Lexbase Affaires n°50 du 5 décembre 2002 : Bancaire

[Focus] La méthode du scoring et la nationalité du candidat emprunteur

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N5059AAM

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par Marie Guilé, SGR - Droit bancaire

le 01 Octobre 2012

Le scoring est une méthode de calcul statistique permettant à un établissement de crédit d'évaluer la capacité de remboursement du demandeur de crédit en considération d'une pluralité de critères objectifs (niveau de ressources, conditions du crédit, profession, solde moyen du compte, patrimoine, ancienneté dans la banque, âge, etc.) et ainsi de prendre sa décision sur l'opportunité ou non d'accorder un crédit. Une réponse ministérielle en date du 28 novembre 2002 est l'occasion pour nous de revenir sur cette méthode d'évaluation controversée (Rép. min. nº 2360, JO Sénat Q, 28 novembre 2002, p. 2889 N° Lexbase : L7570A8U). Dans une délibération en date du 22 décembre 1998, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) avait estimé que la nationalité des demandeurs d'un crédit ne saurait être prise en compte pour apprécier la capacité de remboursement des intéressés (Délibération CNIL, n° 98-101, 22 décembre 1998 N° Lexbase : L7577A87). Elle avait ainsi modifié sa précédente délibération en date du 5 juillet 1988, portant adoption d'une recommandation relative à la gestion des crédits ou des prêts consentis à des personnes physiques par les établissements de crédit (Délibération CNIL, n° 88-83, 5 juillet 1988 N° Lexbase : L7575A83), en lui apportant deux additifs :

- d'une part, la nationalité du demandeur ne peut constituer une variable entrant en ligne de compte dans le calcul automatisé de l'appréciation du risque, qu'elle soit considérée sous la forme "Français, ressortissant CEE, autres" ou, a fortiori, enregistrée en tant que telle ;

- d'autre part, "dans le cadre de l'appréciation du risque et au-delà du calcul automatisé qui en est fait, seule la prise en compte de la stabilité de la résidence du demandeur de crédit sur le territoire français constitue une information pertinente". Elle avait ainsi admis que la durée de validité du titre de séjour des ressortissants étrangers vivant en France pouvait constituer une variable pertinente "en tout cas pour les crédits comportant un long échelonnement d'amortissement" dans la mesure où elle permet de déterminer la stabilité de l'emprunteur.

Le Conseil d'Etat a, par un arrêt du 30 octobre 2001, annulé cette délibération de la CNIL (CE, 30 octobre 2001, n° 204909, Association française des sociétés financières et autres N° Lexbase : A1893AXE). Il avait, en effet, estimé que la nationalité constituait en l'espèce, au regard de la finalité du traitement automatisé d'informations nominatives, une donnée pertinente, adéquate et non excessive, conformément à l'article 5 de la Convention pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé de données à caractère personnel. Par ailleurs, il ajoute que "la référence à la nationalité comme l'un des éléments de pur fait d'un calcul automatisé du risque, dont la mise en oeuvre n'entraîne pas le rejet d'une demande sans l'examen individuel de celle-ci, ne constitue pas une discrimination et dès lors n'entre pas, en tout état de cause, dans le champ d'application de l'article 6 du traité CE, devenu, après modification, l'article 12 CE (et) elle ne saurait davantage, en l'absence d'élément intentionnel, être regardée comme tombant sous le coup des articles 225-1 et 225-2 du Code pénal" (N° Lexbase : L2060AMA). Sur ce dernier point, le commissaire du Gouvernement avait souligné, dans ses conclusions, l'absence de volonté discriminatoire tenant au fait que les établissements de crédit contrôlés par la CNIL n'utilisaient pas la nationalité précise du candidat au prêt comme variable du score, mais ne s'y intéressaient qu'eu égard à sa corrélation avec d'éventuelles difficultés ultérieures de recouvrement.

Un parlementaire, lors de la séance des questions au Gouvernement, est revenu sur cette décision et a interpellé le ministre de la Justice pour savoir si celui-ci comptait prendre des mesures suite à cet arrêt du Conseil d'Etat, celui-ci étant, pour lui, de nature à entraîner des discriminations. La réponse est claire : l'annulation de la délibération de la CNIL résultant de l'arrêt du Conseil d'Etat du 30 octobre 2001 n'a pas pour effet de créer un vide juridique ou de nuire à l'effectivité des textes, dans la mesure où elle ne fait pas obstacle à l'application au crédit scoring des garanties édictées par la CNIL en cette matière antérieurement à sa recommandation du 22 décembre 1998 (voir Délibération CNIL, n° 80-23, 8 juillet 1980 N° Lexbase : L7576A84 et Délibération CNIL, n° 88-83, 5 juillet 1988).

Cette réponse doit être approuvée. D'une part, parce qu'à trop vouloir ne prendre en compte que des critères objectifs, on s'éloigne de plus en plus du caractère intuitu personae du contrat de crédit. D'autre part, le résultat du scoring, qui se résume souvent en un nombre, est bien souvent exploité de façon systématique, abstraction faite de certains éléments purement subjectifs, tels que, par exemple, la confiance qui est un élément essentiel de la relation entre l'emprunteur et l'organisme prêteur.

Il doit toutefois être souligné que le projet de loi relatif à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel, actuellement soumis au Parlement, dotera la CNIL d'instruments de contrôle plus poussés à l'égard des traitements relevant de la mise en oeuvre de la technique du score.

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