Lexbase Social n°623 du 3 septembre 2015 : Social général

Cette semaine dans Lexbase Hebdo - édition sociale... Numéro spécial loi "Macron"

Réf. : Loi n° 2015-990 du 6 août 2015, pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques (N° Lexbase : L4876KEC)

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par Blanche Chaumet, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition sociale
Sous la Direction de Christophe Radé, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux

le 03 Septembre 2015

Présenté en Conseil des ministres le 10 décembre 2014, il aura fallu des mois de controverses avant de finalement boucler la saga "Macron" le 5 août 2015 avec la décision du Conseil constitutionnel n° 2015-715 DC du 5 août 2015 (N° Lexbase : A1083NNG). Le loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques (N° Lexbase : L4876KEC) a en effet été l'objet de débats houleux chez les parlementaires avant d'être définitivement adopté par l'Assemblée nationale le 10 juillet 2015, non sans que le Gouvernement ait engagé sa responsabilité à plusieurs reprises pendant le processus législatif, et pour finalement être déclaré partiellement conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel le 5 août 2015.
Construit autour de trois piliers : libérer, investir et travailler, la loi "Macron" vise à agir sur tous les leviers pour favoriser la relance de la croissance, de l'investissement et de l'emploi, abordant, par là même, une grande diversité de thèmes, notamment concernant le droit du travail. Présentée en Conseil des ministres le 10 décembre 2014, il aura fallu des mois de controverses avant de finalement boucler la saga "Macron" le 5 août 2015 avec la décision du Conseil constitutionnel n° 2015-715 DC du 5 août 2015 (N° Lexbase : A1083NNG). Le loi n° 2015-990 du 6 août 2015, pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques (N° Lexbase : L4876KEC) a en effet été l'objet de débats houleux chez les parlementaires avant d'être définitivement adoptée par l'Assemblée nationale le 10 juillet 2015, non sans que le Gouvernement ait engagé sa responsabilité à plusieurs reprises pendant le processus législatif, et pour finalement être déclarée partiellement conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel le 5 août 2015.

Construit autour de trois piliers : libérer, investir et travailler, la loi "Macron" vise à agir sur tous les leviers pour favoriser la relance de la croissance, de l'investissement et de l'emploi, abordant, par là même, une grande diversité de thèmes, notamment concernant le droit du travail.


I - Les modifications relatives à l'épargne salariale

La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques opère des réformes conséquentes concernant le Perco et les autres dispositifs d'épargne salariale. Dorénavant la mise en place d'un Perco est alignée sur le régime des accords de participation. La contribution sur les abondements des employeurs aux plans d'épargne pour la retraite collectifs est supprimée, à compter du 1er janvier 2016. Quant au taux du forfait social relatif aux versements sur un plan d'épargne pour la retraite collectif orienté vers le financement de l'économie, il est abaissé à 16 %.

Enfin, il est possible pour l'employeur d'abonder le Perco même en l'absence de contribution du salarié. Concernant les autres dispositifs d'épargne salariale, on retiendra, entre autres, le blocage par défaut des sommes issues de l'intéressement sur un plan d'épargne entreprise en cas d'absence de choix du salarié et l'harmonisation de la date de versement des primes d'intéressement et de participation.

Mais comme le relève le Professeur Gilles Auzero dans son commentaire sur ces nouvelles dispositions "On ne saurait dire que la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques apporte, en la matière, de profonds bouleversements. Comme souvent par le passé, le législateur a, principalement, souhaité inciter à la mise en place et au développement des dispositifs composant l'épargne salariale qui, on peut le regretter, restent d'une redoutable complexité technique" (lire N° Lexbase : N8673BUR).

II - Les modifications relatives à l'indemnisation des licenciements injustifiés

La loi "Macron" a été conçue, on le sait, dans un contexte économique difficile où la lutte contre le chômage est devenue la priorité du Gouvernement. Afin de garantir une meilleure prévisibilité des indemnités en cas de licenciement injustifiés et lutter ainsi contre la frilosité des employeurs à embaucher, la réforme a introduit un référentiel indicatif fixant, après avis du Conseil supérieur de la prud'homie et selon les modalités prévues par décret en Conseil d'Etat, le montant des dommages-intérêts susceptibles d'être alloués en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, en prenant en compte l'ancienneté, l'âge et la situation du demandeur par rapport à l'emploi. A destination des juges et des parties, ce référentiel a surtout pour objectif affiché de guider les juges dans leur décision. Cependant, comme le souligne le Professeur Alexandre Fabre, si ce référentiel n'a qu'un pouvoir indicatif et que les juges n'y sont nullement soumis, comment être certain que ces derniers le suivront (lire N° Lexbase : N8672BUQ) ?

