de patrimoine (C. pén, art. 131-21, al. 6). Le législateur a entendu punir le plus sévèrement possible ceux qui commettent les infractions les plus nuisibles. Une peine qui intéresse une liste de treize infractions, dont le blanchiment (C. pén, art. 324-7, 12° N° Lexbase : L3744IYC). Dans ce cas, il est possible de confisquer tout ou partie du patrimoine du condamné même si celui-ci a une origine parfaitement licite. La seule preuve qui doit être apportée est le fait que la personne est propriétaire du bien ou qu’elle en a la libre disposition. En l’espèce, « Pour confirmer la confiscation des sommes créditrices saisies sur un compte bancaire du prévenu ouvert au Crédit Agricole de la Corse pour un montant de cent mille euros, l'arrêt retient qu'il disposait sur les comptes ouverts auprès du Crédit Agricole d'une somme de 271 699,47 euros et que la confiscation de la somme de 100 000 euros est proportionnée au regard des infractions et des sommes figurant sur son compte bancaire. En prononçant ainsi, par des motifs qui ne précisent pas à quel titre le bien a été confisqué, la cour d'appel, qui ne met pas la Cour de cassation en mesure de s'assurer que les exigences de motivation rappelées ci-dessus ont été respectées, n'a pas justifié sa décision » (Cass. crim., 23 mars 2021, n° 20-81.479, F-D)

II. Les saisies pénales

11. La procédure pénale tient la procédure commerciale en l’état - Cass. crim., 24 juin 2020, n° 19-85.874, F-P+B+I (N° Lexbase : A21123PW). L’arrêt de la Chambre criminelle du 24 juin 2020 a été l’occasion pour la Cour de cassation d’affirmer la prédominance de la procédure pénale sur la procédure commerciale ce qu’elle avait déjà fait à propos de la procédure civile (Cass. civ. 2, 5 décembre 2019, n° 17-23.576, FS-P+B+I N° Lexbase : A2972Z79 et Cass. crim., 23 octobre 2019, n° 18-85.820, FS-P+B+I N° Lexbase : A0885ZSL). En l’espèce, la saisie pénale d’un bien immobilier appartenant à une société était contestée en ce que celle-ci bénéficiait d’une procédure de sauvegarde. Dans un tel cas de figure, l'article L. 622-21, II, du Code de commerce (N° Lexbase : L3452ICT) interdit toute procédure d’exécution. La Chambre criminelle a rejeté le pourvoi. « Aucune disposition légale non plus que réglementaire n'interdit au juge des libertés et de la détention, ni au juge d'instruction d'ordonner la saisie pénale d'un immeuble en application de l'article 706-150 du Code de procédure pénale, dont le propriétaire bénéficie d'une procédure de sauvegarde, dès lors que cette mesure, que ces magistrats ont le pouvoir d'ordonner dans le cadre des procédures pénales afin de garantir l'exécution de la peine complémentaire de confiscation selon les conditions définies à l'article 131-21 du Code pénal, est d'une nature propre et ne s'analyse pas en une procédure d'exécution au sens de l'article L. 622-21, II, du Code de commerce » (Cass. crim., 24 juin 2020, n° 19-85.874, F-P+B+I). La saisie pénale est donc bien une mesure autonome qui ne peut être confondue avec celles qui sont pratiquées dans les autres branches du droit.

12. La date de réalisation de la saisie des fonds déposés sur un compte bancaire correspond au moment où ceux-ci deviennent indisponibles quelle que soit la date à laquelle la somme est versée sur le compte de l’AGRASC - Cass. crim., 1er avril 2020, n° 19-85.770, F-P+B+I (N° Lexbase : A90063KR). « Par dérogation aux dispositions de l'article 706-153, l'officier de police judiciaire peut être autorisé, par tout moyen, par le procureur de la République ou le juge d'instruction à procéder, aux frais avancés du Trésor, à la saisie d'une somme d'argent versée sur un compte ouvert auprès d'un établissement habilité par la loi à tenir des comptes de dépôts. Le juge des libertés et de la détention, saisi par le procureur de la République, ou le juge d'instruction se prononce par ordonnance motivée sur le maintien ou la mainlevée de la saisie dans un délai de dix jours à compter de sa réalisation ». Ce texte de l’article 706-154 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9507IYR) est particulièrement utile en pratique. Il permet aux services d’enquête de saisir immédiatement les fonds qui se trouvent sur un compte courant ce qui évite qu’ils ne disparaissent d’un clic une fois le titulaire averti de l’enquête judiciaire dont il fait l’objet. Encore faut-il que la mesure soit confirmée par le juge des libertés et de la détention ou le juge d’instruction dans le délai de dix jours à compter de sa « réalisation ». C’est le sens donné à ce terme qui est à l’origine de l’arrêt de la Chambre criminelle en date du 1er avril 2020. Une chambre de l’instruction a considéré que le terme qualifiait l’acte par lequel les fonds étaient transmis à l’AGRASC comme prescrit par l’article 706-160, 2° du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L0663L4C). Tel n’a pas été l’analyse de la Cour de cassation. Elle a considéré que cette réalisation correspond au moment où la somme est rendue indisponible autrement dit, lorsque l’établissement bancaire se voit notifier la saisie par l’officier de police judiciaire et ce quelle que soit la date à laquelle les sommes sont effectivement versées sur le copte de l’AGRASC (Cass. crim., 1er avril 2020, n° 19-85.770, F-P+B+I).

