La lettre juridique n°950 du 22 juin 2023 : Procédure pénale/Audience criminelle

[Le point sur...] Le jury, « Dieu merci » ! Cinq propositions de QPC pour lutter contre les cours criminelles départementales

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par Benjamin Fiorini, Maître de conférences en droit privé et sciences criminelles à l’Université Paris 8

le 21 Juin 2023

Mots-clés : cour d’assises • cour criminelle départementale • jury • PFRLR • égalité devant la justice

Depuis plusieurs mois, un combat est mené sur le front politique en vue de préserver le jury populaire de cours d’assises – notamment à travers une pétition citoyenne déposée sur le site du Sénat [1], une proposition de loi [2] défendue par la députée Francesca Pasquini (EELV), et la création de l’association Sauvons les assises ! [3]. Pour prolonger cette lutte sur le terrain juridique, les plus farouches partisans d’une justice pénale démocratique et citoyenne trouveront ci-dessous des munitions de choix : cinq propositions de questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) remettant en cause les cours criminelles départementales (CCD), tantôt dans leur existence, tantôt dans leur fonctionnement. Les deux premières invitent à la consécration d’un principe d’intervention du jury – dont la portée serait plus ou moins large –, tandis que les trois dernières s’appuient sur le principe d’égalité des citoyens devant la justice pour critiquer les règles de vote applicables aux délibérations des CCD, lesquelles sont moins favorables aux accusés que celles prévalant aux assises.


 

Outre le fait que ces questions paraissent sérieuses – nous l’espérons ! –, elles sont également nouvelles, puisque le Conseil constitutionnel ne s’est jamais prononcé, dans le cadre de son contrôle a priori, sur la constitutionnalité des dispositions concernées, que ce soit dans les motifs ou le dispositif de ses décisions. En effet, dans sa décision n° 2019-778, du 21 mars 2019 [4], le Conseil s’est uniquement intéressé, s’agissant des CCD, à la constitutionnalité du premier alinéa de l’article 63, III, de la loi n° 2019-222, du 23 mars 2019, de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice N° Lexbase : L6740LPC. Ce faisant, il a validé le principe de l’expérimentation des CCD – considérant que l’inégalité qu’elle instaurait entre les justiciables était une conséquence nécessaire de la démarche expérimentale [5] –, sans toutefois se prononcer sur les dispositions organisant leur compétence et leur fonctionnement. En outre, dans sa décision n° 2021-829, du 17 décembre 2021 [6], le Conseil a seulement conclu à la constitutionnalité des règles fixant la composition des CCD, en s’intéressant exclusivement aux dispositions de la loi n° 2021-1729, du 22 décembre 2021, pour la confiance dans l’institution judiciaire N° Lexbase : Z459921T déterminant la composition des CCD, en validant la possibilité d’y faire siéger des avocats honoraires [7] et jusqu’à deux juges n’étant pas des magistrats en exercice [8].

Ces QPC pourront, de façon classique, être posées à la suite d’un arrêt de mise en accusation devant la cour criminelle départementale. En outre, il faut noter que contrairement à la règle qui prévaut devant la cour d’assises en première instance, rien ne s'oppose à ce que les QPC soient soulevées devant la cour criminelle départementale elle-même. En effet, la restriction prévue au dernier alinéa de l’article 23-1 de l’ordonnance n° 58-1067, du 7 novembre 1958, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel N° Lexbase : L0276AI3, selon laquelle le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution « ne peut être soulevé devant la cour d’assises », mais seulement au stade de l’appel, n’est pas applicable à la cour criminelle départementale, qui peut donc recevoir les QPC à l’instar des tribunaux correctionnels. Pour contourner tout risque d’irrecevabilité, ces questions devront être soulevées avant toute défense au fond, en raisonnant par analogie avec la procédure applicable en matière correctionnelle prévue à l’article 386 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L3793AZI.

Parmi toutes celles que nous proposons, la question la plus importante – parce qu’elle renvoie à un véritable débat de société – concerne l’éventuelle consécration de l’intervention du jury pour juger les crimes de droit commun en tant que principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFRLR), sur le fondement du premier alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 [9] intégrée au bloc de constitutionnalité (I.). De façon subsidiaire et plus modeste, la deuxième question tend également à faire reconnaître l’intervention du jury comme un principe en matière criminelle, mais ayant seulement vocation à jouer pour la plupart des crimes de droit commun (II.). Enfin, les autres questions portent sur le principe d’égalité devant la loi, qui paraît maltraité par des dispositions mettant l’accusé renvoyé devant une CCD dans une position défavorable par rapport à l’accusé renvoyé aux assises, sans que la différence de traitement paraisse justifiée. Ces dispositions concernent le vote de la culpabilité lors des délibérations (III.), mais aussi celui de la peine maximale (IV.) et de la peine en cas d’altération du discernement au moment des faits (V.).

