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N1996BYL
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par Ameth Ndiaye, Docteur en Droit public, Assistant - Faculté des Sciences juridiques et Politiques, Université Cheikh Anta Diop de Dakar
le 04 Février 2020
Charte africaine des droits de l'Homme - Charte africaine de la démocratie - élections - gouvernance
«[…]La galaxie juridique contemporaine est constituée de planètes qui évoluent les unes par rapport aux autres et dont la course se croise à de multiples reprises. Ce ballet devrait être réglé par les lois de la mécanique céleste, mais le Grand Architecte ne semble guère s’en être soucié. Aussi, dans ce cadre, l’étude des règles de fond propres à chaque système est moins importante que celle des interactions qui se produisent dans le mouvement de ces planètes […]» [1]. Si pour le Professeur Jean-Paul Jacqué ces planètes renvoient, entre autres, à l’Organisation des Nations Unies [2], à la Convention Européenne des Droits de l’Homme [3] et à l’Union européenne [4], il s’agira pour nous d’envisager ces planètes à travers la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples [5] et la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance [6].
Prétextant le 10ème anniversaire de l’adoption de la CADEG et le 5e de son entrée en vigueur, il nous est apparu utile de saisir ce moment de célébrations et de festivités pour réfléchir sur les acquis et les déficits démocratiques en Afrique au cours de la décennie écoulée. Cette étape-bilan doit, à notre sens, être reliée à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, encore appelée, Charte de Banjul. En effet, La CADEG «n’est pas née des choux», pour reprendre l’heureuse formule de Monsieur Guillou [7]. Elle n’est pas, non plus, un phénomène désincarné et tire son existence et tout son sens de la Charte de Banjul qui peut, ici, à l’instar de la Constitution en droit interne, prétendre à la qualité de norme-mère. Immanquablement, la CADEG devait combler un vide. En effet, l’Organisation de l’unité africaine [8] et l’Union africaine [9], malgré une «fièvre conventionnelle» [10], avait fini d’étaler leurs insuffisances relativement à la prise en charge des droits de l’homme et de la démocratie. Aussi, cette nouvelle création se justifiait par la nécessité d’un ferme rappel à l’ordre autour de la philosophie des droits de l’homme et de la démocratie. Ainsi, moins que l’étude des règles de fond propres à chacune des deux Chartes africaines, ici à l’honneur, l’accent sera plutôt mis sur les interactions qui se nouent entre elles. Il s’agira à l’évidence d’essayer de démêler l’écheveau des imbrications entre la Charte de 1981, encore appelée Charte de Banjul [11] et celle portée sur les fonts baptismaux en janvier 2007 à Addis-Abeba, dans la capitale Ethiopienne. En effet, comme le soulignent les professeurs Ismaïla Madior Fall et Alioune Sall «au-delà de leur diversité apparente et de la variété des contextes dans lesquels ils ont été adoptés, ces textes [12] demeurent reliés par une certaine cohérence et une certaine rationalité» [13]. S’il y a un fil rouge qui parcourt notre analyse, c’est très certainement, cette quête de cohérence et de rationalité. Et, elle permettra, dans la foulée, de déceler la part des incohérences et des irrationalités relativement à la «course» de ces deux planètes.
Cette diversité apparente se manifeste au niveau de l’approche définitoire. Au plan étymologique, charte vient du latin charta qui signifie écrit, comme le rappelle le professeur Moustapha Ngaïdé [14]. Le terme «charte», à l’honneur dans notre étude, peut être envisagé comme un accord international conclu par écrit entre Etats et régi par le droit international. Les Etats qui ratifient une charte ou y adhérent sont tenus de la respecter. A la vérité, l’usage manque d’homogénéité. La pratique internationale permet de rapprocher la charte du traité, de l’accord, du pacte, du protocole, de la convention…La liste n’est pas exhaustive ! La même pratique internationale autorise d’exclure de notre champ d’étude la Charte envisagée, dans le cadre du droit interne, comme un acte constitutionnel non élaboré par une assemblée constituante [15]. Elle permet également d’écarter de nos préoccupations l’accord intervenant entre entités qui ne sont pas reconnues comme des Etats sur le plan international (Etats membres d’un Etat fédéral, provinces, départements). Cet accord ne constitue pas une convention internationale. Les contrats entre particuliers ou entre Etats et particuliers subissent, aux aussi, le même sort.
A cette diversité apparente, l’homogénéité de l’aire géographie, objet de la réflexion, apparaît comme une bouffée d’oxygène. En effet, nos deux chartes sont bien localisées sur les terres africaines. On ne peut plus nier que la récente démocratisation en cours dans un nombre croissant de pays africains se nourrit de la revendication des droits de l’homme. La Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance se propose comme l’instrumentum [16] de cette prise de conscience.
Un intérêt particulier s’attache à une telle entreprise. En effet, il n’existe pas à notre connaissance, d’étude systématique ambitionnant de présenter la relation entre la Charte de Banjul et la Charte adoptée à Addis-Abeba. Au caractère particulier de l’intérêt de l’étude s’ajoute un constat : le temps semble s’être «drapé» d’une maturité suffisante favorable à une telle analyse. En effet, une compulsation de la littérature existante portant sur nos deux planètes témoigne de deux réalités. La première réalité renseigne sur la foultitude d’écrits consacrés à l’une [17] ou l’autre [18] de ces deux Chartes africaines. Cette œuvre est titanesque [19]. Par voie de corollaire, la deuxième réalité confirme le caractère monographique de ces écrits. A la vérité aucun des textes consacrés à ces deux planètes n’ambitionne une analyse de l’une et l’autre, de l’une vers l’autre, concomitamment. Or, les évolutions récentes et les tendances qui se dessinent semblent conforter notre démarche combinatoire. En effet, le temps nous paraît mur pour tenter une telle approche [20].
L’on perçoit alors mieux les intérêts qui s’attachent à démarche consistant à poser un regard croisé «sur la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance». Tel qu’il est formulé le sujet part d’un constat- l’adoption de la CADEG se présente comme l’un des faits saillants de la décade écoulée dans le processus de démocratisation de l’espace africain. Elle doit être reliée à la CADHP de par sa généalogie, de par ses objectifs et de par sa philosophie. Mieux encore, ce lien est renforcé par l’ambition de la CADEG de combler le vide constaté au niveau de l’OUA et de l’UA dans la prise en charge des droits de l’homme et de la démocratie. Enfin, Quel qu’ait été le souci constant des auteurs de la CADHP et de la CADEG d’éviter les contradictions entre les deux chartes dans la prise en charge des droits de l’homme et de la démocratie, une autre volonté s’est exprimée avec force : celle de l’autonomie de la CADEG -et l’assortit d’une interrogation centrale : dans la prise en charge des droits de l’homme et de la démocratie en Afrique par la CADHP et la CADEG, quelle est la part d’identité et d’autonomie ?
Dès lors, une esquisse de bilan incompressible à l’analyse structurelle de ces deux Chartes devient possible. Cette nécessité est fortement relayée par Adama Kpodar [21]. Au total ; notre étude propose d’examiner, par une lecture croisée et comparative de ces deux Chartes africaines, le mouvement de conjonction des deux planètes (I), dans un premier temps, et, dans un second temps celui de leur élongation (II).
I - Une conjonction [22] existentielle des deux planètes
Les contours de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples et ceux de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance permettent de saisir les aspects communs aux deux types d’instruments. En effet, un survol complet des deux chartes donne la possibilité d’affirmer qu’il y a effectivement des points de convergence entre la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples et de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance. C’est la raison pour laquelle d’ailleurs il s’avère important d’abord de passer en revue le mode d’adoption de ces deux textes (A) avant de parcourir leur processus de mise en œuvre (B), tâche qui nous permettra par conséquent de mettre en exergue leur similarité existentielle.
A - Une similarité dans le mode d’adoption
La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance ont été élaborées sous les couleurs et les initiatives d’une même entité qui est l’Organisation de l’Unité Africain remplacée par l’actuelle Union africaine. Cette évocation est fortement intéressant en ce sens qu’elle permet de souligner que les deux instruments se ressemblent du point de vue de leur élaboration, par le fait qu’ils ont la même origine (1) et que leurs contextes d’apparition sont parfaitement identiques (2).
1 - Une commune origine institutionnelle
Le rappel des organes ou des institutions étant à l’origine de l’élaboration des chartes en question constitue essentiellement le moyen par lequel il est nécessaire de passer dans la perspective d’établir des caractéristiques semblables et existants entre la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance. En effet, alors que la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples est apparue sous l’égide de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA), au moment de la rencontre des Chefs d’Etats et de gouvernement au Kenya en juin 1981 [23] suivie de son entrée en vigueur en octobre 1986, la Chatre africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance quant à elle, est née en 2007 [24] grâce à la dynamique efficiente de l’Union Africaine. Cette comparaison du point de vue du caractère institutionnellement identique est d’autant plus nécessaire voire capitale dans la mesure où l’Organisation de l’Unité Africaine, créée le 25 mai 1963 par le traité d’Addis-Abeba [25] au lendemain de l’accession de plusieurs Etats africains à la souveraineté internationale, a été substituée par l’Union Africaine au début des années 2000. L’UA est née de l’Acte constitutif adopté lors de la rencontre tenue à Lomé le 11 juillet 2000. L’Acte constitutif créant l’Union Africaine entra en vigueur le 25 mai 2001 mais l’Organisation prendra véritablement forme sur le plan fonctionnel lors du Sommet de Durban tenu en Afrique du sud le 9 juillet 2002. Il convient de souligner qu’en droit des organisations internationales, il est prévu le mécanisme de succession d’organisations. Autrement dit c’est le fait qu’une organisation puisse être remplacée en cas de nécessité manifeste par une autre organisation. Ainsi «il y a succession lorsqu’une organisation internationale appelée organisation successive se substitue à une organisation ancienne ou précédente dans l’exercice de certaines compétences et dans la possession et la jouissance à un patrimoine» [26]. La succession de l’UA à l’OUA constitue une substitution-transformation dans la mesure où l’Union Africaine est venue remplacée substantiellement l’Organisation de l’Unité Africaine. Par conséquent, dans la transformation toutes les fonctions surtout celles de nature normative sont transférées à la nouvelle organisation. C’est pourquoi au moment de la naissance de l’UA, tous les traités de la défunte organisation continentale ont été transférés à celle-ci. Au demeurant, force est de mentionner que la prérogative que détenait l’Organisation de l’Unité Africaine, en vertu du traité constitutif, de pouvoir adopter des instruments normatifs, est reconnue à l’Union Africaine au moment de la succession. Il s’agira alors d’une continuité dans l’exercice des compétences fonctionnelles et normatives entre les deux organisations et dont le but d’une telle continuité est de nature à assurer «l’accélération et l’approfondissement du processus d’intégration régional sur un plan socio-économique. Elle vise notamment à encourager la coopération internationale en tenant compte de la Charte des Nations unies et de la Déclaration universelle des droits de l’homme ; de promouvoir la paix, la sécurité et la stabilité du continent ; de promouvoir et protéger les droits des populations en accord avec la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples et de promouvoir la coopération dans tous les domaines d’activité humaine pour élever le niveau de vie des peuples africains» [27].
L’illustration de taille qui fait état d’une similarité d’origine institutionnelle entre la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples et la Charte africaine de la démocratie des élections et de la gouvernance, réside dans le fait que déjà dans les années 1990, à travers l’adoption d’un texte d’orientation politique [28], l’OUA alors qu’elle était dans son plein exercice, s’était nourrie d’une ambition manifeste allant dans le sens de s’intéresser sur la situation politique et constitutionnelle des pays africains [29] dont la finalité serait l’élaboration d’un document sur les modalités de gouvernance et d’instauration de démocratie en Afrique. Une responsabilité qu’incarnera plus tard l’Union Africaine qui l’amena ainsi à initier des travaux en faveur de la naissance d’une charte sur le modèle politique continental c’est-à-dire la démocratie, les élections et la bonne gouvernance. Mieux, ambitionnant de mettre sur pied la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance l’UA s’inspirera de textes juridiques déjà établis par l’OUA. Dans le préambule même de la Charte sur la démocratie, les élections et la gouvernance, il a été repris certaines déclarations dont l’OUA a en été l’auteure. Exceptée la Déclaration de 1990 sur la situation politique et socio-économique en Afrique et les changements fondamentaux qui se produisent dans le monde, l’UA pour créer la Charte prend pour référence d’autres documents comme le Programme d’action du Caire de 1995 pour la relance économique et le développement social en Afrique, la Déclaration d’Alger de 1999 sur les changements anticonstitutionnels de gouvernement en Afrique, la Déclaration de Lomé de 2000 sur le cadre pour une réaction de l’OUA face aux changements anticonstitutionnels de gouvernement et la Déclaration de l’OUA/UA sur les principes régissant les élections démocratiques en Afrique, adoptée en 2002 [30]. Ces différents éléments relatifs aux travaux des deux organisations successives montrent en quoi la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance revêtent les mêmes origines institutionnelles ou organiques.
