Lecture: 6 min
N9727BUS
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Virginie Bensoussan-Brulé, Avocat au barreau de Paris, Directeur du pôle contentieux numérique, Alain bensoussan-avocats
le 05 Novembre 2015
Tout ce qui est posté sur les réseaux sociaux ou sur un blog reste sur le Web, dans la mesure où sa mémoire est infinie. Une vigilance renforcée est donc fortement recommandée afin de limiter au maximum les atteintes à son e-réputation.
Audit e-réputation. Il est conseillé d'auditer régulièrement son e-réputation. L'objectif est simple : faire un état des lieux des informations publiées sur les réseaux sociaux et sur internet, et déterminer si l'empreinte numérique laissée par l'avocat reflète de manière fidèle son image.
Mise à jour des profils personnels et professionnels. Parallèlement, il est recommandé de mettre à jour régulièrement ses profils professionnels, de supprimer les profils qui ne sont plus utilisés, et de vérifier les informations de ses profils personnels et professionnels accessibles au public.
Cette mise à jour passe par les actions suivantes :
- mettre à jour les informations indiquées régulièrement ;
- supprimer les profils qui ne sont plus utilisés ;
- vérifier à intervalles relativement fréquents les informations accessibles au public.
Mise en place d'une veille régulière des propos. La maîtrise des contenus mis en ligne sur le web passe nécessairement par une veille des contenus publiés qui peut être réalisée via l'installation d'un système d'alertes, notamment le service Google Alerte. Ce service propose aux internautes de recevoir les contenus publiés sur le web en personnalisant la demande d'alerte par le biais de mots-clés.
En outre, l'avocat peut souscrire un abonnement à un organisme de veille qui permet d'avoir connaissance quotidienne de toutes les parutions et les prises de paroles dans les médias lorsque le nom du cabinet, d'un associé ou d'un des collaborateurs est cité.
Guide de bonnes pratiques. L'avocat doit avoir conscience qu'il n'est pas le seul à communiquer sur son activité. Il n'est pas à l'abri que les informations diffusées par les membres du cabinet, portent atteinte aux droits des tiers ou compromettent la réputation de l'avocat ou de celle du cabinet.
L'avocat peut mettre en place un guide des bonnes pratiques au sein de son cabinet. Cette démarche, à vocation pédagogique et basée sur la responsabilisation de chacun, a pour objectif d'établir des règles claires en définissant les droits et devoirs de chacun des membres du cabinet lorsqu'ils s'expriment sur les réseaux sociaux et sur Internet, de manière à valoriser cette communication.
Management juridique des contenus de l'avocat sur internet. La publication de contenus par des tiers sur le blog de l'avocat est susceptible d'engager sa responsabilité civile et pénale. Il est donc essentiel d'encadrer juridiquement les conditions dans lesquelles les contenus sont publiés.
En effet, le risque existe qu'un document, une information, une contribution publiée par un tiers sur le blog de l'avocat :
- porte atteinte à un droit de propriété intellectuelle ;
- porte atteinte à la vie privée ou au droit à l'image ;
- contienne des propos diffamatoires ou injurieux ;
- constitue des contenus odieux au sens de l'article 6 I-7° de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004, pour la confiance dans l'économie numérique (N° Lexbase : L2600DZC) (apologie du terrorisme, apologie des crimes contre l'Humanité, incitation à la haine raciale, incitation à la violence, pornographie enfantine).
Pour éviter que ce type de contenus apparaisse, il est possible de mettre en place un système de modération, qui consistent à supprimer, tout ou partie d'un message ne correspondant pas à un certain nombre de critères.
Le choix du type de modération n'est pas sans incidence sur la responsabilité éventuelle de l'avocat.
En effet, la modération a priori met automatiquement en jeu la responsabilité de l'avocat en cas d'oubli d'un contenu illicite. Si l'avocat opte pour une modération a posteriori des contenus publiés, il bénéficiera du régime allégé de responsabilité des hébergeurs de contenus de tiers prévu par l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004, pour la confiance dans l'économie numérique.
Nouvelles règles de communication et de marketing. Les règles de communication des avocats ont fait l'objet d'un profond bouleversement résultant de l'entrée en vigueur de la loi du 17 mars 2014, relative à la consommation (N° Lexbase : L7504IZX), dite "loi Hamon" et son décret d'application n° 2014-1251 du 28 octobre 2014, fixant les principes applicables aux nouvelles modalités de communication des avocats (N° Lexbase : L5614I4P).
