Lexbase Pénal n°41 du 23 septembre 2021 : Patrimoine

[Focus] Le patrimoine des sociétés confronté au droit pénal

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par Frédéric Stasiak, Professeur à l’Université de Lorraine

le 22 Septembre 2021

Mots-clés : patrimoine • abus de confiance • abus de biens sociaux • banqueroute • droit pénal des affaires • société in bonis • société en cessation des paiements • action civile • sanctions

En droit pénal des sociétés, les atteintes au patrimoine social réalisées par les dirigeants relèvent essentiellement des détournements d’actifs. Trois qualifications principales permettent d’appréhender ces comportements : l’abus de confiance pour les sociétés de personnes, l’abus de biens sociaux pour les sociétés de capitaux et la banqueroute pour les sociétés en cessation des paiements. La convergence de ces incriminations et la divergence des actions en réparation subséquentes conduit à s’interroger sur l’opportunité de fusionner les deux premières et de mieux redéfinir les contours de la troisième, afin d’aboutir à une protection optimale du patrimoine social par le droit pénal.

Cet article est issu du dossier spécial « Droit pénal et patrimoine : saisir et punir » publié le 23 septembre 2021 dans la revue Lexbase Pénal. Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici : (N° Lexbase : N8809BYW)


Le droit pénal reste très présent, voire très pressant, en droit des sociétés, malgré les différents mouvements de dépénalisation qu’a pu connaître la matière [1]. Des infractions subsistent aux différents stades qu’une personne morale peut connaître : constitution (émission et négociation illicites d’actions, surévaluation des apports en nature), fonctionnement (présentation ou publication de comptes annuels infidèles, répartition de dividendes fictifs, abus de biens sociaux, infractions relatives au commissariat aux comptes), disparition (désignation et obligations du liquidateur).

Il est possible d’y voir une forme d’oppression vis-à-vis du développement économique de l’entreprise, tout comme il est permis d’y percevoir une protection du patrimoine de la société contre le risque de satisfaction d’intérêts personnels au détriment de l’intérêt commun, contre le risque de « desaffectio » societatis en quelque sorte. Ce risque se matérialise principalement par une captation de l’actif social, au moyen d’une soustraction ou d’un détournement des biens de la société, réalisés par les salariés ou par les dirigeants de la personne morale.

Si la situation des salariés de la société passe par des appropriations frauduleuses classiques, telles que le vol ou l’abus de confiance, celle des dirigeants sociaux retient davantage l’attention dans la mesure où les détournements d’actifs sont susceptibles de revêtir des qualifications différentes selon le type, ou la situation comptable, de la société qui les subit : abus de confiance, abus de biens sociaux, banqueroute.

L’objet de cette étude n’est pas de revenir de façon détaillée sur les éléments constitutifs ou sur la répression de ces infractions, mais de s’interroger sur leur articulation dès lors qu’elles permettent d’appréhender les détournements réalisés par le dirigeant social, investi du pouvoir de gestion des biens de la société. Détourner signifie, littéralement, écarter de la voie à suivre [2] et, juridiquement, faire d’un bien une utilisation autre que celle prévue. En droit pénal des sociétés, les détournements de l’actif social réalisé par les dirigeants sociaux reçoivent la qualification spéciale d'abus de biens sociaux ou celle générale d'abus de confiance selon que la victime est une société de capitaux (SA, SAS, société en commandite par actions, SARL, ...) ou une société de personnes (société en nom collectif, société en commandite simple par exemple), du moins lorsque la société est in bonis et qu’elle dispose de l’ensemble de ses droits sur son patrimoine. En revanche, lorsque la société est en situation de cessation de paiements, et qu’elle ne peut plus faire face à son passif exigible avec son actif disponible [3], c’est le délit de banqueroute qui a vocation à s’appliquer, étant précisé qu’il ne s’agit pas d’une infraction spécifique aux sociétés [4]. L’article L. 626-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L3330ICC) incrimine à ce titre différents comportements dont le fait d’avoir « détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif du débiteur ».

Historiquement, l’abus de confiance, comme le vol ou l’escroquerie, tire son origine « de la notion unique de furtum connue du droit romain et de l’ancien droit français » [5] et fut consacré par l’article 408 du Code pénal de 1810. La banqueroute possède également une origine ancienne puisqu’elle tire son nom d’une pratique du Moyen-Âge consistant à rompre le banc [6] sur lequel siégeait le débiteur en faillite au sein d’une assemblée de marchands. Elle faisait alors l’objet d’une répression sévère puisque l’article 143 de l’ordonnance d’Orléans de 1560 précisait que « tous banqueroutiers et qui feront faillite en fraude seront punis extraordinairement et capitalement », la répression s’étant progressivement adoucie par la suite. En comparaison, les abus de gestion, que l’on désigne plus communément par une partie d’entre eux, les abus de biens sociaux, constituent des délits beaucoup plus récents puisqu’ils ont été créés par un décret-loi du 8 août 1935, à la suite d’un scandale politico-financier, l’affaire Stavisky.

Au-delà de leur composante matérielle commune, un détournement d’actif, ces infractions possèdent des champs d’application bien distincts et, a priori, insusceptibles de se recouper : sociétés de capitaux, sociétés de personnes, sociétés en cessation des paiements.

En pratique, la situation s’avère plus complexe puisque la jurisprudence retient parfois la qualification de banqueroute pour appréhender des détournements d’actifs antérieurs à la cessation des paiements, qui s’apparentent davantage à des abus de biens sociaux. Pourtant, le choix de la qualification n’est pas sans conséquence sur la répression de ces comportements et, surtout, sur la réparation des préjudices qui peuvent en résulter. Le législateur ajoute également à la confusion en multipliant les dispositions répressives au sein du Code de commerce, ce qui ne saurait être leur place naturelle, ou en limitant la recevabilité des actions civiles du chef de banqueroute, limitation que le juge pénal s’efforce de contourner.

Dès lors, la confrontation du patrimoine des sociétés au droit pénal fait apparaître une convergence des incriminations (I), à travers la notion de détournement, mais elle révèle une regrettable divergence des sanctions subséquentes (II).

I.Patrimoine des sociétés et convergence des incriminations

Si la convergence des incriminations relatives au détournement de biens de la société est patente lorsque la société est in bonis (A), elle s’avère moins évidente lorsque la société en situation de cessation des paiements (B).

A. Une convergence patente pour les atteintes au patrimoine de la société in bonis

Ces atteintes ont d’abord été appréhendées par le délit d’abus de confiance de l’article 408 de l’ancien Code pénal mais au prix, parfois, d’une application qualifiée d'« audacieuse » [7]. Ainsi, la jurisprudence retenait-elle la qualification d’abus de confiance en assimilant le contrat de société à un contrat de mandat, ou en interprétant largement les biens susceptibles d’être détournés [8].

Il aura fallu néanmoins attendre presque soixante-dix ans, et le scandale politico-financier de l’affaire Stavisky et un décret-loi du 8 août 1935, pour que soient palliées les insuffisances de l’article 408 du Code pénal de 1810 [9] par la création du délit dit d’abus de biens sociaux. Ce délit consiste, pour les dirigeants d’une société de capitaux, à faire, de mauvaise foi, soit des biens ou du crédit de la société, soit des pouvoirs qu’ils possèdent ou des voix dont ils disposent, un usage qu'ils savent contraire à l'intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement [10].

La distinction entre abus de biens ou du crédit et abus de pouvoirs, l’abus de voix étant aujourd’hui « inusité » [11], peut sembler artificielle dans la mesure où les pouvoirs de gestion du dirigeant social ont vocation à s’exercer sur les biens de la société.

Le décret-loi du 8 août 1935 ne visait initialement que les SA et les SARL mais, progressivement, le législateur a étendu l’incrimination à d’autres types de sociétés : sont désormais concernées les sociétés en commandite par actions [12], les sociétés par actions simplifiées [13] et les sociétés européennes [14]. En dehors du Code de commerce et sans prétendre à l’exhaustivité, sont également visées, le plus souvent par un renvoi à l’article L. 242-6 du Code de commerce (N° Lexbase : L9515IY3), les sociétés civiles de placement immobilier [15] ; les caisses d’épargne et de prévoyance [16] ; les sociétés de constructions [17] ; les entreprises d’assurance [18] ou les sociétés coopératives [19]. Les sociétés d’exercice libéral sont également concernées puisqu’elles peuvent revêtir la forme d’une SARL, d’une SA, d’une société par actions simplifiée ou d’une société en commandite par actions [20]. Ces diverses interventions législatives ont entraîné un développement anarchique de l’incrimination et de sa répression puisque certaines dispositions prévoient des peines distinctes de celles du Code de commerce [21] ou la répression de la tentative [22].

