Lexbase Social n°602 du 19 février 2015 : Rémunération

[Jurisprudence] Des éléments de rémunération à prendre en compte pour vérifier le respect du salaire minimum

Réf. : Cass. soc., 4 février 2015, deux arrêts, n° 13-18.523, FS-P+B (N° Lexbase : A2403NBM) et n° 13-20.879, FS-P+B (N° Lexbase : A2415NB3)

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par Christophe Radé, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

le 17 Mars 2015

Les décisions rendues par la Cour de cassation depuis 2010 en matière d'exclusion des primes de pauses des sommes à prendre en compte pour vérifier le respect par l'employeur du salaire minimum ont jeté le trouble sur la pérennité des solutions admises classiquement. Deux nouveaux arrêts rendus le 4 février 2015 confirment la prise en compte du critère de la "contrepartie du travail" (I) s'agissant de primes d'atelier et de tonnages (II).
Résumés

Ne peut être prise en compte pour vérifier si le minimum conventionnel a été respecté la prime d'atelier dont le versement est lié à la présence effective du salarié dans l'entreprise (n° 13-18.523).

Constitue la contrepartie d'un travail, et doit donc être incluse dans la liste des sommes prises en compte au titre du SMIC, la prime déterminée en fonction du tonnage produit auquel participait le salarié (n° 13-20.879).

Commentaire

I - Le SMIC et les sommes versées en contrepartie du travail

Cadre juridique applicable. Les partenaires sociaux qui prévoient une rémunération minimum peuvent, dès lors que celle-ci est d'un montant supérieur au SMIC, déterminer, parmi les éléments qui composent la rémunération, ceux qui doivent être pris en compte pour vérifier si ce minimum est atteint. Dans ce cas, le juge doit appliquer la convention selon l'intention des signataires de l'accord (1).

Lorsque les partenaires sociaux n'ont rien prévu au titre des sommes à inclure, ou à exclure, dans le salaire conventionnel minimum, ou lorsqu'il s'agit de vérifier le respect, par l'employeur, du SMIC, alors il appartient au juge de se déterminer conformément aux maigres dispositions réglementaires applicables (2), et dans le cadre des directives données par la Cour de cassation.

La promotion du critère de la contrepartie du travail. A la suite des arrêts ayant exclu les primes de pause des sommes à prendre en considération pour vérifier le respect par l'employeur du SMIC (3), au motif que ces pauses ne constitueraient pas un temps de travail effectif, on s'est interrogé sur la portée pratique de la promotion du critère de la "contrepartie" d'un temps de travail effectif, singulièrement de son impact sur les solutions admises antérieurement qui avaient retenus d'autres critères pour décider de l'intégration, ou non, des primes pour vérifier si l'employeur respecte ses obligations en matière de salaire minimum, l'hypothèse d'une généralisation de ce critère, se substituant à tout autre, semblant se vérifier au regard des solutions admises postérieurement (4).

Les solutions admises depuis semblent, en effet, confirmer la promotion d'un critère unique dégagé en 2011, celui de la "contrepartie du travail", ce qui écarte de l'assiette du SMIC les primes dont le versement est déconnecté de l'accomplissement d'un travail effectif (5), et inclut les primes dont le régime est aligné sur celui du salaire, singulièrement lorsqu'elles ne sont pas dues lorsque le salarié est absent (6). Ont également été prises en compte dans la vérification des minimas "les primes d'objectifs, basées sur les commandes réalisées sur le secteur de la salariée, et les primes de challenge, portant sur la réalisation d'un objectif en nombre de commandes pour des produits donnés [...] dépendaient de l'activité de la salariée" (7).

II - Nouvelles illustrations du critère de la contrepartie

Arrêt n° 13-18.523. Un salarié avait saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'un rappel de salaire pour non-respect du SMIC, considérant que son employeur avait indument intégré, dans le calcul de celui-ci, une prime de bonus qui aurait dû, selon lui, lui être versée en plus.

