La lettre juridique n°949 du 15 juin 2023 : Avocats/Procédure

[Jurisprudence] Unicité de représentation par avocat versus défense des intérêts des assurés d’un même assureur partie au procès

Réf. : Cass. Avis, 9 mars 2023, n° 22-70.017, FS-B N° Lexbase : A08939HK

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par David Noguéro, Professeur à l’Université Paris Cité (IDS - UMR-INSERM 1145)

le 14 Juin 2023

Mots-clés : Assurance de responsabilité • procédure civile • avocat • représentation de l’assureur en justice • unicité de postulation • CPC, art. 414 • déontologie • art. 53 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 • conflit d’intérêts • art. 7 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 • société d’assurance unique • partie au litige • plusieurs contrats d’assurance couvrant différents assurés • intérêts divergents • C. assur., art. L. 113-17 • clause de direction du procès • représentation par plusieurs avocats • pas d’obstacle à la représentation par autant d’avocats que de personnes assurées.

La Cour de cassation est d’avis que lorsqu’une société d’assurance est partie à un litige à raison de plusieurs contrats couvrant différentes personnes, dont les intérêts peuvent être divergents, l’article 414 du Code de procédure civile ne fait pas obstacle à ce qu’elle soit représentée par autant d’avocats que de personnes assurées, pour éviter le risque de conflit d’intérêts et un manquement aux obligations déontologiques de l’avocat.


 

L’assureur dans le procès. La voie judiciaire est fréquente pour l’assureur. On traite ici des procès non en opposition à son propre assuré mais de « ceux où l’assureur, souvent aux côtés de son assuré, ou derrière lui, est en procès avec un tiers : soit qu’une victime exerce contre lui l’action directe, soit que l’assureur tente un recours contre un tiers responsable après avoir indemnisé son assuré ou la victime si elle est un tiers »[1]. Dans le contentieux, va apparaître la figure de l’avocat (L’Avocat.e, Arch. Phil. Dr., Dalloz, tome 64, 2023.) qui représente une partie dès lors qu’il est bien investi dans ce but[2]. Selon quelles modalités ? En l’espèce, plusieurs avocats semblaient constitués. Assurément important, l’avis commenté[3] privilégie le pragmatisme de l’interprétation audacieuse sur la rigidité d’une lecture cloisonnée.

Faits. Le 21 octobre 2022, le tribunal judiciaire de Pontoise a formé une demande d’avis[4] reçue le 1er décembre suivant à la Cour de cassation. Dans l’instance concernée, certains copropriétaires d’une résidence étaient opposés aux différentes sociétés intervenues dans la construction de cette résidence[5] et à leurs assureurs. L’interrogation soulevée présente un enjeu pratique évident tant pour les avocats que pour les compagnies d’assurance et leurs assurés. Elle résulte de la situation de fait dans laquelle une société d’assurance qui couvre plusieurs assurés se trouve dans une procédure avec eux pour un litige face à des tiers. Il ne s’agit pas d’affaires distinctes. Comment peut alors s’organiser la représentation par avocat ? Pour la réponse, l’articulation est à réaliser avec l’article 414 du Code de procédure civile qui énonce : « Une partie n’est admise à se faire représenter que par une seule des personnes, physiques ou morales, habilitées par la loi ». Le texte est situé dans le Titre XII Représentation et assistance en justice du Livre 1er Dispositions communes à toutes les juridictions. Il faut identifier ce représentant[6] qui seul sera à même de représenter autrui[7], interlocuteur attitré, pour éviter contradictions et incohérences que pourrait générer une représentation plurielle. La règle est dite de l’unicité de la représentation ou de la postulation[8]. Elle paraît d’airain à la lettre.

Question posée et optique. Avant de statuer[9], le tribunal judiciaire a ainsi formulé sa demande (§ 2 de l’arrêt) : « Dans un même litige, la représentation d’une société d’assurance prise en ses qualités d’assureur de plusieurs personnes morales distinctes, par autant d’avocats que de personnes assurées, est-elle conforme aux dispositions de l’article 414 du Code de procédure civile ? » La perspective est de savoir si la représentation par avocat doit être unifiée ou, au contraire, si elle peut être diversifiée. Unique ou multiple ? La deuxième chambre civile[10] réalise un rappel de différentes dispositions (§ 3-5) avant de livrer son avis (§ 7). Il est inutile d’insister sur la force de l’avis qui ne lie certes pas la juridiction qui interroge[11], ni les juges en dehors du présent contentieux, mais qui par sa délivrance rapide, a une vertu explicative (§ 6) qui ne peut laisser indifférents les destinataires de l’interprétation des normes. En effet, la représentation de l’assureur « est une question empoisonnante, qui n’a pas fait couler beaucoup d’encre jusqu’à présent »[12]. Le constat de 2010 conserve son actualité en 2023. Assurément, nous sommes confrontés à une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges[13].

