Lexbase Public n°384 du 3 septembre 2015 : Responsabilité administrative

[Chronique] Chronique de droit de la responsabilité administrative - Septembre 2015

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par Pierre Tifine, Professeur à l'Université de Lorraine et directeur adjoint de l'Institut de recherches sur l'évolution de la Nation et de l'Etat (IRENEE), Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition publique

le 08 Septembre 2015

Lexbase Hebdo - édition publique vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualité de droit de la responsabilité administrative rédigée par Pierre Tifine, Professeur à l'Université de Lorraine et directeur adjoint de l'Institut de recherches sur l'évolution de la Nation et de l'Etat (IRENEE). Cette chronique se penchera, tout d'abord, sur un arrêt rendu le 19 juin 2015 qui relève que la responsabilité sans faute du département qui s'est vu confier la garde de mineurs peut être mise en oeuvre par l'association auprès de laquelle ces mineurs ont été placés (CE 3° et 8° s-s-r., 19 juin 2015, n° 378293, mentionné aux tables du recueil Lebon). Sera étudiée, ensuite, une décision du 27 juillet 2015 qui précise, notamment, les conséquences en matière de responsabilité, de la possibilité de concours d'une police administrative spéciale et de la police administrative générale en cas de carence de l'autorité titulaire de ces pouvoirs (CE 4° et 5° s-s-r., 27 juillet 2015, n° 367484, publié au recueil Lebon). Cette chronique reviendra enfin sur un arrêt du 19 juin 2015 indiquant qu'une convention d'occupation du domaine public n'existe que si elle est écrite (CE, Sect., 19 juin 2015, n° 369558, publié au recueil Lebon).
  • La responsabilité sans faute du département qui s'est vu confier la garde de mineurs peut être mise en oeuvre par l'association auprès de laquelle ces mineurs ont été placés (CE 3° et 8° s-s-r., 19 juin 2015, n° 378293, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A5394NLD ; cf. l’Ouvrage "Responsabilité administrative" N° Lexbase : E3767EU3)

A l'occasion de l'arrêt n° 378293 rendu le 19 juin 2015, le Conseil d'Etat apporte une nouvelle précision concernant le champ d'application du régime de responsabilité sans faute du fait de la garde des mineurs, inauguré il y a un peu plus de dix ans par l'arrêt de Section "GIE Axa Courtage" du 11 février 2005 (1). Inspirée directement par le droit privé, auquel elle emprunte la notion de garde d'autrui, cette jurisprudence conduit à considérer que "la décision par laquelle le juge des enfants confie la garde d'un mineur, dans le cadre d'une mesure d'assistance éducative prise en vertu des articles 375 (N° Lexbase : L2050IYL) et suivants du Code civil [...] transfère à la personne qui en est chargée la responsabilité d'organiser, diriger et contrôler la vie du mineur". Il en résulte "qu'en raison des pouvoirs dont le département se trouve ainsi investi lorsque le mineur a été confié à un service ou établissement qui relève de son autorité, sa responsabilité est engagée, même sans faute, pour les dommages causés aux tiers par ce mineur".

A l'origine, cette jurisprudence était seulement applicable aux tiers victimes de dommages occasionnés par les mineurs placés. Mais par la suite, à l'occasion de l'arrêt du 13 novembre 2009 "Garde des Sceaux c/ Association tutélaire des inadaptés" (2), le Conseil d'Etat a considéré que les usagers du service public pouvaient eux-mêmes bénéficier du régime de responsabilité sans faute du fait de la garde des mineurs. Cette solution était pourtant discutable au regard des principes qui gouvernent habituellement la responsabilité sans faute de l'administration. En effet, les usagers, qui sont censés bénéficier des prestations du service, sont généralement soumis à un régime de responsabilité moins favorable que celui appliqué aux tiers, lesquels sont totalement étrangers au service. C'est pour cette raison, notamment, qu'un détenu agressé par un codétenu, (3) ou un patient en hôpital psychiatrique agressé par un autre patient (4), ne peut obtenir réparation que s'il démontre qu'une faute a été commise par l'administration. C'est d'ailleurs cette solution qui avait été retenue par le Conseil d'Etat, avant le revirement opéré en 2005, que la victime ait été placée en tant que mineur en danger (5) ou en tant que mineur délinquant (6).