Le juge pénal retient une acception large des biens ou du crédit de la société. D’une part, tous les biens appartenant à la société sont concernés, corporels (matériel, mobilier) ou incorporels (créances [23], baux, brevets), meubles ou immeubles [24]. Parmi les comportements les plus fréquemment sanctionnés, il est possible de citer le dirigeant qui utilise du matériel ou du personnel de la société pour des constructions ou réparations à son domicile ; qui fait rémunérer par la société du personnel de maison [25], voire un détective privé [26] ; qui recourt à des emplois fictifs [27] ; qui se fait payer des dettes de jeu [28], des amendes pénales [29] ou des véhicules [30] ; qui s’octroie des rémunérations manifestement excessives [31] ou des prêts à un taux anormalement bas [32] ; qui s’attribue des redevances de cession de brevets ayant dû revenir à la société [33], qui s’approprie des sommes versées en paiement de marchandises [34], qui vend à un proche un bien immobilier appartenant à la société à un prix inférieur à sa valeur [35], ou même qui puise directement dans la caisse de la société [36], etc.

L’atteinte au crédit social, qui porte sur la capacité de la société à emprunter, garantir ou cautionner [37], s’apparente à une atteinte différée, voire potentielle, à l’actif social : « C'est l'aléa du décaissement qui caractérise l'abus de crédit » [38] et il importe peu que ce risque de décaissement se réalise ou non. Il suffit d’avoir exposé le patrimoine de la société à un risque auquel elle ne devait pas être soumise pour que le délit soit constitué [39].

Dès lors, se dessine un curieux partage répressif puisque les détournements affectant le patrimoine des autres formes sociales relèvent du délit de droit commun d’abus de confiance : tel est le cas pour les sociétés de personnes (sociétés en nom collectif, sociétés en commandite simple), les sociétés en participation [40], les sociétés de fait [41] ou encore, les sociétés de droit étranger [42]. Toutefois, les immeubles sont exclus du champ de l’abus de confiance, la jurisprudence refusant de les considérer comme des biens « quelconques », même si des avancées apparaissent à l’égard d’infractions proches [43]. La frontière entre l’abus de confiance et l’abus de biens sociaux n’est cependant pas étanche dans la mesure où le juge répressif « retient l’abus de confiance lorsque le comportement du dirigeant social a préjudicié essentiellement non pas à la société mais aux associés ou aux tiers » [44]. Ainsi en est-il du détournement de fonds confiés par un souscripteur à un gérant de SARL en vue d’une augmentation de capital et finalement affectés à la trésorerie générale de la société pour en apurer les dettes [45].

Dans ce contexte, une harmonisation des qualifications pénales des détournements de l’actif social des différents types de sociétés commerciales serait envisageable. Une alternative possible consisterait soit à élargir le champ d’application du délit d’abus de biens sociaux, à l’instar de l’article L. 247-8 du Code de commerce (N° Lexbase : L6478AIR), relatif au liquidateur, qui figure dans un chapitre VII du Code de commerce intitulé « Des infractions communes aux diverses formes de sociétés » ; soit à procéder à une « regénéralisation » [46] de la matière afin de soumettre tous les détournements de biens d’une société in bonis au délit d’abus de confiance. Le droit pénal y gagnerait assurément en clarté mais ce qui apparaît juridiquement souhaitable risque d’être considéré comme politiquement indésirable, d’aucuns risquant d’y voir une dépénalisation excessive du droit des sociétés, pour ne pas dire une amnistie pure et simple de certains comportements ou de certaines personnes.

B. Une convergence latente pour les atteintes au patrimoine de la société en cessation des paiements

Parmi les différents comportements incriminés par l’article L. 654-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L3433IC7), le détournement ou la dissimulation de l’actif du débiteur interpelle puisqu’ils évoquent clairement l’élément matériel des délits d’abus de confiance et d’abus de biens sociaux. Aussi n’est-il pas étonnant de retrouver ici des illustrations similaires à celles précédemment évoquées pour l'abus de biens sociaux, ce cas de banqueroute pouvant se manifester par des comportements tels que : des retraits de fonds non justifiés [47], l’octroi de rémunérations excessives au vu de la situation financière de l’entreprise [48], la non-restitution d’un véhicule appartenant à la société [49], le financement de la réfection de sa maison avec des fonds sociaux [50], la vente d’un fonds de commerce appartenant à la société en utilisant le prix de vente à des fins personnelles [51], la cession de matériel à une autre société dans laquelle le dirigeant a des intérêts [52], le détournement de règlements de clients et des contrats de construction constituant le patrimoine social [53] ou la vente d’une immeuble  pendant la période suspecte, à un prix très inférieur à son prix d’acquisition [54].

Plus généralement, l’article L. 654-2 du Code de commerce incrimine différents comportements qui semblent caractériser des formes d’abus de biens ou de pouvoirs, à l’instar des abus de gestion. Le débiteur, dirigeant social, n’abuse-t-il pas de ses pouvoirs lorsqu’il réalise des achats en vue d’une revente en dessous du cours, lorsqu’il emploie des moyens ruineux ou lorsqu’il tient une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière voire inexistante ? Et n’abuse-t-il pas des biens sociaux lorsqu’il détourne ou dissimule une partie de l’actif voire lorsqu’il augmente frauduleusement le passif ? C’est dire que les délits de banqueroute et d’abus de biens sociaux, ou d’abus de confiance, semblent se recouper au-delà du seul détournement d’actifs.

Une limite à cette superposition apparaît cependant à propos des comportements d’abstention : alors que la jurisprudence retient l’abus de confiance en cas de simple omission [55] et admet que « l’usage des biens ou du crédit de la société contraire à l’intérêt de celle-ci (puisse) résulter non seulement d’une action, mais aussi d’une abstention volontaire » [56], elle refuse de considérer que la banqueroute par détournement d’actif puisse résulter d’une abstention et, notamment, du fait que le débiteur aurait laissé perdre une créance, après le jugement d’ouverture de la procédure collective [57] ce qui n’apparaît guère protecteur de l’intérêt des créanciers sociaux. Il en va différemment pour la banqueroute par dissimulation d’actifs qui peut résider dans le fait de ne pas remettre au liquidateur ni au repreneur de la société les codes sources permettant de faire évoluer, en fonction des besoins de la clientèle, les logiciels qui figurent à l’actif du bilan de la société [58]. Cependant, la dissimulation se distingue difficilement du détournement dans la mesure où dissimuler tout ou partie de l’actif social revient à en faire un usage autre que celui prévu.

La similarité des comportements incriminés au titre de la banqueroute et de l’abus de biens sociaux, ou de l’abus de confiance, aurait dû conduire la jurisprudence à mettre en place un critère de distinction simple, par exemple l’antériorité ou la postériorité du détournement par rapport à la cessation des paiements, en rappelant que le juge pénal n’est pas lié par la date de cessation des paiements retenu par la juge commercial ou civil. L’abus de biens sociaux, ou l’abus de confiance, serait retenu dans la première situation et la banqueroute dans la seconde. Pourtant, la jurisprudence décide que les qualifications de banqueroute et d’abus de biens sociaux sont incompatibles [59], ce qui suppose la survenance de situations dans lesquelles les deux qualifications ont vocation à s’appliquer cumulativement. Si la banqueroute doit être seule retenue lorsque les faits poursuivis sont postérieurs à la date de cessation des paiements [60] la situation se complique lorsque lesdits faits sont antérieurs à cette date. Par principe, l’abus de biens sociaux devrait être retenu[61] mais la banqueroute peut l’être aussi dès lors, selon la Chambre criminelle, que les faits « ont pour objet ou pour effet soit d’éviter ou de retarder la constatation de cet état, soit d’affecter la consistance de l’actif disponible, dans des conditions de nature à placer l’intéressé dans l’impossibilité de faire face au passif exigible » [62].