Difficulté pratique identifiée. La doctrine autorisée a pu s’intéresser à la problématique soulevée, car « il arrive évidemment que l’assureur, soit mis en cause, soit par la victime exerçant l’action directe, soit par un recours exercé par un responsable ou son assureur solvens. Jusqu’à une époque récente [observation faite en 2010], la question n’était pas vraiment abordée. Un même assureur, figurant au procès sous des qualités différentes, procédait en étant représenté par plusieurs avocats. Et c’est encore peu ou prou le cas. Mais assez récemment, certains juges se sont avisés qu’il existait dans le Code de procédure civile un article 414 […] Et ils exigent que le même assureur ne soit représenté que par un avocat »[14]. La représentation unique est donc un sujet à traiter. La Cour de cassation l’aborde frontalement[15]. Par conséquent, envisageons successivement les fondements et explications de la représentation multiple admise (I) puis l’approbation de la solution dérogatoire pertinente pour la défense des intérêts des assurés (II).

I. Les fondements et explications de la représentation multiple admise

La Cour de cassation choisit d’abord l’angle de l’auxiliaire de justice pour décrire les modalités de l’exercice de sa profession en mettant en exergue la déontologie de l’avocat (A). Elle énonce ensuite les limites de la « représentation individualisée » pour énumérer les hypothèses, dont le risque de conflit d’intérêts (B).

A. La déontologie de l’avocat

La Cour énonce d’emblée la disposition reproduite sur l’unicité de représentation (§ 3) qui a vocation à s’appliquer à la personne morale de l’assureur[16]. Elle se réfère encore à la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques N° Lexbase : L6343AGZ, modifiée par la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire (art. 42) N° Lexbase : Z459921T. Elle reproduit fidèlement l’article 53 de cette loi, alinéas 1er et 2, 2° : « dans le respect de l’indépendance de l’avocat, de l’autonomie des conseils de l’Ordre et du caractère libéral de la profession » un décret en Conseil d’État présente « le Code de déontologie préparé par le conseil national des barreaux ainsi que les procédures et les sanctions disciplinaires » (§ 4).

Nul doute que, discipliné, l’avocat doit respecter dans l’exercice de sa profession le corpus en vigueur des règles déontologiques. La Cour va considérer que ne pas permettre à plusieurs avocats de représenter l’assureur couvrant plusieurs de ses cocontractants - distincts par leur personnalité juridique propre - dans un litige pourrait constituer un « manquement aux obligations déontologiques » de l’avocat (§ 6)[17]. Elle va même expliciter le cas afin de renforcer son argumentation. Observons à ce stade que la description de la mission que doit mener l’avocat participe fortement de l’analyse prétorienne menée. L’approche sous l’angle des devoirs du professionnel du droit est à coupler avec la protection des intérêts des assurés dans le prolongement de la déontologie, qui permet d’ouvrir un champ à la validation de la représentation multiple. La déontologie dicte le tempérament à l’article 414 par l’interprétation combinée adoptée[18].

B. Le risque de conflit d’intérêts

Dans la mesure où l’avocat est censé agir dans l’intérêt de son client, il est certain que la prise en considération du conflit d’intérêts est prégnante et « consubstantielle » à la profession, d’où l’idée de leur prévention[19], notamment par le devoir d’abstention du professionnel du droit[20]. La Cour se réfère au décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d’avocat[21], « pris en application du texte » de l’article 53 de la loi de 1971 modifié en 2021 (§ 5). Plus précisément, elle s’arrête sur son article 7, alinéas 1er et 2 littéralement restitués : « l’avocat ne peut être ni le conseil ni le représentant ou le défenseur de plus d’un client dans une même affaire s’il y a conflit entre les intérêts de ses clients ou, sauf accord des parties, s’il existe un risque sérieux d’un tel conflit. Sauf accord écrit des parties, il s’abstient de s’occuper des affaires de tous les clients concernés lorsque surgit un conflit d’intérêt, lorsque le secret professionnel risque d’être violé ou lorsque son indépendance risque de ne plus être entière »[22].

En le séparant pour le mettre en avant des principes guidant la profession comme l’indépendance, la disposition distingue le conflit d’intérêts avéré de la potentialité étayée de celui-ci. On retrouve la préoccupation d’anticipation pour éviter de se trouver en situation de conflit comme, le cas échéant, pour traiter celui-ci. Comme cela a pu être souligné[23], ni la loi ni le décret ne définit le conflit d’intérêts. Il faut, pour cela, se reporter au règlement intérieur national de la profession d’avocat (RIN) élaboré par le Conseil national des barreaux, socle de la déontologie commune des avocats, qui contient un article 4 dédié aux conflits d’intérêts. L’article 4.1 Principes répète le droit positif[24]. L’article 4.2 Définition apporte d’utiles précisions. Il envisage successivement le conflit d’intérêts - la deuxième occurrence doit retenir l’attention au regard de la question soumise à avis - et son risque. Pour le premier, il est énoncé : « Il y a conflit d’intérêts : dans la fonction de conseil, lorsque, au jour de sa saisine, l’avocat qui a l’obligation de donner une information complète, loyale et sans réserve à ses clients ne peut mener sa mission sans compromettre, soit par l’analyse de la situation présentée, soit par l’utilisation des moyens juridiques préconisés, soit par la concrétisation du résultat recherché, les intérêts d’une ou plusieurs parties ; dans la fonction de représentation et de défense, lorsque, au jour de sa saisine, l’assistance de plusieurs parties conduirait l’avocat à présenter une défense différente, notamment dans son développement, son argumentation et sa finalité, de celle qu’il aurait choisie si lui avait été confiés les intérêts d’une seule partie ; lorsqu’une modification ou une évolution de la situation qui lui a été initialement soumise révèle à l’avocat une des difficultés visées ci-dessus ». Pour le second, le règlement affirme : « Il existe un risque sérieux de conflits d’intérêts, lorsqu’une modification ou une évolution prévisible de la situation qui lui a été initialement soumise fait craindre à l’avocat une des difficultés visées ci-dessus ».