Il avait obtenu gain de cause en appel, la cour ayant considéré que la prime de bonus litigieuse n'avait aucun caractère prévisible, que son montant était fort variable, que le barème selon lequel elle était calculée n'était pas défini par un accord collectif, et que son montant ne dépendait pas uniquement de la production du salarié dès lors que le tonnage produit était aussi fonction de contraintes imposées par d'autres services.

L'arrêt est cassé. La Chambre sociale de la Cour de cassation considérant que la prime étant déterminée en fonction du tonnage produit auquel participait le salarié, elle constituait la contrepartie d'un travail et devait donc être prise en compte pour vérifier si le salarié percevait le SMIC.

Cette solution confirme la jurisprudence classique. On sait, en effet, que les primes calculées sur les résultats de l'entreprise sont trop indépendantes du travail fourni par le salarié et qu'elles doivent donc être versées en plus des minimas (8), alors que celles qui sont indexées sur les performances des équipes au sein desquelles les salariés sont intégrés sont suffisamment dépendantes du travail accompli par le salarié pour être considérées comme étant versées, même partiellement, en contrepartie du travail fourni (9).

Arrêt n° 13-20.879. Cette affaire concernait le respect par un employeur du minimum conventionnel prévu par la l'article 4.11 de la Convention collective nationale des employés et ouvriers des entreprises du bâtiment (N° Lexbase : X0763AEY) occupant plus de dix salariés, et singulièrement, la prise en compte d'une prime d'atelier pour vérifier le respect du minimum. Un salarié avait, en effet, saisi la juridiction prud'homale d'une demande de rappels de salaire, en raison du non-respect par l'employeur du minimum conventionnel, et avait obtenu gain de cause.

L'employeur prétendait, dans le cadre du pourvoi, prendre en compte le versement de cette prime pour justifier avoir respecté le minimum conventionnel. Il faisait valoir que cette prime était calculée en fonction de la production de l'atelier, et, par conséquent, qu'elle était versée en considération du travail réalisé par chaque salarié, ce qui justifiait sa prise en compte.

Tel n'est pas l'avis de la Chambre sociale de la Cour de cassation qui confirme la décision rendue en appel et rejette le pourvoi.

Pour la Haute juridiction, en effet, il résulte des termes mêmes de la convention collective applicable que "les primes qui ne rémunèrent pas le travail du salarié, mais qui sont liées à sa présence ou à son ancienneté dans l'entreprise, n'entrent pas dans le calcul du minimum conventionnel", ce qui était bien le cas de cette prime dont le salarié avait perdu le bénéfice lorsqu'il avait été absent de l'entreprise pendant quatre mois.

Ici encore, la Cour confirme la jurisprudence traditionnelle qui excluait les primes d'assiduité (10), ou d'ancienneté (11), des minimas, dès lors qu'elles ne viennent pas rémunérer un travail accompli, mais sont versées en raison de données propres à la personne du salarié, comme son assiduité (12).