Afin de lever les incertitudes liées au contentieux des licenciements, la loi "Macron" a également tenté, sans succès, d'instaurer des planchers et des plafonds d'indemnisations pour les licenciements injustifiés en fonction de l'ancienneté du salarié et des effectifs de l'entreprise. A la différence du référentiel, la grille de dommages-intérêts fixée par le législateur devait s'imposer au juge. Si l'on peut y voir une marque de défiance à l'égard du pouvoir judiciaire, il n'en demeure pas moins que les Sages ont retoqué, de façon assez prévisible, cette dernière mesure, jugeant qu'elle violait le principe d'égalité devant la loi en instaurant une différence de traitement injustifiée entre les salariés en fonction de la taille de l'entreprise (Cons. const., décision n° 2015-715 DC, du 5 août 2015 N° Lexbase : A1083NNG). Cette décision était fortement attendue mais certains regrettent un raisonnement jugé laconique et une motivation qui aurait mérité davantage de précisions.

La question se concentre aujourd'hui sur l'article L. 1235-5 (N° Lexbase : L1347H9R) dont la constitutionnalité pourrait très prochainement être remise en cause par QPC puisque ce dernier fait lui-même varier l'indemnisation due en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse en fonction de l'ancienneté des salariés et des effectifs de l'entreprise...

III - Les modifications relatives au repos dominical et en soirée

La loi "Macron" est venue réformer en partie les dérogations au travail dominical et en soirée qui étaient également attendues depuis longtemps.

S'agissant des dérogations municipales, le maire est en mesure d'accorder non plus cinq mais douze dimanches d'ouverture aux établissements situés sur le territoire de la commune.

S'agissant des dérogations préfectorales, leur durée maximale est fixée par la loi à trois ans tandis que la procédure d'autorisation est légèrement remaniée. La modification la plus importante réside probablement dans la suppression de l'avis, normalement donné avant l'octroie de l'autorisation, en cas d'urgence dûment justifiée et lorsque la dérogation n'excède pas trois dimanches. En outre, la loi prévoit qu'à la demande des organisations représentatives d'une zone géographique concernée, le préfet est tenu d'abroger l'arrêté de fermeture des établissements de la profession ou de la zone géographique concernée pendant la durée du repos hebdomadaire lorsque la majorité des membres de la profession l'exige.

La loi ajoute de nouvelles dérogations sur un fondement géographique, créant ainsi des zones touristiques internationales (ZTI), des zones touristiques (ZT), des zones commerciales (ZC) ou encore des zones d'emprise d'une gare à grande affluence. Chaque zone comporte son lot de particularités, les modalités définissant et délimitant ces zones variant peu ou proue en fonction de leur vocation respective. Selon certaines conditions, le travail en soirée de 21 heure à minuit est ouvert dans les ZTI à certains établissements, et des règles particulières sont également réservées aux commerces de détail alimentaire qui bénéficient de plein droit de la possibilité de donner le repos dominical à partir de 13 heures le dimanche dans les ZTI et les gares à forte affluence.

La majorité des dérogations temporaires au travail dominical et en soirée se cristallise, d'une part, autour d'un accord collectif garantissant un certain nombre de droits aux salariés, notamment les contreparties qui leur sont dues, et, d'autre part, sur le volontariat (ZTI, ZT, ZC, gare à grande affluence). Quoiqu'il en soit, le Professeur Sébastien Tournaux constate que de manière générale, "la loi semble en permanence chercher un équilibre entre l'assouplissement des conditions des dérogations d'une part, et le développement de contreparties pour les salariés concernés d'autre part" (lire N° Lexbase : N8671BUP).

IV - Les modifications relatives au licenciement pour motif économique et à la sécurisation de l'emploi

C'est à la marge que la loi "Macron" est venue modifier les règles relatives aux licenciements pour motif économique.