La Cour de cassation s’attarde sur l’hypothèse de la représentation par un unique avocat de la société d’assurance partie à un litige dans lequel les intérêts de ses assurés sont susceptibles de ne pas concorder (§ 6)[25]. Elle va ainsi bâtir sa réponse à approuver en s’appuyant sur le risque de conflit d’intérêts qui figure dans le cadre déontologique. La conciliation des dispositions réglementaires[26] s’opère ainsi avec l’article 414 qui fixe le principe général. Ne soyons pas dupes de l’opportunité également d’une telle interprétation.

II. L’approbation de la solution dérogatoire pertinente pour la défense des intérêts des assurés

Avant l’avis, l’embarras a pu s’exprimer en doctrine. « Cette situation est assez ennuyeuse et peut même dans certains cas confiner à la quadrature du cercle lorsque les assurés sont en cause et ont des intérêts opposés. (…) Comment faire ? Dans une telle hypothèse, il [semble à l’auteur] qu’il n’y a pas de solution »[27]. Plus d’une décennie après, la Cour donne clairement la voie à suivre. Par son utilité concrète et sa justification théorique, l’avis justifié (A) est à approuver. Doit être explicitée l’adhésion à la portée de l’avis (B).

A. L’avis justifié

L’avantage de la procédure de saisine pour avis est d’accélérer la formation-interprétation de la règle de droit. Mais on se passe de la construction progressive auprès des juridictions du fond qui peut faire ressortir différents aspects du problème. Toutefois, face à une question technique appelant forcément une réponse tranchée, la vitesse a sa vertu. Grâce à la prise de position prétorienne, il devient inutile d’attendre une réaction législative.

Elle était attendue pour résoudre le nœud gordien jusque-là souligné. Pour Jean Beauchard : « La solution ne peut passer, à mon sens, que par une réforme législative, admettant qu’un même assureur, ou plus généralement une même partie, puisse être représenté par des avocats différents lorsque les intérêts de ses assurés ou représentés sont distincts (je pense notamment au mandataire judiciaire ou au liquidateur qui pourrait se retrouver dans la même situation), même sans être carrément opposés. Ce ne sera toujours qu’une solution imparfaite ou une cote mal taillée. Mais ce serait mieux que rien »[28]. Saluons le résultat visionnaire préconisé par l’éminent auteur indépendamment de la source suggérée. Précédemment, il avait fait part de sa légitime perplexité, en se demandant « si l’application pratique de ce principe [représentation unique] ne conduira pas à une impasse et si l’on ne sera pas contraint d’y apporter des tempéraments. Il est fréquent que l’assureur en particulier soit attrait dans une cause pour plusieurs parties et qu’il y ait une opposition d’intérêts entre ses assurés. Il nous paraît douteux et contraire à la déontologie qu’un avocat puisse défendre des intérêts contradictoires, par exemple ceux de la victime et ceux du responsable ou ceux de deux co-responsables qui se renvoient la balle. Que fait-on alors ? Il faudra que la Cour de cassation nous le dise »[29]. Dit ! La Haute Cour dose néanmoins la solution retenue autour de la notion de conflit d’intérêts.

Afin de parvenir à la conclusion d’une réponse positive à la question posée, la deuxième chambre civile livre une explication convaincante dans le principe : « La société d’assurance partie à un litige à raison de plusieurs contrats couvrant différentes personnes, dont les intérêts peuvent être divergents, ne peut pas être représentée par un seul et même avocat sans risque de conflit d’intérêts et de manquement aux obligations déontologiques de ce dernier, plus particulièrement encore lorsqu’en application des dispositions de l’article L. 113-17 du Code des assurances, l’assureur prend la direction du procès intenté à son assuré » (§ 6). Pour appréhender les contours de la solution consacrée, il y a lieu d’y intégrer sa justification sinon elle pourrait paraître elliptique ou susciter des hésitations[30]. L’interdiction de la représentation unique qui résulte du risque de conflit d’intérêts n’offre pas l’alternative autre que la représentation multiple.

Par un effort bienvenu de transparence, la Cour souligne la spécificité de l’instance dans laquelle l’assureur intervient de la façon décrite. Elle met justement l’accent sur les intérêts concrètement en cause à savoir ceux des assurés du même assureur[31]. Relevons qu’il importe peu que l’avocat représente pour la demande ou la défense[32]. Il peut effectivement advenir que les intérêts des assurés garantis auprès du même assureur, partie au procès contre un adversaire commun, divergent. L’assureur peut être directement assigné.

