La lettre juridique n°632 du 11 novembre 2015 : QPC

[Chronique] QPC : évolutions procédurales récentes - Juillet à Septembre 2015

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par Mathieu Disant, Agrégé des Facultés de droit, Professeur à l'Université Lyon Saint-Etienne

le 11 Novembre 2015

La question prioritaire de constitutionnalité est à l'origine d'une jurisprudence abondante du Conseil constitutionnel comme du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation. Cette chronique trimestrielle, rédigée par Mathieu Disant, Agrégé de droit public, Professeur à l'Université Lyon Saint-Etienne, Membre du CERCRID (CNRS / UMR 5137), Membre du Centre de recherche en droit constitutionnel de l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Chercheur associé au Centre de recherche sur les relations entre le risque et le droit (C3RD), Expert international, s'attache à mettre en exergue les principales évolutions procédurales de la QPC, les apports au fond du droit étant quant à eux traités au sein de chacune des rubriques spécialisées de la revue. La période examinée couvre juillet à septembre 2015. Elle est tristement marquée par le décès de M. Hubert Haenel, le 10 août, membre du Conseil constitutionnel depuis mars 2010. En conséquence, le Conseil constitutionnel a dûment constaté, conformément à l'article 14 de l'ordonnance organique n° 58-1067 du 7 novembre 1958, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel (N° Lexbase : L0276AI3), le cas de force majeure résultant de ce décès, sans qu'il ait été pourvu à son remplacement jusqu'au 1er octobre. A cette date, a été nommé M. Jean-Jacques Hyest pour la durée restante du mandat de M. Haenel (2019).

Sur la période étudiée, la jurisprudence concerne une variété de domaines (de l'incrimination des gallodromes... à l'accès aux données de connexion internet). Les QPC concernant le domaine fiscal sont toutefois prégnantes, certaines avec des enjeux financiers particulièrement importants (Cons. const., décision n° 2015-479 QPC du 31 juillet 2015 N° Lexbase : A0565NNA).

I - Champ d'application

A - Normes contrôlées et statut de l'interprétation de la loi

La Chambre sociale de la Cour de cassation a écarté les caractères nouveau et sérieux de deux QPC dans des conditions qui soulignent les réticences à soumettre au Conseil constitutionnel l'interprétation qu'elle retient de la loi (Cass. QPC, 7 juillet 2015, n° 15-12.417, FS-P+B N° Lexbase : A7700NM7).

La première question "ne tend, sous le couvert de nouveauté, qu'à contester la possibilité même pour le juge de procéder, ainsi qu'il en a l'obligation, à l'interprétation à la lumière du droit de l'Union européenne des dispositions législatives qu'il doit mettre en oeuvre". Il s'agit d'une interprétation pour le moins extensive de la règle selon laquelle ne peut être contestée dans le cadre d'une QPC "la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions législatives qui se bornent à tirer les conséquences nécessaires des dispositions inconditionnelles et précises d'une directive de l'Union européenne, en l'absence de mise en cause d'une règle ou d'un principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France".

Plus encore, la seconde question posée "ne tend, sous le couvert de nouveauté, qu'à contester la possibilité même pour le juge, dans le cadre de son office, de donner une portée quelconque aux dispositions législatives qu'il doit mettre en oeuvre pour trancher le litige dont il est saisi". Puis la Cour juge que cette seconde QPC "ne présente pas un caractère sérieux en ce que la formalisation par écrit de la convention de forfait en jours, en application des dispositions de l'article L. 3121-38 du Code du travail (N° Lexbase : L3861IBM), telles qu'interprétées par la Cour de cassation, qui, sans dénaturer la portée de la liberté contractuelle, participe aux garanties de nature à satisfaire aux exigences de santé et de sécurité au travail résultant du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 (N° Lexbase : L1356A94), ne porte pas atteinte à une situation légalement acquise et ne méconnaît pas les dispositions des articles 4 (N° Lexbase : L1368A9K) et 16 (N° Lexbase : L1363A9D) de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 et du huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946". Il est à noter que l'interprétation donnée par la Cour de cassation des dispositions législatives en cause (il s'agit de l'exigence de la formalisation d'un écrit pour prévoir les modalités et caractéristiques principales des conventions de forfait) était contestée de deux façons : d'une part, en raison de sa prescription substantielle (l'interprétation retenue conduirait à la remise en cause d'accords collectifs) ; d'autre part, sur le principe même de l'intervention du juge (le juge serait intervenu pour fixer des règles qu'il appartient au seul législateur de déterminer).