En allongeant la durée maximale de deux à cinq ans des accords de maintien de l'emploi, en accordant la possibilité aux partenaires sociaux de prévoir, dans le cadre de cet accord, les conditions et les modalités selon lesquelles celui-ci peut être suspendu en cas d'amélioration ou d'aggravation de la situation économique de l'entreprise, et en précisant les modalités d'acceptation ou de refus par le salarié de l'application de l'accord à son contrat, la loi "Macron" s'attaque au régime même des accords de maintien de l'emploi. Depuis cette loi, lorsque le salarié s'oppose à l'accord de maintien de l'emploi, l'employeur est exonéré de l'obligation individuelle de reclassement préalable à son licenciement. Sur ce point, si Magali Gadrat, Maître de conférences, rappelle que le régime des licenciements consécutifs au refus de plusieurs salariés de se voir appliquer un accord de maintien de l'emploi tel qu'issu de la loi du 14 juin 2013 était déjà contraire au droit européen relatif aux licenciements collectifs, il est encore plus regrettable qu'il soit devenu de surcroît contraire à de nombreuses normes supranationales relatives au droit fondamental des salariés de contester le bien-fondé de la rupture de leur contrat de travail... (lire N° Lexbase : N8682BU4).

De même, si la loi vient alléger l'obligation de reclassement hors du territoire national dans les entreprises ou groupes internationaux en la conditionnant strictement à la demande expresse du salarié menacé de licenciement, la loi reste cependant laconique sur les modalités de cette demande.

En revanche, on ne peut que se féliciter, d'une part, des précisions ajoutées par la loi "Macron" sur la fixation conventionnelle ou unilatérale du périmètre d'application des critères de l'ordre des licenciements en cas de grand licenciement collectif dans les entreprises d'au moins cinquante salariés qui mettent fin aux incertitudes en la matière, et d'autre part, de la suppression de la référence au contrôle administratif des petits licenciements collectifs dans les entreprises d'au moins cinquante salariés.

Enfin, la loi "Macron" supprime le rôle de la DIRECCTE s'agissant du prononcé des grands licenciements collectifs dans les entreprises soumises à une procédure collective employant au moins cinquante salariés, puisqu'elle n'est plus tenue de s'assurer de la proportionnalité du contenu du PSE aux moyens dont dispose le groupe. Elle précise, en revanche, son rôle, dans les entreprises in bonis, lorsque la décision d'homologation/validation administrative du projet de grand licenciement collectif est annulée en raison d'une insuffisance de motivation.

Le nouveau régime du contrat de sécurisation professionnelle intègre, quant à lui, les modifications de la Convention Unedic du 26 janvier 2015 et de l'ANI du 8 décembre 2014 pour notamment allonger la durée du CSP en cas de reprise d'une activité salariée dans le cadre de ce dispositif, et obliger les OPCA à participer aux actions de formation prévues dans le cadre du CSP.

V - Les modifications relatives à la justice prud'homale

Avec la lenteur des jugements et l'accroissement des contentieux en droit du travail, la réforme de la justice prud'homale s'inscrit dans l'ère du temps et est toujours à l'ordre du jour. Si la loi "Macron" a le mérite de lancer le mouvement de la réforme, elle demeure une ébauche qui devra être complétée par la suite puisque, comme le souligne Vincent Orif, Maître de conférences, il est actuellement difficile de trouver une cohérence globale (lire N° Lexbase : N8676BUU et N° Lexbase : N8694BUK).

Au demeurant, la loi est tout de même venue préciser les obligations des conseillers prud'hommes en mettant l'accent sur la volonté d'améliorer leur intégration dans le corps judiciaire et en prévoyant des obligations similaires à celles des magistrats (indépendance, impartialité, dignité, probité, secret des délibérés, prohibition des mandats impératifs avant et après l'entrée en fonction...). En outre, la formation des conseillers prud'hommes est renforcée, chaque conseiller devant suivre une formation initiale de cinq jours avant sa prise de fonction qui s'ajoute à la formation continue.

La loi "Macron" créé également un nouveau statut du défenseur syndical dans l'entreprise, lequel devient un salarié protégé et voit ses absences pour exercer sa mission rémunérées.

La principale innovation réside surtout dans l'instauration d'un nouveau droit disciplinaire des conseillers prud'hommes dont la procédure se rapproche, dorénavant, de celle des magistrats de carrières, malgré quelques spécificités. En outre, une nouvelle définition de la faute disciplinaire est prévue par la loi et les sanctions sont modifiées, puisque, si la suspension pour une durée de six mois est maintenue, en revanche la censure est remplacée par le blâme, et deux catégories de déchéance (l'une provisoire, l'autre définitive) sont assorties de l'interdiction d'exercer les fonctions de conseiller prud'homme.