Sans qu’il soit besoin de s’attarder sur la prise de direction du procès par l’assureur[33], dans laquelle ce dernier gouverne la stratégie, notons toutefois que l’article L. 113-17 prévoit cette prise de direction dans l’hypothèse d’un procès intenté à l’assuré lui-même[34]. Dans l’espèce, il n’y a pas d’éléments factuels confortant une telle direction après que les assurés ont été eux-mêmes assignés[35]. On sait surtout que l’assureur est attrait en justice certes avec les sociétés responsables de la construction de la résidence pour laquelle les copropriétaires ont visiblement agi. Il demeure que la Cour semble renforcer son appréciation juridique (« plus particulièrement ») en ajoutant l’hypothèse décrite qui, en effet, dans le contexte décrit, entre assurés, peut mener à une opposition assuré-assureur. Ce dernier ayant normalement la maîtrise (ligne de conduite ; exercice d’une voie de recours…), si jamais les intérêts se heurtent grandement dans telle ou telle affaire, il ne pourrait qu’être suggéré de mettre en cause l’assureur dans la procédure si tel n’était pas encore le cas. Dans ce contexte, il est justement affirmé qu’« un seul avocat ne saurait représenter un assureur dirigeant le procès d’assurés multiples aux intérêts contradictoires » [36].

Par simple comparaison, on se reportera à la gestion du conflit d’intérêts dans le contrat d’assurance de protection juridique. Un tel conflit est circonscrit entre l’assureur et l’assuré[37]. En vertu de l’article L. 127-5 du Code des assurances N° Lexbase : L0120AAP, « En cas de conflit d’intérêt entre l’assureur et l’assuré ou de désaccord quant au règlement du litige, l’assureur de protection juridique informe l’assuré du droit mentionné à l’article L. 127-3 N° Lexbase : L6585HWS et de la possibilité de recourir à la procédure mentionnée à l’article L. 127-4 ». L’article L. 127-3 du même code rappelle le principe du libre choix de l’avocat par l’assuré[38], y compris en dehors du réseau proposé par l’assureur (dans le respect néanmoins du montant de la couverture accordée)[39] ou en l’absence de conflit. En application de l’alinéa 1er, il en va ainsi « pour défendre, représenter ou servir les intérêts de l’assuré ». Selon son alinéa 2, une information est due pour détecter la situation : « Le contrat stipule également que l’assuré a la liberté de choisir un avocat ou, s’il le préfère, une personne qualifiée pour l’assister, chaque fois que survient un conflit d’intérêts entre lui-même et l’assureur ». L’assuré est alors libre de juger de l’opportunité de recourir à l’avocat de son choix, sans contrainte d’y recourir (dans ce cadre de la PJ).

La réponse affirmative intervient ainsi motivée : « Il résulte de ce qui précède que, lorsqu’une société d’assurance est partie à un litige à raison de plusieurs contrats couvrant différentes personnes, l’article 414 du Code de procédure civile ne fait pas obstacle à ce qu’elle soit représentée par autant d’avocats que de personnes assurées » (§ 7). La défense simultanée des intérêts divergents est ainsi encadrée. Même s’ils ne sont pas expressément évoqués dans l’attendu de principe, ils sont implicitement exigés pour échapper à l’article 414[40]. L’ouverture accordée permet la pluralité d’avocats.

C’est appréciable surtout en matière de construction où il existe plusieurs intervenants pour lesquels l’assureur peut délivrer différentes garanties et dans un marché où le nombre des opérateurs offrant leur couverture n’est pas immense[41]. En outre, en cas de désordres, une fois l’éventuel préfinancement effectué (dommages-ouvrage) ou même indépendamment de lui pour l’obligation à la dette de responsabilité, il ne faut pas négliger les recours qui vont conduire à l’attribution définitive de la dette par la contribution obtenue avec parfois des partages de responsabilité ou des exonérations. La formulation de la solution de principe n’est pas sans nuance[42] qui permet de s’adapter à la variété des situations rencontrées.

B. L’adhésion à la portée de l’avis

L’exception à l’article 414 semble cantonnée littéralement à la société d’assurance. Dès lors que plusieurs avocats sont investis pour représenter l’assureur, et non un seul, dans les conditions décrites, il n’y a pas à craindre la sanction qui a pu précédemment être rappelée - outre, éventuellement, celle disciplinaire de l’avocat. « La sanction peut être grave puisque la nullité des actes de procédure faits par un second avocat peut être prononcée sur le fondement de l’article 117 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1403H4Q. Il s’agit donc d’une nullité de fond »[43]. Dans cette optique, il faut considérer que constituent des irrégularités de fond[44] affectant la validité de l’acte « Le défaut de capacité ou de pouvoir d’une personne assurant la représentation d’une partie en justice »[45]. Il ne faut donc pas négliger l’obstacle possible[46].