Toutefois, ne pas faire bénéficier du régime de responsabilité sans faute du fait de la garde des mineurs les usagers, serait revenu à introduire un nouveau hiatus entre la jurisprudence administrative et la jurisprudence judiciaire. En effet, si en 2005 le Conseil d'Etat a créé cette nouvelle hypothèse de responsabilité sans faute, c'est d'abord pour éviter que les victimes des agissements de ces mineurs ne soient soumises à un régime de responsabilité plus sévère lorsqu'ils ont été placés sous la garde d'un département que lorsqu'ils ont été placés sous la garde d'une association. En effet, alors qu'avant 2005 seule la responsabilité pour faute des départements pouvait être recherchée, la Cour de cassation avait admis, pour les structures éducatives privées, le principe d'une responsabilité de plein droit sur le fondement de la garde d'autrui (7).

Or, pour la Cour de cassation, cette responsabilité s'applique "y compris aux autres enfants placés dans l'établissement" (8). Sans l'affirmer expressément, le Conseil d'Etat s'est aligné sur cette solution en faisant bénéficier les usagers du service public de l'aide sociale à l'enfance du régime de responsabilité sans faute du fait de la garde des mineurs.

L'arrêt du 19 juin 2015 s'inscrit dans la même logique en faisant bénéficier, cette fois-ci, les participants au service public de ce régime de responsabilité. Le Conseil d'Etat considère en effet que la fondation qui assurait "en qualité de participante à l'exécution du service public de l'aide sociale à l'enfance" la prise en charge du mineur doit être assimilée à un tiers. Cette solution peut être rapprochée de celle retenue à l'occasion de l'arrêt "Garde des Sceaux c/ Société GAN assurances" du 3 juin 2009 (9) qui retient que la responsabilité de l'administration peut être engagée alors même que le mineur est hébergé par ses parents et que le responsable n'avait pas exercé effectivement son rôle de gardien. Dans tous les cas, ces solutions procèdent de l'idée selon laquelle, comme en droit privé, la responsabilité du gardien du mineur en danger est une responsabilité de plein droit, et cela également quelle que soit la qualité de la victime.

  • Concours de police et responsabilité pour faute de l'administration (CE 4° et 5° s-s-r., 27 juillet 2015, n° 367484, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A0742NNS ; cf. l’Ouvrage "Responsabilité administrative" N° Lexbase : E3797EU8)

Le Conseil d'Etat est saisi d'une demande indemnitaire présentée par un exploitant agricole qui recherche la responsabilité de la commune en raison d'inondations répétées de parcelles lui appartenant, causées par le débordement de fossés recueillant les eaux usées de plusieurs habitations. La solution retenue par les juges présente un double intérêt. Elle précise, d'abord, les conséquences en matière de responsabilité, de la possibilité de concours d'une police administrative spéciale et de la police administrative générale en cas de carence de l'autorité titulaire de ces pouvoirs. Elle élargit, ensuite, les pouvoirs d'injonction du juge administratif dans le cadre du plein contentieux.

I - Conséquences de la carence de l'autorité de police dans les hypothèses où le concours de police est possible

Il faut d'abord rappeler que le concours de police est possible dès lors que deux conditions sont réunies : il ne doit pas être expressément exclu par un texte (10) ; les objectifs des pouvoirs de police concernés doivent se recouper, ce qui implique que la police administrative spéciale considérée doit avoir, parmi ses objets, la préservation de tout ou partie des éléments composant l'ordre public.

C'est cette situation de concours qui est susceptible de se présenter en matière de contrôle des installations d'assainissement non collectif. En effet, il existe dans ce domaine une police spéciale dévolue au maire depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006, sur l'eau et les milieux aquatiques (N° Lexbase : L9269HTH), visée à l'article L. 1331-1-1 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L7836IM8). Mais concurremment, en cas de pollution, le maire est également susceptible d'agir dans le cadre de ses pouvoirs de police administrative générale qu'il tient des articles L. 2212-1 (N° Lexbase : L8688AAZ) et L. 2212-2 (N° Lexbase : L0892I78) du Code général des collectivités territoriales. Plus précisément, l'article L. 2112-2, 5° prévoit que la police municipale comprend pour mission "le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature".