L’analyse des deux chartes africaines a permis d’établir de fortes ressemblances liées à leur système d’apparition institutionnelle. Elle permet également de relever de fécondes similarités rattachables à leur contexte d’élaboration.
2 - Un contexte d’adoption similaire
Une convention internationale est élaborée dès lors qu’il existe la réunion de plusieurs facteurs qui font d’elle un document pouvant entrer en vigueur et revêtant ainsi une force obligatoire, c’est-à-dire destiné à créer des effets de droit [31]. La convention peut être adoptée à l’initiative d’un Etat ou de plusieurs Etats ou à l’initiative d’une Organisation internationale comme en l’espèce des chartes auxquelles l’étude en question est destinée.
Ainsi en Afrique au lendemain des indépendances, il est noté la naissance et la prolifération de certains accords continentaux, régionaux ou sous régionaux grâce au dynamisme de certains organismes dans le continent, qui après leur création, décident de mettre sur pied certains instruments servant de boucliers ou de miradors dans certains domaines spécifiques relatifs à la vie des africains. C’est le cas de l’adoption de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples par l’OUA et de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance adoptée par l’UA.
Par ailleurs, leur naissance n’est pas fortuite car elle obéit à des facteurs circonstanciels bien déterminés et déterminants. Pour ce qui est de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, déjà au sortir du phénomène de la décolonisation dans les années 1960, le continent africain était confronté à un réel problème de redressement économique qu’il a hérité de la présence de l’occident pendant plusieurs décennies. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, «les jeunes États, et leurs dirigeants, furent amenés à devoir répondre aux immenses aspirations de peuples longtemps opprimés par la domination coloniale tout en gérant l’héritage qui en découle, qu’il s’agisse des frontières ou des économies». Ces chefs d’Etats se pencheront très vite à trouver des solutions respectives dans leur propre pays [32]. Face à ces impératifs, combinés cependant aux multiples soifs de certains dirigeants [33] de s’éterniser au pouvoir en usant de tous les moyens qu’ils estiment nécessaires, serait-il possible de concilier le respect des droits de l’individu et du groupe avec ce que certains appellent l’émancipation politico-économique du continent noir ? La réponse à une telle interrogation semble bien être très difficile en ce que certains dirigeants autoritaires et sanguinaires africains [34] se lancent en une nouvelle sorte de marchandage qu’ils proposent aux populations, consistant à promettre la sécurité et une embellie économique en échange de l’abandon de droits participatifs et de libertés publiques. Plusieurs pays en Afrique n’ont pas été épargnée par la répression sévère exercée contre les citoyens, parfois ouvertement et dans la violence, et de façon subtile et sous un voile de respectabilité. La volonté de réduire au silence les voix critiques, par l’instauration d’un système de parti unique, s’est intensifiée et a pris de l’ampleur dans certains pays Africains [35]. Les assassinats de chefs d’Etats légitimement élus [36] et des acharnements sur des citoyens connaissent des avancées inconcevables et font sombrer les droits de l’homme dans certains pays de l’Afrique. Ces situations amenèrent incontestablement certains africains à se préoccuper de la situation des droits de l’homme dans le continent. Déjà, avant même 1960, le Docteur Nnambi Azikiwe [37] dans son mémorandum sur «La Charte de l’Atlantique et de l’Afrique occidentale britannique» en 1943 manifestait ses inquiétudes. Il renchérira dans un discours du 12 août 1961 à Londres relatif au Panafricanisme et dont le contenu se résumait en un appel au Conseil d’Etats africains à «promulguer une convention africaine des droits de l’homme comme gage de leur foi dans le gouvernement du droit, de la démocratie comme mode de vie, de la liberté individuelle et du respect de la dignité humaine» [38]. Ainsi, en 1961 lors d’une résolution, appelée «Loi de Lagos [39]», les congressistes projetaient sur une convention africaine portant sur les droits de l’homme. A la conférence des juristes francophones africains de Dakar en 1967, les travaux de Lagos ont été ravivés en faveur d’une protection régionale des droits en Afrique. Toutes ces étapes ponctuées à vrai dire par des échecs tenants à la réticence des Chefs d’Etats, ont eu des conséquences sur l’apparition de la charte des droits de l’homme et des peuples [40]. C’est dans cette atmosphère que le président de la Gambie avait joué un rôle historique en convoquant à Banjul deux rencontres ministérielles qui vont donner naissance au projet de Charte appelé «Charte de Banjul» qui sera soumis à l’Assemblée générale de l’OUA pour une adoption définitive le 28 juin 1981.
Ainsi les circonstances qui caractérisent l’élaboration de la charte africaine des droits de l’homme et des peuples vont avoir des effets sur le modèle de gestion politique des Etats africains par leurs chefs d’Etats. Autrement dit, de tels effets dont le fondement s’identifie à une inobservation totale et profonde des droits reconnus à l’individu et au groupe par la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, fourniront ultérieurement des impacts dans la façon de gouverner et de gérer les affaires publiques dans le continent. En effet, entre la naissance de la Charte sur les droits de l’homme et les peuples et celle sur la démocratie, les élections et la gouvernance, les populations africaines ont éprouvé de plus en plus des difficultés exercées et exacerbées par certains gouvernants despotes animés d’un égo politique avec le refus profond de s’ouvrir au dialogue, au consensus et à la démocratie. L’idée de créer un système de gouvernance axé sur la démocratie, l’Etat de droit et la lutte contre corruption et les malversations ne sera pas la bienvenue chez certains chefs d’Etats. Les coups d’Etats [41], les massacres et les exactions pour se maintenir au pouvoir n’ont pas s’estompé au grand prix d’une population vulnérable. C’est pourquoi et après de multiples batailles livrées par des intellectuels et des experts, les chefs d’Etats africains finiront par s’accorder sur l’impératif de mettre sur pied un véritable outil juridique servant de miroir et de référence dans le système de gouvernance du continent. Il s’agit pour ces élites de réfléchir sur une «constitution africaine» pour civiliser le comportement politique des chefs d’Etats africains.
Par ailleurs, il convient, dans ce contexte ayant favorisé l’élaboration de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, l’impact de la déclaration issue de la Conférence de Baule tenue en France au début des années 1990 qui mettait aux prises le président français François Mitterrand et certains Chefs d’Etats africains en vue de débattre sur les modalités d’instauration d’une démocratie véritable en Afrique. Le déroulement de cette rencontre franco-africaine renseigne sur l’exigence d’une démocratie, avec l’acceptation pour les gouvernants africains de s’ouvrir au multipartisme, comme gage dans la possibilité d’une aide ou coopération internationale [42].
C’est pourquoi, l’adoption de la Charte africaine sur la démocratie, les élections et la gouvernance a connu une accélération quelques années après la naissance de l’Union Africaine et au regard des multiples changements anticonstitutionnels [43] survenus sur le continent. Les dispositions de l’Acte Constitutif portant création de l’Union ne font que condamner et rejeter ces changements sans apporter des qualifications précises aux possibles cas de changements anticonstitutionnels [44]. A ce propos Saïd Djinnit, représentant spécial des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest affirmait qu’«aujourd’hui l’obligation de respecter la constitution est de rigueur», avant d’ajouter plus tard que «l’Afrique s’est engagée véritablement sur la voie de la démocratie» [45]. C’est en effet, dans ces conditions politiquement émaillées de troubles et d’incertitudes qu’a été entérinée le 30 janvier 2007 au sommet de l’UA une Charte africaine relative à la démocratie, à la tenue normale des élections et à la bonne gouvernance dénommée la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance qui permettra à l’Afrique de se doter d’une ligne de conduite dans l’exercice politique des gouvernants et d’avancer sur le chemin des «valeurs universelles et principes de la démocratie, de la primauté de la constitution et de l’état de droit et le respect des droits de l’homme» [46].
Au total, il est possible de concevoir que la charte africaine des droits de l’homme et des peuples et la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance connaissent le même contexte d’élaboration en ce qu’elles sont la résultante d’une série de violations massives des droits de l’homme par des tenants de régimes autoritaires et dictatoriaux. Autrement dit, elles ont été adoptées dans un moment où l’Afrique baignait imparablement dans un tumulte politico-démocratique sans précédent.
C’est ce qui fait d’ailleurs que ces deux Chartes ne manqueront pas à avoir un mode semblable dans leur mise en application.
B - Un processus de mise en œuvre identique
Après leur mode de création typiquement identique, la Charte africaine des droits et des peuples et la charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance entretiennent sous un autre registre des relations similaires qui facilitent la comparaison analytique entre ces deux instruments. Il s’agit de la compréhension du processus de la mise en œuvre des deux Chartes africaines. Celui-ci se décompose en deux volets qui consistent d’abord à mettre en lumière le rôle des institutions nationales, régionales et continentales dans cette mise en œuvre (1) et l’action, dans ce même exercice, des organes de contrôle pour l’application des deux Chartes (2).
1 - Un rôle indifférencié des différents acteurs
L’accord international régulièrement signé et ratifié «lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi» [47]. C’est pourquoi même, aucune «partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant la non-exécution d’un traité» [48]. Ainsi au lendemain de l’entrée en vigueur de ces deux instruments juridiques, plusieurs structures se chargeront dans les conditions fixées par les dispositions des deux Chartes, de véhiculer et d’assurer une dissémination plus large de ces chartes dans l’espace continental. Dans l’article 44 sous-section2 [49] de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, et dans l’article 30 [50] de la Charte africaine des élections et des peuples, il est mentionné clairement le rôle qui revient aux deux commissions c’est à dire la commission africaine des droits de l’homme et des peuples et la commission de l’UA, de participer au développement général des instruments juridiques. Ces deux commissions africaines exercent une mission de promotion des chartes instituées en vue de sensibiliser [51] les populations et les autorités publiques et de faire connaitre leur existence. Ainsi par exemple pour la commission africaine des droits de l’homme et des peuples, l’article paragraphe 1 la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, dont le contenu est le suivant : «Promouvoir les droits de l’homme et des peuples et notamment : (a) Rassembler de la documentation, faire des études et des recherches sur les problèmes africains dans le domaine des droits de l’homme et des peuples, organiser des séminaires, des colloques et des conférences, diffuser des informations, encourager les organismes nationaux et locaux s’occupant des droits de l’homme et des peuples et, le cas échéant, donner des avis ou faire des recommandations aux gouvernements ; (b) Formuler et élaborer, en vue de servir de base à l’adoption de textes législatifs par les gouvernements africains, des principes et règles qui permettent de résoudre les problèmes juridiques relatifs à la jouissance des droits de l’homme et des peuples et des libertés fondamentales ; (c) Coopérer avec les autres institutions africaines ou internationales qui s’intéressent à la promotion et à la protection des droits de l’homme et des peuples», porte sur l’activité de promotion confiée à celle-ci. Quant à la mise en œuvre de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, elle est du ressort de la commission de l’Union africaine aux termes de l’article 44, paragraphe 2 [52] de la Charte. En menant cette mission, les deux commissions peuvent être en collaboration avec des structures indépendantes en l’occurrence les ONG ou la société civile locale qui s’activent en matière des droits de l’homme. Ainsi pour mesurer le niveau de similarité dans le processus de mise en œuvre des deux chartes dévolu aux deux commissions, il convient de souligner particulièrement l’objectif que s’est fixé la commission africaine des droits et des peuples allant dans le sens d’inscrire la charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance dans l’ordre du jour de ses prochaines sessions [53]. En d’autres termes, il est possible de relever la complémentarité fonctionnelle qui existe entre les deux commissions dans leur mission de sauvegarde des droits de l’homme en Afrique.
A l’instar des commissions, les deux Chartes prévoient également l’intervention des Etats parties dans la mise en œuvre des instruments juridiques. En effet, dans les deux chartes il y est prévu spécifiquement des dispositions qui portent sur la responsabilité qu’exercent les Etats dans la propagation des normes contenues dans les instruments. Il s’agit de l’action entreprise par les Etats au niveau national pour rendre possible l’effectivité de l’application des chartes. Ainsi selon l’article 44 paragraphe 1 de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, «Les Etats parties s’engagent à réaliser les objectifs, à appliquer les principes et à respecter les engagements énoncés dans la présente Charte de la manière suivante: a. Les Etats parties initient les actions appropriées, y compris les actions d’ordre législatif, exécutif et administratif afin de rendre leurs lois et les règlements nationaux conformes à la présente Charte. B. Les Etats parties prennent toutes les mesures nécessaires conformément aux dispositions et procédures constitutionnelles pour assurer une dissémination plus large de la présente Charte et de toute législation pertinente indispensable à l’application des principes fondamentaux y contenus. C. Les Etats parties encouragent la volonté politique comme une condition nécessaire pour la réalisation des objectifs énumérés dans la présente Charte. D. Les Etats parties intègrent les engagements et principes énoncés dans la présente Charte dans leurs politiques et stratégies nationales» [54]. Dans le cadre de cette charte portant sur la démocratie, les élections et la gouvernance, il est reconnu aux Etats d’adopter des stratégies nationales d’insertion des principes dégagés par elle à travers la voie législative ou réglementaire. Les Etats peuvent également conduire à bien la mise en œuvre de la charte par la création, par voie constitutionnelle d’institutions nationales [55] qui œuvrent en faveur des droits humains. Ces institutions nationales sont en quelque sorte des organes chargés d’élargir les principes contenus dans la charte et «agiront toujours en qualité d’autorités nationales» [56], même si ces entités nationales «n’agiront jamais que sur délégation de l’Etat et pour son compte, ce qui revient à exclure toute idée de compétence d’exécution autonome ou indépendante au profit d’entités non-étatiques» [57]. Pour la charte des droits de l’homme et des peuples, le rôle des Etats dans la mise en œuvre apparait à l’article 62 de la Charte selon lequel «Chaque Etat partie s'engage à présenter tous les deux ans, à compter de la date d'entrée en vigueur de la présente Charte, un rapport sur les mesures d'ordre législatif ou autre, prises en vue de donner effet aux droits et libertés reconnus et garantis dans la présente Charte». C’est la soumission de rapports périodiques à la commission des droits de l’homme et des peuples pour rendre compte de la situation des droits humains au niveau national. Par ailleurs, avant la rédaction de ces rapports, selon certaines dispositions de la Charte en l’occurrence l’article 1 [58], l’article 25 [59] et l’article 26 [60], les Etats sont les principaux vecteurs dans la diffusion et la promotion des principes de la Charte et sur ce fait ils se lancent dans une logique d’adaptation des mesures de la charte aux lois et règlements internes pour que le respect des droits de l’homme et des peuples soit une véritable réalité.
La similarité dans la mise en œuvre des Chartes s’opère dans le cadre du contrôle de leur application.
2 - Un suivi pluri-acteurs de l’application
L’adoption des traités internationaux et le suivi de leur mise en œuvre nécessitent l’intervention de plusieurs acteurs. Cette exigence de suivi relative à l’application des accords internationaux régulièrement adoptés ressort d’une prescription contenue dans les accords eux-mêmes [61]. En effet, dans la rédaction des textes il est prévu des dispositions portant sur le contrôle de leur application. En l’espèce, la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance et la charte africaine des droits de l’homme et des peuples contiennent des articles qui renseignent sur le système de contrôle de leur application. Dans cette dynamique ces deux chartes sont des textes qui se rejoignent effectivement dans le mode de contrôle dans la mesure où ils prévoient des organes spécifiquement habiletés à assurer la mission de contrôle de leur application par les Etats parties aux Chartes. Pour la charte sur la démocratie, les élections et la gouvernance ce sont la conférence et le conseil de paix et de sécurité de l’Union Africaine qui portent cette responsabilité de veiller au respect de la bonne application en vertu de l’article 46 de la charte selon lequel : «En vertu des dispositions pertinentes de l’Acte constitutif et du Protocole portant création du Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union africaine, la Conférence et le Conseil de Paix et de Sécurité déterminent les mesures appropriées à appliquer contre tout Etat partie qui viole la présente Charte» [62]. En plus de l’article 46, le rôle de la commission de l’Union Africaine est également mentionné dans le système de contrôle l’application à l’article 49 alinéa 1 [63] de la charte à travers les rapports que les Etats sont tenus de lui soumettre tous les deux ans et que la commission transfère à la conférence pour une vérification du respect des engagements des Etats parties à l’égard de la Charte [64]. Conformément à la charte sur la démocratie, les élections et la gouvernance, pour la charte sur les droits de l’homme et des peuples c’est l’article 45, paragraphe 2 qui liste les organes habiletés à intervenir pour contrôler l’application de la Charte. Selon cette disposition, «La commission a pour mission de : 2. Assurer la protection des droits de l'homme et des peuples dans les conditions fixées par la présente Charte» [65]. A côté de la commission africaine des droits de l’homme et des peuples qui est l’organe central chargé de vérifier les actes des Etats parties vis-à-vis de la Charte, il y a la possibilité pour la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples d’intervenir dans le contrôle de l’application. En effet, cela se manifeste par le travail mutuel ou réciproque qui existe entre la commission et la cour. Autrement dit, la commission peut saisir la cour en guise de consultation [66] ou bien elle peut la saisir pour qu’elle tranche des litiges portant sur les droits de l’homme. A cet égard, «La Cour complétera et renforcera le travail de la Commission africaine. Elle examinera les cas de violation des droits humains que lui soumettront la Commission, les États et, le cas échéant, les victimes elles-mêmes ou leurs représentants (notamment les ONG)» [67]. Pour la charte africaine de la démocratie, des élections et la gouvernance comme pour celle portant sur les droits de l’homme et des peuples, la vocation des différents organes dans l’exercice du contrôle de l’application des normes énoncées dans les deux Chartes, se traduit à l’idée d’amener les Etats à veiller aux exigences relatives aux standards internationaux en matière des droits de l’homme au niveau international, régional et continental. C’est la raison pour laquelle, les deux Chartes partagent le même objectif en adoptant un système similaire de création de leurs organes qui se chargeront de la bonne application des textes.
Cependant certaines contrariétés constatées au niveau fonctionnel viennent perturber l’ambition de commune identité portée par les deux Chartes.
II - Une élongation [68] fonctionnelle des deux planètes
La ressemblance des deux Chartes sur certains points ne cache pas le fait que chacune d’elle garde une spécificité qui lui est nettement propre. Ainsi la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples se distingue de la Charte de la démocratie, des élections et de la gouvernance d’une part par rapport à leur champ d’application (A) et d’autre part en ce qui concerne le mode de sanctions qu’elles prévoient en cas de violation (B).
A - Un champ d’application distinct
En droit, le champ d’application d’une règle renvoie aux principales destinataires d’un corps de règles spécialement conçues pour ceux-ci. Ces destinataires sont incontestablement le réceptacle de ces règles dont le respect est exigé pour ceux qu’elles concernent. Ainsi cette spécificité de destinataires a fait que la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples ne se compare pas de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance car la première vise les individus et les peuples (1) alors que la deuxième cible les autorités publiques des Etats africains (2).
1 - Les individus et les peuples dans le régime de la CADHP
Une lecture très attentive de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples montre clairement qu’il ne fait pas de doute que cette charte se démarque totalement de celle relative à la démocratie, aux élections et à la gouvernance par rapport à leur contenu en ce sens que la première est conçue pour s’occuper intégralement de l’individu et du groupe en tout ce qui pourrait avoir une relation avec leurs droits et leurs devoirs dans la société africaine en général.
Autrement dit dans la charte des droits humains, les principaux concernés à savoir l’individu et le collectif sont très bien pris en charge par l’instrument dans plusieurs de ses dispositions. En effet, les droits qui font allusion à ces deux catégories de destination sont contenus dans la première partie du document plus précisément au premier et au second chapitre. D’emblée, il importe de mentionner ici que le propos ne se prête nullement à faire une énumération linéaire des différents droits et libertés consacrés par la charte au profit des individus et des peuples même s’il s’avère très nécessaire de connaitre telles normes. Mais plus tôt il sera question de s’atteler à une analyse approfondie de la quintessence de ces droits et libertés vis-à-vis des principaux bénéficiaires qui sont très différents des destinataires des règles prévues par la charte sur la démocratie, les élections et la gouvernance. Plus précisément ce sont les articles 3 à 18 de la charte qui garantissent les droits individuels tandis que ceux des peuples sont contenus aux articles 19 à 24. Quant aux devoirs que les individus doivent exercer envers la société ils font l’objet de consécration au deuxième chapitre de la première partie de l’instrument.
L’analyse commande au départ de souligner minutieusement que la spécificité de la Charte des droits humains par rapport à celle qui concerne la démocratie, les élections et la gouvernance réside dans la manière dont elle énonce les droits individuels et ceux des peuples contenus notamment dans le premier chapitre et qui se décomposent en des droits civils et politiques [69] et en des droits économiques, sociaux et culturels [70]. En effet, contrairement au système de protection des Nations Unies qui énonce de façon séparée les droits civils, politiques individus et les droits économiques, sociaux et culturels [71], le système africain, à travers les prescriptions de cette Charte a opté de les regrouper dans cet unique instrument sans distinction aucune [72]. Ainsi les droits des individus et des peuples dans le régime de cette Charte jouissent d’une protection et d’une promotion remarquablement spéciale du fait de la qualité des personnes dont ces droits sont destinés. Au moment de la conception de cette charte, les droits et les libertés de la personne humaine et des peuples autochtones étaient dans un état cauchemardesque du fait exactement de l’intention des gouvernants de l’époque de marginaliser systématiquement les citoyens pris dans leur ensemble. Dans ces circonstances de mauvaise conduite politique africaine de la part des dirigeants, les peuples frappés par une extrême pauvreté et complètement abandonnés, se trouvent impuissants pour jouir pleinement de leurs droits et de participer au jeu politique de leur pays «comme l’exercice de leur droit de vote, l’obtention de cartes d’identité ou la participation à des organismes nationaux de prise de décision» [73]. C’est la raison pour laquelle, d’ailleurs, les droits et les libertés textuellement consacrés en faveur des individus et des peuples [74] et considérés comme étant des standards minimums, bénéficient d’une large attention par rapport au contrôle de leur application. Dans ce cadre notamment, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, à travers une communication d’un rapport en date du début des années 2000 affirmait que «les droits collectifs, environnementaux, économiques et sociaux sont des éléments essentiels des droits de l’homme en Afrique. La commission africaine appliquera n’importe lequel des droits contenus dans la charte africaine. La commission saisit cette occasion pour clarifier qu’il n’y a pas de droit dans la Charte africaine que l’on ne puisse mettre en œuvre» [75]. De plus, le régime de la charte africaine des droits de l’homme qui se manifeste à l’égard des individus et des peuples touche également les principaux devoirs [76] que ces dits individus doivent observer envers les autres en guise d’une harmonisation et d’un bon équilibre de la vie en société. En effet, l’individu après avoir prétendu être titulaire de droits et de libertés qui nécessitent protection et promotion, il est en retour amené à s’acquitter de certaines obligations envers sa communauté. Cela est particulièrement lié à l’organisation traditionnelle de la société africaine axée notamment sur l’importance et la primauté du groupe au détriment des particularismes. Ainsi le point de départ relativement à la volonté de consécration des devoirs de l’individu fut marqué par l’œuvre magistrale du président Léopold S. Senghor dans sa proposition en marge de la rencontre de Dakar concernant l’adoption de l’avant-projet de la Charte africaine des droits de l’homme [77]. A cet effet, le rapport de présentation notait que «la conception d’un individu à la fois totalement libre et totalement irresponsable et en même temps opposé à la société, n’est pas conforme à la philosophie africaine» [78].
C’est pourquoi même à la lecture du préambule de la Charte précisément en son paragraphe 6, il est permis de déceler l’attachement étroit que les rédacteurs de la charte expriment envers les devoirs de l’individu. Cependant, dans ce volet d’analyse, il convient de relever que la doctrine se trouve parfois très controversée par rapport à la réception de la dialectique droit et devoir [79] de l’individu pourvu que nombreux de ces doctrinaires affirment l’idée d’une incompatibilité entre les droits et les libertés qui doivent être assurés aux citoyens d’un pays par les autorités publiques et l’existence de devoirs supposés établis par l’Etat. Selon leur conception, vouloir exiger des devoirs aux individus provoquerait sans doute une atteinte à leurs droits et libertés. Et l’autre frange de la doctrine qui exprime l’exigence de la cohabitation entre droits et devoirs pour les individus qui nécessite une abstention de certains droits au profit des autres. C’est l’idée de la limitation et de l’encadrement des droits et libertés accordés aux individus et au peuple.
Ces considérations offrent la possibilité de jeter un regard tout à fait différent sur la Charte à la démocratie, aux élections et à la gouvernance.
2 - Les autorités publiques dans le régime de la CADEG
Cette Charte se différencie de la Charte sur les droits humains et des peuples par rapport à la qualité et au rang des destinataires de ses normes. Si la charte sur les droits humains prend en compte la personne physique en son statut de citoyen de l’Etat c’est-à-dire un sujet entièrement soumis au pouvoir de l’autorité publique, l’instrument relatif à la démocratie, aux élections et à la gouvernance se dirige quant à elle vers les dirigeants des pays auxquels ces dits citoyens en sont effectivement ressortissants. A la lecture de toutes les dispositions de la Charte de la démocratie, des élections et de la gouvernance, il peut paraitre nécessaire de noter que cette charte, nonobstant son esprit et son contenu purement normatifs, peut être considérée comme un instrument à connotation politique [80] car les destinataires auxquels elle s’adresse portent des missions politiques et qu’en ce sens ce sont ces gouvernants même qui sont les seuls susceptibles de commettre des manquements dans l’exercice de leur gouvernance en matière de démocratie et surtout d’élections. C’est pourquoi le constat est quasi unanimement fait de soutenir que la Charte «pose les conditions politico-juridiques de possibilité d'une société libre, juste et démocratique en vue de la paix, de la sécurité et du développement durables en Afrique». Mais aussi et surtout le fait que le contrôle de l’application de la charte soit l’œuvre des organes politiques de l’Union Africaine en l’occurrence la commission africaine, la conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement et le Conseil de paix et de sécurité, en indique amplement sur le caractère politico-normatif de cet instrument africain.
Ainsi, rédigé en onze chapitres, mis à l’écart son préambule, l’instrument se veut clairement être le gendarme principal du continent africain en tout ce qui concerne la mauvaise conduite dans les affaires publiques et politiques des chefs d’Etats. Autrement dit la Charte apparait pour être selon une expression du professeur Babacar Gueye, «le porte-étendard de la démocratie participative en Afrique [81]». C’est pourquoi, il a été jugé très essentiel que les Etats africains soient amenés à signer et à ratifier les principaux instruments créés en faveur de la bonne gouvernance, du constitutionnalisme, du respect de l’Etat de droit et des droits de l’homme pour participer à la défense des normes africaines de gouvernance qui sont des valeurs et des principes universels [82].
La naissance de cet instrument pour valoir de bouclier contre les dérives et les abus des chefs d’Etats africains a été enregistrée compte tenu de plusieurs raisons. Il en ainsi premièrement de l’accaparement et du contrôle intégral de tous les pouvoirs par l’autorité en place se traduisant à une méconnaissance d’un principe cardinal en matière de démocratie qui est celui de la séparation des pouvoirs. En effet, le mode de gouvernance à cette époque a été marqué par une hypertrophie de pouvoirs regroupés dans les mains du chef dont la logique et triste conséquence se trouve être une manipulation de ces pouvoirs qui sont censés être indépendants entre eux. C’est pourquoi la charte n’est pas restée silencieuse car elle pose en son article 3 (5) «le principe de la séparation des pouvoirs» [83]. Les incessantes révisions ou modification des constitutions nationales faites par les dirigeants africains pour se maintenir au pouvoir font également partie des fondements qui ont forgé l’adoption de cette charte. Ce fait constitue inéluctablement une atteinte aux principes de la démocratie car il débouche dans la plupart des cas sur ce que certains appellent «la personnalisation et la patrimonialisation du pouvoir» [84]. L’exemple du Sénégal peut être donné au passage. Dans ce pays ; il a été enregistré entre 2001 et 2008 plus d’une douzaine de révisions constitutionnelles [85]. En fait la fréquence des révisions constitutionnelles rend fragile voire impossible l’exercice d’une bonne justice surtout lorsqu’il s’agira pour les juges constitutionnels de rendre des décisions qui peuvent paraitre défavorables aux tenants du pouvoir. A cet égard la charte prescrit aux Etats de prendre toutes les mesures pour rendre effective l’indépendance de la justice. C’est en son article 2 alinéa 5 qu’elle prévoit notamment que les Etats doivent s’engager à «promouvoir et protégé l’indépendance de la justice» [86]. Comme raisons ayant occasionné l’élaboration de cette charte à l’endroit des autorités étatiques africaines, il en est par ailleurs de la renaissance des coups d’Etats et des conflits armés dans le continent pendant le début des années 1990 dont le but n’a été rien d’autre qu’un changement anticonstitutionnel de gouvernement.
Pourtant à l’aurore de cette décennie, l’Afrique s’était alignée aux aspirations de démocratisation influencées par les tendances internationales en la matière. Mais l’espoir du continent dans ce domaine s’effrite au fur et à mesure que de nombreux dirigeants continuent à porter gravement atteinte aux droits et libertés reconnus au peuple. De telles atteintes uniquement basées sur des considérations claniques, tribalistes et ethniques se terminent le plus souvent par des guerres civiles [87]. Dans cette même veine, la charte s’est exprimée pour apporter des orientations aux gouvernants dans leur politique publique. Elle l’a faite en son article 2, paragraphe 4 en des termes suivants «Interdire, rejeter et condamner tout changement anticonstitutionnel de gouvernement dans tout Etat membre comme étant une menace grave à la stabilité, à la paix, à la sécurité et au développement.» et en son article 3, paragraphe 10 qui dispose ceci : «Le rejet et la condamnation des changements anticonstitutionnels de gouvernement». La raison qui justifierait finalement l’adoption de la charte est relative aux nombreuses confiscations des élections en Afrique. Pendant ces périodes précédant la naissance de cet outil juridique, le continent africain a été marqué par une frappante irrégularité des élections dans plusieurs pays. Le respect de la vérité des urnes constitue une lancinante équation en Afrique. Les élections ne sont organisées qu’en faveur et pour le compte de la personne au pouvoir sans aucune trace de transparence et de sincérité du scrutin. En fait, les dirigeants africains en organisant les élections ne s’attèlent qu’à une sorte de simulacre populaire dans la mesure où ces derniers n’ont jamais voué pour un bon déroulement du scrutin.
La divergence entre ces deux Chartes ne se limite pas seulement sous l’angle de leurs cibles, cette contrariété s’opère également dans le mode de sanction qu’elles ont mis en place.
B - Un mode de sanction tranché
Si la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples prévoit un mode sanction judiciaire et non obligatoire en cas de violation de ses normes (1), la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance préfère au contraire un régime de sanction contraignant pour les atteintes à ses règles (2).
1 - Un régime non-contraignant dans la CADHP
Malgré la ratification de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples par tous les Etats africains dont l’objectif demeure l’adhésion aux principes de protection des droits de l’homme universellement consacrés [88], certains Etats africains ne parviennent pas à s’acquitter de leurs obligations vis-à-vis de cette Charte. Tenant compte d’ailleurs de ces situations éventuelles de non acquittement aux obligations souscrites, les rédacteurs de cet instrument juridique n’ont pas omis l’idée d’intégrer en son sein des dispositions prévoyant des organes chargés de sanctionner tout comportement d’un Etat partie qui serait contraire à ses prescriptions. En fait, c’est dans un souci d’harmoniser et de rendre effectif le système de protection des droits de l’homme et des peuples que la Charte africaine a pensé de l’existence d’un organe de contrôle à la dimension de la Commission africaine [89] pour atteindre cet objectif. Autrement dit cette commission africaine sera principalement l’organe habileté à surveiller l’application et le respect de la Charte. Ainsi, c’est à son article 50 que la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples a décliné les compétences de la commission africaine en matière de violation des droits de l’homme par un Etat partie. Selon cette disposition, «La Commission ne peut connaitre d'une affaire qui lui est soumise qu'après s'être assurée que tous les recours internes, s'ils existent, ont été épuisés, à moins qu'il ne soit manifeste pour la Commission que la procédure de ces recours se prolonge d'une façon anormale». Par ailleurs, il convient de retenir ici qu’un ensemble d’éléments concourent à rendre de manière quasi effective les compétences de la commission africaine dans le domaine des droits de l’homme, aux fins de sanctionner les manquements des Etats parties à la Charte. Parmi ces éléments, il en est du traitement des communications que la Commission africaine reçoit des Etats partie à la Charte [90] et des organisations non gouvernementales (ONG) [91]. A la lecture de l’article 49 de la Charte africaine sur les droits de l’homme et des peuples, il parait essentiel dire que la contribution de la commission africaine au contrôle de l’application de la Charte se présente principalement au traitement de ces communications. Ainsi, avant d’aboutir à une prise de décision de sanction à l’encontre d’un Etat donné qui est le résultat du traitement des communications étatiques, plusieurs étapes doivent être passées. D’abord dès la réception d’une communication qui relate une violation grave des droits de l’homme, la commission africaine des droits de l’homme et des peuples, aux termes de l’article 52 de la Charte [92] procédera à la recherche d’une solution amiable entre la victime d’une telle violation et son Etat qui en est l’auteur. Le règlement à l’amiable des violations des droits de l’homme entamé par la commission, prouvant au passage l’absence de sanctions juridictionnelles dans l’œuvre de la commission, démontre le rôle de médiation politique et sociale de cette dernière [93]. La deuxième phase qui intervient dans le processus de prise de décision de la commission africaine des droits de l’homme pour sanctionner les violations de la charte est relative à «l’étude approfondie» qu’elle doit effectuer sur injonction de la Conférence des chefs d’Etats et de Gouvernement aux termes de l’article 58, alinéa 2 et 3 de la Charte [94]. En effet, le but de cette étude est d’établir l’ensemble des violations commises par un Etat partie à la charte, auxquelles elle tentera d’apporter des solutions.
Cependant, les missions de la commission africaine dans la sanction des violations aux droits de l’homme, au sens de la Charte, demeurent fondamentalement entravées par le fait que la commission ne peut, en cas de constatation de violations graves, se procéder qu’à de simples recommandations [95] aux Etats auteurs d’une telle violation auxquelles ces derniers peuvent ou non ne pas respecter [96]. L’autre difficulté que rencontre la commission toujours selon la charte, est liée au fait que la publication sous forme de rapports [97], des décisions qu’elle a prises reste tributaire de la volonté de la Conférence des chefs d’Etats et de Gouvernements. Ainsi ne disposant pas par ailleurs de véritables moyens de pression sur les Etats, la commission sera secondée, dans cette mission de sanctions des violations de droits de l’homme et des peuples, par un autre organe de l’Union Africaine : la cour africaine des droits de l’homme et des peuples créée par un Protocole [98] à la Charte et entré en vigueur en janvier 2004 qui vient pour compléter le travail de la commission en matière de prise de décision juridictionnelle, donc ayant force exécutoire. En effet, il ne fait pas l’ombre de doute que le propre d’un Protocole apparenté ou affilié au texte initial, est d’avoir nécessairement un régime qui va dans le sens indiqué par la convention à laquelle il se rapporte. En l’espèce, ce Protocole qui prévoit la création de la cour dans l’objectif d’apporter une reconnaissance et une protection juridictionnelle à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, reconnait une pleine compétence [99] à la cour pour traiter de la situation des droits de l’homme et des peuples en Afrique. Etant sur la même longueur d’onde avec la commission et renforçant son œuvre avec des pouvoirs plus élargis que ceux reconnus à cette dernière, la cour africaine s’illustre notamment par l’ampleur de ses décisions qui ont un caractère juridictionnel.
En effet, et subséquemment, l’œuvre de la cour africaine des droits de l’homme et des peuples dans le renforcement des initiatives et des actions de la commission africaine [100] est façonnée par des décisions qu’elle a rendues notamment en matière des droits de l’homme [101] Une des missions de cette haute juridiction supranationale est de «connaître de toutes les affaires et de tous les différends dont elle est saisie concernant l'interprétation et l'application de la charte, […], et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l'homme et ratifié par les Etats concernés» [102]. Ainsi, pour être fidèle à sa mission principale de protéger et de promouvoir les droits de l’homme, la cour a rendu sa première décision en la matière dans l’affaire Michelot Yogogombaye c. République du Sénégal, décision sur le fond rendue le 15 décembre 2009. Dans cette affaire, le Sieur Yogogombaye de nationalité tchadienne vivant à Bienne en Suisse, a ouvert une instance contre la République et l’Etat du Sénégal «en vue du retrait de la procédure actuellement diligentée par la République et l’Etat du Sénégal en vue d’inculper, juger et condamner le sieur Hissène Habré, ex chef d’Etat tchadien actuellement refugié à Dakar au Sénégal» [103] Mais au regard des déclarations faites par les parties, de leurs réponses fournies et en vertu du Protocole à charte, notamment en son article 34 (6), la cour s’est déclaré incompétente et a rendu son arrêt de font en décembre 2009.
Comme il est visible, l’activité de la juridiction africaine a commencé avec cette affaire et depuis lors elle ne cesse d’être saisie par des individus ou des groupes, tous arguant pour une reconnaissance et une meilleure protection des droits fondamentaux. En 2012, la Cour africaine s’est prononcée dans une affaire opposant la société, dont la requête fut introduite en 2012 et que l’arrêt sur le fond rendu le 30 mars 2012 [104]. Dans la foulée, la cour a fait application de la charte à plusieurs situations mettant en relief les droits de l’homme et elle s’est illustrée essentiellement avec la prise de décisions [105] très encourageante parfois sanctionnatrices à l’encontre des Etats fautifs mais aussi pour ramener les individus ou tout autre requérant à de meilleurs sentiments.
Cependant, force est de noter que contrairement aux juridictions nationales des Etats membres qui disposent des moyens coercitifs, la Cour africaine se contente de déclaration suivante : «Les Etats partis au présent protocole s'engagent à se conformer aux décisions rendues par la Cour dans tout litige où ils sont en cause et à assurer l'exécution dans le délai fixé par la Cour» [106].
La marque de fabrique de la commission et la cour africaine des droits de l’homme et des peuples en ce qui concerne la protection des droits de l’homme et des peuples dans le sens de la charte, caractérisées par une certaine froideur et une souplesse avérée dans les décisions, démontre effectivement la divergence qui peut être décelée entre cette Charte et celle relative à la démocratie, aux élections et à la gouvernance pourvu que dans cette dernière il existe un mode de sanction différent de celui qui est connu dans la première.
2 - Un régime coercitif dans la CADEG
Une analyse approfondie des dispositions de la charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance surtout dans certains de ses chapitres notamment celui qui a trait aux changements anticonstitutionnels de gouvernements [107] laisse apparaitre une réelle remarque qui va dans le sens de dire que cette Charte ne se mesure pas à celle portant sur les droits humains et des peuples dans le cadre de leur mode de sanction aux atteintes à leurs dispositions. En effet, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples prévoit un système de sanction de ses normes axé essentiellement sur la non-contrainte et des simples recommandations faites aux auteurs de violation. La CADEG quant à elle se présente comme le gendarme «politico-juridique» du continent africain intégrant en son sein un mode de sanction plus lourd et plus large. Il s’agit de la mise en œuvre d’un ensemble de mesures contre un Etat qui violerait les dispositions de la charte notamment dans certains domaines phares sensiblement protégés. En effet, c’est le cas des changements de régimes à une manière non reconnue par les textes en vigueur dans l’Etat ou l’espace régional concerné. C’est pourquoi dans la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, il est mentionné que «Si le Conseil de Paix et de Sécurité constate qu’il y a eu changement anticonstitutionnel de gouvernement dans un Etat partie, et que les initiatives diplomatiques ont échoué, il prend la décision de suspendre les droits de participation de l’Etat partie concerné aux activités de l’Union en vertu des dispositions des articles 30 de l’Acte Constitutif et 7 (g) du Protocole. La suspension prend immédiatement effet». Cette disposition pose des préalables selon lesquels le facteur déclenchant du changement anticonstitutionnel de gouvernement qui entrevoie des sanctions doit être constaté par le Conseil de paix et de sécurité et nécessairement certaines médiations doivent être effectuées sans issues heureuses. La matière du changement anticonstitutionnel de gouvernement est clairement notifiée dans l’article 23 de la Charte qui considère que «Tout putsch ou coup d’Etat contre un gouvernement démocratiquement élu, toute intervention de mercenaires pour renverser un gouvernement démocratiquement élu, toute intervention de groupes dissidents armés ou de mouvements rebelles pour renverser un gouvernement démocratiquement élu, tout refus par un gouvernement en place de remettre le pouvoir au parti ou au candidat vainqueur à l’issue d’élections libres, justes et régulières, tout amendement ou toute révision des Constitutions ou des instruments juridiques qui porte atteinte aux principes de l’alternance démocratique» relèvent du phénomène de changement anticonstitutionnel de gouvernements. Par ailleurs, l’analyse oblige de souligner les circonstances qui provoquent ou favorisent la survenance de ces changements de régimes exercés de façon antidémocratique en Afrique. L’Afrique des indépendances est une Afrique dans laquelle la violence et le désordre social causés par ses nouveaux dirigeants pour perpétuer les pouvoirs nouvellement acquis, continuent à prendre des galops aux conséquences multiples et multiformes. Il s’agit pour certains hommes africains [108] d’emprunter tous les voies et moyens pour arriver au pouvoir ou conserver celui-ci. Cette situation a perduré jusqu’au début du 21ème siècle dans lequel le continent africain continue à sombrer dans les ténèbres d’une politisation axée sur des intimidations et des violations atroces aux droits fondamentaux. Ainsi faut-il dire que «la conquête du pouvoir en Afrique se révèle souvent conflictuelle dans de nombreux Etats entrainant des violences armées, récurrentes et dramatiques. En dépit de l’existence d’un environnement juridique favorable à la démocratie, les coups d’Etats et d’autres changements anticonstitutionnels de gouvernements se sont imposés comme des modes non démocratiques d’accession au pouvoir en Afrique, contrairement aux élections disputées» [109]. Ces situations, très spécifiques au continent font que, la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance «est non seulement importante mais aussi opportune, permettant ainsi à l’Union africaine de poursuivre avec plus de rigueur son projet de démocratie, de développement participatif et de paix pour le continent» [110]. En effet, l’ampleur et la notoriété de cet instrument juridique se traduisent en sa faculté, contrairement à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, d’envisager des sanctions diverses et purement contraignantes à l’égard de tout Etat ayant violé ses normes. C’est à partir de là que l’action de la conférence et du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine doit être constatée en vue d’un rétablissement de la démocratie et de l’état de droit dans l’Etat agissant de façon non reconnue par la Charte. Cette action pouvant être engagée par ces deux organes pour sanctionner juridiquement tout Etat déclaré coupable d’acte qui viole les règles et principes contenus dans la charte fait l’objet d’une entière consécration à l’article 46 de la Charte qui dispose ceci : «En vertu des dispositions pertinentes de l’Acte constitutif et du Protocole portant création du Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union africaine, la Conférence et le Conseil de Paix et de Sécurité déterminent les mesures appropriées à appliquer contre tout Etat partie qui viole la présente Charte». En effet, les mesures appropriées dont fait référence cette disposition peuvent être des sanctions judiciaires devant la juridiction de l’Union [111] ou des sanctions économiques [112] prévues par la Conférence des chefs d’Etats et de Gouvernements à l’encontre de l’Etat fautif.
Conclusion
L’adoption d’un nouveau texte sur la démocratie, les élections et la bonne gouvernance est un événement heureux. Même si ce texte aurait pu être encore meilleur, encore plus riche et protecteur, il répond à une louable intention et, si tout se déroule normalement, il offre une belle occasion d’améliorer les relations entre l’Union africaine et celles ou ceux qui vivent sur son sol.
Près de six décennies après leur accession à la souveraineté internationale, la quasi-totalité des Etats africains demeurent assujettis à des problématiques majeures. Celles-ci peuvent être articulées autour de la bonne gouvernance démocratique, de l’Etat de droit et du processus électoral. A la vérité des efforts conséquents ont été consentis pour endiguer les multiples facteurs d’instabilité. La variété des instruments dans lesquels l’Union africaine a souscrit en témoigne. Cependant, l’adoption de la CADEG constituait une étape importante dans l’Histoire trouble du continent africain. Une bonne partie de la doctrine l’a salué comme marquant une avancée décisive dans le processus de renforcement et de consolidation de la démocratie. En effet, comme le rappelle le professeur Alioune Badara Fall, «cette charte constitue ainsi un des rares instruments juridiques internationaux contraignants qui traite de manière directe et objective de la démocratie en Afrique». L’auteur renchérit en déclarant qu’«elle bouscule ainsi le principe de souveraineté derrière lequel se sont souvent réfugiés les gouvernants».
Mais, on ne peut éprouver cette satisfaction sans qu’elle soit teintée d’inquiétude. Tout d’abord, il ne faut pas oublier que les textes sont utiles, mais ne suffisent pas. Si on parle de l’Union Africaine, et avant elle de l’Organisation de l’Unité Africaine, ce n’est pas aujourd’hui qu’elles ont manifesté l’importance des droits de l’homme dans leurs actions. Pour autant, on ne peut pas dire qu’elles aient une politique cohérente en la matière et l’adoption de la CADEG aidera à constituer cette politique mais ne suffira pas. En effet, des défis majeurs doivent être relevés pour nous permettre d’afficher un enthousiasme justifié. Il serait judicieux d’élargir les cibles des sanctions judiciaires. Le schéma actuel peut laisser perplexe. Cette perplexité se nourrit du fait que la Charte ne vise que les individus responsables de changements anticonstitutionnels. Cela restreint drastiquement le champ des sanctions.
«Il n’y a pas de chemin il faut marcher, c’est en marchant que le chemin se fait». Cette affirmation de saint Jean de la Croix [113] entrée dans la postérité témoigne du chemin qui sépare les civilisations, nations, peuples de cette station faite de stabilité, de paix et de développement. La route est longue, sinueuse et parsemée d’embûches [114]. Le continent africain n’échappe pas à cette règle [115]. Force est de constater que les textes ont besoin d’être portés, soutenus par un véritable mouvement démocratique et populaire. En vérité, le respect des droits de l’homme ne relève exclusivement ni du droit, ni des textes. C’est pourquoi qu’il s’agisse de la CADHP ou de la CADEG, quelles que soient les qualités ou les insuffisances de ces textes, ils existeront concrètement dans la mesure où la société toute entière les fera vivre. Sinon, ils serviront d’alibi et une bonne conscience, à des gens indifférents au sort réel des droits de l’Homme et de la démocratie en Afrique.
[1] J.-P. Jacqué, Droit constitutionnel national, Droit communautaire, CEDH, Charte des Nations Unies : l’instabilité des rapports de système entre ordres juridiques, RFDC, PUF, janvier, 2007/1 (n° 69), pp. 3-37.
[2] ONU.
[3] CEDH.
[4] UE.
[5] CADHP. La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples fut adoptée par l’Assemblée de l’OUA le 28 juin 1981, à Nairobi, au Kenya. Suite aux ratifications par 25 Etats membres de l’OUA, la Charte entra en vigueur le 21 octobre 1986. En 1999, la Charte avait été ratifiée par tous les Etats membres de l’OUA.
[6] CADEG. La Charte africaine de la Démocratie, des élections et la gouvernance (CADEG) a été adoptée le 30 janvier 2007 à Addis-Abeba en Ethiopie lors de la 8ème Session ordinaire de la Conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine (UA). Le 16 janvier 2012, le Cameroun devenait le 15ème pays membre de l’UA à déposer son instrument de ratification auprès du Président de la Commission de l’UA (CUA). Conformément à son art. 48, la CADEG était entrée en vigueur le 15 février 2012. La CADEG comprend 11 chapitres (53 articles) qui traitent respectivement des Définitions (I), Objectifs (II), Principes (II), Démocratie, Etat de droit et Droits de l’Homme (IV), Culture démocratique et Paix (V), Institutions démocratiques (VI), Elections démocratiques (VII), Sanctions en cas de changement inconstitutionnel de gouvernement (VIII), Gouvernance politique, économique et sociale (IX), Mécanismes de mise en application (X), et Dispositions finales (XI).
[7] R. Y. Guillou, Aux origines du contrôle de constitutionnalité des lois aux Etats-Unis d’Amérique, Thèse, Université Paris II, 1998, p. 9.