13. L’annulation de la mise en examen ne fait pas obstacle au maintien de la saisie pénale - Cass. crim., 4 mars 2020, n° 19-81.371, F-P+B+I (N° Lexbase : A95133GG). La saisie pénale d’un bien n’est pas subordonnée à la mise en examen du propriétaire ou de celui qui a la libre disposition de la chose (Cass. crim., 7 décembre 2016, n° 16-81.280, F-D N° Lexbase : A3824SPC). De ce principe, la Chambre criminelle en a dégagé un second selon lequel l’annulation d’une mise en examen est sans incidence sur la saisine pénale d’un bien dès lors que les juges ont effectivement constaté l’existence d’indices graves ou concordants de la commission d’une infraction dont la sanction est susceptible d’entraîner le prononcé de la peine de confiscation (Cass. crim., 4 mars 2020, n° 19-81.371, F-P+B+I). En l’espèce, une chambre de l’instruction a, par deux arrêts, rendus le même jour, annulé une mise en examen pour défaut d’indices graves ou concordants tout en confirmant la saisie pénale de la créance d’un contrat d’assurance sur la vie. La Chambre criminelle a cassé cette décision uniquement en ce que les motifs invoqués portaient à confusion. Les juges du fond ont considéré qu’il n’était pas exclu que la poursuite de l’information judiciaire aboutisse à recueillir de nouveaux éléments caractérisant une implication plus consistante de l’intéressé, ajoutant qu’en l’état du rôle important qu’il avait joué dans le mécanisme de fraude suspecté, et jusqu’à l’issue définitive de l’information judiciaire, il encourait toujours la peine complémentaire de confiscation. Cette argumentation est maladroite en ce qu’elle porte sur la personne même de celui qui est susceptible d’être mis en cause là où, en l’absence de mise en examen – ce qui est le cas du fait de son annulation – le maintien de la saisie doit se justifier au regard de la seule existence d’indice grave ou concordant attestant de la commission d’une infraction. L’attendu de principe relatif à la seule « existence d’indices de commission d’une infraction de nature à justifier la mesure de saisie pénale » entraîne deux conséquences. Il n’est pas nécessaire de justifier de la gravité de l’infraction dès lors que les indices suffisent à en caractériser l’existence. Mais surtout, la saisie peut être opérée sans être raccrochée à une personne déterminée.

14. Saisie de l’instrument de l’infraction et contrôle de proportionnalité - Cass. crim., 4 mars 2020, n° 19-81.818, F-P+B+I (N° Lexbase : A95143GH). L’article 131-21 du Code pénal prévoit la possible confiscation de ce qui a servi à la commission de l’infraction. Différent de l’objet ou du produit, l’instrument occupe une place particulière dans la qualification pénale. Il intègre directement le fait dont il constitue un élément indissociable sans lequel il n’aurait pu être commis. Les exemples les plus courants sont l’arme qui a servi au vol à main armée, le véhicule avec lequel les malfaiteurs sont arrivés sur les lieux et/ou se sont enfuis. Mais l’instrument a aussi sa place dans les infractions financières notamment en ce qui concerne la corruption. C’est ce que nous apprend l’arrêt de la Chambre criminelle du 18 mars 2020 qui a validé l’analyse d’une chambre de l’instruction ayant confirmé la saisie pénale de la somme de 840 000 euros en ce qu’elle a constitué l’instrument de l’infraction de corruption active (Cass. crim., 4 mars 2020, n° 19-81.818, F-P+B+I).

15. Le risque de dissipation du bien est inopérant pour justifier la saisie pénale d’un bien dont la mise en œuvre est soumise à une motivation spéciale - Cass. crim., 21 octobre 2020, n° 19-87.783, F-D (N° Lexbase : A85883YQ). « Pour confirmer l’ordonnance de saisie rendue par le juge des libertés et de la détention, l’arrêt attaqué, après avoir rappelé les termes de l’article 706-150 du Code de procédure pénale, relève, notamment, que le bien saisi ayant hébergé des associations pour lesquelles les infractions ont été commises apparaît en lien direct avec l'infraction de blanchiment pour laquelle la peine de confiscation est prévue par l'article 131-21 du Code pénal, et ce indépendamment de sa date d'achat ». Cette référence à l’existence d’un lien avec l’infraction ne permet pas de savoir quel est le fondement de la confiscation susceptible d’être prononcée. Rien ne permet de savoir s’il est question du produit, de l’objet de l’instrument de l’infraction ou s’il s’agit d’une possible confiscation de patrimoine. C’est ce qui explique l’arrêt de cassation en date du 21 octobre 2020 qui rappelle en même temps – car cela faisant partie de la motivation des juges du fond – que le risque de dissipation est indifférent à la décision de saisie, ce critère ne faisant pas partie des exigences légales (Cass. crim., 21 octobre 2020, n° 19-87.783, F-D).

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