Il est admis par la jurisprudence que lorsque le concours est possible, l'autorité détentrice d'un pouvoir de police administrative spéciale et d'un pouvoir de police administrative générale, peut choisir librement d'utiliser l'une ou l'autre de ses compétences, dans le respect des conditions posées pour leur exercice (11). Ce que précise ici le Conseil d'Etat, c'est que la responsabilité de l'autorité de police, en cas de carence, doit être envisagée à la fois du point de vue de la police administrative spéciale en cause et de la police administrative générale. En d'autres termes, l'inaction peut tout à la fois ne pas être fautive du point de vue de la police administrative spéciale, et constituer une faute du point de vue de la police administrative générale, et dans ce cas la commune sera condamnée.

Il en résulte que le raisonnement de la cour administrative d'appel était en partie erroné. La cour avait en effet considéré que la carence fautive du maire à exercer ses pouvoirs de police avait débuté en 1997, mais qu'elle avait été interrompue en 2007, date à laquelle elle avait, en application de la loi sur l'eau, entamé des démarches en vue de la mise en conformité des installations d'assainissement non collectif. Mais son abstention avait de nouveau été jugée fautive à compter de 2010, dès lors qu'elle n'avait pas fait usage de mesures coercitives pour faire cesser les rejets d'eaux polluées, alors que le délai de quatre ans visé au II de l'article L. 1331-1-1 était expiré.

Ce qui pose ici problème, c'est la période 2007-2010. En effet, si la commune avait respecté ses obligations au regard des dispositions de l'article L. 1331-1 du Code de la santé publique, tant que le délai de quatre ans susvisé n'était pas expiré, le maire n'en était pas moins tenu d'agir pour faire cesser la pollution dont était victime le requérant, tout du moins si la situation l'exigeait, conformément à ses pouvoirs de police administrative générale visés par l'article L. 2112-2 5° du Code général des collectivités territoriales. L'arrêt est donc annulé pour erreur de droit, en tant qu'il fixe la période de responsabilité de la commune.

II - Etendue du pouvoir d'injonction du juge de plein contentieux

Le Conseil d'Etat relève ici une deuxième erreur de droit commise par la cour administrative d'appel qui avait considéré qu'elle ne pouvait faire droit à la demande du requérant tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de prendre les mesures nécessaires pour mettre fin aux pollutions ou, à défaut, de mettre à sa disposition une pâture saine. Les juges considèrent en effet "que lorsque le juge administratif statue sur un recours indemnitaire tendant à la réparation d'un préjudice imputable à un comportement fautif d'une personne publique et qu'il constate que ce comportement et ce préjudice perdurent à la date à laquelle il se prononce, il peut, en vertu de ses pouvoirs de pleine juridiction et lorsqu'il est saisi de conclusions en ce sens, enjoindre à la personne publique en cause de mettre fin à ce comportement ou d'en pallier les effets". Le Conseil d'Etat procède ainsi à un élargissement des pouvoirs d'injonction du juge de plein contentieux. Au cas d'espèce, contrairement à ce qui avait été jugé par les juges du fond, la juridiction administrative suprême considère que le juge de l'exécution peut ordonner les mesures nécessaires pour mettre fin aux pollutions dont le requérant était victime ou même, à défaut, de mettre à sa disposition une pâture saine.

