Dans la mesure où l'action en responsabilité de l'Etat n'a pas été exercée sur le plan interne, il y a lieu de rejeter l'action devant la CEDH, en raison du non épuisement des voies de recours internes. En outre, toute menace présumée contre la vie n'oblige pas les autorités à prendre des mesures concrètes pour en prévenir la réalisation. Ainsi, dans le cas spécifique du risque de suicide en prison, il n'y a une telle obligation positive que lorsque les autorités savent ou devraient savoir sur le moment qu'existe un risque réel et immédiat qu'un individu donné attente à sa vie. Pour caractériser un manquement à cette obligation, il faut, ensuite, établir que les autorités ont omis de prendre, dans le cadre de leurs pouvoirs, les mesures qui, d'un point de vue raisonnable, auraient sans doute paré ce risque. Telle est la solution retenue par un arrêt de la CEDH, rendu le 15 septembre 2015 (CEDH, 15 septembre 2015, Req. 51097/13
N° Lexbase : A7913NSU ; cf.
a contrario CEDH, 16 octobre 2008, Req. 5608/05
N° Lexbase : A7392EAZ). En l'espèce, M. B. fut interpellé. En cellule, il avait paru agité, faisant les cent pas. Il avait été autorisé à sortir de sa cellule pour fumer une cigarette et, quelques temps après, un fonctionnaire l'avait découvert pendu et avait donné l'alerte. Le père de M. B. déposa plainte, indiquant ne pas croire à la thèse du suicide. Deux autopsies furent réalisées sans mettre en évidence d'indices laissant suspecter l'intervention d'un tiers. Le procureur de la République requit l'ouverture d'une information judiciaire du chef d'homicide involontaire. Une reconstitution permit de relever le mauvais fonctionnement du système de surveillance, les images provenant de la cellule de M. B. étant floues et des angles morts permettant de ne pas être vu. Les investigations révélèrent également la dégradation du revêtement mural qui avait facilité le passage à l'acte de M. B.. Le juge d'instruction rendit une ordonnance de non-lieu. La chambre de l'instruction ainsi que la Cour de cassation rejetèrent le recours de la famille B. (Cass. crim., 5 février 2013, n° 11-81.718, F-D
N° Lexbase : A3158I9T). Saisissant la CEDH, les requérants ont estimé que les autorités internes avaient manqué à leur obligation de protéger la vie de M. B. en le plaçant dans une cellule délabrée dont les murs étaient troués, le matelas déchiré et le système de surveillance défaillante, alors qu'elles ne pouvaient ignorer sa fragilité et son anxiété. De plus, ils ont soutenu que les juridictions internes s'étaient abstenues d'effectuer toutes les investigations utiles à l'égard des personnes susceptibles d'avoir commis une négligence, manquant ainsi à leur obligation de mener une enquête effective. Déclarant irrecevable le grief tiré du volet substantiel de l'article 2 de la CESDH (
N° Lexbase : L4753AQ4), la CEDH retient, tout de même, que ce motif d'irrecevabilité ne s'applique pas au volet procédural du même article. Elle conclut que ce grief est, néanmoins, mal fondé.
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