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N6556BUD
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par Marie Le Guerroué, Rédactrice - Droit Privé
le 26 Mars 2015
I - Le logement des partenaires et les situations de crise, par Alix Mansard
L'article 515-4 du Code civil prévoit que les partenaires liés par un PACS s'engagent à une "vie commune" (N° Lexbase : L8512HW8). Cette précision rappelle que le logement de la famille est partie primordiale du PACS. Au-delà des évolutions de la loi de 1999 créatrice du PACS (loi n° 99-944 du 15 novembre 1999, relative au pacte civil de solidarité N° Lexbase : L7500AIM), les lois de 2006 (loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, portant réforme des successions et des libéralités N° Lexbase : L0807HK4) et 2014 (loi n° 2014-873 du 4 août 2014, pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes N° Lexbase : L9079I3N) ont permis de faire évoluer la protection du logement de la famille pour les partenaires.
A. Les partenaires locataires
La cotitularité volontaire du bail est, désormais, prévue à l'article 1751 du Code civil (N° Lexbase : L8983IZQ). Le droit au bail qui sert à l'habitation des partenaires, dès lors que ces derniers en font la demande conjointement, est réputé appartenir à l'un et à l'autre. A partir du moment où les deux partenaires en font la demande à leur bailleur, ce dernier est tenu de l'accepter. Deux conséquences peuvent être relevées en pratique : d'abord l'inefficacité de la résiliation décidée par un seul des partenaires, et, réciproquement, le congé donné par le bailleur à un seul des partenaires est inopposable à l'autre.
Il existe une solidarité des dettes de loyer et des charges de copropriété entre les partenaires. Cette solidarité est prévue par l'article 515-4, alinéa 2, du Code civil (N° Lexbase : L7842IZH) qui prévoit que "les partenaires sont tenus solidairement à l'égard des tiers des dettes contractées par l'un d'eux pour les besoins de la vie courante". Le code prévoit une exception à cette solidarité concernant "les dépenses manifestement excessives", exception qui n'aura, de toute évidence, pas à s'appliquer au loyer ou aux charges y afférents. Tant que le PACS n'est pas résilié, les partenaires sont solidaires sur le règlement du loyer, même si l'un d'eux n'est pas titulaire du bail.
L'abandon de domicile, par un partenaire, sera différemment envisagé selon la loi qui sera applicable au contrat de bail. Contrairement aux concubins, si le bail est soumis à la loi de 1948 (N° Lexbase : L4772AGT), cette loi s'applique dans les mêmes conditions que pour les couples mariés. Le partenaire bénéficie d'un droit à se maintenir dans les lieux (loi du 1er septembre 1948, art. 5) à la condition que ledit partenaire ait eu sa résidence principale dans les lieux depuis au mois un an. Même si le partenaire n'était pas cotitulaire de ce bail, il peut se le voir appliquer (1). Si le bail est soumis à la loi du 6 juillet 1989, l'article 14 s'applique et le contrat de location se poursuit au profit du partenaire pacsé qui reste dans l'appartement.
Une nouvelle disposition a, également, été envisagée par la loi ALUR du 24 mars 2014 (N° Lexbase : L8342IZY) concernant les partenaires colocataires. L'article 1751-1 du Code civil ([LXB=L8983IZQ ]) prévoit, désormais, qu'"en cas de dissolution du pacte civil de solidarité, l'un des partenaires peut saisir le juge compétent en matière de bail aux fins de se voir attribuer le droit au bail du local, sans caractère professionnel ou commercial, qui sert effectivement à l'habitation des deux partenaires, sous réserve des créances ou droits à indemnité au profit de l'autre partenaire". Le juge d'instance est compétent pour statuer dans la mesure où les partenaires sont cotitulaires du bail. Il apprécie la demande "en considération des intérêts sociaux et familiaux des parties". On peut estimer, qu'en présence d'enfants communs, le partenaire qui bénéficie de leur résidence pourra plus facilement conserver le bail.