En retenant, même sous certaines conditions, la banqueroute plutôt que l’abus de biens sociaux pour des faits antérieurs à la cessation des paiements la jurisprudence crée un concours idéal de qualifications. Dans cette situation, seule la qualification emportant la peine la plus élevée devrait être retenue, en l’occurrence l’abus de biens sociaux. Il pourrait en aller différemment si les deux qualifications en concours protégeaient des valeurs sociales distinctes, car il conviendrait alors de faire application des règles du concours réel d’infractions [63], c’est-à-dire de retenir les deux infractions et de cumuler les peines de même nature dans la limite de la plus grave encourue. Si l’on estime que la banqueroute porte atteinte au crédit social [64], force est de constater qu’elle ne fait que recouper l’abus de gestion portant sur le crédit de la société, qui n’est qu’une composante de l’intérêt social. Les règles du concours réel d’infractions pourraient être retenues en cas de conflit de qualification avec l’abus de confiance qui semble protéger deux valeurs distinctes, la propriété et la confiance, mais avec une « prédominance » [65] de la première sur la seconde.

Telle n’est cependant pas la solution retenue par la jurisprudence pénale qui retient le seul délit de banqueroute en pareille situation. Cette solution n’apparaît guère convaincante car, en prenant en considération la survenance d’un événement postérieur au détournement d’actifs, la cessation des paiements, pour en déterminer la qualification applicable, cette jurisprudence s’éloigne du principe selon lequel cette qualification doit se faire au temps de l’action. Il est permis de se demander si cette prédilection jurisprudentielle pour la banqueroute lorsque les faits sont antérieurs à la cessation des paiements, ne procéderait pas d’une certaine facilité répressive, dans la mesure où la banqueroute ne suppose pas de caractériser la recherche d’un intérêt personnel. L’interrogation ne semble cependant pas valoir pour l’abus de confiance qui ne nécessite pas la caractérisation de cet intérêt personnel, ce qui tendrait à rapprocher ce délit de celui de banqueroute. Pourtant, la jurisprudence décide que « s'il appartient au juge répressif de restituer aux faits dont il est saisi leur véritable qualification, c'est à la condition de n'y rien ajouter, sauf acceptation expresse par le prévenu d'être jugé sur des faits et circonstances non compris dans la poursuite (or) les éléments constitutifs du délit d'abus de confiance, différents de ceux de la banqueroute par détournement d'actif, n’étaient pas compris dans la poursuite » [66].

Qui plus est, le choix de la qualification d’abus de confiance, d’abus de biens sociaux ou de banqueroute n’est pas neutre au regard des sanctions, pénales ou civiles, qui peuvent en découler [67].

II. Patrimoine des sociétés et divergences des sanctions

Si ces divergences apparaissent relatives à l’égard des sanctions répressives (A), elles s’avèrent excessives à l’égard des sanctions réparatrices (B).

A. Divergences relatives des sanctions répressives

Les peines principales encourues pour les infractions examinées divergent peu, en particulier depuis que la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 (N° Lexbase : L2698LZX) [68] a aligné la durée de la peine d’emprisonnement de l’abus de confiance sur celle prévue pour l’abus de biens sociaux et la banqueroute, c’est-à-dire cinq ans. Les peines d’amende varient davantage puisqu’elles sont de 375 000 pour l’abus de confiance et l’abus de biens sociaux, mais seulement de 75 000 euros pour la banqueroute, sans doute afin de tenir compte de la situation de cessation des paiements du débiteur à la procédure collective, ce qui peut ne pas convaincre précisément lorsque le débiteur a détourné des éléments d’actifs.

Les circonstances aggravantes sont plus diversifiées puisque l’abus de confiance peut être puni de sept ans d’emprisonnement et 750 000 euros d’amende lorsqu’il est réalisé dans l’une des quatre circonstances énumérées par l’article 314-2 du Code pénal (N° Lexbase : L0466DZB), voire de dix ans d’emprisonnement et 1,5 million d’euros d’amende lorsqu’il est commis réalisé « par un mandataire de justice ou par un officier ministériel soit dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, soit en raison de sa qualité » [69]. Pour l’abus de biens sociaux, stricto sensu, il aura fallu attendre la loi n° 2013-1117, du 6 décembre 2013 (N° Lexbase : L6136IYW) [70], pour que cette infraction soit assortie d’une circonstance aggravante et punie « de sept ans d'emprisonnement et de 500 000 euros d'amende lorsqu'elle a été réalisée ou facilitée au moyen soit de comptes ouverts ou de contrats souscrits auprès d'organismes établis à l'étranger, soit de l'interposition de personnes physiques ou morales ou de tout organisme, fiducie ou institution comparable établis à l'étranger ». Quant à la banqueroute, les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende lorsque l’auteur est le dirigeant d’une entreprise prestataire de service d’investissement ou prestataire de service d’investissement [71].

Parmi les peines complémentaires prévues par le Code pénal, l’interdiction d’exercer une activité industrielle ou commerciale, ou de diriger une société devrait logiquement accompagner les dirigeants sociaux qui ont abusé de leurs pouvoirs ou des biens de la société. L’article 314-10, 2° du Code pénal (N° Lexbase : L2467IBY) prévoit une peine de cette nature pour l’auteur d’un abus de confiance : « L'interdiction, suivant les modalités prévues par l'article 131-27 (N° Lexbase : L9467IYB), soit d'exercer une fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise, soit d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale. Ces interdictions d'exercice peuvent être prononcées cumulativement ». Aussi est-il surprenant qu’une disposition rigoureusement identique figure à l’article L. 249-1 du Code commerce (N° Lexbase : L2526IB8) en droit des sociétés commerciales ainsi qu’à l’article L. 654-5 du même code (N° Lexbase : L2532IBE) pour la banqueroute, la divergence étant ici purement formelle, donc artificielle : un renvoi à l’article 131-27 du Code pénal pourrait être utilement opéré [72].

S’agissant spécifiquement de la banqueroute, et suite à une évolution [73] que l’on pourrait qualifier de chaotique, le juge pénal se trouve aujourd’hui privé de la possibilité de prononcer la faillite personnelle de l’article L. 653-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L4144HB4) et l’interdiction de gérer de l’article L. 653-8 du même code (N° Lexbase : L2082KG9) qui relèvent de la compétence des seules juridictions civiles ou commerciales [74]. Sans doute conviendrait-il de fusionner ces deux « sanctions ayant le caractère d’une punition » [75] qui se recoupent largement. Il serait possible de préciser, par exemple, que la faillite personnelle « emporte l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute entreprise ayant toute autre activité indépendante et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci » et de l’étendre aux deux autres situations actuellement visées aux alinéas 2 et 3 de l’article L. 653-8 du Code de commerce (N° Lexbase : L2082KG9).

Par ailleurs, dès lors que l’action publique a été émise en mouvement du chef de banqueroute, il conviendrait de permettre à la juridiction répressive de recourir à cette sanction, à titre de peine complémentaire [76]. Dans cette perspective, l’alternative pourrait être la suivante : soit revenir à la rédaction de l’ancien article L. 626-6 du Code de commerce (N° Lexbase : L9523ICP), antérieur à la loi la loi no 2005-845, du 26 juillet 2005 (N° Lexbase : L5150HGT) [77], qui disposait notamment que « lorsqu'une juridiction répressive et une juridiction civile ou commerciale ont, par des décisions définitives, prononcé à l'égard d'une personne la faillite personnelle ou l'interdiction prévue à l'article L. 625-8 à l'occasion des mêmes faits, la mesure ordonnée par la juridiction répressive est seule exécutée » ; soit préciser que lorsque la juridiction répressive et la juridiction civile ou commerciale ont prononcé cette sanction par des décisions définitives, leurs durées peuvent se cumuler dans la limite du maximum légal de quinze ans prévu par l’article L. 653-11, al. 1er, du Code de commerce (N° Lexbase : L3328ICA), afin d’être en conformité avec le principe de stricte nécessité des peines [78].

