Réf. : Cons. const., décision n° 2021-932 QPC, du 23 septembre 2021 (N° Lexbase : A141347H)
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par Adélaïde Léon
le 15 Octobre 2021
► Sont contraires à la Constitution les dispositions des articles 131-21, 313-7 et 324-7 du Code pénal qui permettent à la juridiction de jugement d’ordonner la confiscation d’un bien dont la personne condamnée a seulement la libre disposition, sans prévoir que le tiers propriétaire, dont le titre est connu ou qui a réclamé cette qualité au cours de la procédure, soit mis en mesure de présenter ses observations sur la mesure devant la juridiction de jugement aux fins, notamment de faire valoir son droit de propriété et sa bonne foi.
Rappel de la procédure. Le Conseil constitutionnel a été saisi par la Cour de cassation (Cass. crim., 16 juin 2021, n° 20-87.060, F-D N° Lexbase : A66114WR) d’une QPC portant sur les dispositions suivantes :
Motifs de la requête. Il était reproché à ces dispositions de permettre à la juridiction de jugement d’ordonner la confiscation d’un bien dont la personne condamnée a seulement la libre disposition, sans prévoir que le tiers propriétaire, dont le titre est connu ou qui a réclamé cette qualité au cours de la procédure, soit cité à comparaître devant elle.
Il résulterait de ces articles une méconnaissance :
Les requérantes sollicitaient par ailleurs la transmission à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) d’une question préjudicielle portant sur la faculté, pour une juridiction constitutionnelle nationale, de reporter la date de l’abrogation des dispositions litigieuses dans le temps.
Décision. Le Conseil rappelle les dispositions de l’article 16 de la DDH de 1789 (N° Lexbase : L1363A9D) qui garantissent le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif ainsi que le respect des droits de la défense.
Les sages soulignent que, selon les dispositions contestées, la peine complémentaire de confiscation peut porter sur tous les biens qui sont l’objet ou le produit direct ou indirect de l’infraction, à l’exception de ceux susceptibles de restitution à la victime. Par ailleurs, cette peine complémentaire peut être ordonnée en valeur et, le cas échéant, exécutée sur tous les biens appartenant au condamné. En matière d’escroquerie et de blanchiment, le Conseil expose que, toujours selon les dispositions litigieuses, peut être confisquée la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction ou la chose qui en est le produit, à l’exception des objets susceptible de restitution.
La Haute juridiction rappelle que selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, la confiscation peut également porter sur les biens dont les intéressés ont seulement la libre disposition, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi.
Toutefois, aucune disposition ne prévoit que le propriétaire dont le titre est connu ou qui a réclamé cette qualité au cours de la procédure soit mis en mesure de présenter ses observations sur la mesure de confiscation envisagée, notamment aux fins de faire valoir le droit qu’il entend revendiquer et sa bonne foi.
Pour cette raison, le Conseil constitutionnel juge que les dispositions contestées méconnaissance les principes découlant de l’article 16 de la DDHC de 1789 ci-dessus rappelés et déclare inconstitutionnel le troisième alinéa et les mots « ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition » figurant au neuvième alinéa de l’article 131-21 du Code pénal, le 4° de l’article 313-7 et le 8° de l’article 324-7 du même code.
Cette décision est la suite logique de celle rendue par le même Conseil le 23 avril dernier (Cons. const., décision n° 2021-899 QPC, du 23 avril 2021 (N° Lexbase : A10534Q3). Les Sages avaient alors jugé qu’était inconstitutionnelle la possibilité offerte par l’article 225-25 du Code pénal (N° Lexbase : L7002K7H) de confisquer un bien à la disposition d’une personne condamnée pour traite des êtres humains ou proxénétisme sans qu’il ne soit prévu que le tiers propriétaire puisse présenter ses observations devant la juridiction de jugement afin notamment de faire valoir le droit de propriété qu’il revendique.
Commentant cette dernière décision, Maître Matthieu Hy, avocat au barreau de Paris, avait d’ailleurs écrit : « dès lors qu’est abrogée l’expression « ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont elles ont la libre disposition », faute pour le législateur d’offrir un statut protecteur au tiers, toutes les dispositions qui font usage de ces termes apparaissent nécessairement contraires à l’article 16 de la DDHC » (Inconstitutionnalité du statut du tiers propriétaire lors de la phase de jugement, Lexbase Pénal, mai 2021 N° Lexbase : N7502BYI).
S’agissant des conséquences de la déclaration d’inconstitutionnalité. Le Conseil écarte les conclusions aux fins de transmission d’une question préjudicielle à la CJUE puis, estimant que l’abrogation immédiate des dispositions contestées entraînerait des conséquences manifestement excessives en privant la juridiction de jugement de la faculté de prononcer une peine de confiscation, il reporte au 31 mars 2022 la date de l’abrogation des dispositions contestées.
Rappelons cependant que le législateur a jusqu’au 31 décembre prochain pour modifier les dispositions de l’article 225-35 déclaré inconstitutionnel en avril. Or, plus de 30 dispositions font référence à la libre disposition dans le Code pénal. Une modification de l’article 131-21, cadre commun à tous les textes spéciaux, permettrait de rapidement mettre le droit des confiscations en conformité avec les exigences formulées par les Sages.
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