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par Sophie Cazaillet, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition fiscale
le 13 Mars 2014
Lexbase : Pourquoi les banques suisses ont-elles décidé de ne plus traiter avec les "fraudeurs" français ?
Didier de Montmollin : Le monde change ! Le Gouvernement suisse est en train de se rallier au principe d'un échange automatique d'informations fiscales, qui pourrait entrer en vigueur en 2016, s'agissant de la Suisse. Par ailleurs, les banquiers suisses réalisent qu'en maintenant un modèle d'affaire axé sur une clientèle française non-déclarée, ils prendraient le risque d'être appréhendés, voire mis en examen en application du droit français, à l'occasion de l'un de leurs prochains déplacements dans l'hexagone.
Lexbase : Les accords "Rubik" et "Fatca", ainsi que le projet français du même type font-ils peur aux institutions financières ?
Didier de Montmollin : Non. Certes, ces accords sont très lourds à gérer administrativement mais, s'ils sont correctement appliqués, ils contribuent à diminuer considérablement le risque de problèmes d'image ou d'implication dans une procédure pénale.
Lexbase : Quelles sont les menaces brandies par les banques face aux contribuables français récalcitrants ?
Didier de Montmollin : Les comportements des banques sont variés, même si toutes recommandent, au moins officiellement, aux clients concernés de se régulariser à Bercy.
Si le client suit la recommandation, pas de problème. Mais si le client n'est pas prêt à franchir ce cap, certaines banques vont le mettre à la porte, en lui remettant un chèque correspondant au solde du compte. Certaines vont accepter que le client s'achète des diamants au titre de nouvelles valeurs "refuge" -ce qui peut présenter un risque pénal pour la banque (blanchiment au sens du droit français), risque qui existe aussi mais, dans une moindre mesure, en cas de donations (réelles) ou de transactions portant sur des biens usuels-, ou alors accepter le virement sur un compte du client ouvert auprès d'une banque tierce. Dans ce dernier cas, il est recommandé de ne pas modifier la composition des valeurs (par exemple la devise) et de virer les fonds directement sur un compte au nom du client (et non pas sur un compte ouvert au nom d'une simple société panaméenne ou des Iles Vierges britanniques).
Il faut tout de même continuer à respecter autant que possible le droit privé des contrats et exécuter les instructions ("pacta sunt servanda") (sauf si elles contredisent une norme de droit administratif applicable à la banque). Il est par exemple scandaleux que certaines banques, à la fois chassent le client, tout en le contraignant à maintenir un dépôt de quelques dizaines de milliers de francs ou d'euros, pour pouvoir renseigner Bercy le jour où l'échange automatique d'informations entrera en vigueur ! En effet, les renseignements à transmettre ne concerneront en principe que les comptes ouverts au moment de l'entrée en vigueur des accords.
Lexbase : La Suisse est-elle en passe de devenir un Etat actif dans la lutte contre la fraude fiscale internationale ?
Didier de Montmollin : Si la Suisse passe effectivement à l'échange automatique d'informations, elle sera un partenaire fiable en la matière. Elle l'est déjà dans le système actuel "à la demande".
Lexbase : Selon vous, les transformations que connaît actuellement la Suisse, avec la levée de son secret bancaire notamment, ne risquent-elles pas d'affaiblir sa position de place financière ?
Didier de Montmollin : Un affaiblissement temporaire ne peut être exclu, mais la Suisse demeure un Etat stable politiquement et économiquement. Par ailleurs, il y a de bonnes raisons d'avoir confiance dans la capacité des banquiers suisses à s'adapter. Ils ont un savoir-faire indéniable, mais il leur faudra davantage travailler car, jusqu'ici, pour la clientèle non-déclarée, la performance du banquier n'avait pas besoin d'être très conséquente. L'économie faite par le client au plan fiscal suffisait souvent à son bonheur. Le risque le plus grand pour la place financière est probablement la tendance de la Suisse à vouloir être irréprochable, à vouloir être l'"enfant-modèle" dans le cadre de la mise en oeuvre des conventions bilatérales ou multilatérales auxquelles elle adhère. D'autres pays sont moins disciplinés ou plus perfides !
Si la transparence est le nouveau "credo", soit, mais alors il faudra veiller à ce que toutes les places financières, dont le Royaume-Uni et ses dépendances, ainsi que les Etats-Unis et son Delaware, eux aussi, appliquent réellement les règles. Ce qui est loin d'être acquis, tant la guerre économique fait rage pour la répartition du gâteau...
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