Réf. : Décret n° 2007-1542 du 26 octobre 2007, relatif à la mise à disposition des fonctionnaires de l'Etat (N° Lexbase : L7822HYD)
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par Fany Lalanne, SGR - Droit public
le 07 Octobre 2010
Plusieurs moyens sont, ainsi, offerts aux fonctionnaires afin de leur permettre de changer de poste : la mutation, la mise à disposition, le détachement, la position hors cadres et la disponibilité. Avec la mise à disposition, le fonctionnaire reste dans son corps d'origine. Il est réputé occuper son emploi et continue de percevoir sa rémunération, mais il effectue son service dans une autre administration que son administration d'origine. La mise à disposition ne peut avoir lieu qu'en cas de nécessité de service, avec l'accord du fonctionnaire. Elle peut durer trois ans, renouvelables. A son terme, si l'agent ne peut pas retrouver ses fonctions antérieures, il est réaffecté dans l'un des emplois correspondant à son grade. Régie par les articles 41 et suivants de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat (N° Lexbase : L7077AG9), la mise à disposition des fonctionnaires de l'Etat est précisée par le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985, relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat et à certaines modalités de cessation définitive de fonctions (N° Lexbase : L1022G8D). C'est précisément ce texte qu'est venu modifier le décret n° 2007-1542 du 26 octobre 2007, paru au Journal officiel du 28 octobre dernier.
Le nouveau texte assure aux fonctionnaires de l'Etat davantage de facilité pour exercer des fonctions dans une autre administration que celle d'origine. La mise à disposition se trouve, ainsi, élargie et est, désormais, possible vers les collectivités territoriales et les hôpitaux, vers les organismes parapublics ou, encore, vers les Etats étrangers. Le décret précise, par ailleurs, la procédure de mise à disposition. A noter, également, que les administrations et les établissements publics administratifs de l'Etat peuvent, si les besoins du service le justifient, bénéficier de la mise à disposition de personnels de droit privé.
Le texte n'étonnera guère. Il constitue, en effet, la suite logique de la loi n° 2007-148 du 2 février 2007, de modernisation de la fonction publique, qui prévoyait déjà de nouvelles dispositions dans le déroulement des carrières des fonctionnaires. Une rénovation jugée indispensable par le ministère du Budget pour "simplifier des changements de fonctions jugés encore trop longs et complexes dans la fonction publique". En effet, pour pouvoir changer d'emploi, le fonctionnaire devait souvent préalablement changer de corps. La nouvelle MAD (mise à disposition) permet d'en assouplir les conditions (I) en offrant au fonctionnaire souhaitant changer de fonctions la faculté de ne pas changer de corps et, donc, de statut et d'en spécifier les règles particulières (II), notamment, et surtout, celles applicables aux personnels de droit privé mis à disposition de l'Etat et de ses établissements publics.
I - Les nouvelles conditions de la mise à disposition des fonctionnaires de l'Etat
A - Principes généraux
Le nouveau texte permet, tout d'abord, de rationaliser la procédure de mise à disposition des fonctionnaires de l'Etat.
Ainsi, son article 1er prévoit que la mise à disposition est prononcée par arrêté du ministre dont relève le fonctionnaire, après accord de l'intéressé et du ou des organismes d'accueil, dans les conditions définies par la convention de mise à disposition. Toutefois, lorsque la mise à disposition s'opère entre deux ou plusieurs services déconcentrés de l'Etat relevant d'un même échelon territorial, et qu'elle s'applique à un agent n'entrant pas dans les exceptions prévues aux articles 32 et 33 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004, relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements (N° Lexbase : L1781DYM) (1), elle est prononcée par arrêté du préfet compétent. Par ailleurs, si l'agent mis à disposition relève d'un établissement public de l'Etat, la décision revient à l'autorité investie du pouvoir de nomination dans l'établissement. L'arrêté doit indiquer le ou les organismes auprès desquels le fonctionnaire accomplit son service et la quotité du temps de travail qu'il effectue au sein de chacun d'eux.