Par ailleurs, lorsque la personne condamnée pour banqueroute est le dirigeant d’une entreprise prestataire de service d’investissement, ou lorsqu’il est prestataire de service d’investissement, il s’expose à la peine accessoire de l’article L. 500-1 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L8171LSG) qui prévoit une interdiction de diriger, gérer, administrer, d’être membre d'un organe collégial de contrôle de certains organismes, ou de disposer du pouvoir de signer pour le compte de cet organisme [79]. Toutefois, la condamnation qui déclenche l’application de cette peine doit comporter une peine d'emprisonnement ferme ou d'au moins six mois avec sursis. Le juge peut donc éviter le déclenchement de cette peine accessoire en prononçant une peine d’emprisonnement inférieure aux seuils requis. Dans le cas contraire, il n’est pas dépourvu de tout pouvoir d’appréciation puisqu’il peut « en réduire la durée » [80]. Pour autant, les remarques précédemment formulées à propos des interdictions professionnelles figurant dans le Code de commerce peuvent être reprises à propos de l’article L. 500-1 du Code monétaire et financier. D’abord, il peut sembler incongru qu’une peine accessoire puisse subsister alors que ce type de peine est en principe prohibé par l’article 132-17 du Code pénal (N° Lexbase : L3757HGA). Toutefois, l’article 132-21, alinéa 2 du même code (N° Lexbase : L3759HGC) prévoit le relèvement possible des interdictions, déchéances ou incapacités résultant « de plein droit, en raison de dispositions particulières, d’une condamnation pénale » et l’article L. 500-1 du Code monétaire et financier n’est pas la seule disposition particulière à contenir une peine résultant de plein droit d’une condamnation pénale[81]. Ensuite, il conviendrait de ramener cette interdiction professionnelle dans le giron de l’article 131-27 du Code pénal et d’en faire une peine complémentaire afin d’éviter une possible inconstitutionnalité [82] de l’article L. 500-1 qui, dans sa rédaction actuelle, pourrait s’avérer incompatible avec le principe de nécessité des peines ou constituer une entrave excessive à la liberté d’entreprise.

B. Divergence excessive des sanctions réparatrices

Deux régimes coexistent pour la réparation des préjudices résultant d’une atteinte au patrimoine social : le régime général de l’article 2 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9908IQZ) pour l’abus de confiance ou l’abus de biens sociaux, et le régime spécial prévu par l’article L. 654-17 du Code commerce (N° Lexbase : L4163HBS) pour la banqueroute

1) Les personnes recevables à exercer l’action civile du chef des infractions d’abus de confiance et d’abus de biens sociaux.

Lorsque la société est in bonis, deux infractions ont vocation à s’appliquer : l’abus de biens sociaux, s’il s’agit d’une société de capitaux, et l’abus de confiance, s’il s’agit d’une société de personnes. Or la jurisprudence ne soumet pas l’action civile du chef de l’une ou l’autre de ces infractions au même régime.

Concernant l’abus de biens sociaux, la Chambre criminelle affirme que « les abus de biens sociaux portent atteinte non seulement aux intérêts des associés, mais aussi à ceux des tiers qui contractent à avec elle (sic) » [83] mais encore convient-il de distinguer entre les atteintes directes et indirectes portées à ces différents intérêts. L’action de la société victime des détournements est bien évidemment recevable, qu’elle soit exercée ut universi par le représentant légal de la société, son dirigeant le plus souvent, du moins s’il n’est pas lui-même auteur de l’infraction ou qu’elle soit exercée ut singuli par un ou plusieurs associés ou actionnaires [84]. Normalement destinée à pallier la carence des organes statutaires dans la protection des intérêts sociaux, l’action sociale ut singuli suppose que les associés ou les actionnaires agissent, à leurs frais, comme des mandataires occasionnels de la personne morale : les éventuels dommages-intérêts obtenus rejoignent donc le patrimoine de la société. Cette action est largement accueillie par la jurisprudence pénale, peut-être en compensation du rejet de l’action civile personnelle des associés ou des actionnaires [85]. D’une part, la Chambre criminelle semble atténuer le caractère subsidiaire de l’action ut singuli, en admettant sa recevabilité alors que le représentant légal, présent en première instance, n’interjette pas appel de la décision [86]. D’autre part, elle admet que cette action puisse être exercée, au sein d’un groupe de sociétés, par l’actionnaire minoritaire de la société mère, elle-même actionnaire de l’une de ses filiales victime d’un abus de biens sociaux [87]. L’action ut singuli est également recevable à l’encontre des complices et receleurs de l’abus de biens sociaux, alors même que l’action publique serait éteinte à l’égard de l’auteur de l’infraction principale [88]. Deux situations particulières peuvent encore être évoquées : dans le cadre d’un groupe de sociétés, c’est la société mère qui a qualité pour agir en réparation du préjudice qu’elle a subi du fait de l’abus de biens subi par sa filiale à 100 % [89] et, en cas de fusion-absorption, c’est la société absorbante qui est recevable à se constituer partie civile en raison du préjudice qu’elle subit [90].

À l’opposé, mais de façon tout aussi constante, la Chambre criminelle déclare irrecevable l’action civile des créanciers sociaux [91], ou celle des salariés [92], au motif qu’ils ne subissent qu’un préjudice indirect dont la réparation ne peut être demandée que devant les juridictions civiles [93]. En revanche, est recevable l’action du liquidateur désigné comme représentant des créanciers sociaux en cas de liquidation de la société victime d’un abus de biens sociaux, tant qu’il n’a pas été procédé à la clôture des opérations de liquidation [94]. Pourtant, il a été rappelé que lorsque les détournements d’actifs ont eu pour objet ou pour effet d’aboutir à l’ouverture d’une procédure collective, c’est la qualification de banqueroute que la jurisprudence privilégie [95].

Quant à l’action civile des associés ou des actionnaires, elle a connu une évolution plus contrastée. Leur action civile a d’abord été rejetée [96], puis largement admise [97], au motif que leur préjudice personnel, distinct du préjudice social, consistait essentiellement en une privation de bénéfice ou une perte de valeur de leurs actions découlant directement de l’infraction [98]. Toutefois, leur action a de nouveau été déclarée irrecevable en raison du caractère indirect du préjudice subi [99]. Les associés ou les actionnaires ne se trouvent pas complètement démunis dans la mesure où le juge pénal accueille l’action en réparation de leur préjudice personnel du chef de présentation ou de publication de comptes annuels infidèles [100]. Il a justement été remarqué que « cela leur sera d’autant plus facile que, bien souvent, la passation inexacte d’écritures comptables servira au dirigeant social indélicat à dissimuler la destination des fonds détournés, objet de l’abus » [101].

S’agissant des préjudices réparables, le juge pénal se montre accueillant puisqu’il admet que la société puisse subir un préjudice moral [102], même si c’est le préjudice matériel qui est le plus souvent retenu. Ce préjudice correspond, classiquement, au montant de l'abus de gestion et doit être intégralement réparé [103]. L’appréciation de son montant relève de l’appréciation souveraine des juges du fond [104] qui peuvent, par exemple, réparer le préjudice résultant du règlement de factures de prestations fictives de formations émises par la société du prévenu pour couvrir les détournements d'actif auxquels il se livrait dans son seul intérêt personnel, sans tenir compte du montant des subventions dont la société a indûment bénéficié sur le fondement de ces formations fictives [105]. En revanche, il ne saurait être question de condamner le prévenu à rembourser l'intégralité des rémunérations qu'il a perçues alors que seul l'excès de ces rémunérations est préjudiciable à la société [106]. En tout état de cause, il importe peu que le prévenu n'ait pas profité de la totalité de ces détournements [107].

Le dirigeant coupable doit rembourser les sommes détournées mais également verser des dommages-intérêts à la société [108], étant précisé que la société ne saurait être mise en cause en raison du soutien financier qu'elle a pu apporter à ses dirigeants mis en examen, ni par la défaillance des organes de contrôle, ni même par l'accroissement de ses bénéfices lié aux agissements reprochés [109].

Il convient cependant de prendre en considération le revirement intervenu par un arrêt de la Chambre criminelle du 25 juin 2014 [110], rendu dans l’affaire Kerviel à propos du délit d’abus de confiance. La Cour de cassation décide, aux visas de l’article 2 du Code de procédure pénale et de l’article 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1018KZQ) que « lorsque plusieurs fautes ont concouru à la production du dommage, la responsabilité de leurs auteurs se trouve engagée dans une mesure dont l'appréciation appartient souverainement aux juges du fond ». C’est dire, désormais, que la victime d’une infraction intentionnelle contre ses biens peut se voir opposer sa faute de négligence, dont l’impact causal relève de l’appréciation souveraine des juges du fond [111]. Plus précisément, la négligence de la société aura une incidence sur l'étendue de son droit à réparation. Se pose néanmoins la question de savoir quelle personne physique, organe ou représentant, devra avoir commis cette négligence pour que celle-ci puisse être imputée à la personne morale. Il ne saurait s’agir du dirigeant poursuivi pour les raisons précédemment indiquées. Aussi, ne peut-il s’agir que des autres organes de direction ou de gestion de la société, ce qui devrait fortement les inciter à s’impliquer dans la gestion de la société.

