Cahiers Louis Josserand n°3 du 27 juillet 2023 : Sociétés

[Chronique] Transmission de la peine d’amende dans le cadre d’une TUP

Réf. : CA Lyon, 6e ch., 23 février 2023, n° 22/00880 N° Lexbase : A99419EW

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N6348BZ7

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par Brune-Laure Dugourd, Doctorante, ATER, Université Jean Moulin Lyon 3

le 26 Juillet 2023

Mots-clés : responsabilité pénale • transmission universelle de patrimoine • amende pénale • passif • société unipersonnelle • société à responsabilité limitée • dissolution sans liquidation


 

La dissolution d’une société unipersonnelle emporte la transmission universelle de son patrimoine (TUP) à son associé personne morale (C. civ., art. 1844-5, al. 3 N° Lexbase : L2025ABM). Ce transfert est d’ordre public, si bien que l’associé unique n’a pas la possibilité d’opter pour la liquidation de la société (Cass. com., 7 décembre 2010, n° 09-17.169, F-D N° Lexbase : A9068GMS ; Cass. soc., 12 janvier 2016, n° 14-21.533, FS-D N° Lexbase : A9473N3A). Cette dernière est pourtant avantageuse dans les sociétés à responsabilité limitée. En effet, le gage des créanciers sociaux se limitant au patrimoine social, les dettes de la société ne sont pas supportées par les associés en cas d’insuffisance d’actif constatée à la fin des opérations de liquidation. Le risque encouru en cas de dissolution d’une société unipersonnelle est donc particulièrement important, justifiant que la TUP soit réservée aux seuls associés personnes morales (C. civ., art. 1844-5, al. 4 N° Lexbase : L2025ABM, issu de la loi dite « NRE », du 15 mai 2001 N° Lexbase : L8295ASZ) en l’absence de procédure collective (Cass. com., 12 juillet 2005, n° 02-19.860, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A9126DIT). Selon l’étendue du passif transmis, l’enjeu est alors pour le bénéficiaire de la TUP de parvenir à se défaire de certaines dettes. L’arrêt rendu par la cour d’appel de Lyon le 23 février 2023 permet ainsi de rappeler les effets classiques de la TUP en présence d’une amende pénale, dont la double nature n’empêche pas la transmission à l’associé unique. 

En l’espèce, une société unipersonnelle avait été condamnée à deux peines d’amende avant sa dissolution et la transmission universelle de son patrimoine. Quelques mois plus tard, le Trésor public délivrait deux avis de poursuite à l’associé unique afin de recouvrer les sommes dues. Soutenant que l’amende avait la nature de sanction et que la dissolution d’une personne morale empêche ou arrête l’exécution de la peine, l’associé demanda l’annulation des commandements de payer. Après un rejet de sa demande en première instance, l’associé interjette appel. Dans un arrêt confirmatif, la cour d’appel insiste sur la double nature de l’amende pénale. Issue d’un jugement de condamnation passé en force de chose jugée, l’amende est une sanction, mais également une dette grevant le patrimoine transmis. Or, puisque le bénéficiaire de la TUP se substitue dans tous les biens, droits et obligations de la société, l’associé unique devient bien redevable de cette amende.

A priori, cette vision patrimoniale de l’amende s’oppose au principe de personnalité des peines selon lequel l’auteur de l’infraction supporte le poids de la peine. L’article 133-1 du Code pénal N° Lexbase : L2149AMK dispose à cet égard que le décès ou la dissolution de la personne morale, auteur de l’infraction, arrête l’exécution de la peine. La solution s’inscrit néanmoins dans la logique de la seconde phrase du même texte qui autorise le recouvrement des amendes et frais de justice jusqu’à la clôture des opérations de liquidation, que ce soit pour les personnes physiques ou les personnes morales. Le Conseil constitutionnel a ainsi approuvé la transmission des amendes issues de condamnations définitives [1]. À défaut de liquidation de la société unipersonnelle, l’appelante soutenait que le recouvrement de l’amende n’était possible que jusqu’à l’expiration du délai d’opposition des créanciers. Ce dernier est de trente jours à compter de la publication de la dissolution et retarde la dissolution de la personne morale (C. civ., art. 1844-5, al. 3 N° Lexbase : L2025ABM). À raison, les juges du fond rappellent que ce délai n’a pas pour effet d’éteindre les dettes de la société. En effet, s’il accueille l’opposition, le juge n’est pas contraint d’ordonner le remboursement de la créance et peut exiger la constitution de garanties.

Au-delà de son orthodoxie juridique, le pragmatisme de cette solution garantit l’effectivité de la sanction. En effet, la TUP assure la continuité économique des personnes morales. La condamnation de nature patrimoniale peut ainsi être exécutée par la personne morale bénéficiaire de la TUP. À cet égard, les principes de personnalité et d’individualité de la peine sont respectés, celle-ci ayant été prononcée au regard du patrimoine transmis. L’arrêt rendu par la cour d’appel de Lyon s’inscrit également dans la logique de la jurisprudence en matière de fusions. En effet, la continuité économique de la personne morale justifie la condamnation d’une société absorbante à une peine d’amende pour les faits commis par la société absorbée, lorsque la fusion des sociétés entre dans le champ de la directive sur la fusion des sociétés anonymes ou qu’elle a pour seul objectif de permettre à la personne morale d’échapper à sa responsabilité pénale [2]. L’abandon d’une vision anthropomorphique en la matière permet ainsi d’éviter une instrumentalisation de la dissolution des personnes morales. À cet égard, l’associé unique personne morale devra éviter de faire entrer un nouvel associé dans sa société dans le seul but de permettre sa dissolution avec liquidation, sous peine de devoir assumer le passif de la société.


[1] Cons. const., décision n° 2012-239 QPC, du 4 mai 2012 N° Lexbase : Z03121YW ; v. également à propos des amendes civiles Cass. com., 21 janvier 2014, n° 12-29.166, FS-P+B+R N° Lexbase : A0032MDK.

[2] Cass. crim., 13 avril 2022, n° 21-80.653, FS-B N° Lexbase : A41207TR ; Cass. crim., 25 novembre 2020, n° 18-86.955, FP-P+B+I N° Lexbase : A551437D.

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