Par cet arrêt de non-renvoi, la contestation de l'incompétence négative du législateur se trouve neutralisée lorsqu'elle vaut à l'égard du juge. C'est une position de principe contestable, la jurisprudence du Conseil constitutionnel retenant avec constance que le législateur ne peut laisser au juge le soin de prendre des dispositions que lui seul doit édicter. En réalité, on trouve, dans l'affirmation de l'arrêt rapporté, un avatar de la résistance de la Cour à ce que son interprétation de la loi fasse l'objet d'un contrôle de constitutionnalité. D'autant plus que la QPC en question, par la combinaison des griefs, conduisait à s'interroger sur les conditions de constitutionnalité de la rétroactivité de la jurisprudence...

B - Normes constitutionnelles invocables

1 - Rétroactivité et situation légalement acquise

Le Conseil constitutionnel, après avoir rappelé que les dispositions de l'article 18 de la loi n°2012-958 du 16 août 2012, de finances rectificative pour 2012 (N° Lexbase : L9357ITQ), "modifient des modalités de déduction des moins-values de cession à court terme de titres de participation dont aucune règle constitutionnelle n'impose le maintien" et que "les règles modifiées sont relatives au traitement fiscal des cessions de titres de participation et non à celui des apports en contrepartie desquels ces titres ont été émis", a donc jugé que les dispositions contestées "ne portent aucune atteinte à des situations légalement acquises ou aux effets qui peuvent légitimement être attendus de telles situations". Il a relevé "qu'en particulier, l'acquisition de titres de participation en contrepartie d'un apport ne saurait être regardée comme faisant naître une attente légitime quant au traitement fiscal du produit de la cession de ces titres quelle que soit l'intention de l'acquéreur des titres de participation quant à la durée de leur détention et quel que soit leur prix de cession". Le grief tiré de la méconnaissance des exigences de l'article 16 de la Déclaration de 1789 a donc été écarté (Cons. const., décision n° 2015-475 QPC du 17 juillet 2015 (N° Lexbase : A8503NMU).

Cette décision mérite attention. On notera la différenciation réalisée par le Conseil constitutionnel entre une disposition rétroactive et une disposition qui, sans être rétroactive, porte atteinte aux effets qui peuvent légitimement être attendus d'une situation légalement acquise. Dans la mise en oeuvre de sa jurisprudence sur la petite rétroactivité de la loi fiscale, le Conseil refuse de prendre en considération la première opération d'un ensemble composé de deux opérations économiques successives (en l'occurrence, un apport en recapitalisation et une cession) pour en tirer des conséquences en termes d'effets fiscaux pouvant être attendus de la seconde opération. L'effet légitimement attendu d'un apport ne peut correspondre qu'à cette opération, dès lors qu'elle est distincte d'opérations ultérieures de cession et relèvent de règles fiscales indépendantes. De sorte que la réalisation de la première opération ne saurait constituer une attente légitime quant au maintien en vigueur des règles applicables à la seconde ; le seul fait que les sociétés les combinent fréquemment, au point d'associer intimement l'une et l'autre, ne saurait correspondre à une attente légitime. Le Conseil constitutionnel s'en tient à une lecture objectivée qui limite sensiblement le champ de contrôle de la garantie des droits. Cette position confirme le traitement abstrait en QPC de la protection des attentes légitimes.

2 - Droit au respect de la vie privée

Dans l'affaire n° 2015-478 QPC du 24 juillet 2015 (N° Lexbase : A9644NM7), les associations requérantes suggéraient au Conseil constitutionnel de reconnaître formellement deux droits découlant, de façon spécifique, du droit au respect de la vie privée : le droit au secret des échanges et correspondances des avocats et le droit au secret des sources journalistiques. Le droit au secret des échanges et correspondances des avocats présente en effet un fondement particulier car il repose également sur l'article 16 de la Déclaration de 1789, les droits de la défense et le droit au procès équitable. Le droit au secret des sources journalistiques s'appuie quant à lui sur l'article 11 de la Déclaration de 1789 (N° Lexbase : L1358A98) et la protection de liberté de communication et des opinions.