S’agissant de l’abus de confiance, l’action civile est largement ouverte « non seulement au propriétaire, mais encore aux détenteurs et possesseurs des effets ou des deniers détournés » [112]. Dans ces conditions, est recevable l’action civile d’une société en charge de la gestion des comptes de ses clients, pour les malversations commises à leur détriment par ses dirigeants [113], ou celle d’une banque dont un employé détourne les fonds déposés par les clients sur leurs comptes [114]. Il en va de même, selon la Chambre criminelle, en cas de détournements commis par l’associé en nom collectif, occasionnant un préjudice personnel et direct aux autres associés qui répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales [115]. Pourtant, l’on discerne mal en quoi l’associé d’une société de personnes subirait un préjudice plus direct, ou moins indirect, que celui d’une société de capitaux. Il répond, certes, indéfiniment et solidairement des dettes sociales mais il ne le fait que de façon subsidiaire [116]. En cas de détournement de l’actif social, l’obligation à la dette n’est donc que la conséquence de l’appauvrissement de la société, ce qui semble établir le caractère indirect du préjudice subi par l’associé en nom collectif et, partant, l’irrecevabilité de sa constitution de partie civile au regard des exigences de l’article 2 du Code de procédure pénale.

2) Les personnes recevables à exercer l’action civile du chef de banqueroute

L’article L. 654-17 du Code de commerce énumère limitativement les personnes recevables à se constituer partie civile du chef de banqueroute : l'administrateur, le mandataire judiciaire, le représentant des salariés, le commissaire à l'exécution du plan, le liquidateur ou, enfin, la majorité des créanciers nommés contrôleurs agissant dans l'intérêt collectif des créanciers lorsque le mandataire de justice ayant qualité pour agir n'a pas agi, selon l’article R. 654-1 du Code de commerce, après une mise en demeure restée sans suite pendant deux mois. L’article L. 641-9 du Code de commerce (N° Lexbase : L7329IZH) prévoit, par ailleurs, que le débiteur en liquidation judiciaire « peut se constituer partie civile dans le but d’établir la culpabilité de l’auteur d’un crime ou d’un délit dont il serait victime, s’il limite son action à la poursuite de l’action publique sans solliciter de réparation civile ». Ce texte vise n'importe quelle infraction et pas uniquement celles liées à la procédure collective.

En dehors de ces cas légaux, toute autre constitution de partie civile devrait être déclarée irrecevable et la Chambre criminelle considère comme telle l’action civile des salariés [117] ou celle d’un agent judiciaire du Trésor qui « ne figure pas au nombre des personnes que l'article L. 654-17 du Code du commerce autorise seules, par dérogation à l'article 2 du Code de procédure pénale, à se constituer partie civile du chef de banqueroute » [118].

La question se pose de savoir si la société ne pourrait pas également être considérée comme victime du délit de banqueroute et se constituer partie civile de ce chef. La réponse apparaît négative dans la mesure où l’article L. 654-7 du Code de commerce (N° Lexbase : L3411ICC) prévoit la responsabilité pénale de la personne morale. Par conséquent, si les conditions de l’article 121-2 du Code pénal (N° Lexbase : L3167HPY) sont réunies, la société peut se voir imputer le délit de banqueroute. Toutefois, une doctrine autorisée estime qu’ « il est permis de penser qu'en pratique, c'est le président ou le gérant, personne physique, qui peut engager sa propre responsabilité pénale pour cette infraction. En effet, c'est lui qui aura omis de faire tenir régulièrement une comptabilité, aura eu recours à des moyens ruineux de se procurer des fonds ou aura détourné un élément d'actif. En revanche, l'administrateur est plus mal placé pour commettre un tel délit, dès lors qu'il ne fait que participer à une décision collective et qu'il n'aura pas accès aux comptes bancaires ou ne pourra pas appréhender certains éléments d'actif […]. À notre sens, seule la personne physique devrait être recherchée pénalement, tandis que la personne morale pourrait être poursuivie pour recel ou être garante des réparations civiles » [119].

À l’instar de l’abus de biens sociaux, la personne morale apparaît davantage comme une victime des détournements d’actifs opérées par son dirigeant, surtout lorsque ces comportements interviennent avant la cessation des paiements et qu’ils conduisent la personne morale à une telle situation. D’ailleurs, même lorsque les détournements de l’actif social interviennent après la date de cessation des paiements, peut-on véritablement considérer que la banqueroute a été commise « pour le compte » de la personne morale, au sens de l’article 121-2 du Code pénal ? Dans un arrêt, qui semble isolé, du 22 septembre 2010 [120], la Chambre criminelle approuve les juges du fond, lesquels ont déclaré coupable de banqueroute une banque dont le directeur, ayant par ailleurs la qualité de gérant de fait d'une SCI mise en liquidation judiciaire, avait employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds dans l'intention de retarder l'ouverture de la procédure collective dont cette société avait fait l'objet. Il était ainsi reproché à la banque d’avoir « artificiellement maintenu les crédits en compte courant, dans le but de réaliser des actifs à son profit et de réduire ainsi le débit de ce compte ». Il a été justement souligné que « la banque aurait dû être condamnée, en l'espèce, pour complicité du délit de banqueroute et non en tant qu'auteur principal » [121].

Ce régime spécifique de l’action civile, dérogatoire à l’article 2 du Code de procédure pénale se justifierait par le fait que « le délit de banqueroute porte atteinte au crédit social, et non à l’intérêt social, les personnes recevables à se constituer partie civile du chef de ce délit diffèrent largement de celles l’étant du chef d’abus de biens sociaux » [122]. L’explication n’emporte pas pleinement la conviction dans la mesure où les dispositions relatives aux abus de gestion visent expressément l’abus du crédit de la société [123]. Faudrait-il alors considérer que ce sont davantage les créanciers sociaux qui seraient protégés par l’incrimination de la banqueroute [124] dans la mesure où, ayant fait « crédit » à l’entreprise, leur confiance aurait été abusée ? Une telle approche pourrait expliquer les solutions divergentes relatives au fait justificatif tiré de l’existence d’un groupe de sociétés, selon qu’il s’agit d’un abus de biens sociaux [125] ou d’une banqueroute [126], mais elle se heurte à une objection dirimante : les créanciers sociaux ne figurent pas dans la liste de l’article L. 654-17, contrairement à l’ancien article 137 de la loi du 13 juillet 1967 [127]. Par conséquent, ces derniers sont en principe irrecevables à se constituer partie civile du chef de banqueroute [128], sauf à ce qu’ils puissent invoquer, par voie d’intervention, un préjudice distinct du montant de la créance déclarée dans la procédure collective ouverte contre son débiteur et découlant directement de l’infraction [129]. Tel semble être le cas, par exemple, de la perte de chance de récupérer leur créance [130], ou « si les sommes perçues (viennent) en déduction du montant des créances arrêtées dans le cadre de la procédure collective […] de sorte qu’ils ne percevront pas une double indemnisation » [131]. La jurisprudence admet également la recevabilité de l’action en réparation du chef de banqueroute par détournement d’actifs contre des dirigeants sociaux déjà condamnés dans le cadre d’une action en comblement d’insuffisance d’actif, les deux actions, qui possèdent un objet différent, pouvant se cumuler [132].

Cette propension du juge pénal à sortir du carcan de l’article L. 654-17 se retrouve également à propos du cessionnaire des actifs sociaux puisque la Chambre criminelle a décidé que « l’article L. 654-17 du Code de commerce n’interdit pas que toute personne ayant personnellement souffert des conséquences directes d’une banqueroute puisse se constituer partie civile pour obtenir réparation de son préjudice et que le cessionnaire des actifs de la société en redressement judiciaire subit un préjudice direct résultant du détournement de certains actifs, objet de la cession » [133].

Quant aux associés ou aux actionnaires, Il semble possible d’adopter un raisonnement identique à celui retenu pour l’abus de biens sociaux, même si « la Haute juridiction n’a pas clairement tranché la difficulté » [134]. Il s’agirait de distinguer selon qu’ils agissent ut singuli pour demander la réparation du préjudice subi par la société, auquel cas leur action semble recevable [135], ou qu’ils demandent la réparation de leur préjudice personnel, auquel cas leur action est irrecevable [136], sauf à ce « qu'ils invoquent un préjudice distinct du montant de leur créance déclarée dans la procédure collective ouverte contre leur débiteur et résultant directement de l'infraction » comme l’a récemment décidé la Chambre criminelle [137].

