N'est pas contraire à la conception française de l'ordre public international l'application du droit allemand frappant de nullité les actes à titre gratuit exécutés dans une période de quatre années avant la demande d'ouverture de la procédure collective, et ceci à l'égard de toute personne même de bonne foi. Telle est la solution retenue par la cour d'appel de Colmar dans un arrêt du 1er septembre 2011 (CA Colmar, 2ème ch. civ., sect. A, 1er septembre 2011, n° 10/04931
N° Lexbase : A4295HXD). En l'espèce, une société de droit allemand, qui avait pour objet la fourniture de prestations de services financiers, proposant notamment à ses clients d'effectuer des apports sur un compte d'investissement collectif affichant des rendements important, a fait l'objet d'une procédure d'insolvabilité ouverte devant un tribunal allemand, après que l'Office fédéral allemand de surveillance des prestataires de services financiers lui ait interdit d'exercer son activité. En vue de reconstituer la masse, l'administrateur de l'insolvabilité a engagé des actions révocatoires ayant pour objet la restitution des bénéfices fictifs versés aux investisseurs pendant la période suspecte comprise entre le 11 mars 2001 et le 11 mars 2005. C'est dans ce cadre juridique que deux époux français, recherchés par l'administrateur devant les juridictions françaises, invoquaient l'exception prévue par l'article 13 du Règlement n° 1346/2000 (
N° Lexbase : L6914AUM), aux motifs que l'action révocatoire obéirait à des modalités non prévues par le droit français, et en tous cas heurtant l'ordre public international ainsi que les principes de respect des biens et d'espérance légitime de l'obtention d'un paiement. Mais, la cour d'appel de Colmar relève l'identité de la nature de l'action exercée avec celle prévue par le droit français aux fins d'annulation des actes à titre gratuit conclus pendant la période suspecte. En outre, ce sont bien ces versements qui ont conduit au constat de la cessation des paiements, de sorte que l'action introduite par l'administrateur aux fins, dans l'intérêt égalitaire de tous les créanciers au rang desquels peuvent se trouver les investisseurs, de répéter ces sommes qui ont été payées à titre gratuit, et ainsi de reconstituer la masse des investissements, dérive directement de la procédure d'insolvabilité. C'est donc, ajoutent les juges d'appel, dans ce cadre, et pas seulement dans celui limité des principes édictés par la loi française, que doit être appréciée l'exception d'ordre public du fait que l'action révocatoire dont s'agit s'avère indépendante de la bonne foi des défendeurs, et qu'elle puisse concerner une période suspecte dont la durée est de quatre ans, contre six mois en droit français. Et, énonçant la solution précitée, les juges colmariens de conclure que l'action révocatoire du droit allemand n'est pas contraire à la conception française de l'ordre public international.
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