I. Le principe d’intervention du jury pour juger les crimes de droit commun : un PFRLR

Premièrement, peut être soulevée l'existence d'un principe d'intervention du jury pour juger les crimes de droit commun. Pour le moment, la seule occasion où le Conseil constitutionnel aurait pu se prononcer sur l’existence d’un tel principe est sa décision n° 86-213, du 3 septembre 1986, portant sur la loi relative à la lutte contre le terrorisme et aux atteintes à la sûreté de l'État [10]. Cette loi a institué les cours d'assises spécialement composées en matière de terrorisme, lesquelles comportent exclusivement des magistrats professionnels, à l’instar des cours criminelles départementales. Dans leur saisine, les soixante sénateurs requérants invoquaient le « principe de l'intervention du jury en matière criminelle » pour s'opposer à la création de ces cours d'assises sans jury – sans toutefois qualifier ce principe de PFRLR. Le Conseil a répondu à cet argument de la manière suivante :

« 10. Considérant que les infractions criminelles énumérées à l'article 706-16 nouveau ne sont justiciables de la cour d'assises composée selon les termes de l'article 698-6 qu'autant qu'il est établi qu'elles sont en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur ; qu'ainsi, à s'en tenir au seul texte de l'article 706-16 nouveau, l'exception apportée au principe de l'intervention du jury a un caractère limité ; que l'argument invoqué par les auteurs de la saisine manque par suite en fait. » 

Comme l’a relevé en 1996 le Haut comité consultatif sur la procédure de jugement en matière criminelle, il s'ensuit que le Conseil constitutionnel, s'il n'a pas explicitement érigé le principe d'intervention du jury au rang des PFRLR, n’a pas non plus écarté cette possibilité, réservant cette question pour l’avenir [11]. La lecture du compte-rendu de la séance du Conseil [12] montre que cette position intermédiaire est le résultat d'un compromis entre celui qui présidait alors l’institution, à savoir Robert Badinter – selon lequel l'intervention du jury pour juger les crimes de droit commun constitue un « principe constitutionnel et républicain [13] » –, et le professeur Georges Vedel qui soutenait la position contraire. 

Résumant son point de vue à l’occasion de la séance, l’ancien garde des Sceaux affirmait que « la liaison entre crime de droit commun et cours d’assises composées de jurys populaires est une constante, tant constitutionnelle que législative, de la tradition française depuis 1791 [14] ».  Pour appuyer cette thèse, il relève que le principe d’intervention des jurés pour juger les crimes a été consacré par l’article 9 de la Constitution de 1791 [15], par l’article 96 de la Constitution de 1793 [16], par les articles 237 et 238 de la Constitution de 1795 [17], par l’article 62 de la Constitution de l’An VIII [18] – ce à quoi il faut ajouter l’article 82 de la Constitution de la Deuxième République [19] – , et que « les lois de la IIIRépublique ont renforcé ce principe et n’ont jamais supprimé le jury populaire ». Il souligne également qu’en dehors des infractions politiques et militaires, « en matière de droit commun donc, de tradition constante, les cours d’assises avec jury ont seules été compétentes pour juger les crimes ». Bref, pour reprendre ses mots : « s’il y a un principe républicain, […] c’est bien celui-là [20] ».

Quoique solidement assise, cette argumentation n’emporte guère la conviction de Georges Vedel. Pour commencer, celui-ci rappelle que la règle d’intervention du jury pour juger les crimes « ne figure pas dans le texte même de la Constitution », tout en admettant qu’« on pourrait, le cas échéant, la trouver parmi les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République [21] ». Cependant, deux motifs le retiennent de s’engager dans cette voie.

Premièrement, il remarque qu’au cours de l’histoire républicaine, de nombreux crimes ont échappé à la compétence du jury. Ainsi, il note que « « [s]ous la IIIème république, il existait des tribunaux spéciaux et des tribunaux militaires qui avaient des compétences fort étendues ». Il mentionne également un texte constitutionnel qui lui apparaît comme « la négation même du principe du jury qui consacre le principe de la juridiction politique, à savoir la loi constitutionnelle de 1875 qui constituait le Sénat en Haute-Cour en tant que de besoin ». Il rappelle que cette Haute-Cour était « compétente rationae materiae pour juger les attentats contre la sûreté de l’État commis par les particuliers [22] ». À ses yeux, ces multiples entorses à la règle d’intervention du jury pour le jugement des crimes interdisent de l’ériger au rang des PFRLR. 

Deuxièmement, Georges Vedel observe que « le jury a eu une existence mouvementée », les règles concernant sa compétence, sa composition et son fonctionnement ayant considérablement varié depuis son apparition en 1791. Il note que « les jurés et la Cour statuaient, les uns sur les faits, les autres sur la peine », rappelle que « Vichy a poussé à l’échevinage », et souligne que « le législateur républicain n’a pas été sans défiance à l’encontre du jury [23] », lui retirant la connaissance des délits de presse. Ces constats l’amènent à conclure « qu’il n’existe pas […] un principe du jugement par jury, sauf à dire que ce principe est du type de celui du médecin qui reçoit tous les jours de la semaine, sauf le lundi, mardi, mercredi, jeudi et vendredi [24] ».

