Lexbase Social n°535 du 11 juillet 2013 : Emploi

[Textes] Commentaire de l'article 18 de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, relative à la sécurisation de l'emploi : la réforme de la procédure de licenciement pour motif économique collectif

Réf. : Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, relative à la sécurisation de l'emploi (N° Lexbase : L0394IXU)

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[Textes] Commentaire de l'article 18 de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, relative à la sécurisation de l'emploi : la réforme de la procédure de licenciement pour motif économique collectif. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/8894460-textes-commentaire-de-larticle-18-de-la-loi-n-2013504-du-14-juin-2013-relative-a-la-securisation-de-
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par Sébastien Tournaux, Professeur à l'Université des Antilles et de la Guyane

le 11 Juillet 2013

La loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, relative à la sécurisation de l'emploi, publiée au Journal officiel du 16 juin 2013, contient de nombreuses dispositions intéressant tant la protection sociale que la formation professionnelle, les relations collectives, la mobilité du salarié, le licenciement économique ou encore le temps de travail ou la conciliation prud'homale. Lexbase Hebdo - édition sociale vous propose de revenir, avec Sébastien Tournaux, sur l'article 18, relatif aux nouvelles règles concernant la procédure de licenciement pour motif économique collectif.

I - L'aménagement de la procédure de licenciement collectif

  • Accords d'aménagement de la procédure

L'article 18 de la loi du 14 juin 2013 modifie un certain nombre de dispositions du Code du travail relatives au licenciement pour motif économique avec pour volonté de "renforcer l'encadrement des licenciements collectifs et instaurer une obligation de recherche de repreneur en cas de fermeture de site".

L'objet principal de cet article tient à renforcer l'attrait des anciens accords de méthode qui permettent d'anticiper et d'aménager la procédure de licenciement pour motif économique collectif (1).

A cet effet, un nouvel article L. 1233-24-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0630IXM) prévoit la possibilité, dans les entreprises de cinquante salariés et plus, de conclure un accord collectif qui déterminera "le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi [...] ainsi que les modalités de consultation du comité d'entreprise et de mise en oeuvre des licenciements". Comme pour les accords de maintien de l'emploi, une véritable majorité d'engagement est exigée des syndicats signataires qui devront avoir recueilli au moins 50 % des suffrages aux dernières élections des représentants du personnel pour valablement conclure l'accord. Les organisations syndicales pourront bénéficier, à l'initiative du comité d'entreprise, de l'analyse d'un expert-comptable (2). Cette mesure fait écho au droit du comité d'entreprise de bénéficier de cette expertise dans le cadre de la consultation traditionnelle en cas de projet de licenciement pour motif économique.

La liste non exhaustive des mesures qui peuvent être envisagées par cet accord est établie par l'article L. 1233-24-2 du Code du travail(N° Lexbase : L0631IXN). Pour l'essentiel, cela concernera le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, les modalités d'information et de consultation du comité d'entreprise, les critères d'ordre de licenciement et leur pondération, le calendrier des licenciements, le nombre de suppression d'emploi et les catégories professionnelles concernées ou, encore, les modalités de reclassement, d'adaptation ou de formation des salariés concernés. L'article L. 1233-24-3 (N° Lexbase : L0632IXP) établit une liste, limitative cette fois, de mesures auxquelles il est interdit de déroger par cet accord : obligation d'adaptation, de formation et de reclassement ; règles générales relatives à la consultation du comité d'entreprise et obligation d'information des représentants du personnel ; obligation de proposer la conclusion au salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle ; règles spécifiques au cas de redressement ou de liquidation judiciaires.

  • Document unilatéral de l'employeur

Comme l'accord avant elle, la loi autorise faute d'accord que ce dispositif soit établi par un document unilatéral de l'employeur ce qui, pour certains aspects, constitue un changement fondamental. En effet, si l'employeur avait déjà unilatéralement le pouvoir d'établir le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi ou les critères de l'ordre des licenciements, il n'était jusqu'ici pas autorisé à aménager seul les règles relatives à la consultation des représentants du personnel.