L'article 2 du décret rapporté prévoit, par ailleurs, que la convention de mise à disposition conclue entre l'administration d'origine et l'organisme d'accueil définit la nature des activités exercées par le fonctionnaire mis à disposition, ses conditions d'emploi, les modalités du contrôle et de l'évaluation de ces activités. Elle peut porter sur la mise à disposition d'un ou de plusieurs agents.
Mais surtout, l'innovation majeure apportée par le nouveau décret réside dans l'élargissement du champ de la mise à disposition. En effet, si, jusqu'à présent, la mobilité existait entre administrations, elle est, désormais, possible vers les collectivités territoriales et les hôpitaux (seul le détachement était possible auparavant) ; les organismes concourant à une politique de la puissance publique (caisses de Sécurité sociale, organismes parapublics...) ; et, les Etats étrangers.
De même, le décret rend possible une mise à disposition simultanée auprès de plusieurs organismes. Comme le souligne le ministère du Budget, "cette innovation permettra de mieux répondre à la problématique des services dans les zones rurales : une mairie et un bureau de poste, chacun considéré isolément, n'aurait pas recruté un agent pour un mi-temps alors que la MAD permettra à un agent de partager son temps de travail entre la mairie et La Poste".
L'organisme d'accueil rembourse à l'administration d'origine la rémunération du fonctionnaire mis à disposition, ainsi que les cotisations et contributions afférentes. En cas de pluralité d'organismes d'accueil, ce remboursement est dû au prorata de la quotité de travail dans chaque organisme.
Les modalités de remboursement de la charge de rémunération par le ou les organismes d'accueil sont précisées par la convention de mise à disposition. Enfin, la convention de mise à disposition et, le cas échéant, ses avenants sont avant leur signature transmis au fonctionnaire intéressé dans des conditions lui permettant d'exprimer son accord sur la nature des activités qui lui sont confiées et sur ses conditions d'emploi.
A noter, également, qu'en cas de pluralité d'organismes d'accueil, une convention est passée entre l'administration d'origine et chacun de ceux-ci.
Enfin, l'article 3 du décret rapporté souligne que les rapports annuels mentionnés à l'article 43 bis de la loi du 11 janvier 1984 (2) précisent, dans le champ de compétence de chaque comité technique paritaire ministériel ou comité technique paritaire d'établissement public, le nombre d'agents mis à disposition de l'administration en cause, leurs administrations et organismes d'origine, le nombre de fonctionnaires de cette administration mis à disposition d'autres organismes et administrations, ainsi que la quotité de temps de travail représentée par ces mises à disposition.
B - Durée et cessation de la mise à disposition des fonctionnaires
La durée de la mise à disposition est fixée dans l'arrêté la prononçant. Elle est prononcée pour une durée maximale de trois ans et peut être renouvelée par périodes ne pouvant excéder cette durée.
Lorsqu'un fonctionnaire est mis à disposition d'une administration de l'Etat ou de l'un de ses établissements publics pour y effectuer la totalité de son service et qu'il y exerce des fonctions que son grade lui donne vocation à remplir, l'administration d'accueil, si elle dispose d'un corps correspondant, est tenue de lui proposer un détachement au sein de ce corps au terme d'une durée qui ne peut excéder trois ans. Le fonctionnaire qui accepte cette proposition bénéficie alors d'une priorité pour continuer, en position de détachement, à exercer les mêmes fonctions.
En vue de l'intégration dans le corps d'accueil à l'issue du détachement, la durée de service effectuée par l'agent pendant sa mise à disposition est prise en compte dans le calcul de l'ancienneté requise.
Enfin, la mise à disposition peut prendre fin avant le terme prévu par arrêté du ministre ou décision de l'autorité dont relève le fonctionnaire, sur demande de l'administration d'origine, de l'organisme d'accueil ou du fonctionnaire, sous réserve le cas échéant des règles de préavis prévues dans la convention de mise à disposition. S'il y a pluralité d'organismes d'accueil, la fin de la mise à disposition peut s'appliquer vis-à-vis d'une partie seulement d'entre eux. Dans ce cas, les autres organismes d'accueil en sont informés.