Pour autant, le Conseil constitutionnel a refusé de s'inscrire dans cette autonomisation. Au cas présent, il a jugé que "le législateur a prévu des garanties suffisantes afin qu'il ne résulte pas de la procédure prévue aux articles L. 246-1 (N° Lexbase : L0336IZH) et L. 246-3 (N° Lexbase : L0338IZK) du Code de la sécurité intérieure une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée, aux droits de la défense, au droit à un procès équitable, y compris pour les avocats et journalistes" et il a donc écarté le grief tiré de l'incompétence négative affectant les dispositions contestées.

3 - Egalité devant les charges publiques et liberté d'entreprendre

Dans la décision n° 2015-484 QPC du 22 septembre 2015 (N° Lexbase : A4510NPQ), le Conseil constitutionnel a jugé "qu'est inopérant un grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques à l'encontre de dispositions instituant une sanction ayant le caractère d'une punition au sens de l'article 8 de la Déclaration de 1789 (N° Lexbase : L1372A9P)".

Dans cette même décision, le Conseil a précisé les conditions dans lesquelles les griefs tirés de la méconnaissance de la liberté d'entreprendre et du principe d'égalité devant les charges publiques peuvent être utilement invoqués. Il refuse d'admettre, à juste titre, qu'un grief tiré de la méconnaissance de la liberté d'entreprendre puisse être opérant à l'encontre d'une incrimination ayant pour objet d'interdire une activité destinée à favoriser l'organisation d'une autre activité, elle-même interdite. Une solution inverse aurait eu pour effet de reconnaître une forme de liberté d'entreprendre (même limitée) pour favoriser le développement d'activités illicites. On ne peut protéger constitutionnellement -ni d'ailleurs encourager- la liberté d'entreprendre de ceux qui favorisent le développement d'activités illégales !

II - Procédure devant le Conseil constitutionnel

A - Organisation de la contradiction

1 - Procédure et production

Dans l'affaire n° 2015-479 QPC du 31 juillet 2015 (N° Lexbase : A0565NNA), en application de l'article 7 du règlement intérieur sur la procédure suivie pour les QPC du 4 février 2010, le Conseil constitutionnel a informé les parties et autorités qu'était susceptible d'être relevé d'office le grief tiré de ce que les dispositions contestées portaient atteinte au principe de responsabilité qui découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789 (N° Lexbase : L1368A9K). Il est à noter que ce courrier d'information a été adressé... la veille de l'audience publique. Il est à noter également que le moyen soulevé d'office n'a pas abouti à une censure.

Autre fait remarquable du même ordre, la décision n° 2015-480 QPC du 17 septembre 2015 (N° Lexbase : A2347NPM) a été rendue deux jours seulement après la tenue de l'audience publique. Une semaine a suffi dans la procédure n° 2015-484 QPC du 22 septembre 2015 (N° Lexbase : A4510NPQ).

2 - Interventions devant le Conseil constitutionnel

La société X a fait valoir un intérêt spécial dans l'affaire n° 2015-479 QPC du 31 juillet 2015 et a été admise à intervenir, sans que cet intérêt ne soit précisé dans les commentaires officiels. Elle a présenté devant le Conseil constitutionnel des griefs complémentaires de ceux qui étaient soulevés par la société requérante... et ce avant même que cette dernière ne présente ses propres observations. Cela témoigne à la fois du rôle important joué par certaines parties intervenantes devant le Conseil constitutionnel et à certains égards de la nature particulière du contradictoire dans le procès constitutionnel. Au cas présent, les observations du gouvernement ont été déposées postérieurement aux observations de l'intervenante... mais antérieurement aux observations de la requérante !

Dans la procédure n° 2015-484 QPC du 22 septembre 2015, l'Union nationale des taxis, d'une part, et des sociétés de taxis, d'autre part, ont produit des observations en défense. L'Union nationale des industries du taxi, quant à elle, a produit des observations en intervention.

La Section française de l'observatoire international des prisons (SFOIP) est intervenue devant le Conseil constitutionnel au soutien de la procédure n° 2015-485 QPC du 25 septembre 2015 (N° Lexbase : A6743NPG).