Dans le cadre d'un seul partenaire titulaire du bail qui adresse son congé au bailleur, l'autre partenaire doit quitter le logement, à moins que le bailleur n'accepte de contracter un nouveau bail.
B. Les partenaires propriétaires
1. Les deux partenaires propriétaires
Dans le cadre d'une liquidation, le principe est que les partenaires tentent de liquider eux-mêmes leurs intérêts patrimoniaux. En cas de désaccord, la partie la plus diligente saisit le juge aux affaires familiales qui, lui, peut ordonner le partage.
S'agissant du sort de la créance entre partenaire, il sera différent selon le régime applicable. Désormais, le régime légal est de celui de la séparation des patrimoines prévu par la loi du 23 juin 2006 applicable aux PACS contractés depuis le 1er janvier 2007, régime qui s'apparente fortement au régime de la séparation des biens. Il remplace l'ancien régime légal de l'indivision auquel les partenaires étaient soumis.
Dans le cadre du régime légal de séparation des patrimoines, la créance peut parfaitement être sollicitée entre partenaires dans le cadre de la liquidation de leur PACS.
Pour le partenaire qui a surcontribué, par exemple au remboursement du bien ou à des travaux, l'article 515-7 du Code civil (N° Lexbase : L8901IPD) renvoie pour l'évaluation du bien à l'article 1469 du Code civil (N° Lexbase : L8455HW3). A défaut de convention contraire, les créances sont valorisées au profit du subsistant. Il est précisé, en revanche, comme dans le régime de séparation de biens, que "ces créances peuvent être compensées avec les avantages que leur titulaire a pu retirer de la vie commune, notamment en ne contribuant pas à hauteur de ses facultés aux dettes contractées pour les besoins de la vie courante". Par conséquent, comme dans le régime de séparation de biens du couple mariés, les créances peuvent être neutralisées par le jeu de la contribution aux charges du couple "pacsé".
Dans le régime conventionnel de l'indivision organisée, l'article 515-5-1 du Code civil (N° Lexbase : L8520HWH) prévoit que "les partenaires peuvent, dans la convention initiale ou dans une convention modificative, choisir de soumettre au régime de l'indivision les biens qu'ils acquièrent, ensemble ou séparément, à compter de l'enregistrement de ces conventions. Ces biens sont alors réputés indivis par moitié, sans recours de l'un des partenaires contre l'autre au titre d'une contribution inégale".
Ainsi, toute indivision est donc présumée indivise par moitié, aucune créance ne peut être revendiquée dans le cadre d'un apport financier au bien. Il existe, toutefois, un tempérament à cette règle lorsque le bien est donné ou perçu par succession (v. C. civ., art. 515-5-2 N° Lexbase : L8521HWI).
Contrairement au régime applicable au concubinage, il existe une possibilité d'attribution préférentielle qui peut être sollicitée en cas de dissolution du PACS. L'un des partenaires peut demander au juge aux affaires familiales de trancher sur l'attribution préférentielle du logement et du mobilier qui le garnit à partir du moment où il s'agit d'un bien qui appartient aux deux partenaires (C. civ., art. 515-6 N° Lexbase : L8523HWL renvoyant aux article 831 et suivants N° Lexbase : L9963HNC). Le juge n'est pas tenu de l'accorder. Pour se déterminer, il prendra en considération "l'intérêt de la famille" et les possibilités financières des partenaires, afin que l'un des deux rachète la part de l'autre dans le bien. Le droit de partage qui s'applique est de 2,5%. Le juge aux affaires familiales peut, également, ordonner la licitation du bien.
Le logement indivis peut également faire l'objet d'un maintien dans l'indivision lorsque la réalisation immédiate du partage risquerait de porter atteinte à la valeur du bien (C. civ., art. 820 N° Lexbase : L9951HNU) : le juge ordonne alors un sursis à partage pour une durée de deux ans.
