L'opposition du bailleur à la cession du bail rural au profit du descendant du preneur, et son recours contentieux formé à l'encontre de l'autorisation administrative d'exploiter délivrée au candidat à la cession, autorisation qui constitue l'une des conditions posées à la cession du bail, ne caractérisent pas à eux seuls une faute du bailleur de nature à dégénérer en abus de droit, et qui seul pourrait justifier le versement de dommages-intérêts au titre de l'indemnisation des pertes subies, par le cessionnaire, du fait de l'impossibilité d'exploiter résultant de l'opposition du bailleur. Telle est la solution de l'arrêt rendu le 8 octobre 2015 par la troisième chambre civile de la Cour de cassation (Cass. civ. 3, 8 octobre 2015, n° 14-20.101, FS-P+B
N° Lexbase : A0450NTT). En l'espèce, un groupement forestier avait notifié à Mme E. un congé avec refus de renouvellement du bail rural à effet du 31 décembre 2007, date de la fin de la période triennale au cours de laquelle elle serait parvenue à l'âge de la retraite agricole ; par acte du 17 décembre 2007, Mme E. avait notifié au bailleur une demande d'agrément de la cession du bail à son fils ; le groupement ayant refusé d'accepter ce transfert, Mme E. et M. E. avaient, le 21 janvier 2008, saisi le tribunal paritaire des baux ruraux d'une demande d'autorisation de cession du bail de Mme E. à son fils et d'indemnisation des pertes subies, par le cessionnaire, du fait de l'impossibilité d'exploiter résultant de l'opposition du bailleur. Le groupement forestier faisait grief à l'arrêt attaqué d'autoriser la cession du bail (CA Pau, 30 avril 2014, n° 14/01522
N° Lexbase : A6377MKE). En vain. La Haute juridiction approuve la cour d'appel qui, ayant constaté que la demande d'agrément avait été notifiée au bailleur avant la date d'expiration du bail, avait exactement décidé que la demande d'autorisation de cession présentée, postérieurement à cette date, au tribunal paritaire, était recevable, et souverainement apprécié la capacité du cessionnaire à respecter les obligations nées du contrat et sa volonté réelle et effective de reprendre l'exploitation. En revanche, l'arrêt est censuré sur le point relatif à la responsabilité du groupement forestier. En effet, pour condamner le groupement à payer à M. E. une provision et ordonner une expertise sur le montant du préjudice, les juges d'appel avaient retenu que le bailleur avait introduit un recours en annulation contre l'autorisation administrative d'exploiter, rejeté par le tribunal administratif et la cour administrative d'appel, que le processus de transmission de l'exploitation avait été bloqué par les procédures ainsi initiées et que M. E. avait été placé dans l'impossibilité de succéder à sa mère dans l'exploitation des terres. Selon la Haute juridiction, en statuant ainsi, sans caractériser l'exercice fautif par le bailleur d'une opposition à la cession qui aurait dégénéré en abus, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil (
N° Lexbase : L1488ABQ).
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable