Réf. : CAA Versailles, 13 octobre 2015, n° 14VE02328, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A5796NTT)
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par Jules Bellaiche, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition fiscale
le 19 Novembre 2015
Dans cette affaire, la problématique ne concerne pas le défaut de réponse du contribuable en lui-même, mais les modalités particulières de remboursement de la TVA pour les assujettis non établis en France, et plus spécifiquement les moyens permettant au contribuable et à l'administration de communiquer dans le cadre de la procédure de demande de remboursement.
La Haute juridiction a donné raison à la société requérante car l'adresse électronique de la celle-ci, mentionnée dans sa demande initiale de remboursement de la TVA acquittée en France, qui était exacte, est différente de celle à laquelle les services fiscaux reconnaissent avoir envoyé la demande de renseignements. Ainsi, il est établi que l'adresse d'expédition de la demande de renseignements était erronée et que la demande de renseignements notifiée par courriel à cette adresse n'était pas régulière. Dès lors, la demande d'informations complémentaires envoyée par courrier postal par les services fiscaux, qui ne serait au demeurant pas parvenue à la requérante, ne peut être regardée comme ayant régularisé cette notification irrégulière, les dispositions précitées interprétées par les juges du fond prévoyant, ainsi qu'il a été dit, l'introduction de la demande de renseignements des services sous la seule forme électronique. La société peut alors valablement obtenir le remboursement du montant correspondant à sa créance.
Cette décision apporte une précision importante sur le moyen par lequel l'administration doit obligatoirement répondre dans ce cadre (I). Cette précision n'étant apportée, à ce jour, ni par le Conseil d'Etat, ni par la doctrine administrative, il convient de se demander si, à l'avenir, les moyens modernes prendront le dessus en droit fiscal, et quels pourraient alors en être les avantages et inconvénients (II).
I - Apparition d'une nouvelle forme d'obligation pour l'administration
Selon l'article 242-0 R de l'annexe II au CGI, pour bénéficier du remboursement de la TVA, l'assujetti non établi en France doit adresser au service des impôts une demande de remboursement souscrite par voie électronique au moyen du portail mis à sa disposition par l'Etat de l'Union européenne où il est établi.
Le contribuable européen a donc, sur le fondement de cette base légale, l'impossibilité de faire sa demande de remboursement de TVA par un autre moyen que celui énoncé ci-dessus. Par conséquent, il lui incombe, dans le cadre de la première étape de la procédure de remboursement, une "obligation" (le terme "nécessité" serait plus adéquat) de passer par la voie électronique.
Il semble donc logique qu'a contrario, l'administration doive répondre par le même moyen si elle est censée être en capacité de pouvoir accueillir les demandes effectuées par voie électronique. Ainsi, l'argument tenant à l'envoi d'un courrier postal par les services fiscaux, peu importe que la société requérante l'ait reçu ou non, ne peut effectivement être regardée comme ayant régularisé la notification litigieuse (déclarée irrégulière en l'espèce), car la demande de renseignements ne peut se faire, initialement, que sous la seule forme électronique.
L'autre argument tient en l'irrecevabilité de la demande de la société requérante. En effet, les juges de première instance (TA Montreuil, 26 février 2014, n° 1303878) avaient rejeté cette demande initiale au motif qu'elle n'avait pas répondu, dans le délai requis, à la demande d'informations complémentaires formée par les services fiscaux. Toutefois, en l'espèce, l'administration a commis une erreur peu commune en renvoyant à une autre adresse que celle de la demande initiale la demande d'informations complémentaires. De ce fait, la cour administrative d'appel n'a pas eu d'autre choix que de juger la demande de renseignements notifiée par courriel à l'adresse erronée irrégulière.
Dans le principe énoncé, les juges versaillais ont indiqué que la demande de renseignements ne peut être régulière que si elle passe par la même voie électronique que celle que doit obligatoirement emprunter l'assujetti pour le dépôt de la demande initiale. En l'espèce, ils vont même au-delà en précisant que la demande doit être envoyée à la même adresse que celle de la demande initiale. Cela restreint encore plus le champ pour que l'administration puisse exercer son droit d'obtenir des informations complémentaires. Imaginons, comme ceci a pu être le cas en l'espèce, que l'administration fiscale ait des liens réguliers par courriel avec une société soumise à plusieurs contrôles. Si, dans le cadre de la procédure en question dans cet arrêt, le contribuable adresse sa demande de remboursement par une adresse différente, l'administration sera en tort si elle répond à l'adresse courriel avec laquelle elle avait l'habitude de communiquer avec le contribuable.