L’avocat unique n’est pas pour autant totalement supprimé[47]. Malgré son silence sur ce point, il ne semble pas que l’avis exprime une interdiction absolue d’intervention de l’avocat unique au profit de l’assureur, dans une même affaire, dans laquelle il y aurait plusieurs personnes assurées par celui-ci. Dans le libellé de l’avis émis, la Cour souligne en ce sens que la situation décrite « ne fait pas obstacle » à la représentation multiple[48]. On peut penser que les intérêts des assurés auprès du même assureur pourraient être convergents. Il demeure que toute situation peut évoluer et que, même d’emblée, des divergences peuvent se manifester, si bien que l’admission de la pluralité d’avocats qui s’impose alors a sa grande utilité qui séduira chacun. Les commentaires de l’avis sont généralement approbatifs de l’équilibre trouvé, avec plus ou moins d’enthousiasme[49].

La réserve faite qui est une condition posée est celle d’une intervention de l’avocat en présence ou en raison d’un risque d’intérêts divergents des clients, ici fut-ce au travers de l’assureur représenté. Le risque potentiel assez sérieux de conflit est aligné sur le risque existant de conflit. Faudra-t-il en justifier pour prétendre à la représentation multiple ou une vérification sera-t-elle opérée a posteriori ? Les conséquences sont différentes selon que serait mis en cause l’assureur (sa gestion du sinistre) ou l’avocat (sa discipline). En toute hypothèse, le plaideur aura intérêt à disposer d’arguments dans le sens de la dérogation en cas de contestation. L’assureur sera plutôt enclin à détecter le conflit pour offrir le jeu de la représentation multiple aux assurés. Au nom de sa déontologie, l’avocat pourra aider à la décision si besoin[50]. Lorsque la Cour rappelle que l’avocat ne peut être ni le conseil ni le représentant ou le défenseur de plus d’un client, elle indique que tel est le cas « s’il existe un risque sérieux d’un tel conflit » entre les intérêts de ses clients « sauf accord des parties » (§ 5). Cette dernière précision pourrait rendre la précaution-interdiction supplétive, car possiblement écartée par la volonté. Néanmoins, dans l’hypothèse en vue de l’avis, l’assureur est incité fortement à éviter le conflit dans un but protecteur des intérêts des assurés.

L’avis peut être transposé au stade procédural de la Cour de cassation. En vigueur deux mois après sa publication (art. 66), a été adopté le décret n° 2023-146 du 1er mars 2023 relatif au Code de déontologie des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation N° Lexbase : L0638MH4 (publié le 2 mars ; sur l’ordonnance n° 2022-544 du 13 avril 2022 relative à la déontologie et à la discipline des officiers publics et le décret n° 2023-146 du 1er mars 2023, V., F. Molinié, Le Code de déontologie et le règlement professionnel des avocats aux Conseil d’État et à la Cour de cassation, GPL, 23 mai 2023, n° GPL449r8, p. 15), indépendants (art. 5, 7, 11), soumis à des règles propres en ce domaine (art. 2, al. 3) outre le respect des principes et devoirs essentiels de la profession (art. 3), sauf sanctions (art. 63). « L’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation s’interdit tout conflit d’intérêts et prend toutes mesures nécessaires pour les prévenir » (art. 18). Il est ajouté qu’il « ne peut défendre, dans une même instance, deux parties qui ont des intérêts opposés » (art. 19, al. 1er). Dès lors, à partir de cette même exigence, qui fait la dérogation admise, l’extension paraît possible[51].

La solution équilibrée retenue par l’avis publié mérite approbation[52]. Sa diffusion fait connaître le cadre fixé. Il convient d’organiser désormais la coordination pratique des avocats sollicités[53].

À retenir. L’assureur partie au procès lié à plusieurs assurés peut être représenté par plusieurs avocats.
 

[1] J. Beauchard, L’assureur dans le procès civil, RGDA, 2010, p. 542.

[2] Exemple, Cass. civ. 2, 21 octobre 2010, n° 09-16.068, F-D N° Lexbase : A4197GCG.

[3] Assurance (avocat) : autant d’avocats que de personnes assurées, D., 2023, AJ, p. 502 ; Dalloz actualité 24 mars 2023, obs. G. Guerlin, Avocats : la règle de l’unicité de la représentation n’est pas une fin en soi ; JCP G, 2023, Veille, 401, obs. S. Choisez, Le procès, l’assureur et ses avocats ; GPL, 28 mars 2023, n° 11, GPL447d8, p. 24, obs. C. Berlaud, Représentation d’une société d’assurance par plusieurs avocats ; RCA, 2023, comm. 140, note L. Bloch, Plusieurs avocats peuvent représenter plusieurs assurés d’un même assureur ; GPL, 9 mai 2023, n° 15, GPL448z4, p. 53, obs. S. Amrani-Mekki, Possible représentation d’assurés d’une même société d’assurance par plusieurs avocats ; Procédures, 2023, comm. 136, note Y. Strickler, Pluralité ou unicité d’avocats.

[4] COJ, art. L. 441-1, al. 1er.

[5] Constructeurs et sous-traitants responsables.

[6] C. proc. civ., art. 415 : « Le nom du représentant et sa qualité doivent être portés à la connaissance du juge par déclaration au greffier de la juridiction ».

[7] S. Amrani-Mekki, préc. : « la règle de l’unité de postulation, qui veut qu’une partie soit représentée par un seul avocat devant une juridiction » ; « donc : une partie = un postulant ».