À la suite de la confrontation de ces deux argumentaires, le Conseil opte pour une position médiane, parfaitement résumée par Pierre Joxe qui y siégeait alors : « il convient que le Conseil marque sa fidélité à la notion de jury et de jurés populaires, mais il doit le faire selon une formule qui ne le conduise pas à dépasser ses compétences [25] ». Il s’agissait d’ailleurs de la position défendue par Georges Vedel qui, s’il ne souhaitait aller jusqu’à reconnaître le principe d’intervention du jury en tant que PFRLR, a préféré ne pas exclure cette possibilité : « cette question n’a pas à être tranchée », argue-t-il, « puisque le moyen n’a pas été soulevé par les auteurs de la saisine ». Plus précisément, Georges Vedel affirme « qu’il ne se mettra pas dans le cas de déclarer que le jugement par jury est un principe fondamental reconnu par les lois de la République », mais qu’« il ne se mettra pas non plus, "Dieu merci", dans le cas contraire [26] ». Ce « Dieu merci » est frappant, puisqu’il montre que Georges Vedel, s’il n’était pas favorable à la reconnaissance de l’intervention du jury comme PFRLR, mesurait la nécessité pour le Conseil de montrer son attachement cette institution, et répugnait à endosser la responsabilité historique d’apparaître comme son fossoyeur.

À l’analyse, et quoique justes d’un point de vue historique, les deux arguments développés par Georges Vedel apparaissent fragiles. Premièrement, s’il est exact que certaines juridictions spéciales ont été créées, notamment sous la Troisième République, pour juger certains crimes hors la présence de jurés citoyens, ce sont exclusivement les crimes militaires ou politiques – de par leur objet, leur mobile ou la qualité officielle des personnes accusées – qui étaient concernés [27]. Or, Robert Badinter entendant explicitement circonscrire le principe d’intervention du jury au crimes de droit commun, ces exceptions n’y font aucunement obstacle [28].

Secondement, l’argument de l’instabilité du jury dans sa compétence, sa composition et son fonctionnement apparaît insuffisant, puisque c’est le principe de son « intervention » pour juger les crimes qui est en cause, indépendamment de la forme qu’il revêt ou de ses attributions précises. A minima, il faut reconnaître que le jury populaire a toujours été amené, depuis son institution consécutive à la Révolution, à statuer sur la culpabilité concernant les crimes de droit commun.

Il résulte de ce qui précède que si, saisi d’une QPC, le Conseil constitutionnel décidait de reprendre à son compte l’analyse développée par Robert Badinter en 1986, cela l’amènerait à constater l’inconstitutionnalité des dispositions prévoyant la généralisation des cours criminelles départementales. La QPC pourrait être formulée de la façon suivante :

« Les articles 181-1, 181-2, 380-16, 380-17, 380-18, 380-19, 380-20, 380-21, 380-22 et 888-1 du Code de procédure pénale, qui déterminent la compétence et organisent le fonctionnement des cours criminelles départementales, portent-ils atteinte au principe d'intervention du jury pour juger les crimes de droit commun, lequel constitue un principe fondamental reconnu par les lois de la République au sens du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ? »

II. Le principe d’intervention du jury : le droit commun du jugement des crimes

Deuxièmement, peut être soulevée, de manière subsidiaire – et, d’une certaine façon, moins ambitieuse –, l'existence d'un principe à valeur constitutionnelle selon lequel l'intervention du jury est le droit commun du jugement criminel. Ce principe, distinct du premier, consisterait à affirmer que la majorité des crimes doivent être jugés par un jury populaire. Il semble directement s’évincer de la décision rendue par le Conseil constitutionnel le 3 septembre 1986, puisque dans son dixième considérant susmentionné, le Conseil reprend à son compte le principe d'intervention du jury, tout en estimant qu'il n'est pas violé en raison de la compétence restreinte des cours d'assises spécialement composées en matière de terrorisme. Cela laisse entendre qu’a contrario, ce principe serait bafoué si un nombre significatif de crimes étaient soustraits à la compétence du jury. Or, tel est le cas avec les cours criminelles départementales qui, selon l’étude d’impact ayant précédé la loi n° 2019-222, du 23 mars 2019, de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice N° Lexbase : L6740LPC, sont désormais compétentes pour juger 57 % des affaires criminelles [29].

La reconnaissance d’un tel principe serait conforme à l’interprétation doctrinale de la décision du 3 septembre 1986. Ainsi, dans sa thèse intitulée L’avenir du jury criminel, William Roumier relève qui si le Conseil constitutionnel n’a pas explicitement consacré le principe d’intervention du jury en tant que PFRLR, il a toutefois « posé pour principe que l’institution du jury constitue le droit commun du jugement en matière criminelle [30] ». De même, dans le rapport Deniau en date de 1996, le Haut comité consultatif sur la procédure de jugement en matière criminelle relève que la décision du 3 septembre 1986 « permet d’établir que le Conseil considère l’institution du jury comme la procédure normale de jugement en matière criminelle [31] ».