  • Extension de la jurisprudence "Citécable Est" aux hypothèses d'absence de contrat (CE, Sect., 19 juin 2015, n° 369558, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A5362NL8 ; cf. l’Ouvrage "Responsabilité administrative" N° Lexbase : E3616EUH)

La société immobilière du port de Boulogne (SIPB) exploitait depuis plusieurs années une dépendance du domaine public du port de Boulogne-sur-Mer sur laquelle elle avait édifié un entrepôt. Aucun contrat écrit n'ayant été conclu avec la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Boulogne-sur-Mer Côte d'Opale, gestionnaire du port, celle-ci a décidé de conclure une convention d'occupation du hangar avec une autre société. Considérant que la CCI avait pris une décision unilatérale de résiliation du contrat d'occupation du domaine public la liant à elle, la SIPB a voulu mettre en oeuvre la responsabilité contractuelle du gestionnaire. Cette action a été rejetée par le tribunal administratif de Lille qui a considéré qu'aucune convention n'existait entre la CCI et la SIPB. En appel, la SIPB s'est donc placée sur le terrain de la responsabilité quasi-contractuelle -invoquant la notion d'enrichissement sans cause- et quasi-délictuelle en raison des fautes qu'aurait commises la CCI en ne signant pas le projet de contrat qu'elle lui avait soumis tout en la laissant construire le bâtiment en cause. Cette action a toutefois été rejetée par la cour administrative d'appel de Douai au motif que ces demandes, fondées sur des causes juridiques distinctes des conclusions présentées en première instance, étaient nouvelles en appel et, par suite, irrecevables.

Le Conseil d'Etat devait en conséquence se prononcer sur deux questions : une convention d'occupation du domaine public peut-elle exister en l'absence d'écrit ? En cas de réponse négative, le requérant peut-il invoquer pour la première fois en appel la responsabilité quasi-contractuelle et quasi-délictuelle ?

I - Une convention d'occupation du domaine public n'existe que si elle est écrite

Sauf lorsqu'un texte l'exige expressément, comme c'est le cas par exemple pour les marchés publics d'un montant supérieur à 15 000 euros HT (12), un contrat administratif ne doit pas nécessairement être écrit. Le contrat peut donc être verbal (13), ou bien tacite dès lors qu'il existe un faisceau d'indices permettant d'établir l'existence d'un accord de volonté entre les parties (14).

Le Conseil d'Etat fait exception à ces principes dès lors qu'est en cause l'occupation du domaine public au regard "des exigences qui découlent tant de l'affectation normale du domaine public que des impératifs de protection et de bonne gestion de ce domaine". En d'autres termes, la loyauté contractuelle est écartée au profit de l'impératif de protection du domaine public qui exige la présence d'un écrit. Il s'agit ici de contraindre la collectivité publique à avoir une véritable réflexion sur la gestion de son domaine public, mais également de préciser clairement les modalités de son occupation privative.

Les juges rappellent, par ailleurs, que "l'existence de relations contractuelles [...] autorisant l'occupation privative ne peut se déduire de sa seule occupation effective, même si celle-ci a été tolérée par l'autorité gestionnaire et a donné lieu au versement de redevances domaniales" (15). Cette solution doit être rapprochée de celle retenue à l'occasion de l'arrêt "Syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour l'électricité et les réseaux" du 21 mars 2003, dans lequel le Conseil d'Etat a considéré que le pouvoir réglementaire ne pouvait légalement instaurer un régime d'autorisation tacite d'occupation du domaine public, dès lors qu'un tel régime "fait notamment obstacle à ce que soient, le cas échéant, précisées les prescriptions d'implantation et d'exploitation nécessaires à la circulation publique et à la conservation de la voirie" (16).

En l'absence de contrat, le requérant n'était donc pas recevable à présenter sa demande indemnitaire sur le fondement de la responsabilité contractuelle. Il restait donc à déterminer s'il pouvait se placer pour la première fois à hauteur d'appel sur le terrain de la responsabilité quasi-contractuelle et quasi-délictuelle.

II - En l'absence de contrat, le requérant peut invoquer pour la première fois en appel la responsabilité quasi-contractuelle et quasi-délictuelle ?

Du point de vue du demandeur, l'appel est considéré comme la simple continuation de l'instance initiale. Comme a pu l'écrire le commissaire du Gouvernement Stirn, il "n'ouvre pas une session de rattrapage" pour le requérant (17). Il n'est donc pas, en principe, recevable à modifier le fondement juridique de sa demande, les moyens invoqués devant se rattacher à l'une des causes juridiques dont procédaient ses moyens de première instance. En matière indemnitaire, la responsabilité contractuelle, la responsabilité quasi contractuelle, la responsabilité quasi délictuelle constituent des causes juridiques distinctes. En conséquence, si en première instance le demandeur s'est placé exclusivement sur le terrain de la responsabilité contractuelle, il est n'est pas recevable à faire valoir en appel la responsabilité quasi contractuelle et/ou la responsabilité quasi délictuelle. On rappellera ici que le droit civil est plus souple sur cette question, l'article 565 du Code civil (N° Lexbase : L3145AB4) précisant que "les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent".