II - Rationalisation des délais de procédure

L'accord du 11 janvier 2013 (N° Lexbase : L9638IUI) avait pour ambition de réduire les durées excessives des procédures de licenciement collectif en posant des délais préfix maximaux que la procédure ne devait pas excéder (3). Le respect de ces délais dans lesquels l'intégralité de la procédure devait être effectuée paraissait peu réaliste, mais la mesure était guidée par une volonté d'endiguement de certaines manoeuvres dilatoires qui retardaient artificiellement l'aboutissement de la procédure. Cette idée est reprise par l'insertion d'un avant-dernier alinéa à l'article L. 1233-30 du Code du travail (N° Lexbase : L0709IXK). Cet article fixe des délais maximums qui peuvent séparer les réunions du comité d'entreprise en cas de projet de licenciement collectif, délai variant selon le nombre de licenciement en cause (4). Désormais, "en l'absence d'avis du comité d'entreprise dans ces délais, celui-ci est réputé avoir été consulté", ce qui devrait dissuader les membres du comité d'entreprise de jouer au jeu de la politique de la "chaise vide".

Dans le même ordre d'idée de rationalisation des durées de procédure, l'article L. 1233-35 du Code du travail (N° Lexbase : L1176H9G), dans sa nouvelle rédaction, détermine des délais de communication entre l'expert-comptable mandaté par le comité d'entreprise et l'employeur afin que les demandes d'informations complémentaires interviennent dans des délais raisonnables mais, aussi, que la communication des pièces demandées ait lieu rapidement. La même raison guide l'article L. 1233-45-1 (N° Lexbase : L0634IXR) qui permet désormais, après avis du comité d'entreprise, à l'employeur de proposer des mesures de reclassement interne avant l'écoulement des délais minimums qui doivent séparer les réunions du comité d'entreprise par l'effet de l'article L. 1233-30. Même si cela n'aura, probablement, pas d'importantes conséquences, la place de ce nouveau texte est curieuse puisqu'elle vient s'insérer à la suite des dispositions relatives à la priorité de réembauche alors qu'on aurait pu l'attendre après l'article L. 1233-4 (N° Lexbase : L3135IM3), relatif à l'obligation de reclassement mise à la charge de l'employeur.

III - Le rôle accru de l'administration du travail

  • Entreprises de moins de cinquante salariés

D'une manière générale, le rôle de l'administration du travail demeure inchangé s'agissant des licenciements collectifs projetés dans les entreprises de moins de cinquante salariés. Ainsi, les articles L. 1233-53 (N° Lexbase : L0715IXR) et suivants du Code du travail, qui conservent pour l'essentiel la procédure antérieure à la loi, seront, désormais, réservés aux entreprises ne dépassant pas ce seuil d'effectif.

S'agissant, en revanche, des projets de licenciements élaborés dans les entreprises de plus de cinquante salariés, les nouveaux articles L. 1233-57 (N° Lexbase : L1227H9C) à L. 1233-57-8 du Code du travail instituent une procédure nouvelle et adaptée à la mise en valeur des accords d'aménagement de la procédure de licenciement et à la faculté d'adapter la procédure par voie de document unilatéral de l'employeur.

  • Entreprises de cinquante salariés et plus : intervention en cours de procédure

A l'article L. 1233-57, relatif aux propositions que peut présenter l'administration du travail en vue de compléter ou de modifier le plan de sauvegarde de l'emploi, la loi ajoute un nouvel alinéa qui impose à l'employeur d'adresser à l'autorité administrative "une réponse motivée" à ces propositions.