Le droit classique de l'indivision s'applique alors et une indemnité d'occupation est due à l'indivision par le partenaire qui reste dans le bien.
Enfin, le juge aux affaires familiales, comme dans toute indivision, peut ordonner la licitation du bien.
2. Un seul concubin propriétaire
Contrairement au couple marié, il n'existe pas de principe de cogestion des actes importants liés au domicile. Par conséquent, lorsqu'un seul des partenaires est propriétaire du logement, il peut prendre seul toutes les décisions qui concernent le bien. En cas de dissolution du PACS, le partenaire restant n'a aucun droit au maintien dans les lieux. Contrairement au divorce, il n'existe pas de possibilité de se voir concéder un bail forcé. En revanche, si le partenaire non propriétaire du logement a participé au financement du logement, il peut naturellement solliciter une créance. La créance pouvant, toutefois, être neutralisée par le jeu de la contribution aux charges du couple.
C. Le décès d'un des partenaires
En cas de décès d'un des partenaires du PACS, des dispositions particulières s'appliquent. Dans le cadre d'un bail soumis à la loi de 1948 (Loi du 1er septembre 1948, art. 5), le partenaire survivant résidant dans les lieux depuis plus d'un an, bénéficie du droit de s'y maintenir. Dans le cadre d'un bail soumis à la loi de 1989, le contrat de bail est immédiatement transféré au profit du conjoint survivant.
De façon, plus générale, la loi ALUR du 26 mars 2014 introduit une nouvelle disposition. En effet, aux termes de l'article 1751, alinéa 3, du Code civil "le partenaire survivant cotitulaire du bail dispose d'un droit exclusif sur celui-ci sauf s'il y renonce expressément" et ce même si les partenaires n'avaient pas fait au préalable de demande conjointe pour être cotitulaire du bien. Ainsi, aujourd'hui, le partenaire survivant bénéficie tant du droit à se maintenir sur les lieux, que du transfert du contrat de location à son profit. En cas de décès, il existe également un droit à l'attribution préférentielle des biens dont sont propriétaires les partenaires à la condition, cependant, que le partenaire l'ait expressément prévu par testament (C. civ. art. 515-6 al. 2 N° Lexbase : L8523HWL).
Enfin, l'article 515- 6, alinéa 3, du Code civil (N° Lexbase : L8523HWL), qui renvoie à l'article 763 (N° Lexbase : L9840HNR) du même code, prévoit un droit temporaire au logement pour le partenaire survivant, c'est à dire une jouissance gratuite du logement pendant un an sur le logement ainsi que sur mobilier qui le garnit. Cet article s'applique à deux conditions : d'abord que le partenaire successible occupait effectivement le logement à titre d'habitation principale et, ensuite, qu'il s'agissait d'un logement appartenant aux deux partenaires ou dépendant totalement de la succession.
II - Le logement des époux et les situations de crise, par Franck Cartier
A. Les règles principales applicables à la protection du logement des époux
La première règle est relative à la protection particulière du logement (C. civ., art. 215 al. 3 N° Lexbase : L2383ABU). Tous les actes de disposition du logement familial requièrent le consentement des deux époux, même si le logement n'appartient qu'à l'un d'entre eux, ou si le logement est loué. La sanction en cas de défaut de consentement d'un époux est la nullité de l'acte. Il s'agit d'une nullité relative car seul le conjoint peut la demander. Les actes de disposition pouvant être concernés sont, par exemple, l'aliénation de droits réels à titre gratuit ou onéreux, la constitution de droits réels au profit d'un tiers, le bail, la sous-location, le mandat de vente et même la résiliation d'un contrat d'assurance. Cette protection perdure durant toute l'instance en divorce (Cass. civ. 1, 26 janvier 2011, n° 09-13.138, F-P+B+I N° Lexbase : A6971GQA). Si les époux sont mariés sous le régime de la communauté, et que logement est un bien commun, ils peuvent bénéficier de la protection renforcée. En effet, l'article 1424 du Code civil (N° Lexbase : L2300IBS) prévoit que "les époux ne peuvent, l'un sans l'autre, aliéner ou grever de droits réels les immeubles, fonds de commerce et exploitations dépendant de la communauté, non plus que les droits sociaux non négociables et les meubles corporels dont l'aliénation est soumise à publicité. Ils ne peuvent, sans leur conjoint, percevoir les capitaux provenant de telles opérations. De même, ils ne peuvent, l'un sans l'autre, transférer un bien de la communauté dans un patrimoine fiduciaire". Cette protection demeure relative puisqu'elle n'est pas opposable aux créanciers. Si les époux sont tous deux propriétaires, le bien constituant le logement de la famille n'échappe pas au gage des créanciers du conjoint propriétaire ou des deux époux. Les créanciers peuvent prendre une inscription d'hypothèque judiciaire ou provoquer le partage des biens indivis, etc.