Il existe toutefois une exception à ce principe, résultant de la jurisprudence "Citécâble Est" (18), en vertu de laquelle, si le juge constate la nullité d'un contrat, les cocontractants peuvent invoquer pour la première fois en appel des moyens tirés de l'enrichissement sans cause ou de la faute consistant à avoir passé un contrat nul. Cette exception s'expliquait principalement par des motifs liés à la bonne administration de la justice. Avant le revirement opéré par la jurisprudence "Béziers I" (19), il s'agissait d'éviter que le requérant se retrouve dans une situation où, faute d'avoir lui-même décelé les vices entachant le contrat, alors même qu'ils résultent de manquements imputables à l'administration contractante, il ne pourrait plus obtenir satisfaction parce qu'il s'est trompé de terrain contentieux. C'est cette solution qui est ici transposée à l'hypothèse d'absence de contrat, le Conseil d'Etat considérant que "lorsque le juge, saisi d'un litige engagé sur le terrain de la responsabilité contractuelle, est conduit à constater, le cas échéant d'office, l'absence ou la nullité du contrat, les parties qui s'estimaient liées par ce contrat peuvent poursuivre le litige qui les oppose en invoquant, y compris pour la première fois en appel, des moyens tirés de l'enrichissement sans cause que l'application du contrat par lequel elles s'estimaient liées a apporté à l'une d'elles ou de la faute consistant, pour l'une d'elles, à avoir induit l'autre partie en erreur sur l'existence de relations contractuelles ou à avoir passé un contrat nul, bien que ces moyens, qui ne sont pas d'ordre public, reposent sur des causes juridiques nouvelles".

Certes, ce cas de figure n'est pas tout à fait assimilable à celui visé par la jurisprudence "Citécable Est". En effet, autant un cocontractant peut, au moment où il intente une action indemnitaire, ne peut avoir conscience de la nullité du contrat, autant désormais, suite à la clarification opérée par l'arrêt SIPB, il est censé savoir qu'il n'existe pas de contrat écrit et qu'il ne peut donc se fonder sur la responsabilité contractuelle. Si elle donc intéressante sur un plan théorique, la solution retenue par l'arrêt SIPB ne devrait plus, à l'avenir, être mise en oeuvre en matière de contrats d'occupation domaniale sauf s'il s'agit, le cas échéant, d'offrir une planche de salut à un requérant particulièrement mal conseillé. On peut toutefois penser, plus vraisemblablement, que le juge refusera à l'avenir de considérer que le requérant, qui n'est pas censé ignorer la jurisprudence du Conseil d'Etat, ait put être induit en erreur "sur l'existence de relations contractuelles", dès lors que l'on sait désormais qu'un contrat d'occupation domaniale doit nécessairement être écrit.