A noter qu'en cas de faute disciplinaire, il peut être mis fin sans préavis à la mise à disposition par accord entre l'administration d'origine et l'organisme d'accueil.
Lorsque cesse la mise à disposition, le fonctionnaire qui ne peut être affecté aux fonctions qu'il exerçait précédemment dans son service d'origine reçoit une affectation dans l'un des emplois que son grade lui donne vocation à occuper.
II - Les règles particulières applicables aux fonctionnaires mis à disposition
A - Principes généraux
Sur ces points, le décret rapporté n'innove guère. Il revient, conformément à son article 7, à l'administration ou l'organisme d'accueil de fixer les conditions de travail des personnels mis à sa disposition.
De même, l'administration d'accueil prend à l'égard des fonctionnaires mis à sa disposition les décisions relatives aux congés annuels et aux congés de maladie. En cas de pluralité d'administrations d'accueil, la convention de mise à disposition précise laquelle prend les décisions relatives à ces congés après information des autres administrations d'accueil. Toutefois, si le fonctionnaire est mis à disposition pour une quotité de temps de travail égale ou inférieure au mi-temps, les décisions reviennent systématiquement à l'administration d'origine de l'agent.
Par ailleurs, le même article précise que, sans préjudice d'un éventuel complément de rémunération dûment justifié, le fonctionnaire mis à disposition peut être indemnisé par le ou les organismes d'accueil des frais et sujétions auxquels il s'expose dans l'exercice de ses fonctions suivant les règles en vigueur dans ces organismes. Il revient à l'organisme d'accueil de supporter les dépenses occasionnées par les actions de formation dont il fait bénéficier l'agent.
Quant à l'administration d'origine, il lui appartient de prendre, à l'égard des fonctionnaires qu'elle a mis à disposition, les décisions relatives aux congés prévus aux 3° à 10° de l'article 34 (3) et à l'article 40 bis de la loi du 11 janvier 1984 (4), ainsi que celles relatives au bénéfice du droit individuel à la formation, après avis du ou des organismes d'accueil. Il en va de même des décisions d'aménagement de durée de travail.
Elle prend, également, toujours, en charge la rémunération, l'indemnité forfaitaire et l'allocation de formation versées à l'agent au titre du congé de formation professionnelle ou des actions relevant du droit individuel à la formation.
Enfin, l'autorité compétente au sein de l'administration d'origine exerce le pouvoir disciplinaire à l'encontre du fonctionnaire mis à disposition, le cas échéant sur saisine du ou de l'un des organismes d'accueil.
Le fonctionnaire mis à disposition est soumis au contrôle du corps d'inspection de son administration d'origine.
Un rapport sur la manière de servir du fonctionnaire mis à disposition est établi par son supérieur hiérarchique ou par le responsable sous l'autorité duquel il est placé au sein de chaque organisme d'accueil. Ce rapport, rédigé après un entretien individuel, est transmis au fonctionnaire, qui peut y porter ses observations, et à l'administration d'origine qui assure son évaluation et exerce à son égard le pouvoir de notation en application du décret n° 2002-682 du 29 avril 2002, relatif aux conditions générales d'évaluation, de notation et d'avancement des fonctionnaires de l'Etat (N° Lexbase : L0969G8E).
Dans le cas où la notation du fonctionnaire mis à disposition est effectuée par l'inspection dont il relève, l'organisme d'accueil adresse à cette dernière un état des tâches et missions attribuées au fonctionnaire intéressé ainsi que le compte-rendu de l'entretien individuel.
Enfin, au titre des fonctions exercées dans le cadre de leur mise à disposition, les agents sont soumis aux dispositions de l'article 87 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993, relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques (N° Lexbase : L8653AGL) (5).
B - Règles particulières applicables aux personnels de droit privé mis à disposition de l'Etat et de ses établissements publics
La dernière disposition notable apportée par le nouveau texte est la faculté, offerte aux entreprises, de mettre à disposition des salariés de droit privé au profit de l'administration, lorsqu'ils détiennent une qualification technique spécialisée dont l'administration a besoin pour la conduite d'un projet.