Ainsi, dans l’hypothèse où le Conseil constitutionnel conclurait que le principe d’intervention du jury pour juger les crimes de droit commun ne constitue pas un PFRLR, il pourrait néanmoins conclure que les cours criminelles départementales violent la Constitution en raison d’une compétence matérielle trop étendue, laquelle porte atteinte au principe selon lequel le jury constitue le droit commun du jugement en matière criminelle. La QPC permettant de le faire reconnaître serait ainsi formulée :

« Les articles 181-1, 181-2, 380-16, 380-17, 380-18, 380-19, 380-20, 380-21, 380-22 et 888-1 du Code de procédure pénale, qui déterminent la compétence et organisent le fonctionnement des cours criminelles départementales, portent-ils atteinte au principe à valeur constitutionnelle selon lequel l’intervention du jury constitue le droit commun du jugement en matière criminelle ? »

III. Une rupture du principe d’égalité des citoyens devant la justice lors du vote sur la culpabilité

Troisièmement, peut être soulevée une difficulté relative au principe d'égalité des citoyens devant la justice. En effet, la différence de traitement entre les personnes accusées de crimes jugées par une CCD – juridiction composée de cinq magistrats, où la culpabilité est acquise à une majorité de trois voix contre deux – et celles jugées par une cour d'assises – juridiction composée de trois magistrats et six citoyens, où la culpabilité est acquise à une majorité de sept voix contre deux (selon le principe de minorité de faveur) – pose un problème constitutionnel sérieux, puisque selon la juridiction criminelle devant laquelle les accusés sont poursuivis, la proportion de juges à convaincre pour obtenir un acquittement est plus ou moins forte.

Le problème est manifeste si l’on compare la situation de deux individus poursuivis pour les mêmes faits, mais qui ne seront pas jugés par la même juridiction criminelle. Cela est rendu possible par l’article 380-16 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L1539MAA qui, s’il donne globalement compétence aux cours criminelles départementales pour juger l’auteur d’un crime puni de quinze ou vingt ans de réclusion criminelle, donne toutefois compétence à la cour d’assises si cette personne a agi avec un coauteur en état de récidive légale. Comparons, par exemple, la situation de deux personnes accusées de viol commis avec un coauteur, l’une étant renvoyée devant une CCD car le coauteur n'est pas récidiviste, et l’autre devant une cour d’assises car le coauteur est récidiviste : si le second bénéficie du principe de minorité de faveur, tel ne sera pas le cas du premier, qui s’en trouve désavantagé.

Une autre situation particulièrement problématique est celle où une infraction qui relève de la compétence de la CCD, au sens de l’article 380-16 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L1539MAA, est néanmoins jugée par une cour d’assises. Tel est le cas, par exemple, si un accusé est renvoyé aux assises du chef de meurtre, mais qu’il est condamné pour coups mortels, la cour d’assises ne retenant pas l’existence de l’intention homicide : cet accusé aura bénéficié du principe de minorité de faveur, à l'inverse d’un accusé directement poursuivi pour coups mortels devant une CCD, qui s’en trouve défavorisé.

Cette difficulté vis-à-vis du principe d’égalité des citoyens devant la justice avait déjà été soulevée en 1986 – le compte-rendu de la séance du Conseil constitutionnel en atteste [32] – pour contester la constitutionnalité des cours d'assises spécialement composées en matière de terrorisme : la culpabilité y était acquise, en première instance, à une majorité simple de quatre voix sur sept, au lieu de la majorité qualifiée de huit voix sur douze qui prévalait à l’époque devant les cours d’assises classiques. Le Conseil, pour conclure à la constitutionnalité du dispositif, avait raisonné de la façon suivante :

« 13. Considérant que la différence de traitement établie par l'article 706-25 nouveau du Code de procédure pénale entre les auteurs des infractions visées par l'article 706-16 nouveau selon que ces infractions sont ou non en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur tend, selon l'intention du législateur, à déjouer l'effet des pressions ou des menaces pouvant altérer la sérénité de la juridiction de jugement ; que cette différence de traitement ne procède donc pas d'une discrimination injustifiée ; qu'en outre, par sa composition, la cour d'assises instituée par l'article 698-6 du Code de procédure pénale présente les garanties requises d'indépendance et d'impartialité ; que devant cette juridiction les droits de la défense sont sauvegardés ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la justice doit être écarté. »

Ainsi, aux yeux du Conseil, la différence de traitement se justifie essentiellement au regard du but poursuivi par le législateur – en l'occurrence, protéger les jurés des pressions. Or, les buts justifiant la création des CCD sont de natures très différentes, puisqu'il ne s'agit pas de se passer des jurés au prétexte qu'ils s’exposeraient à des risques en jugeant certaines affaires (contrairement à la logique qui a prévalu non seulement pour les crimes terroristes, mais aussi, depuis 1992, pour les crimes relevant du trafic de stupéfiants), mais en espérant un triple avantage : gagner du temps à l’audiencement et lors des audience, réaliser des économies, et dé-correctionnaliser. Ainsi, pour la première fois, le jury recule non pas parce le législateur aurait identifié chez lui des difficultés pour juger certaines affaires, mais dans un objectif global d'efficacité. Cela pose nécessairement question, d’autant plus que le dernier rapport d’évaluation des cours criminelles départementales a montré qu’aucun des trois objectifs précités n’était réellement atteint [33]. Ainsi, il serait surprenant que des objectifs dont l’expérience a révélé le caractère illusoire puissent justifier une telle différence de traitement entre les justiciables.