En effet, la loi autorise désormais les avocats à recourir à la "publicité" et à la "sollicitation personnalisée". Ces nouvelles dispositions ont conduit le Conseil national des barreaux à adapter la décision à caractère normatif n° 2014-001 modifiant l'article 10 du RIN (N° Lexbase : L2100IR9), relatif à la communication des avocats, lequel contient une définition de :
- la communication de l'avocat qui s'entend de sa publicité personnelle et de son information professionnelle ;
- la publicité personnelle qui comprend toute forme de communication destinée à promouvoir les services de l'avocat ;
- la sollicitation personnalisée, qui est un mode de publicité personnelle, et s'entend de toute forme de communication directe ou indirecte, dépassant la simple information, destinée à promouvoir les services d'un avocat à l'attention d'une personne physique ou morale déterminée.
Ces nouvelles dispositions permettent à l'avocat de proposer ses services sans avoir préalablement été sollicité. Il est certain que cela favorisera l'engouement des avocats pour l'utilisation des réseaux sociaux.
Toutefois, les avocats doivent avoir conscience que l'utilisation des réseaux sociaux entre dans la définition des moyens de sollicitation personnelle. Si les avocats ont donc la possibilité d'utiliser ce nouvel outil au service de sa communication, cela doit être fait conformément aux règles de la profession.
Respect des principes essentiels de la profession. L'avocat est en toutes circonstances tenu de respecter les principes essentiels de la profession.
Notamment, il doit vérifier que les contenus qu'il publie sur son profil ou sur son blog sont conformes aux règles déontologiques.
Sont ainsi interdits :
- toute publicité mensongère ou contenant des renseignements inexacts ou fallacieux ;
- toutes références à des fonctions ou activités sans lien avec l'exercice de la profession d'avocat ;
- toutes mentions laudatives ou comparatives ;
- toutes mentions susceptibles de créer l'apparence d'une structure d'exercice inexistante et/ou d'une qualification professionnelle non reconnue ;
- toutes références à des fonctions ou activités sans lien avec la profession d'avocat, ainsi que toute référence à des fonctions juridictionnelles.
L'avocat doit, en outre, apporter une attention particulière au respect du secret professionnel.
Enfin, l'avocat qui s'exprime sur internet doit veiller au respect des principes essentiels, notamment de loyauté, de modération et délicatesse, de dignité, d'honneur, d'indépendance et confraternité, conformément au serment de l'avocat, sous peine de sanctions disciplinaires.
L'avocat doit enfin toujours faire preuve de réserve lorsqu'il s'exprime sur les réseaux sociaux.
Les Ordres ont un rôle à jouer, notamment pour déterminer les comportements admissibles et poser des limites.
2 - Actions civiles et pénales en cas d'atteinte à l'e-réputation de l'avocat
L'avocat dispose, en cas d'atteinte à sa e-réputation, d'un large arsenal juridique pour faire cesser ou réprimer l'atteinte.
La loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique. La loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN) ouvre tout d'abord un droit de réponse à l'avocat nommé ou désigné dans un service de communication au public en ligne. A cet égard, la demande d'exercice du droit de réponse obéit à un formalisme strict concernant notamment le contenu de la demande ou la taille de la réponse.
La LCEN permet également de contacter directement l'éditeur du service de communication au public en ligne afin de lui demander la modification ou la suppression du contenu litigieux ou, en l'absence de réponse de la part de l'éditeur, de se tourner vers l'hébergeur du site en vue de faire supprimer le contenu "manifestement illicite", en lui adressant une notification au formalisme encadré.
La LCEN permet enfin de procéder, lorsque l'auteur des propos a agi sous couvert d'anonymat, à une requête afin d'identification (ou référé) à l'encontre de l'hébergeur, celui-ci ayant obligation de conserver les données d'identification des auteurs de contenus en ligne et de les communiquer sur décision de justice.
La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (N° Lexbase : L7589AIW). Parallèlement, lorsque l'atteinte peut être qualifiée d'injure ou de diffamation, l'avocat peut agir sur le fondement de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881, sur la liberté de la presse. Cette action ne peut être poursuivie que dans le délai de trois mois après que la diffamation ou l'injure a été commise, c'est-à-dire à compter de la date de la première mise en ligne du contenu incriminé.
D'autres actions sont encore possibles au pénal sur les fondements de l'atteinte à la vie privée ou de l'usurpation d'identité en ligne.
D'autres actions sont enfin possibles au civil sur le fondement de la violation du droit à l'image ou encore, lorsque les propos ne peuvent être qualifiés d'injure ou de diffamation, sur le fondement du dénigrement.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:449727