La seconde règle applicable est issue de l'article 1751 du Code civil (N° Lexbase : L8983IZQ). Elle instaure une cotitularité du droit au bail à usage exclusif d'habitation. Le conjoint non signataire du bail a la qualité de locataire, et ce quelque soit le régime matrimonial applicable, et même si le contrat de bail a été signé avant le mariage (Cass. civ. 3, 1 avril 2009, n° 08-15.929, FS-P+B N° Lexbase : A5289EEM). Le contrat de bail ne peut être résilié sans l'accord des deux époux (Cass. civ. 3, 19 juin 2002, n° 01-00.652, FS-P+B N° Lexbase : A9391AYH). Cette cotitularité dure pendant toute la durée du mariage et ne cesse qu'au jour de la transcription du jugement de divorce (Cass. civ. 2, 3 octobre 1990, n° 88-18.453 N° Lexbase : A3920AHN).
Si le principe est la cogestion du logement par les époux, il existe, cependant, des tempéraments. Le premier tempérament est issu de l'article 219 du Code civil (N° Lexbase : L2388AB3). Cet article prévoit que si "l'un des époux se trouve hors d'état de manifester sa volonté, l'autre peut se faire habiliter par justice à le représenter, d'une manière générale, ou pour certains actes particuliers, dans l'exercice des pouvoirs résultant du régime matrimonial, les conditions et l'étendue de cette représentation étant fixées par le juge". Le juge compétent sera le juge aux affaires familiales si l'époux est absent, en revanche, si l'époux est présent mais hors d'état de manifester sa volonté, le juge des tutelles sera compétent. S'il s'agit d'un acte de disposition dont l'autorisation est demandée au juge, ce dernier donnera un mandat spécial avec toutes les conditions précises dans son jugement. Par exemple, dans le cadre d'une vente, il précisera le prix de la vente et l'emploi qui en sera fait. S'il s'agit de la conclusion d'un bail, le juge précisera la durée du bail, le montant du loyer et l'emploi de ce dernier.
Le second tempérament est prévu par l'article 217 du Code civil (N° Lexbase : L2386ABY). Cet article permet à un époux de pouvoir être autorisé en justice à passer seul un acte pour lequel le concours ou le consentement de son conjoint serait nécessaire.
Ce tempérament est possible si l'autre conjoint est hors d'état de manifester sa volonté (compétence du juge des tutelles) ou si son refus n'est pas justifié par "l'intérêt de la famille" (compétence du JAF).
Dans ce dernier cas, les juges du fond apprécient souverainement la notion "d'intérêt de la famille". Ils ont, par exemple, donné leur autorisation de mise en vente du domicile conjugal lorsque l'un des époux devait acquitter un passif commun jugé trop onéreux pour le compte de la famille, ou pour des époux qui bénéficient d'un plan de surendettement. La Cour de cassation a pu préciser que dans le cadre d'une procédure de divorce, même si le domicile conjugal avait été attribué à l'autre époux, celui qui ne s'est pas vu attribuer la jouissance peut demander sur le fondement de l'article 217 du Code civil, à pouvoir être autorisé en justice à vendre le bien (Cass. civ. 1, 30 septembre 2009, n° 08-13.220, FS-P+B N° Lexbase : A5809ELQ).