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Au terme de cette étude, une certaine perplexité demeure non pas sur le principe même de l’intervention du droit pénal pour protéger le patrimoine des sociétés, mais sur les modalités de cette intervention, spécialement à l’égard des détournements d’actifs. Il semblerait judicieux de ne retenir qu’une seule infraction pour appréhender la situation des sociétés in bonis. Il conviendrait également de s’interroger davantage sur le statut d’auteur ou de victime de banqueroute d’une société faisant l’objet d’une procédure collective.

La perplexité persiste encore sur les modalités de l’action civile du chef des infractions étudiées. Le juge pénal semble parfois adopter une position extensive lorsque cette action se fonde sur la disposition dérogatoire du droit des procédures collectives prévue par le Code de commerce, alors qu’il semble retenir une position restrictive lorsque cette action se fonde sur la disposition générale de l’article 2 du code de procédure pénale, ce qui ne participe guère d’une protection optimale du patrimoine social.

 

[1] Voir Ph. Conte et W. Jeandidier, Droit pénal des sociétés commerciales, LexisNexis Litec, coll. Affaires-Finances, 2004, pp. 4 à 8 ; M.-C. Sordino, Rev. Lamy dr. aff., 2021, p. 408-410.

[2] Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales [en ligne].

[3] C. com., art. L. 621-1 (N° Lexbase : L2762LBW).

[4] Ibid.

[5] R. Merle et A. Vitu, Droit pénal spécial par A. Vitu, Traité de droit criminel, Cujas 1982, p. 1794, n° 2205.

[6] De l’italien banca rotta, signifiant littéralement « banc rompu ».

[7] V. Verdier, L'abus de mandat social : abus des biens et du crédit de la société ; abus des pouvoirs, in Le droit pénal des sociétés anonymes, D., 1955, p. 184.

[8] W. Jeandidier, Abus des biens, du crédit, des pouvoirs ou des voix, JCl Sociétés, fasc. 60, §1.

[9] Alors, par exemple, que l’infraction de répartition de dividendes fictifs existait dès la loi du 24 juillet 1867 : en ce sens J.-H. Robert et H. Matsopoulou, Traité de droit pénal des affaires, coll. Droit fondamental, PUF, 2004, p. 471.

[10] Cf. C. com., actuels art. L. 241-3, 4° et 5° (N° Lexbase : L9516IY4) et L. 242-6, 2° et 3° 6 (N° Lexbase : L9515IY3). D’une certaine manière, toute infraction commise par un dirigeant social, ès-qualité, ne relève-t-elle pas d’un abus des biens de la société ou du pouvoir qu’il détient au sein  de celle-ci ?

[11] D. Rebut, V° Abus de biens sociaux, éléments constitutifs, Rép. pén. Dalloz n° 144.

[12] C. com., art. L. 243-1 (N° Lexbase : L6446AIL).

[13] C. com., art. L. 244-1 (N° Lexbase : L5772ISL).

[14] C. com., art. L. 244-5 (N° Lexbase : L3844HBY).

[15] C. mon. fin., art. L. 231-11 (N° Lexbase : L3727APQ).

[16] C. mon. fin., art. L. 512-87 (N° Lexbase : L9606DYG) et L. 512-90 (N° Lexbase : L4967IZY).

[17] CCH, art. L. 241-6 (N° Lexbase : L7297ABU) et L. 313-32 (N° Lexbase : L7343LA9).

[18] C. assur., art. L. 328-3 (N° Lexbase : L7040IAY).

[19] Loi n° 47-1775, du 10 septembre 1947, portant statut de la coopération, art. 26, al. 3 (N° Lexbase : L4471DIG).

[20] Loi n° 90-1258, du 31 décembre 1990, relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales, art. 1er (N° Lexbase : L3046AIN).

[21] CCH, art. L. 241-6 (N° Lexbase : L7297ABU) : 5 ans et 18 000 euros ; CCH, art. L. 313-32 : 5 ans et 150 000 euros (N° Lexbase : L7343LA9).

[22] CCH, art. L. 241-6. V. égal. C. com., art. L. 247-8 (N° Lexbase : L6478AIR), qui punit le liquidateur d’un emprisonnement de 5 ans et d’une amende de … 9000 euros.

[23] Encore que, pour les créances, la jurisprudence privilégie l’abus de pouvoirs : Cass. crim., 15 mars 1972, n° 71-91.378 (N° Lexbase : A6940AG7) : B. Bouloc, note, Revue des sociétés, 1973, p. 357. Cependant, pour le détournement de clientèle : Cass. crim., 8 janvier 1998, n° 96-86.640 (N° Lexbase : A5235CPL) ; comp. Cass. crim., 19 novembre 1979, n° 78-91.77 (N° Lexbase : A3506AGX) ; Cass. crim., 10 janvier 1994, n° 92-86.380 (N° Lexbase : A6197CQL).

[24] Cass. crim., 19 octobre 1971, n° 70-90.661 (N° Lexbase : A1689CIE) pour la vente, à l’épouse de l’un des dirigeants sociaux, d’un immeuble appartenant à la société à un prix inférieur aux évaluations réalisées.

[25] Cass. crim., 26 juin 1978, n° 77-92.833 (N° Lexbase : A3465AGG) : JCP 1978, IV, 273.

[26] Cass. crim., 20 février 2002, n° 01-86.329, F-P+F (N° Lexbase : A1903AY7) : B. Bouloc, obs., Revue des sociétés 2002, p. 546

[27] Cass. crim., 28 mai 2003, n° 02-83.544, FS-P+F+I (N° Lexbase : A8644C8N) : J.-F. Barbiéri, note, Bull. Joly 2003, p. 1147.

[28] Cass. crim., 6 mars 1974, n° 73-90640 (N° Lexbase : A2946CG9).

[29] Cass. crim., 3 février 1992, n° 90-85.431 (N° Lexbase : A0375ABI).

[30] Cass. crim., 26 février 1998, n° 96-86.505 (N° Lexbase : A4746C38) : B. Bouloc, obs., Revue des sociétés, 1998, p. 604

[31] Cass. crim., 22 septembre 2004, F-D (N° Lexbase : A1435WTC) : J.-H. Robert, obs., Dr. pén., 2005, comm. 177.

[32] Cass. crim., 26 juin 1978, n° 77-92.833 (N° Lexbase : A3465AGG).

[33] Cass. crim., 14 novembre 1973, n° 72-93.925 (N° Lexbase : A9810AGG) : B. Bouloc, obs., Revue des sociétés, 1974, p. 550.

[34] Cass. crim., 16 mars 1970, n° 95-84.315 (N° Lexbase : A2549CIA) : B. Bouloc, obs., Revue des sociétés 1970, p. 480.

[35] Cass.  crim., 19 octobre 1971, op. cit.

[36] Cass. crim., 8 mars 1967, n° 65-93.757 (N° Lexbase : A5750CG3).

[37] Le délit peut être caractérisé vis-à-vis du dirigeant social faisant garantir par la société, par des sûretés réelles ou personnelles, des dettes personnelles (Cass. crim., 10 mai 1955, Bull. crim., no 234) ou de ses proches, comme par exemple sa maîtresse (Cass. Crim., 13 mars 1975, n° 91-95.574, Bull. n° 78 [numéro de pourvoi]).

[38] E. Joly et C. Joly-Baumgartner, L'abus de biens sociaux à l'épreuve de la pratique, Économica, 2002, p. 74.

[39] Cass. crim., 27 octobre 1997, n° 96-83.698, affaire Carignon (N° Lexbase : A4624AGD) : Bouloc, note, Revue des sociétés, 1997, p. 869 ; Robert, note, Dr. pén., 1998, comm. 21 ; M. Pralus, note, JCP 1998, II, 10017.

[40] Cass. crim., 28 octobre 1981, n° 80-95268 (N° Lexbase : A3724CK7) ; Cass. crim., 13 juin 1983, n° 81-95.011 (N° Lexbase : A9473ATZ).

[41] Cass. crim., 1er février 1972, n° 70-92.146 (N° Lexbase : A6234CEM) : J.-J. Burst, note, JCP 1973, II, 17304.

[42] Cass. crim., 3 juin 2004, n° 03-80.593 (N° Lexbase : A8112DCG).