(1) CE, Sect., 11 février 2015, n° 252169, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6712DGP), p. 45, concl. C. Devys ; JCP éd. G, 2005, II, 10070, concl.. C. Devys, note M.-.C. Rouault, JCP éd. A, 2005, 1132, note J. Moreau.
(2) CE 1° et 6° s-s-r., 13 novembre 2009, n° 306517, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A1565ENB), RD sanit. soc., 2010, p. 141, obs. D. Cristol.
(3) CE 1° et 6° s-s-r., 17 décembre 2008, n° 292088, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8751EBQ), AJDA, 2009, p. 432, note S. Merenne, JCP éd. G, 2009, p. 58, note S. Deygas, Procédures, févr. 2009, p. 30.
(4) CE, Sect., 5 janv. 1966, Sieur Hawezack, Rec. CE, 1966, p. 6.
(5) CE 1° et 4° s-s-r., , 25 avril 1979, n° 00914 (N° Lexbase : A7132B8N), Rec., p. 161 ; CE 1° et 4° s-s-r., 18 décembre 1987, n° 33799, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A6182APN).
(6) CE, Sect., 25 janvier 1952, Vacqué, Rec. p. 60 ; CE, 15 juillet 1958, Dufour, Rec. p. 458 ; T. confl., 25 mars 1968, n° 01919 (N° Lexbase : A8446BD8), Rec., p. 793.
(7) Ass. plén., 29 mars 1991, n° 89-15.231 (N° Lexbase : A0285AB8), JCP éd. G, 1991, II, 21673, concl. H. Doutenwille, note Ghestin, D., 1991, p. 324, note C. Larroumet, D., 1991, p. 157, note G. Viney et somm., p. 324, obs. J.-L. Aubert, Gaz. Pal., 1992, II, p. 513, note F. Chabas, Defrénois, 1991, p. 729, obs. J.- L. Aubert, RTD, Civ. 1991, p. 312, obs. J. Hauser et p. 541, obs. P. Jourdain.
(8) Cass. civ. 2, 20 janvier 2000, n° 98-17.005 (N° Lexbase : A5508AWW), Bull. civ. 2000, II, n° 15, p. 10, D., 2000, jurispr., p. 571, note M. Huyette.
(9) CE 1° et 6° s-s-r., 3 juin 2009, n° 300924, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7219EHT), RD sanit. soc., 2009, p. 768, note D. Cristol.
(10) Voir par ex. CE 3° et 8° s-s-r., 10 avril 2002, n° 238212, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5761AYZ), Rec. p. 123, RFDA, 2002, p. 676. Dans cette affaire, le Conseil d'Etat considère que l'existence du pouvoir de police spéciale confié au ministre chargé de l'Aviation civile en matière de circulation aérienne exclut la possibilité pour le maire d'user des pouvoirs de police administrative générale pour règlementer les évolutions des aéronefs d'écoles de pilotage au-dessus du territoire de sa commune.
(11) CE 7° et 10° s-s-r., 2 juillet 1997, n° 161369, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0880AEC), D., 1997, inf. rap. p. 199, Quot. jur., 6 novembre 1997, Dr. adm., 1997, 323, Lettre J.-Cl. Env. 4/1997, p. 2.
(12) C. marchés publ., art. 11 (N° Lexbase : L3681IRR).
(13) CE, Sect., 20 avril 1956, Epoux Bertin : Rec. p.167, AJDA, 1956, II, p.272, concl. M. Long, chron. J.Fournier et G. Braibant, RDP, 1956, p.869, concl. M. Long, note M. Waline, D., 1956, p. 433, note A. de Laubadère, Rev. Adm., 1956, p.496, note G. Liet-Veaux.
(14) CE, 4 avril 1952, Compagnie navale des pétroles, Rec. p.211 ; CE 3° et 5° s-s-r., 28 juin 1999, n° 145849 (N° Lexbase : A4325AXH), Rec. Tables p. 989.
(15) CE, 25 juin 1969, n° 70876 (N° Lexbase : A7264B8K), Rec. p.342.
(16) CE, 21 mars 2003, n° 189191, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7834C8N), Rec. p. 144, AJDA 2003, p. 1935, note Subra de Bieusses, Dr. adm., 2003, n° 126, CJEG, 2003, p. 341, concl. S. Audry, Contrats-Marchés publ., 2003, comm. 128, Coll. Terr., 2003, 145, note L. Erstein, RFDA, 2003, p. 903, note J. Soulié.
(17) Conclusions sur CE, 19 décembre 1984, n° 29047, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6758ALU), Rec. p. 433.
(18) CE, Sect., 20 octobre 2000, n° 196553, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9119AH9), CJEG, 2001, p. 21, concl. H. Savoie, Dr. adm., 2000, 247, RFDA, 2000, p. 1353.
(19) CE., Ass., 28 décembre 2009, n° 304802, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0493EQC), p. 509, concl. E. Glaser, AJDA, 2010, p. 142, chron. J.-.S.Lieber et D. Botteghi, JCP éd. A, 2010, 2072, note F. Linditch.

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