B. Les mesures provisoires
Aujourd'hui, le juge conciliateur statue sur les modalités de la résidence séparée (C. civ., art. 255 N° Lexbase : L2818DZE). Cette faculté n'est pas dénuée d'intérêt sur le plan pénal. En effet, l'article 311- 12 du Code pénal (N° Lexbase : L3344HIP) précise que "ne peut donner lieu à des poursuites pénales le vol commis par une personne [...] au préjudice de son conjoint, sauf lorsque les époux sont séparés de corps ou autorisés à résider séparément". L'immunité familiale applicable au vol entre époux ne l'est plus pour les conjoints séparés de corps ou résidant séparément. Dans les nouvelles dispositions, l'époux n'est pas autorisé à résider séparément jusqu'à ce qu'il soit statué sur des modalités de résidence séparée. Le conjoint conserve donc cette immunité jusqu'au prononcé du divorce.
1. Les époux locataires
La solidarité de l'article 1751 du Code civil s'applique jusqu'à la transcription du divorce en marge des actes d'état civil, il s'agit d'un rappel constant de la Cour de cassation (Cass. civ. 3, 31 mai 2006, n° 04-16.920, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A7229DPG). La solidarité est même entendue de manière étendue à toutes les obligations nées du bail tel que le paiement du loyer, les charges locatives, et les indemnités dues pour la dégradation. Face à la difficulté de l'époux qui perçoit une pension alimentaire mais qui ne paye pas le loyer, il existe une possibilité de demander au juge aux affaires familiales de demander que le devoir de secours prenne la forme d'un versement direct du loyer soit dès l'ordonnance de non conciliation, soit par un incident en cours de procédure. La seconde possibilité est de recouvrer les fonds par le biais de la liquidation du régime matrimonial.
2. Les époux propriétaires
Aux termes de l'article 255 du Code civil "le juge peut notamment [...] attribuer à l'un [des époux] la jouissance du logement et du mobilier du ménage ou partager entre eux cette jouissance, en précisant son caractère gratuit ou non et, le cas échéant, en constatant l'accord des époux sur le montant d'une indemnité d'occupation". Il est important, pour le juge, de préciser la nature de la jouissance qui est attribuée à l'un des époux, soit au titre du devoir de secours, soit au titre de l'article 373-2 du Code civil (N° Lexbase : L2905AB9), à travers les modalités de règlement de la part contributive à l'entretien et l'éducation des enfants. Le juge conciliateur n'a pas la possibilité de fixer le montant de l'indemnité d'occupation sauf accord entre les époux. Il est, cependant, de l'intérêt des parties de donner des indications sur la valeur locative à la fois pour prendre date sur la future jouissance, mais également pour des raisons fiscales. L'attribution à titre gratuit est, en effet, une des modalités d'exécution du devoir de secours et, à ce titre, elle peut permettre une déduction de la part de celui qui est débiteur du devoir de secours et une imposition pour celui qu'il l'occupe, au même titre que la pension alimentaire.
Concernant le règlement de l'emprunt, lorsqu'il existe, il appartient au juge aux affaires familiales de statuer, à la demande des parties, sur ce le sort de l'emprunt. Celui-ci sera, soit partagé entre les époux, soit réglé par un seul au titre du règlement provisoire des dettes ou au titre du devoir de secours. Ainsi, la Cour de cassation a pu retenir qu'"après avoir constaté que ni l'ordonnance de non conciliation ni les décisions postérieures à celle-ci ne privaient M. X du droit d'être indemnisé dans le cadre de la liquidation de l'indivision post-communautaire, la cour d'appel en a exactement déduit, par motifs propres et adoptés, qu'il devait être tenu compte dans la liquidation des remboursements effectués par le mari au titre des emprunts communs (Cass. civ. 1, 6 janvier 2010, n° 08-20.193, F-D N° Lexbase : A2116EQG). Il appartient au juge aux affaires familiales de statuer sur la nature du paiement de l'emprunt.