[8] S. Amrani-Mekki, préc. : « La règle ainsi posée d’unicité de postulant permet de faciliter les rapports avec la juridiction qui n’a dès lors qu’un seul interlocuteur, ce qui n’empêche nullement la partie de s’entourer de plusieurs avocats pour l’assister » ; G. Guerlin, préc. ; Y. Strickler, préc..

[9] C. proc. civ., art. 1031-1, al. 2. Visé.

[10] COJ, art. L. 441-2, al. 1er.

[11] COJ, art. L. 441-3.

[12] J. Beauchard, L’assureur dans le procès civil, RGDA, 2010, p. 542, spéc. p. 545.

[13] COJ, art. L. 441-1, visé.

[14] J. Beauchard, L’assureur dans le procès civil, RGDA, 2010, p. 542, spéc. pp. 545-546. L’auteur précise néanmoins que « rien n’interdit toutefois de plaider par plusieurs avocats différents, dès lors qu’un seul et même avocat représente la partie ». - V. L. Bloch, préc. : en l’espèce, « nous n’étions pas face à des avocats assistant un avocat principal mais bien face à plusieurs constitutions d’avocats ».

[15] Les auteurs peuvent évoquer différemment un arrêt du 24 janvier 2008. S. Amrani-Mekki, préc. : « La question n’était donc pas totalement nouvelle, mais présentait une difficulté sérieuse dès lors qu’une société d’assurance agit pour plusieurs assurés qui peuvent avoir des intérêts divergents » ; S. Choisez, préc. : l’arrêt de 2008 « avait créé des interrogations » ; L. Bloch, préc. : « Cette solution semblait donc indiquer qu’un assureur, nonobstant des polices ou des assurés différents, doit être représenté par un seul et même avocat ». C’est peut-être prêter beaucoup à cette décision justement critiquée par J. Beauchard.

[16] G. Guerlin, préc. : « L’assureur, fût-il garant d’une pluralité d’assurés, n’en conserve pas moins qu’une seule personnalité morale, de sorte qu’il ne forme qu’« une partie » à l’instance ».

[17] Il n’y a rien d’automatique, mais la difficulté est susceptible de se présenter. V. le (risque de) conflit d’intérêts.

[18] G. Guerlin, préc. : pour l’auteur « à première lecture, la Cour de cassation paraît s’émanciper de la lettre de l’article 414 ». « Cependant, c’est une interprétation systémique, et non littérale, de l’article 414 qu’opère la Cour de cassation. La méthode est classique. Elle est dite systémique car elle se fonde sur la cohérence de l’ordre juridique ». Ainsi, « la règle de l’unicité de représentation doit être écartée lorsque son application contribue à porter atteinte aux règles déontologiques régissant la profession d’avocat ». 

[19] T. Douville, Les conflits d’intérêts en droit privé, Institut Universitaire Varennes, Collection des thèses, n° 104, 2014, n° 211, p. 252.

[20] Ibid., n° 215, p. 256.

[21] Déjà, art. 155 du décret n° 91-1197 du 27 nov. 1991 organisant la profession d’avocat (abrogé en 2005 ; reprise). Et art. 84 du décret n° 72-468 du 9 juin 1972 organisant la profession d’avocat, pris pour l’application de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques : « Les parties ayant des intérêts opposés ne peuvent être ni assistées ni représentées par un même avocat ; (…) ».

[22] Article 7, alinéa 4 : « Lorsque des avocats sont membres d’un groupement d’exercice, les dispositions des alinéas qui précèdent sont applicables à ce groupement dans son ensemble et à tous ses membres. Elles s’appliquent également aux avocats qui exercent leur profession en mettant en commun des moyens, dès lors qu’il existe un risque de violation du secret professionnel ». L’organisation collective est aussi appréhendée.

[23] T. Douville, Les conflits d’intérêts en droit privé, Institut Universitaire Varennes, Collection des thèses, n° 104, 2014, n° 212, p. 253. L’auteur regrette une approche réductrice - oublieuse par exemple de l’intérêt personnel de l’avocat à l’affaire dont il a la charge - qui « laisse à penser que les conflits d’intérêts de l’avocat ne se produiraient qu’entre les intérêts de plusieurs de ses clients et seulement dans ses fonctions de conseil et d’assistance ».

[24] Ajout en art. 4.1, al. 5 : « Les mêmes règles s’appliquent entre l’avocat collaborateur, pour ses dossiers personnels, et l’avocat ou la structure d’exercice avec lequel ou laquelle il collabore ».

[25] Adde J. de Salve de Bruneton, Le procès, facteur de conflits d’intérêts pour l’assureur, RGDA, 2010, p. 887.

[26] En ce sens, G. Guerlin, préc. : « Les textes articulés par la Cour étant de même valeur, réglementaire, il s’est agi de les coordonner utilement, ce qui conduit à autoriser une pluralité de postulations apte à prévenir les manquements disciplinaires ».

[27] J. Beauchard, L’assureur dans le procès civil, RGDA, 2010, p. 542, spéc. p. 546 : « Nous sommes dans une opposition irréductible des textes [CPC, art. 414 ; art. 7, Décr. 12 juill. 2005]. Et on ne peut pas envisager une dichotomie entre la défense de l’assuré et celle de l’assureur, sauf opposition d’intérêts ».