[8] OUA.
[9] UA.
[10] Pour reprendre la formule magistrale du Professeur M. A. Glele à propos de la montée en puissance du constitutionnalisme africain.
[11] En raison de l’hostilité de certains gouvernements africains à la protection régionale des droits de l’homme en Afrique, une conférence de plénipotentiaires, prévue à Addis-Abeba, ne put se tenir. Cette période fut la plus tragique dans l’histoire de la Charte. Le projet de Charte était manifestement menacé. Dans cette atmosphère tendue et à l’invitation du Secrétaire Général de l’OUA, le Président de la Gambie convoqua deux conférences ministérielles à Banjul, en Gambie, où le projet de Charte fut adopté et soumis par la suite à l’Assemblée de l’OUA. C’est en raison de ce rôle historique de la Gambier que la Charte africaine fut baptisée ‘’Charte de Banjul’’. La Charte de Banjul fut finalement adoptée par l’Assemblée de l’OUA le 28 juin 1981, à Nairobi, au Kenya. Suite aux ratifications par l’écrasante majorité des Etats membres de l’OUA ; la Charte entrera en vigueur le 21 octobre 1986. En 1999, la Charte avait été ratifiée par tous les Etats membres de l’OUA.
[12] Ces divers textes sont : le Traité de la CEDEAO lui-même plus précisément en son art. 58, qui est relatif au «maintien de la paix» au sens large ; la Déclaration de l’OUA sur la sécurité, la stabilité, le développement et la coopération en Afrique (Abuja, 8 et 9 mai 2000) ; la Décision prise dans le cadre de l’OUA, en juillet 1999, relative à la réaction de l’OUA face aux changements anticonstitutionnels de gouvernement ; la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples de 1981 ; la Déclaration d’Harare adoptée par les Etats du Commonwealth le 20 octobre 1991 ; la Déclaration de Cotonou adoptée le 6 décembre 2000 à l’issue de la IVème Conférence internationale sur les démocraties nouvelles ou rétablies. A cette liste établie par les professeurs Fall et Sall, on peut rajouter la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la bonne gouvernance adoptée le 3 janvier 2007 à Addis-Abeba en Ethiopie.
[13] I.-M. Fall et A. Sall, Une constitution régionale pour l’espace CEDEAO : le protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance de la CEDEAO, cf. www.académia.edu/1636461/protocole-CEDEAO.
[14] M. Ngaïdé, La contribution de l’Afrique à la gestion des ressources en eau transfrontalières ; l’exemple de la charte de l’eau du bassin du Niger, Annales Africaines, Nouvelle série, Numéro spécial, CREDILA, 2014, pp. 208-248.
[15] Pour exemple, la Grande Charte des libertés d’Angleterre, promulguée par le roi Jean sans Terre en 1215, ou en France la Charte octroyée lors de la Restauration par Louis XVIII le 4 juin 1814 et la Charte constitutionnelle du 14 août 1830 de la monarchie de juillet.
[16] Dans le vocabulaire juridique, «Instrumentum» est un vocable d’origine latine désignant un document écrit pouvant constituer la preuve d’une situation ou d’une qualité.
[17] Etudes consacrées à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples de 1981 : P.-F., Gonidec Gonidec, un espoir pour l’homme et les peuples africains ? La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, Le Mois en Afrique, juin-juillet, 1983, p. 23 ; M. G. Ahanhanzo, Théorie et des droits de l’homme dans l’Afrique contemporaine, Annales africaines, Dakar, Université de Dakar, 1986-198-1988, p. 132, M. G. Ahanhanzo, Introduction à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, Mélanges C. A. Colliard, Pédone, 1984 ; I. Fall, Des structures à l’échelon régional africain pour la promotion des droits de l’Homme, Revue sénégalaise de droit, septembre 1978 ; P. -G. Pougoué, Lecture de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, in P.-G. Pougoué (dir.), Droits de l’Homme en Afrique centrale, Karthala, 1996, p. 37 ; F. Ouguerguouz, , La Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, une approche juridique des droits de l’homme entre tradition et modernité PUF, Paris, 1993, (Préface de K. Mbaye) ; A. D. Olinga, l’Afrique face à la globalisation des techniques de protection des droits fondamentaux», Revue juridique et politique, n° 1, janvier-avril 1999, pp. 67-84, M. Kamara, La promotion et la protection des droits fondamentaux dans le cadre de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples et du protocole facultatif additionnel de juin 1998, RTDH, n° 63, 2005, p. 709 ; A. B. Fall, La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples ; entre universalisme et régionalisme, Pouvoirs, 2009/2, n° 129, pp. 77-100 ; O. Umozurike, The African Charter of Human and People’s Right, Nijhoffpublishers, La Haye, 1997, p. 108 ; M. Kamto, Charte africaine, instruments internationaux de protection des droits de l’homme, constitutions nationales : articulations respectives, in : J. F. Flauss, E. L.-Abdelgawad (dir), L’application nationale de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, Bruxelles : Bruylant/Némésis, 2004, 266 p., coll. Droit et justice ; M. Kamto (dir.), La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et le protocole y relatif portant création de la Cour africaine des droits de l’homme : commentaire article par article, Bruxelles : Bruylant, 1628 p., collection de Droit international, n° 67 ; M. B. A. Nour, La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, élaboration et inspiration, Mémoire, Droit international public, Lyon, Université Jean Moulin, 2009, 111 p. ; B. E. Zakri, L’application de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, Mémoire, (online), Université catholique de l’Afrique de l’Ouest-Unité Universitaire d’Abidjan (UCAO-UUA), Master 2 Recherche Droit public fondamental, 2014 ; S. D.-Bille, La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, Annuaire international des droits de l’Homme (Athènes/Bruxelles), 2006, vol. I, 139-158 ; Amnesty International, «Introduction à la charte africaine des droits de l’homme et des peuples», IOR, 2006, p. 10.
[18] B. Tchikaya, Etudes dédiées à la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la bonne gouvernance de 2007, in La Charte africaine de la démocratie, des élections et la gouvernance, Annuaire français de Droit international, L IV- 2008, CNRS éditions, Paris, p. 515- 528. ; N. F. Ngarhodjim, Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance : une analyse critique, Open Society Institue, Africa Governance monitoring & Advocacy Project (AfriMAP), Mai 2007, 7 p. ; E. R. McMahon, La Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance : un premier pas positif sur une longue route, Africa Governance Monitoring & Advocacy Project (AfriMAP), Mai 2007 ; R. Libiki, La Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance : Analyse et commentaires, éd. Publibook/Société Ecrivains, 2012, K. L. Modou, La CADEG, une grille en faveur de l’effectivité de la représentation politique en Afrique, www.regardcritique.ca, octobre 2012 ; J. T.-L. Assoko, UA : les limites du rejet des changements anticonstitutionnels de gouvernement ; Térangaweb, L’Afrique des idées, 2001 ; SAIIA, Unconstitutionnal Changes of governement : the Democrat’s Dilemma in Africa, Kathryn Sturman, South African Institute for International Affairs (SAIIA), March 2011 ; S. Ebobrah, La Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance : une nouvelle ère qui consacre une gouvernance légitime en Afrique ?, Open Society, Africa Governance Monitoring & Advocacy Project, Afrimap, mai 2007, 11 pages ; J. K. Mpiana, L’Union africaine face à la gestion des changements anticonstitutionnels de gouvernement, Revue Québécoise de droit international, 2012, Hein online.
[19] A. Kpodar, Bilan sur un demi-siècle de constitutionnalisme en Afrique noire francophone, Afrilex, 2012, p. 5. L’auteur y rend compte de l’abondance de la doctrine consacrée au constitutionnalisme africain. Nous parvenons au même constat relativement à la doctrine consacrée aux deux Chartes africaines, à l’honneur dans cette étude.
[20] A. Sall, Le juge international et la politique : réflexions sur l’incidence du facteur politique dans la juridiction de la cour de justice de la Haye, Nouvelles Annales Africaines, 2012, pp. 163-219.
[21] A. Kpodar, Bilan sur un demi-siècle de constitutionnalisme en Afrique noire francophone, Afrilex, 2012, p. 5. L’auteur y rend compte de l’abondance de la doctrine consacrée au constitutionnalisme africain. Nous parvenons au même constat relativement à la doctrine consacrée aux deux Chartes africaines, à l’honneur dans cette étude.
[22] Une conjonction de deux objets célestes, en astronomie et en astrologie, signifie que ces deux objets, vus depuis un troisième (généralement la Terre), apparaissent très proches l’un de l’autre dans le ciel.
[23] A. B. Fall, La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples : entre universalisme et régionalisme, Pouvoirs 2009/2 (n° 129), p. 77.
[24] Adoptée par la 8ème session ordinaire de la Conférence de l'Union africaine le 30 janvier 2007, la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance vient préciser les objectifs et principes énoncés dans l'Acte constitutif de l'UA de 2000 en ce qui concerne le respect des principes démocratiques, des droits de l'homme, de l'Etat de droit et de la bonne gouvernance.
[25] Il est important de noter à ce niveau que le traité qui prévoyait l’Organisation de l’Unité Africaine a été signé à Addis-Abeba par tous les Etats africains indépendants de l’époque, à l’exception du Maroc et du Togo.
[26] Cf. S. N. Tall, Cours de droit des organisations internationales, Licence 3, Droit public, UCAD, 2014.
[27] https://www.humanrights.ch/fr/droits-humains-internationaux/regionaux/afrique/.
[28] Il s’agit notamment de la déclaration sur la situation politique et socio-économique en Afrique et les changements fondamentaux qui se produisent dans le monde, AHG/Déc. l1 (XXVI), 1990, adoptée lors du 26ème sommet de l’OUA, Addis-Abeba, 9 au 11 juillet 1990.
[29] B. Tchikaya, La charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance in : Annuaire français de droit international, volume 54, 2008. p. 516.
[30] Forum permanent de dialogue arabo-africain sur la démocratie et les droits humains, «La Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance : le rôle des institutions nationales des droits de l’Homme (INDH)» UNESCO, Le Caire, 2010, pp. 6-7.
[31] Amnesty International, Introduction à la charte africaine des droits de l'homme et des peuples, IOR, 2006, p. 10.
[32] K. Vasak, Les droits de l’homme et l’Afrique vers les institutions africaines pour la protection internationale des droits de l’Homme ?, In Revue Belge de Droit International, 1967, p. 1.
[33] Cf. J. K. Dagnini, Dictatures et protestantisme en Afrique noire depuis la décolonisation : le résultat d’une politique françafricaine et d’une influence américaine certaine, in HAOL, n° 17, 2008, p.113. «E. G. Eyadema, président du Togo durant 38 ans, de 1967, à la suite d’un coup d’Etat, à sa mort en 2005. J. B. Bokassa fut président, puis s’autoproclamé empereur sous le nom de Bokassa 1er, de la République centrafricaine de 1966, à la suite d’un coup d’Etat, à 1979. D. S.-Nguesso fut président du Congo de 1979 à 1992, puis revint au pouvoir en 1997 suite à un coup d’Etat, El Hadj O. Bongo président de la République gabonaise de 1967 à 2009 remplacé par son fils. I. Déby est le président du Tchad depuis 1990 suite à un coup d’Etat sur l’ex-président H. Habré. P. Biya est le président du Cameroun depuis 1982 et B. Compaoré, président du Burkina Faso (anciennement Haute-Volta) de 1987, suite à un coup d’Etat, à 2014».
[34] Ce sont des dirigeants qui exercent leurs régimes sur des considérations d’ethnicité, de tribalisme dénoués de tout genre de culture ou capacité politique et démocratique pour gérer leur pays.
[35] A noter que presque tous les pays africains pendant cette période exerçaient le monopartisme à l’exception du Sénégal du fait de l’ouverture de son Président L. S. Senghor qui s’est efforcé à accepter le multipartisme et lui accorder une certaine attention dans son étude intitulée «Nation et voie africaine du socialisme» en prenant l’exemple de la Fédération du Mali à travers une suggestion de son Secrétaire général en ces termes : «La fédération du Mali sera, comme les Etats fédérés, une démocratie. La loi électorale continuera d’y être une loi impartiale, ce qui la propre de la loi, non une loi de circonstance, taillée à la mesure du Gouvernement ou du parti majoritaire. Les libertés d’opinion, de parole, de presse, de réunion, d’association sont garantie par la Constitution du Mali et celle des Etats fédérés».
