En s'abstenant de conseiller à sa cliente de saisir les juges du fond dans un délai raisonnable, sans attendre trois ans à compter de l'ordonnance de référé constatant l'existence d'une contestation sérieuse et renvoyant sa cliente à se pourvoir au fond ou de procéder lui-même à la délivrance d'une assignation au fond dans un délai raisonnable, ce qui aurait permis que l'examen au fond de l'affaire puisse avoir lieu avant l'ouverture de la procédure collective dont a fait l'objet la société débitrice, un avocat a commis un manquement à son obligation de conseil et de diligence de nature à engager sa responsabilité civile professionnelle. Telle est la solution d'un jugement du tribunal de grande instance de Paris, rendu le 18 juin 2015 (TGI Paris, 1ère ch., 18 juin 2015, n° 13/16964
N° Lexbase : A8798NTZ). En l'espèce, dans le cadre d'une l'assignation en référé délivrée à un fournisseur devant le tribunal de commerce le 14 août 2008, la société cliente était représentée par un avocat ayant eu à connaître du dossier en sa qualité de collaborateur libéral d'un cabinet. Ce n'est que trois ans plus tard que cet avocat, dans la continuité de sa première mission, a fait délivrer une assignation au fond au mandataire judiciaire du fournisseur le 25 juillet 2011, assignation qui n'a jamais été placée. Il exerçait alors son activité d'avocat en tant qu'associé au sein d'un autre cabinet. Si, tel que le soutient l'avocat, le défaut de placement était motivé par le fait que la procédure était vouée à l'échec, du fait de l'absence de déclaration de la créance de sa cliente dans le délai de deux mois à compter de la publication au BODACC du jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire dont a fait l'objet la société fournisseur, ou de l'absence de saisine du juge commissaire pour obtenir un relevé de forclusion, il appartenait à l'avocat d'en avertir sa cliente par un écrit, ce qu'il ne démontre pas avoir fait. Rappelant les principes susvisés et estimant que l'action de la cliente aurait eu de réelles chances d'aboutir, le TGI condamne l'avocat au titre de sa responsabilité professionnelle. En revanche, il ne peut lui être reproché de n'avoir pas engagé une procédure d'exécution forcée du chèque impayé de 200 000 euros émis par la société fournisseur et détenu par sa cliente, une telle procédure étant réservée aux créances résultant d'un chèque rejeté faute de provision suffisante et n'étant pas applicable s'agissant d'un chèque non-encaissable car émis depuis plus d'un an (cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E4304E7K).
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