Réf. : Cass. civ. 3, 10 octobre 2007, n° 06-16.223, M. Marc René Boursin, FS-P+B (N° Lexbase : A7345DYP)
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par Marine Parmentier, Avocat à la cour d'appel de Paris
le 07 Octobre 2010
Le prêt n'ayant pas été obtenu, les vendeurs ont assigné les acquéreurs et l'agent immobilier pour voir constater et juger que les acquéreurs étaient responsables de la défaillance de la condition et que l'acompte serait conservé en réparation du préjudice subi par les vendeurs du fait de la non réalisation de la vente.
L'agent immobilier a, par ailleurs, sollicité la condamnation des acquéreurs à lui payer des dommages-intérêts.
Le premier moyen du pourvoi concernait le litige opposant les vendeurs aux acquéreurs. Les acquéreurs, pour ne pas dédommager les vendeurs, critiquaient le fait que la lettre recommandée, qui devait leur être envoyée conformément à l'article L. 271-1 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L1988HPC), ne comportait pas un rappel des termes de l'article L. 271-1 précité. Selon eux, le seul fait que le compromis, annexé au courrier recommandé, fasse référence aux dispositions en question, ne suffirait pas à protéger l'acquéreur et à l'informer pleinement de sa capacité de rétractation.
Ce moyen est rejeté par la Cour de cassation qui rappelle que la promesse de vente comportait un paragraphe complet mentionnant expressément les conditions et les délais de rétractation bénéficiant aux acquéreurs, que cet acte leur avait été adressé dans les délais légaux (sept jours) et qu'il était accompagné d'une lettre en recommandé avec demande d'avis de réception leur rappelant leur faculté de rétractation.
Le second moyen du pourvoi a trait à la responsabilité délictuelle des acquéreurs à l'égard de l'agent immobilier. Pour s'opposer à l'indemnisation de l'agent immobilier, les acquéreurs soutenaient qu'aucune somme d'argent n'est due, à quelque titre que ce soit, à l'agent immobilier avant que l'opération pour laquelle il a reçu un mandat écrit ait été effectivement conclue et constatée dans un seul acte contenant l'engagement des parties.
Selon eux, lorsque l'engagement des parties contient une clause de dédit ou une condition suspensive, l'opération ne peut être regardée comme effectivement conclue, pour l'application du troisième alinéa de l'article 6 de la loi du 2 janvier 1970 (N° Lexbase : L7548AIE), s'il y a dédit, ou tant que la faculté de dédit subsiste, ou tant que la condition suspensive n'est pas réalisée.
Les acquéreurs tentaient de faire application d'une jurisprudence devenue classique en matière de rémunération de l'agent immobilier (voir, notamment, Cass. civ. 3, 19 mai 1999, n° 97-14.529, Mme Zanetta c/ Epoux Jolly et autres N° Lexbase : A5180AWR, Bull. civ. III, n° 120). En application de cette jurisprudence, à défaut de réalisation effective de l'opération, et même en présence d'une faute de son mandant, aucune rémunération ne peut être versée à quelque titre que ce soit à l'agent immobilier.
Or, en invoquant cette solution, les acquéreurs ont confondu le droit à rémunération de l'agent immobilier (droit découlant du mandat conclu entre l'agent immobilier et le vendeur ou l'acquéreur) encadré par les dispositions de la loi "Hoguet" et son droit à indemnisation sur le fondement de l'article 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1488ABQ) lorsque la responsabilité délictuelle du vendeur ou de l'acquéreur -donc de celui qui ne l'aura pas mandaté- est engagée à son égard (ce qui suppose que soit rapportée la preuve de l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité).
En l'espèce, l'agent immobilier ne demandait pas le paiement de sa commission (laquelle n'aurait pu être demandée qu'aux vendeurs qui étaient ses mandants), mais la condamnation des acquéreurs à des dommages intérêts en réparation du préjudice subi.
C'est ce que souligne l'arrêt commenté. La Cour de cassation rappelle que l'immeuble a été finalement vendu à d'autres acquéreurs par l'intermédiaire d'une autre agence immobilière et que l'agent immobilier a été privé de la réalisation de la vente par la faute des acquéreurs.
En conséquence, la cour d'appel, qui ne s'est pas fondée sur les dispositions de la loi du 2 janvier 1970, a pu en déduire que les acquéreurs devaient être condamnés à des dommages-intérêts dont elle a souverainement fixé le montant.
Cette solution fait une exacte application des principes encadrant les règles de responsabilité civile délictuelle. Elle n'est donc pas en rupture avec la jurisprudence classique régissant le droit à commission de l'agent immobilier due en application du mandat.
La solution aurait pu être différente si les acquéreurs avaient été les mandants de l'agent immobilier...
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