[43] Comp. Cass. crim., 28 sept mbre 2016, n° 15-84.485, FS-P+B (N° Lexbase : A7125R4N) pour le recel d’un bien immobilier provenant d’une escroquerie.

[44] S. Détraz, V° abus de confiance, Rev. Lamy dr. aff., 2021, p. 173, § 435.

[45] Cass. crim., 9 janvier 1980, n° 79-91.056 (N° Lexbase : A6301A47) ; Cass. crim., 16 mars 1987, n° 86-91.200 (N° Lexbase : A7081AAI) ; Cass. crim., 28 mai 2008, n° 07-85.183.

[46] Rappr. Colloque, Faut-il regénéraliser le droit pénal (dir. G. Beaussonie), LGDJ 2015, coll. Grands colloques.

[47] Cass. crim., 23 octobre 1997, n° 96-84.717 (N° Lexbase : A1311ACK).

[48] Cass. crim., 18 juin 1998, n° 97-82.527 (N° Lexbase : A5006CWC) : J.-H. Robert, obs., JCP E, 1999, no 4, p. 174. ; plus récemment, Cass. crim., 18 mars 2020, n° 18-86.492, F-P+B+I (N° Lexbase : A48353KB).

[49] Trib. corr. Paris, 16 janvier 1986 : Gaz. Pal. 1986, 1, p. 138.

[50] Cass. crim., 18 juillet 1985, n° 84-91.797 (N° Lexbase : A4954AAQ).

[51] Cass. crim., 11 mai 1995, n° 94-83.515 (N° Lexbase : A8873ABA).

[52] Cass. crim., 7 décembre 1992, n° 91-83.937 (N° Lexbase : A4255CPB).

[53] Cass. crim., 5 octobre 1992, n° 91-86.770 (N° Lexbase : A0737ABW).

[54] Cass. crim., 23 mars 2005, n° 04-82.490.

[55] Cass. crim., 8 novembre 1982, n° 82-90.448 (N° Lexbase : A6744CGU), pour le détournement par un mandataire de fonds remis pour son mandant et qu’il omet de révéler afin de ne pas devoir les représenter.

[56] Cass. crim., 28 janvier 2004, (N° Lexbase : A0610DCL) : B. Bouloc, obs., Revue des sociétés 2004, p. 722 ; comp. Cass. crim., 23 mars 2005 : J.-H. Robert, obs., Dr. pén., 2005, comm. 91.

[57] Cass. crim., 12 janvier 2005, n° 04-80.513 : J.-H. Robert, obs., Dr. pén., 2005, comm. 95.

[58] Cass. crim., 26 novembre 1998, n° 97-86.438 (N° Lexbase : A1380CKC).

[59] Voir notamment, M.-Ch. Sordino, Banqueroute par détournement d'actif et abus de biens sociaux : un conflit de qualifications... des solutions en "clair-obscur", Mélanges M. Cabrillac, 1999, Litec, p. 697 et s.

[60] Cass. crim., 27 octobre 1999, n° 98-85.651 (N° Lexbase : A3209C4M) : J.-H. Robert, note, JCP E, 2000, n° 26, p. 1045 ; Cass. crim., 30 juin 2004, n° 03-87427 (N° Lexbase : A8128DER) : J.-H. Robert, note, JCP E, 2004, n° 50, p. 1978 ; D. Rebut, obs., RSC, 2004, p. 895.

[61] Cass. crim., 18 juin 1998, n° 97-83.996 (N° Lexbase : A8964AG4) : J.-H. Robert, obs., JCP E, 1999, 174.

[62] Cass. crim. 21 septembre 1994, n° 93-85.544 (N° Lexbase : A2514CYR) : F. Dekeuwer, note, JCP E 1995, II, 690. Plus récemment, Cass. crim., 14 février 2007, n° 06-86.721 : .-H. Robert, obs., Dr. pénal. 2007, comm. 73.

[63] C. pén., art. 132-2 (N° Lexbase : L2178AMM) à 132-4 (N° Lexbase : L2256AMI).

[64] A. Lepage, P. Maistre du Chambon et R. Salomon, Droit pénal des affaires, LexisNexis Litec,5ème édit .2018, p. 596, n° 1140.

[65] S. Detraz, V° Abus de confiance, Lamy Droit pénal des affaires, 2021, p. 170, n° 428.

[66] Cass. crim., 9 février 2005, n° 04-81.419 ; Cass. crim., 3 novembre 2011, n° 10-88.832, F-D (N° Lexbase : A4641H3B).

[67] Cf. infra.

[68] Loi n° 2020-1672, du 24 décembre 2020, relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée.

[69] C. pén., art. 314-3 (N° Lexbase : L1790AMA).

[70] Loi n° 2013-1117, du 6 décembre 2013, relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière.

[71] C. com., art. L. 654-4 (N° Lexbase : L0432LG4).

[72] La remarque pouvant valoir pour d’autres dispositions de nature pénale, substantielles ou formelles (par exemple, art. L. 490-6 N° Lexbase : L2218LDI) du Code commerce, voire d’autres codes.

[73] Sur cette évolution voir notamment H. Matsopoulou, V° Banqueroute et autres infraction, JCl pénal des affaires, Fasc. 10, s, n° 69 à 85.

[74] Cf. Cons. const., décision n° 2016-570 QPC, du 29 septembre 2016 (N° Lexbase : A7361R4E)  et Cons. const., décision n° 2016-573 QPC, 29 septembre 2016 (N° Lexbase : A7364R4I).

[75] Ibid.

[76] En ce sens, H. Matsopoulou, op. cit.

[77] Loi n° 2005-845, du 26 juillet 2005, de sauvegarde des entreprises.

[78] Ibid.

[79] Ceux mentionnés aux articles L. 213-8 (N° Lexbase : L8811I3Q), L. 511-9 (N° Lexbase : L9739L4H), L. 517-1 (N° Lexbase : L2597LZ9), L. 517-4 (N° Lexbase : L4976IZC), L. 522-1 (N° Lexbase : L5149LGS), L. 531-1 (N° Lexbase : L0338LGM), L. 542-1 (N° Lexbase : L0148LTN) et L. 543-1 (N° Lexbase : L0374LGX) C. mon. fin.

[80] C. mon. fin., art. L. 500-1, IV.

[81] La remarque vaudrait, ici encore, pour d’autres dispositions parmi lesquelles : C. assur., art. L. 322-2 (N° Lexbase : L8181LSS) ; C. com., art. L. 123-11-3 (N° Lexbase : L8151LSP) ; C. com., art. L. 241-3 (N° Lexbase : L9516IY4) et CCH, L. 241-7 (N° Lexbase : L9778G8N).

[82] Malgré la « pusillanimité » du Conseil constitutionnel en ce domaine : E. Dreyer, Les incidences de la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur la peine, Rev.Lamy dr. aff., septembre 2011, supplément au n° 63, spéc. p. 42.

[83] Cass. crim., 26 mai 1994, n° 93-84.615 (N° Lexbase : A8414ABA) : B. Bouloc, obs., Revue des sociétés, 1994, p. 771 ; Cass. crim., 23 mars 2005, J.-H. Robert, obs., Dr. pén., 2006, comm. 77.

[84] C. com., art. L. 225-252 (N° Lexbase : L2093LY8). V. Cass. crim., 19 octobre 1978, n° 77-92.742 (N° Lexbase : A3466AGH).

[85] Cf. infra.

[86] Cass. crim., 12 décembre 2000, n° 97-83/470 (N° Lexbase : A9289AT9) : J.-H. Robert, obs., Dr. pén., avril 2001, comm. 48.

[87] Cass. crim., 4 avril 2001, n° 00-80.406 (N° Lexbase : A3631CMG) : E. Scholastique, note, D., 2002, juris., p. 1475 ; J.-H. Robert, obs., Dr. pén., 2001, comm. 102.

[88] Cass. crim. 14 janvier 2009, n° 08-83.707, F-D (N° Lexbase : A8135R7G) : J.-H. Robert, obs., Dr. Pén., 2009, comm. 64.

[89] Cass. crim., 13 décembre 2000, n° 99-80.387 (N° Lexbase : A3245AUQ).

[90] Par ex. Cass. crim., 25 mai 1987, n° 85-94.968 (N° Lexbase : A3948AGC) ; plus récemment, Cass. crim., 15 février 2005, n° 04-81.923 (N° Lexbase : A9867HUY).