L'article L. 1233-57-6 du Code du travail (N° Lexbase : L0643IX4) prévoit qu'à tout moment de la procédure, l'administration peut faire des observations ou propositions concernant le déroulement de la procédure ou les "mesures sociales" désormais visées par l'article L. 1233-22 du Code du travail (N° Lexbase : L1147H9D). Ces observations seront bien entendu présentées à l'employeur, mais également, au comité d'entreprise ou à défaut aux délégués du personnel et, lorsqu'une négociation d'aménagement de la procédure est en cours, aux syndicats représentatifs de l'entreprise. Outre que la réponse, que l'employeur doit apporter à l'administration, doit être motivée, elle devra encore être communiquée aux représentants du personnel et aux syndicats lorsqu'elle porte sur le déroulement de la procédure ou les mesures sociales. En pratique, l'immense majorité des observations de l'administration du travail devrait porter sur ces éléments si bien que les employeurs seront bien avisés de transmettre automatiquement toute observation ou proposition administrative aux représentants du personnel.

  • Validation de l'accord collectif, homologation du document unilatéral de l'employeur

En outre, l'accord collectif (5) ou le document unilatéral (6) aménageant la procédure de licenciement devra, impérativement, être transmis à l'autorité administrative, le premier pour validation, le second pour homologation. L'administration aura la charge de vérifier que le contenu de l'accord ou du document est conforme aux articles L. 1233-24-1 (N° Lexbase : L0630IXM) à L. 1233-24-3 et aux articles L. 1233-61 (N° Lexbase : L6215ISY) et L. 1233-63 (N° Lexbase : L1242H9U), tous relatifs au contenu du plan de sauvegarde de l'emploi. Elle s'assurera, en outre, que la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise et du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est régulièrement envisagée par l'accord ou le document.

La décision administrative est enserrée dans des délais précis puisque l'article L. 1233-57-4 (N° Lexbase : L0641IXZ) prévoit que la décision de validation devra intervenir sous quinze jours alors que la décision d'homologation devra être rendue dans un délai de vingt-et-un jours (7). Cette décision devra être notifiée à l'employeur (8), au comité d'entreprise et aux syndicats s'il s'agit d'un accord d'aménagement. Ces représentants du personnel ou des syndicats pourront, ainsi, s'appuyer sur les remarques et propositions effectuées par l'administration du travail pour tenter de faire évoluer le projet voire, en cas de blocage, pour argumenter un recours contentieux dirigé contre la procédure engagée. La décision de validation ou d'homologation sera, enfin, portée à la connaissance des salariés par voie d'affichage sur les lieux de travail.

En cas de refus d'homologation ou de validation, l'employeur peut reprendre son projet de licenciement après l'avoir amendé et avoir présenté une nouvelle demande d'homologation ou de validation.

  • Sanctions

Après analyse de ces différentes dispositions, on peut, légitimement, se demander quelle mesure viendra sanctionner l'absence de demande d'homologation ou de validation ou la poursuite du projet après un refus d'homologation ou de validation. Si le paragraphe comportant les articles étudiés n'aborde pas la question de la sanction, le législateur a tout de même modifié l'article L. 1233-39 du Code du travail (N° Lexbase : L1189H9W), relatif à la notification du licenciement.

Deux alinéas sont ajoutés à ce texte. Le premier précise que la notification du licenciement intervient après la notification de la décision de validation ou d'homologation ce qui semble faire de la décision administrative une condition de validité du licenciement. Ce sentiment est confirmé par l'alinéa suivant qui dispose que l'employeur "ne peut procéder, à peine de nullité, à la rupture des contrats de travail avant la notification de cette décision d'homologation ou de validation".A la suite de la modification de l'article L. 1235-10 du Code du travail (N° Lexbase : L6214ISX), la nullité viendra encore sanctionner la procédure et les éventuels licenciements subséquents en cas d'annulation de la décision d'homologation ou de validation.

Si le principe de la réintégration du salarié à la suite de la nullité de son licenciement est maintenu, les conséquences de celle-ci varieront selon qu'est en cause l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi ou une autre cause ayant justifié l'annulation. Dans le premier cas, la règle ancienne de l'article L. 1235-11 du Code du travail (N° Lexbase : L0725IX7) est maintenue : le salarié sera réintégré sauf si cette modalité est devenue impossible ; à défaut de réintégration, est servie une indemnité qui ne peut être inférieure à douze mois de salaire. Dans le second cas, l'article L. 1235-16 du Code du travail (N° Lexbase : L0724IX4) dispose que la réintégration ne peut, en principe, être évitée par la preuve d'une quelconque impossibilité, mais que l'indemnité servie au salarié faute de réintégration ne peut être inférieure à six mois de salaire.