[28] J. Beauchard, L’assureur dans le procès civil, RGDA 2010, p. 542, spéc. p. 546.

[29] J. Beauchard, note sous Cass. civ. 2, 24 janvier 2008, n° 06-14.276, FS-P+B N° Lexbase : A0896D4X, RGDA, 2008, p. 544, spéc. p. 547. Relevant l’analyse délicate de l’arrêt au regard de sa motivation insuffisante, l’auteur s’interrogeait sur un possible revirement.

[30] Voire susciter une interprétation déformante à écarter. V. G. Guerlin, préc. : l’auteur juge la formule employée (« ne fait pas obstacle ») « presque équivoque, [qui] pourrait à tort laisser croire que le texte ne fait pas non plus obstacle à ce que l’assureur recoure à une représentation unique ! Ce qui, au regard de la configuration procédurale exposée et du risque de violation des règles impérieuses de déontologie, ne paraît pas acceptable ».

[31] S. Amrani-Mekki, préc. : selon l’auteur, « dans une hypothèse où une société d’assurance a conclu plusieurs contrats, il peut y avoir un conflit d’intérêts entre assurés (constructeurs, sous-traitants), alors même que la compagnie d’assurance est seule partie à la procédure quand elle prend en charge la direction du procès » (C. assur., art. L. 113-17).

[32] Cass. civ. 1, 14 mars 2000, n° 97-15.636, inédit au bulletin N° Lexbase : A0310CTN : « l’article 155 du décret du 27 novembre 1991, qui interdit à des avocats, membres d’une même société civile professionnelle de représenter dans une affaire deux parties en conflit d’intérêts, s’impose aussi bien à l’avocat du demandeur qu’à celui du défendeur ».

[33] V. not., sur les contours de la prise de direction du procès par l’assureur responsabilité, Cass. civ. 2, 21 avril 2022, n° 20-20.976, F-B N° Lexbase : A28097UL: Bull. civ. II ; Lexbase Avocats, juin 2022, note D. Noguéro N° Lexbase : A28097UL, Lexbase Droit privé, 5 mai 2022, n° 904, obs. J. Mel N° Lexbase : A28097UL ; Trib. assur. 3 mai 2022, obs. S. Choisez ; D., 2022, AJ, p. 837 ; RLDC, juin 2022, n° 204, obs. E. Golosov ; LEDA, juin 2022, DAS200s6, p. 3, obs. A. Astegiano-La Rizza ; RGDA, juin 2022, RGA200v2, p. 37, note L. Mayaux ; JCP G 2022, 704, note A. Pimbert ; GPL 12 juillet 2022, n° 23, GPL483i3, p. 55, note P. Giraudel ; RTD civ., 2022, p. 967, obs. N. Cayrol. - Adde F. Leborgne, Les aménagements conventionnels du procès, RGDA, 2010, p. 850, spéc. p. 862 s..

[34] J. Beauchard, L’assureur dans le procès civil, RGDA, 2010, p. 542, spéc. pp. 542-543 : « l’assureur peut aussi être dans le procès sans y être au sens procédural du terme, c’est-à-dire sans être officiellement une partie au litige : dans ce cas l’assureur gère le procès pour le compte de son assuré, et parfois pour son propre compte, mais il n’apparaît pas en nom, comme partie dans la procédure » ; il y a « trois cas de figures distincts qui sont de plus en plus fréquents : la direction du procès, la prise en charge de la défense recours et la protection juridique ».

[35] S. Choisez, préc. : « il arrive fréquemment qu’un même assureur soit mis en cause dans un même litige au titre de divers contrats via les différents assurés qu’il assure, assumant au surplus souvent la « direction du procès » de l’article L. 113-17 du Code des assurances quand ses assurés sont également mis en cause. Au pire l’assureur peut donc être à la fois assigné « ès qualités » de chacun de ses assurés, mais également indirectement via la direction du procès qu’il assume ».

[36] G. Guerlin, préc..

[37] T. Douville, Les conflits d’intérêts en droit privé, Institut Universitaire Varennes, Collection des thèses, n° 104, 2014, n° 77, p. 111 : à l’analyse des textes, l’auteur indique que « l’assureur est en conflit d’intérêts soit parce qu’il assure « deux assurés » ou parce qu’un assuré bénéficie de « deux garanties » ».

[38] C. assur., art. L. 127-3, al. 3 : « Aucune clause du contrat ne doit porter atteinte, dans les limites de la garantie, au libre choix ouvert à l’assuré par les deux alinéas précédents ». Et al. 1er : « l’assuré a la liberté de le choisir ».

[39] C. assur., art. L. 127-3, al. 4 : « L’assureur ne peut proposer le nom d’un avocat à l’assuré sans demande écrite de sa part ».

[40] S. Amrani-Mekki, préc. : « Cela ne signifie pas pour autant que la compagnie d’assurance doit systématiquement prendre autant d’avocats postulants que d’assurés. La règle reste celle de l’unicité de postulant, qui ne souffrira une exception que dans l’hypothèse d’un risque de conflit d’intérêts ».

