Réf. : Const. const., décision n° 2023-1058 QPC, du 21 juillet 2023 N° Lexbase : A86161BQ
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par Adélaïde Léon
le 19 Septembre 2023
► Le Conseil constitutionnel juge conformes à la Constitution les dispositions des articles 222-23-1 et 222-23-3 du Code pénal créées par la loi n° 2021-478, du 21 avril, punissant de vingt ans de réclusion criminelle tout acte de pénétration sexuelle ou bucco-génital commis par un majeur sur la personne d’un mineur de quinze ans ou commis sur l’auteur par le mineur, lorsque la différence d’âge entre le majeur et le mineur est d’au moins cinq ans.
Rappel de la procédure. Par arrêt du 24 mai 2023, la Cour de cassation a saisi le Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité du premier alinéa de l’article 222-23-1 du Code pénal N° Lexbase : L2624L4X et de l’article 222-23-3 du même code N° Lexbase : L2623L4W, dans leur rédaction issue de la loi n° 2021-478, du 21 avril 2021, visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste N° Lexbase : L2442L49 (Cass. crim. QPC, 24 mai 2023, n° 23-81.485, F-D N° Lexbase : A42619X4).
Les dispositions contestées. Le viol, défini par l’article 222-23 du Code pénal N° Lexbase : L2622L4U, est constitué par tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise. Ce crime est puni de quinze ans de réclusion et de vingt ans lorsqu’il est commis sur un mineur de quinze ans.
La loi n° 2021-478, du 21 avril 2021 a créé les articles 222-23-1 et 222-23-3 du Code pénal lesquels ont institué une nouvelle infraction visant tout acte de pénétration sexuelle ou bucco-génital commis par un majeur sur la personne d’un mineur de quinze ans ou commis sur l’auteur par le mineur, lorsque la différence d’âge entre le majeur et le mineur est d’au moins cinq ans. Ces viols sont punis de vingt ans de réclusion criminelle.
Motifs de la QPC. Le requérant soutenait tout d’abord que les dispositions en cause seraient contraire au principe de présomption d’innocence et aux droits de la défense. Selon lui, le fait que l’infraction de viol sur mineur de quinze ans soit punissable sans qu’il soit nécessaire de prouver que l’acte a été commis avec violence, contrainte, menace ou surprise et, dès lors, le fait que l’absence de consentement ne constitue pas l’un des éléments constitutifs de l’infraction, instituerait une présomption irréfragable de culpabilité.
Le requérant prétendait également que les articles visés méconnaîtraient le principe de l’égalité des délits et des peines. Non seulement la culpabilité de l’auteur résulterait, selon ces dispositions, du simple constat de la matérialité des faits, sans qu’il soit nécessaire que soit rapportée la preuve de l’intention du majeur d’imposer un acte sexuel au mineur, mais encore, dans le cadre de cette infraction, la minorité de quinze ans serait à la fois un élément constitutif et une circonstance aggravante.
Le requérant faisait grief aux seuils d’âge prévus par les articles concernés de méconnaître le principe de nécessité des délits et des peines ainsi que le principe d’égalité devant la loi en conduisant des personnes placées dans des situations comparables à être traitées différemment.
Enfin le requérant soutenait que le choix du législateur de punir de vingt ans de réclusion criminelle des actes sexuels entre un majeur et un mineur de quinze ans, sans distinguer qu’ils soient ou non commis avec violence, menace, contrainte ou surprise, méconnaissait les principes de nécessité et de proportionnalité des peines.
Décision. Le Conseil constitutionnel écarte le grief tiré de la méconnaissance du principe de la présomption d’innocence et des droits de la défense. Pour les sages, la caractérisation de l’incrimination en cause ne repose pas sur une présomption d’absence de consentement de la victime. Cette infraction interdit purement et simplement tout acte de pénétration sexuelle ou bucco-génital entre un majeur et un mineur de quinze ans, lorsque la différence d’âge entre eux est d’au moins cinq ans. Et il demeure que les autorités de poursuites sont tenus de rapporter la preuve de l’ensemble de ces éléments constitutifs. Dès lors, les articles en cause n’ont ni pour objet ni pour effet d’instituer une présomption de culpabilité.
Le Conseil constitutionnel écarte également le grief tiré de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines. Estimant que la seule imputabilité matérielle des actes réprimés ne suffit pas à caractériser l’infraction, le Conseil estime que les dispositions ne méconnaissent pas le principe selon lequel il n’y a pas de crime sans intention de la commettre (C. pén., art. 121-3 N° Lexbase : L2053AMY).
La Haute juridiction affirme par ailleurs qu’en l’espèce, la minorité de quinze an de la victime est un élément constitutif de l’infraction et non une circonstance aggravante.
Le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi pénal est également écarté. Selon le Conseil, l’infraction de viol aggravé commis sur mineur de quinze ans prévu par les articles 222-23 et 222-24 N° Lexbase : L2625L4Y du Code pénal et l’infraction prévue par les dispositions contestées, laquelle est constituée même lorsque les faits sont commis sans violence, contrainte, menace ou surprise répriment des agissement de nature différente. La seconde suppose en effet qu’il existe entre l’auteur majeur et la victime mineure une différence d’âge d’au moins cinq ans.
S’agissant enfin des principes de nécessité et de proportionnalité des peines, le Conseil constitutionnel l’écarte également puisqu’il considère que par le choix d’une peine de vingt ans de réclusion criminelle le législateur a entendu renforcer la protection des mineurs d’infractions sexuelles et que les modalités de répression de cette infraction n’ont ni pour objet ni pour effet de déroger au principe de l’individualisation des peines.
Au terme de sa décision, le Conseil constitutionnel décide que le premier alinéa de l’article 222-23-1 du Code pénal et la référence « 222-23-1 » figurant à l’article 222-23-3 du même code, dans leur rédaction issue de la loi n° 2021-478, du 21 avril 2021, visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste, sont conformes à la Constitution.
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