En l'espèce, s'il est notifié que la société n'avait pas reçu le courrier, il n'est pas signifié que la société aurait prétendu ne pas avoir reçu le courriel lui adressant la demande de renseignements. Par l'obligation de passer par la voie électronique se pose la problématique des moyens de preuve.
De nombreuses autres questions peuvent se poser quant à la sécurité juridique établie (ou non) par ce moyen (pas si) moderne.
II - Avantages et inconvénients du passage par la voie électronique au regard du droit fiscal
L'article 242-0 R de l'annexe II au CGI, sous la forme applicable au litige, est en vigueur depuis le 30 avril 2010, soit depuis plus de cinq ans. Il fait suite à la transposition du dispositif prévu à l'article 3 du Règlement de la Commission n° 1174/2009 du 30 novembre 2009 (N° Lexbase : L0193IGA). Néanmoins, ce Règlement évoque simplement la "possibilité " pour un Etat membre de demander à un requérant de fournir des informations complémentaires sous forme électronique, et non l'obligation. La seule obligation qui existe dans ce texte, en rapport avec le passage par la voie électronique, est la transmission d'informations entre les autorités compétentes dans le cas d'une demande de l'Etat du remboursement.
La doctrine administrative est également assez évasive sur le sujet de l'obligation, pour l'administration fiscale, de répondre par voie électronique à l'adresse courriel d'où provient la demande de remboursement. Elle stipule juste que les demandes d'informations complémentaires sont adressées par voie électronique. Cependant, elle apporte des informations intéressantes sur le déroulement de la procédure et les moyens de preuve (BOI-TVA-DED-50-20-30-20 N° Lexbase : X8351ALU).
En effet, elle précise que le service de remboursement de la TVA informe le requérant, par voie électronique, et dans les meilleurs délais, de la date à laquelle il a reçu sa demande de remboursement. Cette date constitue le point de départ du délai d'instruction de la demande de remboursement et doit être justifiée par un accusé-réception. Cette justification n'est pas apportée en l'espèce, et il semble louable de se poser la question de l'efficacité d'un tel moyen de preuve dans le cadre d'un envoi à une autre adresse courriel. Et si l'administration apportait la preuve de la réception de la demande d'informations complémentaires à l'adresse avec laquelle elle avait l'habitude de communiquer avec l'intéressé ?
Le fait d'ajouter une condition (répondre à l'adresse par laquelle la demande a été effectuée) à l'obligation de passer par la voie électronique renforce-t-il la sécurité juridique de cette procédure ? Il est probable que la réponse soit oui d'un point de vue technique et logique.
Dès lors, l'inconvénient majeur à résoudre au plus vite serait l'édition de règles précises permettant à chaque partie d'agir dans un cadre bien défini. Le passage par la voie informatique amènera forcément à de nombreux contentieux comme celui-ci.
La dématérialisation (pour certains "simplification") du droit fiscal devient une obligation en matière de TVA dans de nombreux cas (BOI-TVA-DECLA-20-20-20-10 N° Lexbase : X8728ALT et BOI-TVA-DECLA-30-20-30 N° Lexbase : X8299ALX) et des sanctions spécifiques existent désormais (BOI-CF-INF-10-40-50 N° Lexbase : X7189ALT). Egalement, pour la CFE et l'IFER, le paiement en ligne devient obligatoire (v. Lexbase - Hebdo n° 632 du 11 novembre 2015, édition fiscale N° Lexbase : N9878BUE).
Le projet de loi de finances rectificative pour 2015 prévoit des mesures "simplification" et de "modernisation" pour améliorer la lisibilité du paysage fiscal et sa prévisibilité. Ainsi, la taxe spéciale sur les véhicules routiers (TSVR) sera simplifiée en un régime unique de paiement. La déclaration et le paiement de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) seront dématérialisés en 2017, et ceux des contributions indirectes en 2018.
La télédéclaration et le télérèglement sont l'avenir en matière de recouvrement de l'impôt. Le législateur devra alors sécuriser le plus possible ces nouveaux moyens pour éviter de nombreuses confusions et une trop grande place aux interprétations prétoriennes. Si l'administration fiscale a prévu des sanctions en cas de non-respect des obligations de déclaration ou paiement par voie électronique, cette dernière peut également être sanctionnée pour des obligations qu'elle ne peut pas toujours maîtriser.
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