Il est intéressant de noter qu’une difficulté identique a été envisagée par le Conseil constitutionnel dans sa décision QPC n° 2016-544, du 3 juin 2016 [34]. En prenant appui sur le principe d’égalité des citoyens devant la justice, le requérant contestait la conformité à la Constitution des dispositions encadrant la composition et la délibération de la cour d’assises de Mayotte. Celles-ci prévoyaient que cette cour d'assises était composée, en plus des trois magistrats professionnels, de quatre assesseurs-jurés lorsque la cour d'assises statue en premier ressort et de six assesseurs-jurés lorsqu'elle statue en appel (ancien article 885 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L1030LDI). La culpabilité y était acquise à une majorité de cinq voix sur sept en première instance (ancien article 888 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9000IPZ), contre six voix sur neuf devant les cours d’assises classiques à l’époque. Or, le Conseil constitutionnel a considéré qu’il s’agissait là d’une différence de traitement injustifiée :

« 21. Toutefois, alors que pour conclure à la culpabilité de l'accusé, en première instance comme en appel, une majorité des deux tiers des membres de la cour d'assises est requise dans le droit commun, il résulte des dispositions contestées que, devant la cour d'assises de Mayotte siégeant en premier ressort, une majorité des cinq septièmes est exigée. La modification de ces conditions de majorité crée une différence de traitement sans rapport avec l'objet de la loi et privant les justiciables de garanties égales. Par conséquent, la condition de majorité applicable à la cour d'assises de Mayotte siégeant en premier ressort est contraire au principe d'égalité devant la justice. »

Or, il semble que les cours criminelles départementales correspondent à une situation analogue – d’autant que même à admettre que les objectifs visés par les cours criminelles départementales soient atteignables, on peine à comprendre en quoi l’instauration de cette différence de traitement aurait « un rapport avec l’objet de la loi » et permettrait de mieux les atteindre. Aussi, la question suivante pourrait être posée :

« L'article 380-19, 4°, du Code de procédure pénale, en prévoyant que les cours criminelles départementales prennent leurs décisions sur la culpabilité à la majorité simple de trois voix sur cinq, porte-il atteinte au principe d'égalité des citoyens devant la justice garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen du 26 août 1789, dans la mesure où les accusés renvoyés devant les cours criminelles départementales ne bénéficient pas du principe de minorité de faveur – au moins sept voix sur neuf –  applicable aux accusés renvoyés devant les cours d'assises ? »

IV. Une rupture du principe d’égalité des citoyens devant la justice lors du vote sur la peine maximale

Quatrièmement, une autre difficulté peut être soulevée relativement au principe d’égalité des citoyens devant la justice, concernant cette fois-ci le prononcé de la peine. En effet, l’article 380-19, 4°, du Code de procédure pénale N° Lexbase : L1541MAC prévoit qu’en cas de condamnation de l’accusé, la CCD détermine sa peine à la majorité simple (au moins trois voix sur cinq), quand bien même la peine maximale serait prononcée. Or, les règles applicables devant la cour d’assises sont assez différentes, puisque si la peine y est globalement choisie à la majorité simple (au moins cinq voix sur neuf) comme le prévoit le deuxième alinéa de l’article 362 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L1491MAH, tel n’est pas le cas lorsque la peine maximale encourue est prononcée. Dans cette dernière hypothèse, le même alinéa exige une majorité qualifiée de sept voix sur neuf.

Là encore la différence de traitement est manifeste entre les personnes poursuivies devant les cours criminelles départementales et celles poursuivies devant les cours d’assises, les secondes étant défavorisées par rapport aux premières. Ainsi, une personne renvoyée pour meurtre simple devant une cour d’assises ne sera condamnée à la peine maximale (trente ans de réclusion criminelle) que si cette peine correspond au moins à 77,7 % des voix exprimées par ceux qui le jugent, tandis qu’un individu mis en accusation du chef de viol sans circonstance aggravante devant une CCD pourra voir la peine maximale prononcée contre lui (quinze ans de réclusion criminelle) si seulement 60 % de ses juges en décident ainsi.

Autre exemple encore plus révélateur de la différence de traitement : si un individu est renvoyé pour viol aggravé devant une cour d’assises parce que l’un de ses coauteurs est en état de récidive légale, la peine maximale (vingt ans de réclusion criminelle) ne pourra, là encore, être prononcée que si 77,7 % des voix en décident ainsi. À l’inverse, l’accusé poursuivi pour les mêmes faits devant une CCD – parce qu’aucun de ses coauteurs n’est récidiviste – pourra voir cette même peine de vingt ans de réclusion criminelle prononcée contre lui par seulement 60 % de ses juges.