3 - Déport et récusation des membres du Conseil constitutionnel

Dans l'affaire n° 2015-480 QPC du 17 septembre 2015, M. Michel Charasse s'est déporté. Ce déport a été signalé par le Président du Conseil constitutionnel au début de l'audience publique.

En revanche, on ne sait ce qui justifie les absences de deux membres du Conseil constitutionnel dans les affaires n° 2015-482 QPC du 17 septembre 2015 (N° Lexbase : A2349NPP) et n° 2015-483 QPC du 17 septembre 2015 (N° Lexbase : A2350NPQ).

B - Techniques de contrôle employées par le Conseil constitutionnel

1 - Contrôle de l'incompétence négative

Pour être invocables en QPC, les griefs d'incompétence négative doivent être de nature à entraîner une méconnaissance d'un droit ou liberté garanti par la Constitution. Dans l'importante affaire n° 2015-478 QPC du 24 juillet 2015, le Conseil constitutionnel a admis l'invocabilité du grief développé par les associations requérantes, selon lequel l'incompétence négative résultant de l'absence de définition légale des notions d'"informations ou documents", d'"opérateurs de communications électroniques" et de "sollicitation du réseau" figurant aux articles L. 246-1 et L. 246-3 du Code de la sécurité intérieure serait de nature à porter atteinte au droit au respect de la vie privée. Le flou de ces dispositions a été mis en lumière pas la doctrine et notamment la CNIL. Le Conseil a relevé "qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution (N° Lexbase : L1294A9S) : 'La loi fixe les règles concernant [...] les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques' ; que la méconnaissance par le législateur de sa compétence, dans la détermination de ces garanties dans le cadre d'une procédure de réquisition administrative de données de connexion, affecte par elle-même le droit au respect de la vie privée".

Si le Conseil prononce une décision de conformité dans cette affaire, la motivation de sa décision lève le risque d'une interprétation trop extensive de la loi. Le Conseil constitutionnel relève notamment "qu'il résulte de l'article L. 246-1 que les données de connexion requises sont transmises par les opérateurs aux autorités administratives compétentes ; que selon l'article L. 246-3, lorsque les données de connexion sont transmises en temps réel à l'autorité administrative, celles-ci ne peuvent être recueillies qu'après 'sollicitation' de son réseau par l'opérateur ; que, par suite, les autorités administratives ne peuvent accéder directement au réseau des opérateurs dans le cadre de la procédure prévue aux articles L. 246-1 et L. 246-3". Ainsi, à l'incompétence négative du législateur répond la compétence interprétative du Conseil constitutionnel. Cette dernière lui permet efficacement de figer le sens de la loi, pour ne pas avoir à la censurer.

Le grief de l'incompétence négative a été développé en plusieurs branches dans l'importante affaire n° 2015-485 QPC du 25 septembre 2015, sans succès toutefois. En l'espèce, le Conseil n'était pas saisi d'une disposition excluant un régime, mais d'une disposition posant certains principes quant à l'encadrement de la relation de travail entre le détenu et l'administration pénitentiaire. La décision rendue n'est pas sans rappeler la logique de l'arrêt "Dehaene" (CE, Ass., 7 juillet 1950, n° 01645, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A5106B7A) en considérant que le législateur a permis à l'administration, par l'intermédiaire du chef d'établissement, lors de la détermination du contenu de "l'acte d'engagement" (qui, comme le précise la décision, est un acte unilatéral et non contractuelle), de porter atteinte à un certain nombre de droits et libertés constitutionnels. En outre, pour le Conseil, le fait que ni les dispositions contestées ni aucune autre disposition législative n'accordent aux détenus le bénéfice des droits collectifs garantis par les sixième à huitième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 ne saurait en soi être contraire à la Constitution : il s'agit uniquement de droits et libertés "dont sont susceptibles de bénéficier les détenus dans les limites inhérentes à la détention". De quoi rafraîchir les espoirs de voir la jurisprudence constitutionnelle jouer un rôle en matière de droit des détenus.