(1) Dernièrement Cass. soc., 24 avril 2013, n° 12-10.196, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A5202KCN) : voir nos obs., Du rétablissement de l'égalité de traitement, Lexbase Hebdo n° 527 du 16 mai 2013 - édition sociale (N° Lexbase : N7016BTZ) ; RDT, 2013, p. 497, obs. M.-A. Souriac. Cass. soc., 15 mai 2014, n° 12-29.767, F-D (N° Lexbase : A5504MLG) : "les avantages individuels acquis constitués par le versement, en plus d'un salaire de base, de primes de vacances, familiale et d'expérience, ne font pas partie, dans l'accord instituant une rémunération annuelle minimale conventionnelle, des éléments exclus de l'assiette de comparaison pour déterminer la dite rémunération".
(2) L'article D. 3231-6 du Code du travail (N° Lexbase : L9056H9B) ne comporte pas, en effet, de critères véritablement exploitables.
(3) Cass. soc., 13 juillet 2010, n° 09-42.890, FS-P+B (N° Lexbase : A6850E4H), v. nos obs., Primes de pause et respect du SMIC, Lexbase Hebdo n° 405 du 29 juillet 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N6900BPA) ; JCP éd. S, 2010, 1536, note J.-Ph. Tricoit ; CSBP, 2010, n° 223, p. 299, S 265, obs. F.-J. Pansier. Cass. crim.,15 février 2011, deux arrêts, n° 10-83.988, P+B+I (N° Lexbase : A1718GXW) et n° 10-87.019, FS-P+B+I (N° Lexbase : A1733GXH) ; v. les obs. de S. Tournaux, Prime de pause et Smic : confirmation... et variation ?, Lexbase Hebdo n° 430 du 3 mars 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N5103BRG), et l'interview croisée de Maîtres Clément et Laguillon, Pas de prise en compte de la rémunération du temps de pause dans le calcul du SMIC - Questions à Maître Philippe Clément, avocat au Barreau de Lyon, Fromont Briens et Maître Myriam Laguillon, avocat au barreau de Bordeaux, Lexbase Hebdo n° 430 du 3 mars 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N5096BR8) ; RDT, 2011 p. 319, note G. Pignarre ; D., 2011, p. 683, obs. A. Astaix ; JCP éd. E, 2011, 1313, note G. Vachet. Reprenant la même formule : Cass. crim., 22 novembre 2011, n° 11-80.013, F-P+B (N° Lexbase : A7703H8S). Cass. soc., 21 mars 2012, n° 10-21.737, FS-P+B+R (N° Lexbase : A4103IG3), JCP éd. G, 2012, 446, obs. G. Dedessus-Le-Moustier ; JCP éd. S, 2012, p. 1222, obs. G. Vachet. Cass. crim., 16 avril 2013, n° 12-80.774, F-D (N° Lexbase : A1527KDW). Cass. soc., 15 mai 2014, n° 12-29.490, F-D (N° Lexbase : A5597MLU).
(4) Cass. soc., 14 novembre 2012, n° 11-14.862, FS-P+B (N° Lexbase : A0339IXT) : voir nos obs., Assiette du SMIC : vers le grand chambardement ?, Lexbase Hebdo n° 507 du 29 novembre 2012 - édition sociale (N° Lexbase : N4628BTL) ; "la salariée percevait en plus de son salaire de base un complément métier, le conseil de prud'hommes qui a fait ressortir que ces sommes étaient versées en contrepartie du travail" ; un complément métier de quinze points prévu par la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951 (FEHAP) est versé à l'agent des services logistiques "dès lors qu'il exécute pendant au moins la moitié de son temps, ses tâches au contact des usagers".
(5) Cass. soc., 27 novembre 2014, n° 13-20.473, F-D (N° Lexbase : A5338M4H) : "l'indemnité différentielle forfaitaire prévue par l'article 4.2 de l'accord sur l'aménagement et la réduction du temps de travail du 6 décembre 1999, destinée à compenser la perte des heures supplémentaires jusqu'alors accomplies par le salarié, ne s'analyse pas comme une somme perçue en contrepartie du travail".
(6) Cass. soc., 20 novembre 2012, n° 11-23.783, F-D (N° Lexbase : A5037IXT) : "prime dite de versement uniforme' incorporé au salaire de base [et] devenu une prime d'usage, [qui] variait avec ce salaire ainsi qu'avec l'incidence des absences au travail, ce dont il résultait qu'il constituait la contrepartie de ce dernier".