La rupture d’égalité est donc flagrante. Et une fois de plus, à la lumière de la jurisprudence du Conseil constitutionnel en la matière, il semble impossible de trouver la moindre justification à cette différence de traitement, dont la constitutionnalité paraît éminemment douteuse. Une QPC pourrait donc être formulée ainsi :

« L'article 380-19, 4°, du Code de procédure pénale, en prévoyant que les cours criminelles départementales prennent leurs décisions sur la peine à la majorité simple de trois voix sur cinq, y compris lorsqu’il s’agit de prononcer la peine maximale encourue, porte-il atteinte au principe d'égalité des citoyens devant la justice garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen du 26 août 1789, dans la mesure où les accusés renvoyés devant les cours criminelles départementales ne bénéficient pas dans cette hypothèse du principe de majorité qualifiée – au moins sept voix sur neuf – applicable aux accusés renvoyés devant les cours d'assises ? »

V. Une rupture du principe d’égalité des citoyens devant la justice lors du vote sur la peine en cas d’altération du discernement

Cinquièmement, une ultime contradiction avec le principe d’égalité des citoyens devant la justice doit être relevée, concernant spécifiquement le prononcé d’une peine lorsque l’altération du discernement au moment des faits a été reconnue par la juridiction criminelle. Comme cela a été dit plus haut, l’article 380-19, 4°, du Code de procédure pénale N° Lexbase : L1541MAC prévoit que lorsqu’elle déclare l’accusé coupable des faits qui lui sont reprochés, la CCD décide systématiquement de la peine prononcée à la majorité simple (au moins trois voix sur cinq). Ainsi, dans l’hypothèse où les juges reconnaissent l’accusé coupable tout en retenant la circonstance d’altération de son discernement au moment des faits sur le fondement du deuxième alinéa de l’article 122-1 du Code pénal N° Lexbase : L9867I3T, c’est à la majorité simple qu’ils peuvent décider de prononcer à son encontre une peine supérieure ou égale aux deux tiers de la peine encourue. Or, la règle est différente devant la cour d’assises, puisque dans cette situation, le deuxième alinéa de l’article 362 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L1491MAH prévoit que la mise à l’écart du principe de diminution de la peine requiert une majorité qualifiée de sept voix sur neuf.

Une nouvelle fois, la différence de traitement – au détriment des personnes mises en accusation devant la CCD – est évidente. Tout d’abord, imaginons une personne poursuivie devant une cour d’assises pour violences mortelles, avec la circonstance aggravante qu’elles ont été commises avec un coauteur, lequel se trouve en état de récidive légale (ce qui, rappelons-le, justifie la compétence de la cour d’assises pour juger les deux individus). Ensuite, imaginons un autre accusé renvoyé devant une CCD pour les mêmes faits, à ceci près que son coauteur n’est pas récidiviste. Enfin, imaginons que ces deux personnes soient déclarées coupables des faits qui leur sont reprochés, la juridiction criminelle reconnaissant par ailleurs qu’ils ont agi avec un discernement altéré. La comparaison de leur situation respective donne les résultats suivants : tandis que le premier accusé ne pourra être condamné à une peine supérieure aux deux tiers de la peine encourue que si 77 % des voix sont exprimées en ce sens, seulement 60 % des voix suffiront dans le second cas. Or, cette différence de traitement ne repose sur aucune justification solide.

Autre cas de figure qui ne manquera pas de survenir : imaginons, d’un côté, une personne poursuivie pour meurtre simple devant une cour d’assises puis, de l’autre côté, une personne accusée de violences mortelles sans circonstances aggravantes devant une CCD. Imaginons que dans les deux cas, la personne soit finalement condamnée, sur le fondement de l’article 222-7 du Code pénal N° Lexbase : L5528AIL, pour violences mortelles sans circonstances aggravantes (dans le premier pas, parce que la cour d’assises aura estimé que la preuve de l’animus necandi n’était pas rapportée), la juridiction reconnaissant par ailleurs l’altération du discernement au moment des faits. Là encore, dans le premier cas, l’accusé ne pourra être condamné à une peine supérieure à dix ans de réclusion criminelle (soit deux tiers de la peine encourue) que si sept voix sur neuf se sont exprimées en ce sens, tandis que seulement trois voix sur cinq suffiront dans le second cas. Or, rien ne justifie cette inégalité.

C’est pourquoi la question suivante pourrait être posée :

« L'article 380-19, 4°, du Code de procédure pénale, en prévoyant que les cours criminelles départementales prennent leurs décisions sur la culpabilité et la peine à la majorité simple de trois voix sur cinq, y compris lorsqu’il s’agit de prononcer une peine supérieure ou égale aux deux tiers de la peine encourue alors qu’il a été répondu positivement à la question portant sur l’application des dispositions du second alinéa de l’article 122-1 du Code de procédure pénale, porte-il atteinte au principe d'égalité des citoyens devant la justice garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen du 26 août 1789, dans la mesure où les accusés renvoyés devant les cours criminelles départementales ne bénéficient pas dans cette hypothèse du principe de majorité qualifiée – au moins sept voix sur neuf – applicable aux accusés renvoyés devant les cours d'assises ? »