[91] Cass. crim., 24 avril 1971, n° 69-93.249 (N° Lexbase : A3030AUR) : JCP, 1971, II, 16890 ; B. Bouloc, obs., Revue des sociétés 1971, p. 608.

[92] Cass. crim., 23 mars 2005, n° 04-84.765.

[93] Cass. crim., 9 novembre 1992, n° 92-81.432 (N° Lexbase : A0804ABE) : B. Bouloc, obs., Revue des sociétés 1993, p. 433 ; Cass. crim., 27 juin 1995, n° 94-84.648 (N° Lexbase : A8934ABI) : B. Bouloc, obs., Revue des sociétés 1995, p. 746 ; Cass. crim., 9 janvier 1996, n° 95-81.596 (N° Lexbase : A0741CQI) : J.-H. Robert, obs., Dr. pén., 1996, comm. 110.

[94] Cass. crim., 12 octobre 1995, n° 95-80.730 (N° Lexbase : A9076ABR) ; Cass. crim., 12 juin 2012, n° 11-87.799, F-D (N° Lexbase : A9610IQY).

[95] Cf. supra.

[96] Cass. crim., 12 février 1959, n° 6435/56.

[97] Cass. crim., 6 janvier 1970, n° 68-92.397 (N° Lexbase : A3180AUC) : B. Bouloc, obs., Revue des sociétés, 1971, p. 25.

[98] Cass. crim., 11 janvier 1996, n° 95-80.018 (N° Lexbase : A9048ABQ) : J.-H. Robert, obs., Dr. pén., 1996, comm. 110.

[99] Cass. crim., 13 décembre 2000, n° 99-80.387 (N° Lexbase : A3245AUQ) : J.-H. Robert, obs., Dr. pén., 2001, comm. 47 ; Cass. crim., 12 septembre 2001, n° 01-80.895 (N° Lexbase : A1155CSL) : J.-H. Robert, obs., Dr. pén., janvier 2002, comm. 6. Cette irrecevabilité de l’action civile des actionnaires ne peut pas être soulevée pour la première fois devant la Cour de cassation : Cass. crim. 24 septembre 2008, n° 08-80.971 : J.-H. Robert, obs., Dr. pén., 2008, comm. 156.

[100] Cass. crim., 30 janvier 2002, n° 01-84.256, F-P+F (N° Lexbase : A9951AXT).

[101] A. Lepage, P. Maistre du Chambon et R. Salomon, Droit pénal des affaires, LexisNexis, 5ème édit., 2018, p. 374, n° 802.

[102] CA Colmar, 4 février 1960 : JCP G 1960, II, 11833 ; Journ. sociétés 1961, p. 330 ; Revue des sociétés 1960, p. 426 et Cass. crim., 27 octobre 1997, op. cit.

[103] Par exemple : Cass. crim., 5 décembre 2012, n° 11-85.838, F-P+B (N° Lexbase : A5556IYG). Les juges du fond ne sauraient donc accorder à la partie civile une somme supérieure à celle demandée (Cass. crim., 11 février 2009, n° 07-88.695). 

[104] Cass. crim., 4 mai 2016, n° 14-88.237, F-D (N° Lexbase : A3447RNY).

[105] Cass. crim., 19 mai 2016, n° 14-88.387, F-D (N° Lexbase : A0767RQH).

[106] Cass. crim., 7 décembre 2016, n° 15-86.731, F-P+B (N° Lexbase : A3979SP3).

[107] Cass. crim., 28 septembre 2016, n° 15-85.049, F-D (N° Lexbase : A7248R49).

[108] Cass. crim., 20 juin 2007, n° 07-80.065 (N° Lexbase : A0524SY3).

[109] Cass. crim., 16 février 1999, n° 98-80.537 (N° Lexbase : A6752CHK).

[110] Cass. crim., 19 mars 2014, n° 12-87.416, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A0748MH8) ; Cass. crim., 25 juin 2014, n° 13-84.450, FS-P+B+I (N° Lexbase : A7733MRT) ; Cass. crim., 23 septembre 2014, n° 13-83.357, F-P+B+I (N° Lexbase : A9183MWZ).

[111] Cass. crim., 19 mars 2014, n° 12-87.416, FP-P+B+R+I ; Cass. crim., 25 juin 2014, n° 13-84.450, FS-P+B+I ; Cass. crim., 23 sept. 2014, n° 13-83.357, F-P+B+I.

[112] Cass. crim., 6 mars 1997, n° 96-80.944 (N° Lexbase : A1126ACP) ; plus récemment Cass. crim., 20 mars 2019, n° 17-85.246, FS-P+B+I (N° Lexbase : A8967Y4U).

[113] Cass. crim., 17 juin 2009, n° 08-86.517.

[114] Cass. crim., 5 avril 2006, n° 05-83.130.

[115] Cass. crim., 10 avril 2002, n° 01-81.282, FS-P+F (N° Lexbase : A7150AYH). V. égal. Cass. crim., 1er juin 2016, n° 14-86.438, F-D (N° Lexbase : A8764RRZ) pour l’associé d’une société civile immobilière.

[116] C. com., art. L. 221-1, al. 2 (N° Lexbase : L5797AIK) pour les sociétés en nom collectif.

[117] Cass. crim., 23 mars 2005, n° 04-84.756, F-D (N° Lexbase : A6863RNI).

[118] Cass. crim., 28 février 2006, n° 05-83.461, F-P+F (N° Lexbase : A8112DNR).

[119] H. Matsopoulou, Fasc. 20, Banqueroute et autres infractions, JCl Lois pénales spéciales, n° 19.

[120] Cass. crim., 22 septembre 2010, n° 09-83.274, F-D (N° Lexbase : A4008GDS) : R. Salomon, note, Dr. sociétés, 2011, comm. 19.

[121] H. Matsopoulou, Fasc. 20, Banqueroute et autres infractions, JCl Lois pénales spéciales, op. cit.

[122] A. Lepage, P. Maistre du Chambon et R. Salomon, Droit pénal des affaires, LexisNexis Litec,5ème édit .2018, p. 596, n° 1140.

[123] C. com., art. L. 241-3, 4° et L. 242-6, 3°.

[124] En ce sens, L. Saenko, Rev. Lamy dr. aff., 2021, p. 1019, n° 2379.

[125] Notamment, Cass. crim., 4 février 1985, n° 84-91.581 (N° Lexbase : A3881AGT).

[126] Notamment, Cass. crim., 20 juillet 1993, n° 92-84.086 (N° Lexbase : A4124ACQ).

[127] Selon ce texte, « Le syndic ne peut agir au nom de la masse qu'après y avoir été autorisé par une délibération prise par les créanciers réunis en assemblée, à la majorité des créanciers présents. Tout créancier peut intervenir à titre individuel dans une poursuite en banqueroute si celle-ci est intentée par le syndic au nom de la masse ».

[128] Pour des salariés, Cass. crim., 23 mars 2005, n° 04-84.756, F-D (N° Lexbase : A6863RNI) ; pour l’agent judiciaire du Trésor, Cass. crim., 28 février 2006, n° 05-83.461, F-P+F (N° Lexbase : A8112DNR).

[129] Cass. crim., 11 octobre 1993, n° 92-81.260 (N° Lexbase : A4029AC9) ; plus récemment, Cass. crim., 17 février 2016, n° 15-80.984, F-D (N° Lexbase : A4715PZN) et Cass. crim., 15 juin 2016, n° 15-81.474, F-D (N° Lexbase : A5589RT8).

[130] Cass. crim., 4 décembre 1997, n° 96-85.729 (N° Lexbase : A5429A4T) ; comp. cepdt, Cass. crim., 3 février 2016, n° 14-83.427, FS-D (N° Lexbase : A3064PKP).

[131] Cass. crim., 6 avril 2016, n° 14-85.227, F-D (N° Lexbase : A1705RC7).

[132] Cass. crim., 11 mars 2015, n° 13-86.155, F-D (N° Lexbase : A3291NDA).

[133] Cass. crim., 30 octobre 2013, n° 12-86.707, F-D (N° Lexbase : A8155KND).

[134] L. Saenko, Lamy Dr. pén., aff., édit. 2021, p. 1033, n° 2418.

[135] Cass. crim., 26 janvier 2005, n° 04-84.403.

[136] CA Douai, 22 septembre 2005, Bull. Joly sociétés 2006, p. 369.

[137] Cass. crim., 8 juillet 2020, n° 18-83.536, FS-D (N° Lexbase : A41763R4).

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