Le principe de la jouissance et du caractère gratuit du bien détenu par les époux sous forme de société civile immobilière (SCI) peut également poser des difficultés pratiques. Le juge ne peut statuer ni sur l'attribution de la jouissance, ni a fortiori sur le caractère de celle-ci lorsque le bien est détenu par une SCI, et ce, même si seul les deux époux y sont associés. La société fait écran et, à défaut de bail ou de convention d'occupation conclue par la SCI et les époux ou de décision éventuelle de l'assemblée générale, il n'est pas possible de statuer sur ces dispositions. Deux solutions peuvent être envisagées. La première est de recourir au droit des sociétés et à la désignation d'un administrateur provisoire sur le fondement de l'article 808 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0695H4I) selon lequel "dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de grande instance peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend". La seconde solution est de recourir au référé du juge aux affaires familiales sur le fondement de l'article 220-1 du Code civil (N° Lexbase : L7169IMH). Cette dernière solution est, cependant, conditionnée à un manquement grave à ses devoirs de l'un des époux.
B. Le prononcé du divorce et le sort du logement
1. La prestation compensatoire
L'article 274, alinéa 2, du Code civil permet (N° Lexbase : L2840DZ9) au juge de décider des modalités d'exécution de la prestation compensatoire en capital et de retenir l'"attribution de biens en propriété ou d'un droit temporaire ou viager d'usage, d'habitation ou d'usufruit, le jugement opérant cession forcée en faveur du créancier". Cette possibilité existe, quelque soit la nature du bien et quelque soit le régime matrimonial, à l'exception de ceux qui sont rentrés, par voie de donation ou de succession, dans le patrimoine propre du débiteur de la prestation compensatoire.
Saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité sur l'atteinte à la propriété constituée par une telle disposition, le Conseil constitutionnel s'est prononcé le 13 juillet 2011 (Cons. const., décision n° 2011-151 QPC, du 13 juillet 2011 N° Lexbase : A9939HUN). Le Conseil évoque la nécessaire subsidiarité de l'attribution de la prestation compensatoire sous forme d'un des droits relatifs au logement. Le Conseil estime que : "l'atteinte au droit de propriété qui résulte de l'attribution forcée prévue par le 2° de cet article ne peut être regardée comme une mesure proportionnée au but d'intérêt général poursuivi que si elle constitue une modalité subsidiaire d'exécution de la prestation compensatoire en capital ; que, par conséquent, elle ne saurait être ordonnée par le juge que dans le cas où, au regard des circonstances de l'espèce, les modalités prévues au 1° n'apparaissent pas suffisantes pour garantir le versement de cette prestation". Il est donc possible, à titre subsidiaire, d'avoir recours à l'article 274, alinéa 2 du Code civil.
Le juge doit toujours fixer le montant de la prestation compensatoire, la valeur des biens attribués, avant d'en fixer les modalités (Cass. civ. 1, 1er juillet 2009, n° 08-18.344, F-D N° Lexbase : A5905EIK). La Haute juridiction précise que "s'il résulte de l'article 1080 du Code de procédure civile que lorsque des biens ou des droits sont attribués à titre de prestation compensatoire en application de l'article 274 du Code civil, la convention homologuée ou la décision qui prononce le divorce doit préciser leur valeur [...]" (2). Ainsi, la Cour de cassation casse l'arrêt attaqué qui attribue à une épouse, à titre de prestation compensatoire, un droit viager d'usufruit sur la part de l'époux dans l'immeuble commun, sans en fixer le montant (Cass. civ. 1, 11 février 2009, n° 08-11.137, F-D N° Lexbase : A1332EDP ; v., en ce sens également, Cass. civ. 1, 14 novembre 2006, n° 04-16.997, F-P+B N° Lexbase : A5197DSB).