Ils pourront intervenir pour la durée limitée d'un projet ou d'une mission nécessitant les qualifications techniques spécialisées.
L'administration pourra, ainsi, rapidement disposer de compétences spécifiques, avec la garantie d'un encadrement déontologique strict prévu par le décret.
Ainsi, l'article 13 du décret rapportée dispose que les administrations et les établissements publics administratifs de l'Etat peuvent, lorsque les besoins du service le justifient, bénéficier de la mise à disposition de personnels de droit privé :
1° pour l'exercice d'une fonction requérant des qualifications techniques spécialisées détenues par des salariés de droit privé employés par des organismes mentionnés au 4° de l'article 42 de la loi du 11 janvier 1984 (organismes contribuant à la mise en oeuvre d'une politique de l'Etat, des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics administratifs, pour l'exercice des seules missions de service public confiées à ces organismes) ;
2° ou pour la réalisation d'une mission ou d'un projet déterminé qui ne pourrait être mené à bien sans les qualifications techniques spécialisées détenues par un salarié de droit privé.
Dans la première hypothèse, la mise à disposition s'applique pour une durée maximale de trois ans et est renouvelable par périodes ne pouvant excéder cette durée. Dans la seconde, elle s'applique pour la durée du projet ou de la mission sans pouvoir excéder quatre ans.
Le ministère du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique précise, à cet égard, qu'"ici encore, on souhaite faire primer une logique de compétence, avec comme objectif la qualité et la réactivité du service public".
Ainsi, par exemple, un spécialiste de la lutte contre la fraude à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris pourra, désormais, travailler au ministère du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique pour mettre son expérience au service de la nouvelle politique de lutte contre la fraude engagée par le ministère. De même, dans l'hypothèse d'une direction départementale de l'agriculture devant mettre en place un projet de dépollution de l'eau sur la durée d'une année, dans des conditions locales particulières, et d'un spécialiste du sujet employé à proximité dans un laboratoire privé, intéressé par le projet mais ne voulant pas démissionner de son entreprise pour un projet de courte durée, le décret lui permettra de travailler pour le service public pour la durée du projet avec la garantie de retourner dans son entreprise une fois le projet achevé.
A noter que la mise à disposition est subordonnée à la signature d'une convention de mise à disposition, conclue entre l'administration d'accueil et l'employeur du salarié intéressé, qui doit recevoir l'accord de celui-ci. Cette convention prévoit les modalités du remboursement par l'Etat ou l'établissement public des rémunérations, charges sociales, frais professionnels et avantages en nature des intéressés et de la passation d'une convention avec leurs employeurs.
La mise à disposition peut prendre fin à la demande d'une des parties selon les modalités définies dans la convention.
Enfin, les règles déontologiques qui s'imposent aux fonctionnaires sont opposables aux personnels mis à disposition. Il ne peut leur être confié de fonctions susceptibles de les exposer aux sanctions prévues aux articles 432-12 (N° Lexbase : L7146ALA) et 432-13 (N° Lexbase : L1876AMG) du Code pénal.
De même, ils sont tenus de se conformer aux instructions de leur supérieur hiérarchique dans les conditions définies à l'égard des fonctionnaires à l'article 28 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, c'est-à-dire sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public.
Pour conclure, un fonctionnaire, volontaire pour exercer de nouvelles fonctions et jugé compétent pour les remplir, ne pourra plus voir son recrutement remis en cause pour des raisons statutaires. Cette réforme s'inscrit, ainsi, dans une perspective globale de rénovation de la fonction publique traduisant la volonté marquée du Président de la République et du Gouvernement de valoriser, dans les parcours professionnels, les compétences et l'investissement personnel.
Gageons, à l'instar du ministère du Budget, des comptes publics et de la fonction publique, que le nouveau dispositif soutienne effectivement l'idée d'une prise en compte des compétences au-delà de la seule logique des corps pour répondre à une réelle demande de mobilité.
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