  • Contentieux

D'une certaine manière, la procédure nouvelle consiste dans le rétablissement d'une autorisation administrative de licenciement pour les licenciements collectifs, autorisation qui diffère, cependant, sensiblement de celle qui s'appliquait avant 1986 puisqu'elle n'aura pour objet que de vérifier le respect des règles procédurales, le contenu suffisant du plan de sauvegarde de l'emploi et les "mesures sociales" envisagées. En favorisant des délais courts, cette mesure pourrait intéresser les entreprises qui seront mieux assurées de la validité des procédures engagées. Mais ce n'est pas là le plus grand des intérêts de cette procédure nouvelle.

A l'image de ce qui est prévu s'agissant de la rupture conventionnelle du contrat de travail qui, elle aussi, fait l'objet d'une homologation administrative, le nouvel article L. 1235-7-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0653IXH) dispose que l'accord, le document unilatéral, le contenu du plan et les décisions de l'administration "ne peuvent faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d'homologation" administrative. Contrairement au contentieux de la rupture conventionnelle, ce nouveau bloc de compétence est attribué au juge administratif "à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux". Pris au pied de la lettre, ce texte exclut donc la compétence du juge prud'homal pour apprécier la validité ou la régularité de la procédure de licenciement économique collectif, seules les questions de fond consistant à l'appréciation du motif de licenciement et de cause réelle et sérieuse du licenciement demeurant de sa compétence. Indirectement, le juge prud'homal ne devrait donc plus être mesure de prononcer la nullité d'un plan de sauvegarde de l'emploi ni, subséquemment, des licenciements prononcés.


(1) V. C. Figerou, Accords de méthode : vers des licenciements économiques négociés ?, Lexbase Hebdo n° 168 du 18 mai 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N4282AIG). V., également, F. Gaudu, Les accords de méthode, Dr. soc., 2008, p. 915 ; R. Vatinet, L'accord de méthode en quête de cohérence, Gaz. Pal., 12-14 août 2007, p. 10 ; P.-H. Antonmattéi, Accord de méthode, génération 2005 : la positive attitude, Dr. soc., 2005, p. 399 ; S. Nadal, Négociation collective et licenciement économique : propos introductifs sur le nouvel article L. 320-2 du Code du travail, Dr. ouvrier, 2005, p. 303.
(2) C. trav., art. L. 1233-34 (N° Lexbase : L6216ISZ) dans sa nouvelle rédaction.
(3) V. nos obs., Commentaire des articles 18 à 21 et article 25 de l'Accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, pour un nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l'emploi et des parcours professionnels des salariés, Lexbase Hebdo n° 514 du 31 janvier 2013 - édition sociale (N° Lexbase : N5539BTC).
(4) Le texte est, également, modifié s'agissant du nombre de réunions qui n'est plus impérativement limité à deux, ce chiffre devenant un minimum.
(5) C. trav. art. L. 1233-57-2 (N° Lexbase : L0639IXX).
(6) C. trav. art. L. 1233-57-3 (N° Lexbase : L0640IXY).
(7) Ces délais sont encore raccourcis par l'effet de l'article L. 1233-58 du Code du travail (N° Lexbase : L0712IXN) à huit jours en cas de redressement judiciaire, à quatre jours en cas de liquidation judiciaire.
(8) A rebours de la règle classique en droit administratif, mais de plus en plus commune en droit du travail, l'absence de réponse de l'administration du travail dans ces délais vaut décision de validation ou d'homologation. L'idée est toujours de ne pas aboutir à un blocage de la procédure qui en accroîtrait sensiblement la durée.

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