[36] Au Togo en 1963, S. Olympio a été écarté mortellement du pouvoir alors qu’il était le président de ce pays. En 1974, le président nigérien D. Humani est assassiné. En avril 1975, le président F. G. Tombalbaye est tué avec toute sa famille dans son palais..
[37] B. N. Azikiwé, né le 16 novembre 1904 et mort le 11 mai 1996. C’est un homme d’Etat nigérian. Il est le premier président du Nigéria.
[38] A. B. Fall, La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples : entre universalisme et régionalisme, op.cit., p. 79.
[39] En 1961, la Commission internationale de juristes, organisation non gouvernementale basée à Genève (Suisse) a organisé un congrès africain portant sur la primauté du droit. Dans la déclaration finale intitulée «Loi de Lagos», les cent-quatre-vingt-quatorze congressistes, provenant de vingt-trois Etats d’Afrique et de neuf Etats d’autres continents, avaient proposé l’adoption d’une «Convention africaine des droits de l’homme prévoyant notamment la création d’un tribunal approprié et de voies de recours ouvertes à toutes les personnes relevant de la juridiction des Etats signataires».
[40] D’ailleurs, l’Assemblée Générale de l’OUA réunie en 1979 avait tenu compte de ces considérations et surtout après une proposition qui lui a été faite par le président sénégalais L. S. Senghor. En voici un extrait de la décision de l’Assemblée Générale intitulé comme suite : AHG/Déc. 115 (XVI) Rev. 1 1979. «L’Assemblée réaffirme le besoin d’une meilleure coopération internationale, du respect des droits fondamentaux de l’homme et des droits des peuples et en particulier le droit au développement… L’Assemblée demande au Secrétaire Général : d’organiser dès que possible, dans une capitale africaine, une réunion restreinte d’experts de haut niveau afin de préparer un projet préliminaire d’une «Charte africaine des droits de l’homme et des peuples» prévoyant entre autres l’établissement d’institutions pour promouvoir et protéger les droits de l’homme et des peuples».
[41] Le coup d’Etat perpétré en Gambie par Y. Diamé en juillet 1994 pour renverser le Président D. K. Jawara ; en Centreafrique le président, A.-F. Patassé élu depuis 1993 sera renversé par le général F. Bozizé le 15 mars 2003 ; en Guinée Bissau, K. Yala est chassé violemment le 14 septembre 2003, par une junte dirigée par V. C. Seabra ; le 3 août 2005, une junte renverse le régime de M. O. Taya en Mauritanie. Trois ans plus tard c’est-à-dire en 2008, toujours en Mauritanie, le président élu, S. O. C. Abdallahi, est renversé par une junte dirigée par M. O. A. Aziz…
[42] Cf. B. Tchikaya, «Lors de la conférence de presse de clôture du sommet de la Baule du 20 juin 1990, le président F. Mitterrand formulait que l’aide de la France serait ‘plus tiède face aux régimes qui se comporteront de façon autoritaire’ et ‘enthousiaste envers ceux qui franchiront avec courage ce pas’ vers la démocratisation», dans La charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, op. cit. p. 516.
[43] On peut en déceler ceux qui s’étaient produits au Burkina Faso en 1987 avec l’arrivée au pouvoir de B. Compaoré en reversant T. Sankara, en Gambie en 1994 avec le coup d’Etat de Y. Diameh.
[44] Par contre, il convient de noter que dans la Déclaration de Lomé de 2000 sur le cadre pour une réaction de l'Organisation de l'Unité Africaine face aux changements anticonstitutionnels de gouvernement. La Déclaration considère les situations suivantes comme anti constitutionnelles : i) un coup d'Etat militaire contre un gouvernement issu d'élections démocratiques ; ii) une intervention de mercenaires pour renverser un gouvernement issu d'élections démocratiques ; iii) une intervention de groupes dissidents armés et de mouvements rebelles pour renverser un gouvernement issu d'élections démocratiques ; iv) le refus par un gouvernement en place de remettre le pouvoir au parti vainqueur à l'issue d'élections.
[45] S. Djinnit, La stabilité repose sur la démocratie, Afrique Renouveau, Vol. 24 n° 1, Avril 2010, pp. 13-15.
[46] Architecture de la gouvernance africaine (AGA) «Dividendes et déficits démocratiques en Afrique», In Newsletter Gouvernance africaine, volume 4, 2017, p.15.
[47] Cf. art. 26 de la convention de Vienne, 23 mai 1969.
[48] Cf. art. 27 de la Convention de Vienne, 23 mai 1969.
[49] Cf. art. 44, sous-section 2 de la CADEG : «A. Sur le plan continental A. La Commission définit les critères de mise en œuvre des engagements et principes énoncés dans la présente Charte et veille à ce que les Etats parties répondent à ces critères. B. La Commission encourage la création des conditions favorables à la gouvernance démocratique sur le continent africain, en particulier en facilitant l’harmonisation des politiques et lois des Etats parties. C. La Commission prend les mesures nécessaires en vue de s’assurer que l’Unité d’appui à la démocratie et d’assistance électorale et le Fonds d’appui à la démocratie et d’assistance électorale fournissent aux Etats parties l’assistance et les ressources dont ils ont besoin pour leur processus électoral. D. La Commission veille à la mise en œuvre des décisions de l’Union sur les changements anticonstitutionnels de gouvernement sur le Continent».
[50] Cf. CADHP, art. 30 : «Il est créé auprès de l'Organisation de l'Unité Africaine une Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples ci-dessous dénommée "la Commission", chargée de promouvoir les droits de l'homme et des peuples et d'assurer leur protection en Afrique».
[51] L. Mulvagh, T. Braun, Le système africain des droits humains : Un guide pour les peuples autochtones, Yaoundé, Octobre 2008, p. 24.
[52] Selon la disposition : «a. La Commission définit les critères de mise en œuvre des engagements et principes énoncés dans la présente Charte et veille à ce que les Etats parties répondent à ces critères. b. La Commission encourage la création des conditions favorables à la gouvernance démocratique sur le continent africain, en particulier en facilitant l’harmonisation des politiques et lois des Etats parties. c. La Commission prend les mesures nécessaires en vue de s’assurer que l’Unité d’appui à la démocratie et d’assistance électorale et le Fonds d’appui à la démocratie et d’assistance électorale fournissent aux Etats parties l’assistance et les ressources dont ils ont besoin pour leur processus électoral. d. La Commission veille à la mise en œuvre des décisions de l’Union sur les changements anticonstitutionnels de gouvernement sur le Continent».
[53] Cf. rapport du Forum permanent de dialogue arabo-africain sur la démocratie et les droits humains, «La Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance : le rôle des institutions nationales des droits de l’Homme (INDH)» UNESCO, Le Caire, 2010, p. 8.
[54] Cf. art. 44 paragraphe 1, Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance.
[55] Il s’agit des institutions nationales des droits humains qui doivent être reconnues par les constitutions des Etats telles que prescrites à l’art. 15 de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance. Ainsi une institution nationale des droits humains est définie par l’ONU comme «un organe gouvernemental créé en vertu d’un texte constitutionnel ou législatif, ayant spécifiquement pour mission de promouvoir et de protéger les droits humains. L’ONU classe généralement les INDH en trois catégories : les commissions des droits de l’Homme, les médiateurs ainsi que les institutions nationales spécialisées ayant vocation à protéger les droits de groupes vulnérables particuliers tels que les minorités ethniques, les populations autochtones, les réfugiés, les femmes ou les enfants».
[56] E. Zoller, La conclusion et la mise en œuvre des traités dans les Etats fédérés et unitaires, in Revue internationale de droit comparé, Vol. 42 n° 2, 1990. Etudes de droit contemporain, pp. 737-750.
[57] Ibid..
[58] Cf. au contenu de l’article : «Les Etats membres de l'Organisation de l'Unité Africaine, parties à la présente Charte, reconnaissent les droits, devoirs et libertés énoncés dans cette Charte et s'engagent à adopter des mesures législatives ou autres pour les appliquer».
[59] Cf. art. 25, «Les Etats parties à la présente Charte ont le devoir de promouvoir et d'assurer, par l'enseignement, l'éducation et la diffusion, le respect des droits et des libertés contenus dans la présente Charte, et de prendre des mesures en vue de veiller à ce que ces libertés et droits soient compris de même que les obligations et devoirs correspondants».
[60] Cf. art. 26 : «Les Etats parties à la présente Charte ont le devoir de garantir l'indépendance des Tribunaux et de permettre l'établissement et le perfectionnement d'institutions nationales appropriées chargées de la promotion et de la protection des droits et libertés garantis par la présente Charte».
[61] A titre d’exemple, on peut évoquer le CHAPITRE X de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance. Celui-ci dédié aux «mécanismes de mise en application» de ladite Charte prévoit des organes au niveau étatique, régional et continental. Voir art. 44 et 45.
[62] Cf. Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, art. 46
[63] Cf. Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, art. 49, alinéa 1 : «Les Etats parties soumettent à la Commission tous les deux ans, à compter de la date de l’entrée en vigueur de la présente Charte, un rapport sur les mesures d’ordre législatif ou autre mesure appropriée prises en vue de rendre effectifs les principes et engagements énoncés dans la présente Charte».
[64] B. Tchikaya, La charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, op. cit., p. 525.
[65] Cf. Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, art. 45, § 2.
[66] A.-K. Diop, La Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples ou le miroir stendhalien du système africain de protection des droits de l’homme, Les Cahiers de droit, 2014, p. 539.
[67] Amnesty International, Introduction à la charte africaine des droits de l'homme et des peuples, op. cit., p. 50.
[68] Le terme élongation utilisé en astronomie correspond à l’angle apparent qui sépare deux objets sur la sphère céleste, vus à partir d’un troisième objet. Il est le plus souvent employé pour décrire la séparation entre une planète du système solaire et le soleil, vus depuis la terre.
[69]Parmi les exemples de droits civils et politiques des individus visés aux articles 3-18 de la Charte, on compte le droit à l’égalité devant la loi et l’égale protection de la loi (art. 3) ; le droit à la vie, la liberté et l’interdiction de toutes formes de torture, de traitements cruels, inhumains et dégradants, d’esclavage et d’autres formes d’exploitation (art. 5) ; le droit à un jugement équitable (art. 7) ; le droit à la liberté de conscience et à la libre pratique de sa religion (art. 8) ; le droit à la liberté de se réunir librement et de constituer librement une association (art. 10 et 11) ; le droit de circuler librement et de choisir sa résidence (art. 12) ; le droit de participer au gouvernement (art. 13) ; le droit à l’élimination de toute discrimination contre les femmes (art. 18 (3)).
[70] Parmi les exemples de droits économiques, sociaux et culturels s’appuyant sur les dispositions de droits des individus de la Charte, on compte le droit de travailler dans des conditions équitables et satisfaisante (art. 15) ; le droit de protection de la santé et d’obtention de soins médicaux (art. 16) ; le droit à l’éducation (art. 17(1)) ; le droit de participer à la vie culturelle (art. 17(2)).
[71] Cf. notamment au Pacte international relatif aux droits civils et politiques conclu à New York le 16 décembre 1966 et du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels adopté en 1966 et entrée en vigueur le 3 janvier 1976.
[72] L. Mulvagh, T. Braun, Le système africain des droits humains : un guide pour les peuples autochtones, op. cit.. p. 4.
[73] Ibidem.
[74] Les droits des peuples ou droits collectifs prévus aux art. 19 à 24 de la Charte incluent : le droit à l’égalité et à ne pas être dominés par d’autres peuples (art. 19) ; le droit à l’existence et à l’autodétermination (art. 20) ; le droit à la libre disposition de leurs richesses naturelles (art. 21) ; le droit au développement économique, social et culturel (art. 22) ; le droit à un environnement satisfaisant, propice à leur développement (art. 24).
[75] Cf. Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, Communication 155/96, 15ème Rapport annuel d’activités (2001-02), § 68.
[76] Cf. art. 27 paragraphe 1 «Chaque individu a des devoirs envers la famille et la société, envers l'Etat et les autres collectivités légalement reconnues et envers la Communauté Internationale».
[77] A. B. Fall, La Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples : entre universalisme et régionalisme, Pouvoirs 2009/2 (n° 129), op. cit., p. 82.