***

En guise de conclusion, il semble important de souligner que, sans même évoquer les pays anglo-saxons – dont chacun sait qu’ils accordent au jury une place fondamentale [35] – de nombreux pays géographiquement proches du nôtre, pétris d’une culture juridique en partie commune à la nôtre, consacrent expressément la participation des jurés citoyens à la justice pénale dans leurs Constitutions. Il en va notamment ainsi de la Belgique [36], de l’Italie [37], de l’Espagne [38] et du Portugal [39], ce qui rend encore plus troublante l’absence de dispositions analogues dans notre Constitution. Ainsi, en hissant l’intervention du jury pour juger les crimes de droit commun au rang de PFRLR, le Conseil constitutionnel, en plus de prendre acte de la tradition républicaine française qui réserve au jury une place particulière, contribuerait à l’émergence d’une culture démocratique commune en matière judiciaire.


[1] Pétition accessible à ce lien sur le site du Sénat [en ligne].

[2] Proposition de loi n° 1205, du 10 mai 2023, visant à préserver le jury populaire de cour d’assises [en ligne].

[3] Pour consulter les travaux de l’association Sauvons les assises ! [en ligne].

[4] Cons. const., décision n° 2019-778 QPC, du 21 mars 2019 N° Lexbase : A5079Y4U.

[5] Ibid., §§ 309-314 N° Lexbase : A5079Y4U.

[6] Cons. const., décision n° 2021-829 QPC, du 17 décembre 2021 N° Lexbase : A52787GL.

[7] Ibid., §§ 2-17 N° Lexbase : A52787GL.

[8] Ibid., §§ 18-27 N° Lexbase : A52787GL.

[9] Premier alinéa de la Constitution du 27 octobre 1946 N° Lexbase : L6815BHU : « Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d'asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés. Il réaffirme solennellement les droits et libertés de l'homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des droits de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. »

[10] Cons. const., décision n° 86-213 DC, du 3 septembre 1986 N° Lexbase : A8139ACG.

[11] Synthèse du rapport du Haut comité consultatif sur la procédure de jugement en matière criminelle, p. 22 : « On peut estimer que, ce faisant, le Conseil a plus réservé sa position qu’il n’a rejeté l’idée d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République en la matière »  [en ligne].

[12] Le compte-rendu est accessible à ce lien [en ligne].

[13] Conseil constitutionnel, séance du 2 et 3 septembre 1986, p. 46 [en ligne].

[14] Ibid., p. 43 [en ligne].

[15] Constitution du 3 et 4 septembre 1791, Chap. V, art. 9 [en ligne] : « En matière criminelle, nul citoyen ne peut être jugé que sur une accusation reçue par les jurés, ou décrétée par le corps législatif, dans le cas où il lui appartient de poursuivre l’accusation. – Après l’accusation admise, le fait sera reconnu et déclaré par des jurés […] »

[16] Constitution du 24 juin 1793, art 96 [en ligne] : « En matière criminelle, nul citoyen ne peut être jugé que sur une accusation reçue par les jurés ou décrétée par le corps législatif. – Les accusés ont des conseils choisis parmi eux, ou nommés d’office. – L’instruction est publique. – Le fait et l’intention sont déclarés par un jury de jugement. – La peine est appliquée par un tribunal criminel. »

[17] Constitution du 22 août 1795, art. 237 [en ligne] : « En matière de délit emportant peine afflictive ou infamante, nulle personne ne peut être jugée que sur une accusation admise par les jurés ou décrétée par le corps législatif, dans le cas où il lui appartient de décréter l’accusation ». –  Article 238 : « Un premier jury déclare si l’accusation doit être admise ou rejetée : le fait est reconnu par un second jury, et la peine déterminée par la loi est appliquée par les tribunaux criminels. »

[18] Constitution du 22 frimaire An VIII, art. 62 [en ligne] : « En matière de délit emportant peine afflictive ou infâmante, un premier jury admet ou rejette l’accusation : si elle est admise, un second jury reconnaît le fait ; et les juges, formant un tribunal criminel, appliquent la peine. Leur jugement est sans appel ».

[19] Constitution de la Deuxième République du 4 novembre 1848, art. 82 [en ligne] : « Le jury continuera d’être appliqué en matière criminelle ». – Article 83 : « La connaissance de tous les délits politiques et de tous les délits commis par la voie de la presse appartient exclusivement au jury. »

[20] Conseil constitutionnel, séance du 2 et 3 septembre 1986, pp. 43-44 [en ligne].

[21] Ibid., p. 35.

[22] Ibid., p. 36.

[23] Ibid., p. 36.

[24] Ibid., p. 51.

[25] Ibid., p. 50.

[26] Ibid., p. 36.