Afin de lutter contre les difficultés susceptibles de se présenter lors de la constitution ou lors du fonctionnement du conseil de prud'homme, la loi "Macron" a également encadré la possibilité de transférer les affaires dans ces deux cas de figures tout en précisant la procédure alors applicable.

Sur le terrain procédural, alors que le bureau de conciliation devient le bureau de conciliation et d'orientation (BCO), la loi en profite pour simplifier la présentation de la composition de chacune des formations du conseil de prud'hommes et réaffirme la mission du BCO de concilier les parties. Plus généralement, la loi précise les étapes de la procédure prud'homale en l'absence de conciliation ou de conciliation partielle et ouvre la médiation conventionnelle ainsi que la convention de procédure participative à tous les contrats de travail, laissant ainsi la part belle aux solutions amiables avant la saisine du juge.

Enfin, la loi précise que toutes les juridictions de l'ordre judiciaire peuvent désormais solliciter l'avis de la Cour de cassation avant de statuer sur l'interprétation d'une convention ou d'un accord collectif lorsqu'il existe une difficulté sérieuse se posant dans de nombreux litiges.

VI - Les modifications relatives à l'emploi et à la formation et à la lutte contre la prestation de services internationale illégale

L'aspect "emploi et formation", s'il apporte quelques modifications en matière sociale reste un sujet traité à la marge dans la loi "Macron". D'ailleurs, qu'il s'agisse des périodes de mise en situation professionnelle, de la prise en compte des stages de découverte des élèves de troisième dans l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés, de la suppression de dix-neuf articles du Code du travail relatifs aux emplois jeunes jugés obsolètes, des stages de préparation à l'installation par les organisations professionnelles et les chambres de métiers et de l'artisanat ou encore de la prise en charge de la rémunération des salariés des TPE en formation par les OPCA, le moins que l'on puisse dire, c'est que la loi "Macron" s'est montrée, comme le constate le Professeur Christophe Willmann, très "disparate" quant aux aspects abordés (lire N° Lexbase : N8733BUY), sans oublier le traitement du dispositif des adultes-relais à Mayotte et le remplacement du contrat d'accès à l'emploi par le contrat initiative emploi.

L'un des objectifs affichés de la loi concernait également la lutte contre les prestations de services internationales illégales. C'est pourquoi, dans ce domaine, la loi "Macron" s'est efforcée de renforcer les dispositifs déjà existant et de mettre en place de nouveaux outils. Dorénavant, la DIRECCTE peut ainsi ordonner la suspension de l'activité d'un prestataire étranger qui a détaché des salariés en cas de manquement grave à l'ordre public social, et en cas de non respect de cette décision, prononcer une amende administrative pouvant aller jusqu'à 100 000 euros par salarié.

La lutte contre les infractions à la législation sur les travailleurs détachés sur le territoire national est également renforcée avec l'obligation, pour l'employeur, de présenter les documents à l'inspection du travail garantissant le respect des règles relatives au détachement.

En outre, la responsabilité du donneur d'ordre ou du maître d'ouvrage à l'égard du cocontractant qui détache des travailleurs est renforcée, et le plafond des sanctions administratives en matière de détachement transnational de travailleurs salariés est modifié, passant de 10 000 à 500 000 euros.

Par ailleurs, la loi "Macron" rend obligatoire pour l'ensemble des entreprises établies en France ou à l'étranger la délivrance d'une carte d'identification professionnelle des salariés du bâtiment et des travaux publics et met en place une procédure dématérialisée de déclaration préalable de détachement des salariés.

VII - Conclusion générale

Forte de ses 306 articles et de ses 116 pages publiées au Journal officiel du 7 août 2015, la loi "Macron" est tout sauf une loi simple et homogène. Si elle avait comme objectif de clarifier le droit du travail, on est loin de la simplification attendue initialement puisque, pour reprendre l'expression du Professeur Christophe Radé, on se retrouve face à "un législateur schizophrène, complexifiant d'une main et simplifiant de l'autre" (lire N° Lexbase : N8714BUB). Pour autant, la simplification du droit du travail s'avère aujourd'hui une nécessité que l'on ne peut plus indéfiniment reporter, et si la loi "Macron" n'y est pas parvenue, le législateur sera bientôt contraint de se mettre au travail...

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