[78] Réunion des Experts pour l’élaboration d’un avant-projet de Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, Dakar, 28 novembre/8 décembre 1979, Doc. O.U.A., CAB/LEG/ 67/ 3/Rev. 1, p. 2. Cité par F. Ouguergouz, La charte africaine des droits de l’homme et des peuples, une approche juridique des droits de l’homme entre tradition et modernité, Institut de hautes études internationales, Genève, 2018, pp. 233-254.
[79] F. Ouguergouz, La charte africaine des droits de l’homme et des peuples, une approche juridique des droits de l’homme entre tradition et modernité, Institut de hautes études internationales, Genève, 2018, pp. 233-254.
[80] B. Tchikaya, op. cit., p. 517.
[81] B. Gueye, La démocratie en Afrique : succès et résistances, in Pouvoirs 2009/2 (n° 129), p. 9.
[82] Par valeurs universelles, il convient dans le sens de la charte de retenir les droits de l’homme, la lutte contre la corruption et l’impunité, le pluralisme politique, la culture et la pratique démocratique, la sécurité et la paix. Quant aux principes universels, allusion est faite à la primauté de la constitution, à l’état de droit, à la tenue régulière d’élections transparentes libres et équitables, à la condamnation des changements anticonstitutionnels de gouvernements, au respect des droits de l’homme et des principes démocratiques , à l’accès au pouvoir et son exercice, conformément à la Constitution de l’Etat partie et au principe de l’Etat de droit et de la promotion d’un système de gouvernement représentatif, à la séparation des pouvoirs, à la promotion de l’équilibre entre les hommes et les femmes dans les institutions publiques et privées ainsi qu’à la participation effective des citoyens aux processus démocratiques et de développement et à la gestion des affaires publiques.
[83] Cf. art. 3, alinéa 5 de la charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance.
[84] B. Gueye, La démocratie en Afrique : succès et résistances, op. cit., p. 18.
[85] I.-M. Fall, Les révisions constitutionnelles au Sénégal : révisions consolidantes et révisions déconsolidantes, CREDILA, 2011, 218 p..
[86] Cf. article 2, alinéa 5, de la charte.
[87] B. Gueye, op. cit., p. 24.
[88] Nous pensons aux nombreux textes internationaux adoptés en faveur de la protection et de la promotion des droits de l’homme comme la Déclaration Universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948 et les deux Pactes internationaux, l’un relatif aux droits civils et politiques et l’autre aux droits sociaux, économiques et culturels de 1966, pour ne citer que ceux-ci.
[89] A noter ici que l’allusion est faite à la commission africaine des droits de l’homme et des peuples à laquelle l’art. 30 de la charte a établi sa création puis adoptée officiellement le 2 novembre 1987 à Addis-Abeba. Cette commission est différente de la commission africaine chargée de la mise en œuvre de la charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance.
[90] Cf. art. 49 de la charte qui dispose ce qui suit : «Nonobstant les dispositions de l'art. 47, si un Etat partie à la présente Charte estime qu'un autre Etat également partie à cette Charte a violé les dispositions de celle-ci, il peut saisir directement la Commission par une communication adressée à son Président, au Secrétaire Général de l'OUA et à l'Etat intéressé».
[91] Pour les communications fournies à la commission africaine par certaines ONG en Afrique, on peut en donner quelques-unes et citées par N. E. Nguema, La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples et sa mission de protection des droits de l’homme, in La Revue des droits de l’homme [En ligne], 2017, p.4.Communications 22/88, International Pen c. Burkina Faso ; 55/91, International Pen c. Tchad ; 93/93, International Pen c. Ghana, (CADHP 1994) ; 138/94, International Pen (pour le compte de Senn et Sangare) c. Côte d'Ivoire, (CADHP 1995) ; 137/94, 139/94, 154/96 et 161/97, International Pen, Constitutional Rights, Interights au nom de K. Saro, Wiwa Jr. et Civil Liberties Organisation c. Nigeria, (CADHP 1998). Communications 69/92, Amnesty International c. Tunisie, (CADHP 1994) ; 64/92, 68/92 et 78/92, K. Achuthan (pour le compte de A. Banda), Amnesty International (pour le compte de Orton et V. Chirwa) c. Malawi, (CADHP 1995) ; 212/98, Amnesty International c. Zambie, (CADHP 1999) ; 48/90, 50/91, 52/91, 89/93, Amnesty International, Comité L. Bachelard, Lawyers Committee for Human Rights, Association des membres de la Conférence épiscopale de l’Afrique de l’Est c. Soudan, (CADHP 1999) ; Communication 60/91, Constitutional Rights Project (pour le compte de Akamu et Autres) c. Nigeria ; 87/93, Constitutional Rights Project (pour le compte de Z. Lekwot et six Autres) c. Nigeria, (CADHP 1995) ; 102/93, Constitutional Rights Project et Civil Liberties Organisation c. Nigeria ; 140/94, 141/94 et 145/95, Constitutional Rights Project et Civil Liberties Organisation c. Nigeria ; 143/95 et 150/96, Constitutional Rights Project et Civil Liberties Organisation c. Nigeria ; 148/96, Constitutional Rights Project c. Nigeria ; 153/96, Constitutional Rights Project c. Nigeria, (CADHP 1999). Communications 45/90, Civil Liberties Organisation c. Nigeria ; 67/92, Civil Liberties Organisation c. Nigeria, (CADHP 1994) ; 67/92, Civil Liberties Organisation (pour le compte de l’Association du Barreau Nigérian) c. Nigeria ; 129/94, Civil Liberties Organisation c. Nigeria, (CADHP 1995) ; 102/93, Constitutional Rights Project et Civil Liberties Organisation c. Nigeria ; 151/96, Civil Liberties Organisation c. Nigeria, (CADHP 1999) ; 218/98, Civil Liberties Organisation, Legal Défence Centre, Legal Défence and Assistance Project c. Nigeria, (CADHP 2001).
[92] L’article dispose que : «Après avoir obtenu, tant des Etats parties intéressés que d'autres sources, toutes les informations qu'elle estime nécessaires et après avoir essayé par tous les moyens appropriés de parvenir à une solution amiable fondée sur le respect des droits de l'homme et des peuples, la Commission établit, dans un délai raisonnable à partir de la notification visée à l'article 48, un rapport relatant les faits et les conclusions auxquelles elle a abouti. Ce rapport est envoyé aux Etats concernés et communiqué à la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement».
[93] N. E. Nguema, La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples et sa mission de protection des droits de l’homme, op. cit., p. 10.
[94] Selon cette disposition, «2. La Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement peut alors demander à la Commission de procéder sur ces situations, à une étude approfondie, et de lui rendre compte dans un rapport circonstancié, accompagné de ses conclusions et recommandations. 3. En cas d'urgence dûment constatée par la Commission, celle-ci saisit le Président de la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement qui pourra demander une étude approfondie».
[95] L. Mulvagh, T. Braun, Le système africain des droits humains : Un guide pour les peuples autochtones, op.cit. p. 29.
[96] A.-K. Diop, La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples ou le miroir stendhalien du système africain de protection des droits de l’homme, in Les Cahiers de droit, 2014, p. 534.
[97] A cet égard, cf. art. 59, alinéas 2 et 3 «2. Toutefois, le rapport est publié par le Président de la Commission sur décision de la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement. 3. Le rapport d'activités de la Commission est publié par son Président après son examen par la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement».
[98] Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, 9 juin 1998, Doc. OAU/LEG/EXP/AFCHPR/PROT (III), [En ligne], [www.refworld.org/pdfi/493fd4142.pdf] consulté le 03/10/2018.
[99] La compétence de la cour est doublement consacrée par le protocole qui porte sa création. Il s’agit d’une part d’une compétence contentieuse, art. 3, alinéa 1 du protocole : «La Cour a compétence pour connaître de toutes les affaires et de tous les différends dont elle est saisie concernant l'interprétation et l'application de la Charte, du présent Protocole, et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l'homme et ratifié par les Etats concernés.», et d’autre part d’une compétence consultative, art. 4, alinéa 1 : «A la demande d'un Etat membre de l'OUA, de l'OUA, de tout organe de l'OUA ou d'une organisation africaine reconnue par l'OUA, la Cour peut donner un avis sur toute question juridique concernant la Charte ou tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l'homme, à condition que l'objet de l'avis consultatif ne se rapporte pas à une requête pendante devant la Commission».
[100] A. D. Moussa, Chronique de la Cour africaine des Droits de l'Homme et des Peuples à la Cour de Justice de l'Union africaine : Histoire d'une coexistence pacifique en attendant la fusion, in Revue internationale de droit pénal 2005/1 (Vol. 76), p. 135.
[101] La Cour africaine juge tous les actes qui constituent des atteintes aux droits de l'homme prévues par la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, ainsi que ceux prévus par les conventions internationales auxquelles les Etats africains font parties, selon la formule : «et autres instruments pertinents relatifs aux droits humains». Ainsi, sont concernés : la convention de New York relative aux Droits des enfants, les Pactes de 1966 sur les droits civils et politiques, la convention sur les femmes, etc.
[102] Article 3 du Protocole d’Ouagadougou.
[103] Affaire M. Yogogombaye c. République du Sénégal, requête n° 001/2008, arrêt du 15 décembre 2009.
[104] Recueil des arrêts, avis consultatifs et autres décisions de la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples. Recueil de jurisprudence de la Cour africaine Volume 1 (2006-2016), p. VII.
[105] D. Amare et M. Amare c. Mozambique et Mozambique Airlines, requête 005/2011 Décision (compétence), 16 juin 2011, RJCA ; Association Juristes d’Afrique pour la Bonne Gouvernance c. Côte d’Ivoire, requête 006/2011 Décision (compétence), 16 juin 2011, RJCA ; Y. Ababou c. Maroc, requête 007/2011 Décision (compétence), 2 septembre 2011, RJCA ; Tanganyika Law Society, the Legal and Human Rights Centre et Reverend C. R. Mtikila c. Tanzanie, requête 009/2011, Décision (jonction), 22 septembre 2011, RJCA, Arrêt (fond), 14 juin 2013, RJCA. Arrêt (réparations), 13 juin 2014, RJCA ; E. M. Alexandre c. Cameroun et Nigeria, requête 008/ 2011 Décision (compétence), 23 septembre 2011, RJCA ; E. M. Samuel c. Parlement panafricain, requête 010/ 2011 Décision (compétence), 30 septembre 2011, RJCA ; Convention Nationale des Syndicats du Secteur Education (CONASYSED) c. Gabon, requête 012/2011 Décision (compétence), 11 décembre 2011 (201 Le Collectif des anciens travailleurs du laboratoire Australian Laboratory Services, ALS - Bamako (Morila) c. Mali, requête 002/2015 Décision (radiation), 5 septembre 2016, RJCA ; Actions pour la protection des droits de l’homme c. Côte d’Ivoire, requête 001/2014 Arrêt (fond), 18 novembre, RJCA.
[106] Cf. article 30 du Protocole portant création de la cour.
[107] C’est notamment le chapitre VII de la charte qui traite des changements anticonstitutionnels de gouvernements. Ce chapitre énonce toutes les péripéties des changements anticonstitutionnels de gouvernements entre l’art. 23 et l’article 26.
[108] Notons que ceux- ci peuvent être des hommes politiques ou des hommes militaires qui, tous les deux, pour conquérir le pouvoir s’emploient à des coups de forces et de violence pour éjecter le dirigeant en place contre toutes les lois et règlements en vigueur. C’est le cas par exemple des coups d’Etats enregistrés dans les deux décennies des années 1960 dont les plus marquants sont celui perpétré contre S. Olympio, président de la république du Togo en 1963, et celui exercé contre F.-N. Tombalbaye, président de la république du Tchad en 1975.
[109] V. Edwige Soma/Kabore, Le droit d’intervention de l’union africaine, in Revue CAMES/SJP, n°001/2017, pp. 131-154.
[110] Cf. Réunion ministérielle de l’Union africaine (6-7 avril 2006). http://www.africa-union.org/root/ au/conférences/past/2006/april/pa/apr7/meeting_fr.htm. [Consulté le 06 octobre 2018].
[111] Cf. art. 25, alinéa 5 de la charte.
[112] Ibid. alinéa 7.
[113] St J. de la Croix (1542-1591), docteur de l’Eglise, est considéré comme l’un des plus importants poètes lyriques de la littérature espagnole.
[114] Décolonisation, indépendances, régimes totalitaires, vent de la transition démocratique, conférences nationales, démocratisation, flux et reflux démocratique, droits de l’homme, Etat de droit…
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