[27] On pourrait arguer que sous le Consulat – régime politique débuté par le coup d’Etat du 18 brumaire an VIII (9 novembre 1799) et achevé par la proclamation du Premier Empire le 18 mai 1804 –, des juridictions d’exception ont été créées pour juger certains crimes de droit commun hors la présence des jurés, pour faire face à des périls hors norme. Ainsi, la loi du 18 pluviôse an IX (1801) a institué, pour la répression du brigandage, des tribunaux criminels spéciaux dépourvus de jurés. Relevaient notamment de leur compétence les assassinats, les incendies volontaires, les vols commis avec effraction ou avec port d’arme, ou encore les crimes commis par les vagabonds et gens sans aveu. De la même façon, la loi du 23 floréal an X (1802) a créé des tribunaux spéciaux sans jury pour juger les crimes de faux ou usage de faux en écritures publiques ou privées, ou encore le crime de fausse monnaie. Il faut toutefois noter que d’après d’éminents constitutionnalistes, au premier rang desquels on retrouve le doyen Louis Favoreu, la période du Consulat ne saurait être prise en compte pour dégager ou écarter des PFRLR. D’ailleurs, jamais le Conseil constitutionnel ne s’est fondé sur cette période de l’histoire pour envisager ces principes. V. sur ce point : L. Favoreu, Les principes fondamentaux reconnus par les Lois de la République, in B. Mathieu et M. Verpeaux (dir.), La République en droit français, Economica, 1996, p. 234 ; H. Fabre, ibid., p. 37 ; L. Sponchiado, De l’usage des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République dans le débat sur le mariage des personnes de même sexe, RFDC 2013, n° 96, p. 965. – Pour abonder en ce sens, il est remarquable que les dispositions de l’article premier du titre premier de l’ « acte additionnel aux Constitutions de l’Empire », en date du 22 avril 1815, dénient expressément au Consulat le caractère républicain en lui donnant le caractère impérial : « Les Constitutions de l’Empire, nommément l’acte constitutionnel du 22 frimaire an VIII (13 décembre 1799), les sénatus-consultes des 14 et 16 thermidor an X (2 et 4 août 1799), et celui du 28 floréal an XII (18 mai 1804), seront modifiées par les dispositions qui suivent. Toutes les autres dispositions sont maintenues. »

[27] Synthèse du rapport du Haut comité consultatif sur la procédure de jugement en matière criminelle, p. 22, préc. : « On peut soutenir que ce qui fait difficulté pour faire du jury un principe fondamental, reconnu par les lois de la République, est assez ténu dans la mesure où on peut considérer que ces exceptions sont en fait des cas particuliers, dans lesquels la loi a voulu préserver le jury de menaces ou prendre en compte la spécificité de certaines matières. »

[28] Étude d’impact, projet de loi de programmation pour la justice 2018-2022, p. 362 [en ligne].

[29] W. Roumier, L’avenir du jury criminel, LGDJ, 2003, p. 79.

[30] Synthèse du rapport du Haut comité consultatif sur la procédure de jugement en matière criminelle, p. 22.

[31] Conseil constitutionnel, séance du 2 septembre 1986, spéc. pp. 35, 36, 38 et 50 [en ligne].

[32] Rapport du comité d’évaluation et de suivi de la cour criminelle départementale, octobre 2022 [en ligne] ; V. aussi B. Fiorini, Le bilan calamiteux des cours criminelles départementales : analyse critique du dernier rapport d’évaluation, Lexbase pénal, novembre 2022, n° 54 N° Lexbase : N3354BZA.

[33] Cons. const., décision n° 2016-544 QPC, 3 juin 2016 N° Lexbase : A6680RRT.

[34] On citera par exemple le fameux Sixième Amendement à la Constitution américaine de 1787 : « Dans toutes poursuites criminelles, l'accusé aura le droit d'être jugé promptement et publiquement par un jury impartial de l'État et du district où le crime aura été commis […]. »

[35] Constitution belge du 7 février 1831, art. 150 : « Le jury est établi en toutes matières criminelles et pour les délits politiques et de presse, à l'exception des délits de presse inspirés par le racisme ou la xénophobie. »

[36] Constitution de la République italienne du 22 décembre 1947, art. 102, alinéas 2 et 3 : « Il ne peut être institué auprès des organismes judiciaires ordinaires que des sections spécialisées pour des matières déterminées, pouvant comporter la participation des citoyens aptes à cette fonction et étrangers à la magistrature. –  La loi règle les cas et les formes de la participation directe du peuple à l’administration de la justice. » 

[37] Constitution espagnole du 27 décembre 1978, art. 125 : « Les citoyens pourront exercer l’action populaire et participer à l’administration de la justice par l’institution du jury, sous la forme et pour les procès à caractère pénale que la loi déterminera, ainsi que devant les tribunaux coutumiers et traditionnels. »

[38] Constitution de la République portugaise du 25 avril 1976, art. 207, 1° : « Le jury intervient, dans le jugement des crimes graves, dans les cas et avec la composition prévue par la loi, notamment lorsque l’accusation ou la défense le demandent. Il n’intervient pas en matière de terrorisme et de criminalité hautement organisée » : art. 207, 2°, du même texte : « La loi peut prévoir l’intervention de juges non professionnels pour le jugement des questions de travail, des infractions contre la santé publique, des petits délits, pour l’exécution des peines, ou dans d’autres cas justifiant une évaluation particulière des valeurs sociales atteintes. »

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