[41] Sur ce dernier point, aussi, S. Choisez, préc..

[42] S. Amrani-Mekki, préc. : « L’avis est mesuré ». - G. Guerlin, préc. : « un assureur peut certes recourir aux services d’un seul avocat, lorsque ses assurés ont un intérêt commun. Mais dès lors que les intérêts des assurés divergent, la pluralité de représentations nous semble impérative » - Y. Strickler, préc. : « Dans un souci d’éviter un conflit d’intérêts, la représentation en justice par plusieurs avocats devient obligatoire en cas d’opposition ou de divergences des intérêts de différentes parties représentées à l’instance ».

[43] J. Beauchard, L’assureur dans le procès civil, RGDA, 2010, p. 542, spéc. p. 546.

[44] C. proc. civ., art. 121 : « Dans les cas où elle est susceptible d’être couverte, la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue ». Cass. civ. 2, 5 mai 2011, n° 10-14.066, F-P+B {LXB=A2641HQU] : Bull. civ. II, n° 105 : irrégularité couverte (visa C. proc. civ., art. 414 N° Lexbase : L6515H7G et art. 121 N° Lexbase : L1412H43).

[45] C. proc. civ., art. 117 N° Lexbase : L1403H4Q.

[46] Pour des avocats aux Conseils et une succession de SCP, Cass. civ. 3, 30 novembre 2017, n°s 16-18.563 N° Lexbase : A4777W4P et 16-19.130 N° Lexbase : A4777W4P et Cass. civ. 3, 14 décembre 2017, n°s 16-24.096 N° Lexbase : A1211W8D et 16-24.108 : « une partie n’est admise à se faire représenter que par une seule des personnes, physiques ou morales, habilitées par la loi » (visa C. proc. civ., art. 414) ; « le second pourvoi, formé au nom de la même personne agissant en la même qualité, n’est pas recevable ». - Cass. civ. 2, 24 janv. 2008, n°s 06-14.276 N° Lexbase : A0896D4X et 06-11.435 : Bull. civ. II, n° 17 ; RGDA, 2008, p. 544, note J. Beauchard ; JCP G, 2008, IV, 1345 ; D., 2008, p. 490 ; Dalloz actualité, 11 février 2008, obs. L. Dargent : « ce second pourvoi, formé contre la même décision, au nom de la même personne morale agissant en la même qualité, peu important à cet égard qu’elle soit poursuivie sur le fondement de deux contrats d’assurance distincts, n’est pas recevable » (visa C. proc. civ., art. 414).

[47] G. Guerlin, préc. : pour l’auteur, pas de remise en cause de « la jurisprudence, traditionnelle et bien assise, permettant à plusieurs parties de choisir un avocat commun, lorsqu’elles ont des intérêts identiques. Pour limiter les frais et simplifier la procédure, ces parties plurielles peuvent classiquement demander à un seul avocat de défendre leur intérêt commun » - Y. Strickler, préc..

[48] En ce sens, S. Amrani-Mekki, préc. : « La Cour de cassation ne vise que le cas des sociétés d’assurance et ne fait qu’entrouvrir une porte en utilisant la formule » ; S. Choisez, préc. - Comp. G. Guerlin, préc..

[49] L. Bloch, préc. : « La représentation par plusieurs avocats d’un même assureur est donc admise, elle est même indispensable en présence d’assurés ayant des intérêts divergents ». La « représentation multiple d’un même assureur est sans doute le meilleur moyen de préserver les intérêts des différents assurés. On peut même penser qu’en cas d’intérêts divergents cette possibilité devient une obligation » - S. Choisez, préc. : « Cette réponse est bienvenue » ; G. Guerlin, préc. : « cet avis nous semble bon » ; « on est enclin à approuver la Cour de cassation » ; Y. Strickler, préc. : « L’arrêt vient opportunément rappeler les règles et poser la solution ». - Comp. S. Amrani-Mekki, préc. : « la justification de cette soupape de sûreté étant d’éviter le risque de conflit d’intérêts, elle invite à la prudence ».

[50] S. Choisez, préc. : pour l’auteur, l’initiative semble réservée à l’avocat pour « se garder des situations de conflits d’intérêts » ; « chaque avocat appréciant, dans le respect de sa déontologie s’il doit ou non porter un ou plusieurs mandats dans le cadre d’un même litige au titre d’un même assureur, ou dans le cadre d’une direction du procès ». 

[51] En ce sens, G. Guerlin, préc..

[52] Elle pourra susciter aussi des réflexions plus larges. S. Amrani-Mekki, préc. : « l’avis interroge, au-delà, la notion de « partie au procès ». Le contentieux spécifique des assurances est révélateur des difficultés à cerner cette notion mystérieuse où une compagnie d’assurance peut représenter seule des personnes aux intérêts potentiellement divers. C’est là la difficulté sérieuse qu’il faudra, un jour, résoudre ».

[53] L. Bloch, préc. : « Reste maintenant à gérer du point de vue du calendrier procédural, notamment au niveau des échanges d’écritures et des dates de clôture, la multiplicité de ces représentants pour une seule et même partie ».

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