(7) Cass. soc., 2 juillet 2014, n° 12-24.686, FS-D (N° Lexbase : A2696MTZ).
(8) Cass. soc., 2 avril 2003, n° 01-41.852, inédit (N° Lexbase : A6582A7W) : "cette prime de résultats qui trouve son origine dans un usage en vigueur dans l'entreprise, n'était pas fonction de la prestation de travail personnel du salarié mais était au contraire fondée sur les résultats financiers de l'entreprise de sorte qu'elle était susceptible d'être suspendu ou supprimée en cas de mauvais résultats, la cour d'appel en a déduit à bon droit que ladite prime n'avait pas le caractère d'un élément de salaire devant être pris en compte pour apprécier si la rémunération du salarié était égale au SMIC".
(9) Pour d'autres exemples, notre étude, La Cour de cassation apporte des précisions sur l'assiette des minima conventionnels, Lexbase Hebdo n° 392 du 22 avril 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N9426BNG).
(10) Cass. crim., 10 mai 1983, n° 82-90.654, publié (N° Lexbase : A9149CGX), Bull. crim., n° 137 ; Cass. soc., 27 janvier 1987, n° 84-95.098 (N° Lexbase : A1984AB4) ; Cass. soc., 12 novembre 1992, n° 89-45.090, inédit (N° Lexbase : A1971CSS) ; Cass. soc., 19 juin 1996, n° 93-45.958, inédit (N° Lexbase : A0249CXI) ; Cass. soc., 23 avril 1997, n° 94-41.701, inédit (N° Lexbase : A0980CZC) : "récompenser la stabilité et l'assiduité des salariés" ; Cass. soc., 19 mars 1985, n° 83-45.027 (N° Lexbase : A2827AAX), Bull. civ. V, n° 192.
(11) Cass. soc., 1er juin 1983, n° 81-40.010, publié (N° Lexbase : A6639CEM), Bull. civ. V, n° 295 ; Cass. crim., 3 janvier 1986, n° 84-95.123 (N° Lexbase : A3465AAL), Bull. crim., n° 4 ; Cass. soc., 27 janvier 1987, n° 84-95.098, préc., Bull. crim. n° 46 ; Cass. soc., 17 mars 1988, n° 84-14.494, publié (N° Lexbase : A8470AAX), Bull. civ. V, n° 194 ; Cass. crim., 29 novembre 1988, n° 86-96.566, inédit (N° Lexbase : A1822C7M) ; Cass. soc., 12 novembre 1992, n° 89-45.090, inédit (N° Lexbase : A1971CSS) ; Cass. soc., 24 février 1993, n° 89-45.840, inédit (N° Lexbase : A4702CZ8) ; Cass. soc., 19 juin 1996, n° 93-45.958, inédit (N° Lexbase : A0249CXI) ; Cass. soc., 23 avril 1997, n° 94-41.701, inédit (N° Lexbase : A0980CZC) ; Cass. soc., 1er juin 1983, n° 80-41 666, publié (N° Lexbase : A6637CEK), Bull. civ. V, n° 294 et 295 ; Cass. soc., 19 juin 1996, n° 93-45.958, inédit (N° Lexbase : A0249CXI), RJS, 1996, n° 1048 ; Cass. soc., 26 septembre 2001, n° 00-40.819, inédit (N° Lexbase : A1071AWL) ; Cass. soc., 28 janvier 2004, n° 02-43.701, F-D (N° Lexbase : A0611DBA) ; Cass. soc., 8 juin 2005, n° 04-46.233, F-D (N° Lexbase : A6582DIM) ; Cass. soc., 28 septembre 2005, n° 03-41.571, F-D (N° Lexbase : A5819DKQ).
(12) Cass. soc., 29 janvier 2002, n° 99-44842, publié (N° Lexbase : A8589AXE) ; Dr. soc., 2002, p. 460, et les obs..

Décisions

1) Cass. soc., 4 février 2015, n° 13-18.523, FS-P+B (N° Lexbase : A2403NBM).

Cassation (CA Lyon, 3 avril 2013, n° 11/02054 N° Lexbase : A4529KBD).

Textes visés : C. trav., L. 3231-1 (N° Lexbase : L0823H9D), L. 3231-2 (N° Lexbase : L0825H9G), D. 3231-5 (N° Lexbase : L9059H9E) et D. 3231-6 (N° Lexbase : L9056H9B).

Mots clef : SMIC ; composition ; prime de bonus.

Lien base : (N° Lexbase : E0877ETN).

2) Cass. soc., 4 février 2015, n° 13-20.879, FS-P+B (N° Lexbase : A2415NB3).

Rejet (CA Besançon, 14 mai 2013, n° 12/00184 N° Lexbase : A9304KIG).

Textes concernés : Convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment (N° Lexbase : X0763AEY).

Mots clef : minimum conventionnel ; composition ; prime d'atelier.

Lien base : (N° Lexbase : E0878ETP).

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