2 - Réserves d'interprétation

Dans la décision n° 2015-482 QPC du 17 septembre 2015, le Conseil constitutionnel a formulé une réserve d'interprétation neutralisante dont les contours pratiques demeurent à la fois larges et incertains. Le Conseil a jugé que, "dès lors, les tarifs réduits fixés aux B et C du tableau du a) du A du 1 de l'article 266 nonies du Code des douanes (N° Lexbase : L1911IZS)ne sauraient être appliqués aux déchets insusceptibles de produire du biogaz réceptionnés par les installations produisant et valorisant le biogaz". Il s'agit d'éviter que les tarifs réduits prévus par les dispositions des B et C du tableau s'appliquent aux installations qui y sont mentionnées lorsque celles-ci réceptionnent des déchets insusceptibles de produire du biogaz. Une telle application, précise le Conseil, "entraînerait une différence de traitement sans rapport direct avec l'objet de la loi et serait, par suite, contraire au principe d'égalité devant la loi". La portée d'une telle réserve est puissante et large. Elle pose définitivement la règle selon laquelle le critère du tarif favorable de TGAP est le déchet et non l'installation. Pour une même catégorie de déchet (même type), il n'est pas possible d'appliquer des règles d'assujettissement différentes à la TGAP selon les exploitants. Autrement dit, un même déchet ne peut pas être taxé de manière différente selon le lieu de stockage. Il s'agit d'une clarification notable, ouvrant plusieurs perspectives quant au redressement de l'équilibre du régime tarifaire de TGAP, et par ricochet sur une remise en ordre du jeu concurrentiel dans le secteur du traitement des déchets. Reste l'application concrète de cette réserve, qu'il appartient à l'administration de préciser et au juge de faire appliquer... Cela interroge notamment sur les enjeux pratiques de différenciation des déchets.

Sur le même terrain de l'égalité devant les charges publiques, le Conseil constitutionnel a formulé une réserve neutralisante dans la décision n° 2015-483 QPC du 17 septembre 2015. Il retient "qu'eu égard à la durée de ces contrats que le législateur a entendu encourager, les dispositions contestées ne sauraient, sans créer une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques, avoir pour objet ou pour effet de faire obstacle à ce que le contribuable puisse prétendre au bénéfice d'intérêts moratoires au taux de l'intérêt légal sur l'excédent qui lui est reversé en vertu du 1. du paragraphe III bis de l'article L. 136-7 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L4972I7B) pour la période s'étant écoulée entre l'acquittement de l'imposition excédentaire et la date de restitution de l'excédent d'imposition". Cette réserve a toutefois des effets limités, ainsi que le commentaire officiel s'efforce de les détailler, que ce soit dans le champ d'application de la réserve ou dans les modalités de calcul des intérêts en cause.

C - Effets dans le temps - Application immédiate aux instances en cours

Saisi de dispositions de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014, relative à l'économie sociale et solidaire (N° Lexbase : L8558I3D), dite loi "Hamon", le Conseil constitutionnel a prononcé une censure de la sanction en nullité prévue pour défaut d'obligation d'information des salariés en cas de cession d'une participation majoritaire dans une société. Après avoir relevé que l'"action en nullité [d'une telle cession] peut être exercée par un seul salarié, même s'il a été informé du projet de cession ; qu'il ressort du cinquième alinéa de l'article L. 23-10-1 (N° Lexbase : L8649I3Q) et du quatrième alinéa de l'article L. 23-10-7 (N° Lexbase : L0165KBQ) [du Code de commerce] qu'à défaut de publication de la cession cette action en nullité ne commence à courir qu'à compter de la date à laquelle tous les salariés ont été informés de cette cession ; que la loi ne détermine pas les critères en vertu desquels le juge peut prononcer cette annulation ; que l'obligation d'information a uniquement pour objet de garantir aux salariés le droit de présenter une offre de reprise sans que celle-ci s'impose au cédant", le Conseil en a déduit qu'"au regard de l'objet de l'obligation d'information" et "des conséquences de la nullité de la cession pour le cédant et le cessionnaire", cette action en nullité porte une atteinte manifestement disproportionnée à la liberté d'entreprendre (Cons. const., décision n° 2015-476 QPC du 17 juillet 2015 N° Lexbase : A8504NMW). Le Conseil a décidé de ne pas reporter dans le temps les effets de l'abrogation. Il a donc jugé que la "déclaration d'inconstitutionnalité des quatrième et cinquième alinéas de l'article L. 23-10-1 et des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 23-10-7 prend effet à compter de la publication de la décision" et "qu'elle est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date".

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