Doivent également absolument être précisé, aux termes de l'article 1080, alinéa 2, du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0245HPR), les mentions nécessaires à la publication du titre de propriété dans les formes prévues par le décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière (N° Lexbase : L9182AZ4), dès lors que les biens ou droits sont soumis à la publicité foncière.
2. La liquidation du régime matrimonial
L'article 267 du Code civil, (N° Lexbase : L2834DZY) prévoit la possibilité pour le juge de statuer sur des demandes de maintien dans l'indivision ou d'attribution préférentielle.
S'agissant du maintien dans l'indivision, l'article 267 alinéa 2 et l'article 815 (N° Lexbase : L9929HN3) du Code civil permettent au juge de maintenir dans l'indivision pour une durée déterminée le logement, et ainsi, de différer la vente du bien.
S'agissant de l'attribution préférentielle, elle peut porter sur des biens communs ou indivis et peut-être formé, tant devant le juge du divorce, que pendant le partage, tant qu'il n'a pas été ordonné par une décision irrévocable. Cette attribution n'est pas de droit. Il s'agit d'une attribution souveraine des juges du fond qui la rejette lorsqu'elle ferait courir un risque à l'un des copartageants, en raison de sa situation financière précaire (v., not., Cass. civ. 1, 21 septembre 2005, n° 02-20.287, F-D N° Lexbase : A4996DKA).
Enfin, l'article 834 du Code civil (N° Lexbase : L9973HNP) prévoit une possibilité pour le conjoint de renoncer aux bénéfices de l'attribution préférentielle jusqu'au jour du partage. Elle est, toutefois, limitée puisque l'article précise que "le bénéficiaire de l'attribution préférentielle ne devient propriétaire exclusif du bien attribué qu'au jour du partage définitif. Jusqu'à cette date, il ne peut renoncer à l'attribution que lorsque la valeur du bien, telle que déterminée au jour de cette attribution, a augmenté de plus du quart au jour du partage indépendamment de son fait personnel".
Dans l'hypothèse ou le bien est propre ou personnel à l'un des époux, le juge peut le concéder à bail au conjoint, et ce, quelque soit le type de divorce en cause puisque "si le local servant de logement à la famille appartient en propre ou personnellement à l'un des époux, le juge peut le concéder à bail au conjoint qui exerce seul ou en commun l'autorité parentale sur un ou plusieurs de leurs enfants lorsque ceux-ci résident habituellement dans ce logement et que leur intérêt le commande" (C. civ., art. 285-1 N° Lexbase : L2853DZP). Le juge fixe la durée du bail et peut le renouveler jusqu'à la majorité du plus jeune des enfants.
3. Le bien loué
L'article 1751 du Code civil (N° Lexbase : L8983IZQ) s'applique, quant à lui, si le bien est loué. Il précise qu'"en cas de divorce ou de séparation de corps, [le droit au bail] pourra être attribué, en considération des intérêts sociaux et familiaux en cause, par la juridiction saisie de la demande en divorce ou en séparation de corps, à l'un des époux, sous réserve des droits à récompense ou à indemnité au profit de l'autre époux".
Conclusion
L'étude du logement des partenaires et des époux confrontés aux situations de crises, montre une certaine homogénéisation des différentes protections qui leurs sont réservées. Une protection qui ne se retrouve que dans une moindre mesure pour les concubins. L'engagement contractuel semble donc être la condition première de la protection effective du logement du couple.
(1) V. la jurisprudence relative aux concubins (cf. Lexbase Hebdo n° 605 du 19 mars 2015 - édition privée N° Lexbase : N6407BUT).
(2) Il existe également des arrêts concernant l'attribution en usufruit et l'attribution en propriété.
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