Réf. : Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, relative à la sécurisation de l'emploi (N° Lexbase : L0394IXU)
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par Sébastien Tournaux, Professeur à l'Université des Antilles et de la Guyane
le 20 Juillet 2013
L'article 21 de la loi du 14 juin 2013 reprend l'essentiel des mesures envisagées par l'article 25 de l'ANI du 11 janvier 2013 (N° Lexbase : L9638IUI), ce qui était d'ailleurs totalement indispensable tant un accord collectif, fût-il interprofessionnel et national, ne pouvait avoir pour effet d'aménager les règles d'ordre public applicable en matière de contentieux prud'homal (1).
Le texte modifie l'article L. 1235-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0733IXG) relatif au contentieux de la rupture du contrat de travail. Avant qu'un litige permette, éventuellement, au juge d'apprécier la régularité de la procédure et la cause réelle et sérieuse du licenciement, les parties pourront s'entendre, à leur initiative ou sur proposition du bureau de conciliation, afin qu'il soit mis fin au litige relatif à la rupture en contrepartie du versement au salarié d'une indemnité dont le montant sera déterminé par décret, lequel pourrait vraisemblablement reprendre les propositions présentées par les partenaires sociaux dans l'ANI. Cette indemnité ne devrait pas avoir vocation à se substituer à toutes les indemnités auxquelles le salarié a droit en raison de la rupture puisque le texte dispose qu'elle sera versée "sans préjudice des indemnités légales, conventionnelles ou contractuelles". La loi est, en la matière, plus favorable que ne l'était l'accord qui, faute de précision, semblait suggérer de remplacer toutes les indemnités par une indemnité unique.
Après l'arrêt "Durafroid" (2), c'est une nouvelle mission qui doit être désormais assumée par les conseillers prud'hommes au stade de la conciliation : non seulement ils devront informer les parties de leurs droits mais, encore, devront proposer que soit mis fin au litige par le versement de cette indemnité. On peut regretter que le législateur n'ait pas souhaité articuler ces deux missions tant on peut penser que l'ordre dans lequel ces informations et propositions vont être données peut avoir une influence sur le choix des parties. Quoiqu'il en soit, il est probable que l'absence d'information des parties sur leurs droits ait le même effet sur l'accord conclu entre les parties que ceux qu'elle produirait sur une conciliation plus classique, c'est-à-dire la possibilité d'annulation de l'ordonnance de conciliation.
On relèvera, enfin, que les dispositions insérées au Code du travail figurent dans le titre relatif à la rupture du contrat de travail à durée indéterminée si bien qu'elles ne devraient en théorie pas s'appliquer à la rupture anticipée du contrat à durée déterminée ou du contrat de mission.
Conformément là encore aux prescriptions de l'ANI, un nouvel alinéa est ajouté à l'article L. 1235-1 du Code du travail, lequel dispose que le juge "justifie dans le jugement qu'il prononce le montant des indemnités qu'il octroie". Le juge prud'homal, comme toute juridiction judiciaire, a déjà l'obligation de motiver ses décisions si bien que la mesure pourrait sembler superflue. Elle a, cependant, une valeur symbolique puisque certains jugements suscitent la circonspection de justiciables qui s'estiment insuffisamment informés des raisons ayant permis la détermination du montant des indemnités. Pour autant, l'appréciation du montant des préjudices relève traditionnellement du pouvoir souverain des juges du fond si bien que les effets réels de la mesure devraient être limités à l'hypothèse, relativement rare, d'absence totale de motivation du montant décidé (3).
II - Prescription des actions en justice
Un nouveau titre VII intitulé "prescription des actions en justice" est inséré au livre IV de la première partie du Code du travail. Ce titre qui ne comportera qu'un seul chapitre qui, lui-même, ne compte qu'un unique article L. 1471-1 (N° Lexbase : L0620IXA).
Comme l'avaient souhaité les partenaires sociaux, le délai de prescription des actions en contestation de l'exécution ou de la rupture du contrat de travail est, désormais, ramené de cinq à deux ans "à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit". Sont toutefois exclues de ce délai de prescription aménagé les actions en vue de la réparation d'un dommage corporel, les actions en paiement ou répétition du salaire et les actions portant sur une discrimination, un harcèlement moral ou un harcèlement sexuel. S'agissant des actions en paiement des salaires, l'article L. 3245-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0734IXH) est modifié et la prescription est ramenée à trois années au lieu de cinq.
Cette mesure s'inscrit dans une tendance récente tendant à restreindre les délais de prescription en droit du travail, comme cela avait déjà été le cas, par exemple, s'agissant de la contestation susceptible d'entraîner la nullité de la procédure de licenciement collectif pour motif économique en raison de l'absence ou de l'insuffisance d'un plan de sauvegarde de l'emploi (4) ou s'agissant de la contestation de la validité de la rupture conventionnelle du contrat de travail (5). L'appréciation de cette mesure dépend naturellement de l'origine du regard qui lui est porté. Pour les entreprises, la mesure est favorable puisqu'elle leur permettra de mieux sécuriser les ruptures du contrat de travail et de ne pas rester pendant cinq ans dans l'expectative d'une éventuelle action judiciaire, qu'elle permettra une rationalisation des éventuelles provisions comptables qui pourraient avoir été effectuées. Pour les salariés, en revanche, la diminution du délai est plus problématique puisqu'ils sont dans l'immense majorité des cas les demandeurs devant la juridiction prud'homale et qu'ils devront donc réagir rapidement. La limite posée par le texte de connaissance des faits qui justifie le recours était indispensable. La loi ne prend cependant pas en compte -mais le pourrait-elle ?- le fait que nombre des recours intentés tardivement par les salariés ne reposent sur aucune malveillance mais, seulement, sur une découverte tardive de leurs droits...
Enfin, la loi aménage l'entrée en vigueur de ces nouveaux délais de prescription d'une manière relativement simple puisque ces délais ne seront pas applicables aux actions introduites avant la promulgation de la loi.
(1) V. nos obs., Commentaire des articles 18 à 21 et article 25 de l'Accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, pour un nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l'emploi et des parcours professionnels des salariés, Lexbase Hebdo n° 514 du 31 janvier 2013 - édition sociale (N° Lexbase : N5539BTC).
(2) Cass. soc., 28 mars 2000, n° 97-42.419, publié (N° Lexbase : A6373AG7), D., 2000, p. 537, obs. J. Savatier ; Dr. soc., 2000. 661, obs. Keller.
(3) V. déjà nos propos, préc..
(4) C. trav., art. L. 1235-7 (N° Lexbase : L1351H9W). Adde. Cass. soc., 15 juin 2010, n° 09-65.062, FS-P+B+R (N° Lexbase : A2884EZT) et nos obs., La prescription de l'action en contestation du licenciement économique, Lexbase Hebdo n° 400 du 24 juin 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N4275BPZ).
(5) C. trav., art. L. 1237-14, dernier al. (N° Lexbase : L8504IA9).
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