La lettre juridique n°950 du 22 juin 2023 : Comité social et économique

[Brèves] Installation d’un dispositif RH d’évaluation occulte : l’absence de consultation du CSE constitue un délit d’entrave

Réf. : Cass. crim., 6 juin 2023, n° 22-83.037, F-D N° Lexbase : A07449ZL

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N5952BZH

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par Lisa Poinsot

le 11 Juillet 2023

► Une entreprise qui met en place, sans consultation du CSE, un outil RH qui est, en réalité, un système d’évaluation occulte, commet un délit d’entrave au fonctionnement régulier des instances.

Faits et procédure. Une société a mis en place de dispositif dit « la revue du personnel » afin de doter les managers du groupe d’un outil de gestion leur permettant de mieux appréhender les entretiens d’évaluation et d’améliorer l’appréciation des collaborateurs.

Le CHSCT (désormais CSE) a cité à comparaître cette société et le président du CHSCT devant le tribunal correctionnel du chef de délit d’entrave pour ne pas avoir été informé et consulté de la mise en œuvre de ce dispositif RH.

La cour d’appel souligne que le document intitulé « la revue du personnel » se présente comme une grille d’évaluation des compétences professionnelles du personnel avec des critères qualitatifs précis et non un document support de formation des cadres destiné à améliorer l’entretien annuel d’évaluation des salariés.

Elle précise que cette grille est différente de celle utilisée à l’occasion des entretiens annuels d’évaluation, notifiée aux salariés, de sorte qu’elle constitue une évaluation occulte.

Elle relève par ailleurs que si « la revue du personnel » est mentionnée dans un accord collectif d’entreprise, les items utilisés dans les fiches de cette revue ne sont pas précisés, n’étant pas destinés à répondre aux souhaits des collaborateurs, mais à les évaluer.

Enfin, en qualité d’outil d’évaluation, « la revue du personnel » est de nature à générer une pression psychologique importante sur les salariés dès lors que sa finalité est de servir à déterminer les modalités de promotion interne.

Compte tenu de son impact potentiel sur le comportement et la santé des salariés, ce dispositif RH doit être présenté à chacun des CSE du groupe dans le cadre d’une consultation. La cour d’appel précise que l’instance de coordination des CSE n’a pas vocation à se substituer auxdits comités et n’a été constituée, en l’espèce, que postérieurement à la dénonciation du système d’évaluation occulte.

À noter. La cour d’appel souligne que l’élément intentionnel du délit est caractérisé puisque, lorsque « la revue du personnel » a été dénoncée, la société prévenue a tenté de détruire les fiches d’évaluation et n’en a été empêchée que par une décision du juge des référés.

En conséquence, la cour d’appel caractérise le délit d’entrave.

La société forme alors un pourvoi en cassation en soutenant que seule la survenance d'un changement substantiel et significatif des conditions de travail par rapport à la situation antérieure au projet est susceptible de caractériser un projet important, ce qui ne correspond pas au document « la revue du personnel ».

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi en application des articles L. 4742-1 N° Lexbase : L2095KGP et L. 4612-8-1 N° Lexbase : L5580KGR du Code du travail.

Pour aller plus loin :

  • v. ÉTUDE : Le délit d’entrave, La définition du délit d’entrave, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E5810YSY ;
  • v. aussi ÉTUDE : Droit du travail et nouvelles technologies de l’information et de la communication, L’impact des NTIC dans les relations collectives du travail, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E1371Y9N.

 

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