Lexbase Affaires n°340 du 30 mai 2013 : Propriété intellectuelle

[Jurisprudence] En matière de MP3, les Etats-Unis et l'Europe ne sont pas au même diapason juridique

Réf. : United States District Court - Southern District of New York, 30 mars 2013, "Capitol Records LLC vs. Redigi Inc"

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N7270BTG

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par Antoine Casanova, avocat à la cour, Cabinet Danièle Véret

le 30 Mai 2013

Depuis l'avènement du format MP3 dans le grand public, la consommation de la musique a profondément changé. Elle est désormais prise dans un mouvement qui tend irrémédiablement vers un délaissement des supports physiques au profit des supports numériques et donc immatériels. De nombreux opérateurs économiques proposent désormais leur service de consommation de musique sous format numérique, notamment l'incontournable plateforme iTunes, exploitée par la société Apple Inc.
La société Redigi Inc (ci-après "Redigi"), société de droit américain, a lancé sa plateforme éponyme courant 2011 aux Etats-Unis. Redigi a récemment annoncé son expansion au marché européen. La particularité de cette plateforme est qu'elle permet aux internautes de mettre en vente et d'acheter à prix réduit des fichiers MP3 qui ont déjà fait l'objet d'une première acquisition sur une plateforme de téléchargement légal, telle qu'iTunes (1). La société Redigi entendait donc créer un marché secondaire pour les fichiers MP3 et ainsi reproduire dans le monde numérique le traditionnel marché de l'occasion des supports physiques. Les maisons de disque ne sont absolument pas favorables au développement d'un marché secondaire des fichiers MP3 dans la mesure où elles ne perçoivent aucune redevance pour ces opérations de revente de fichiers MP3 "d'occasion".
Selon Redigi, le logiciel soutenant sa plateforme (dénommé "Media Manager") permet, d'une part, de s'assurer que seuls des fichiers MP3 téléchargés légalement seront échangés sur sa plateforme (2) et, d'autre part, qu'un fichier MP3 mis en vente sur la plateforme par un internaute est supprimé du disque dur de l'internaute en question (3). Selon les explications fournies par Redigi à la Cour de New York, une fois le MP3 vendu, il est transféré sur son serveur (dénommé "Cloud Locker") et ensuite transféré sur le disque dur de l'acheteur.
La société Capitol Records (ci-après "Capitol Records") est une maison de disque américaine, filiale de l'ex major du disque EMI Group (4). Capitol Records est titulaire des Copyrights pour un certain nombre d'enregistrements musicaux offerts à la vente sur la plateforme exploitée par Redigi. En janvier 2012, Capitol Records, estimant que la revente sans son consentement d'enregistrements musicaux dont elle détenait les droits de propriété intellectuelle sur la plateforme exploitée par Redigi était une violation de ses droits exclusifs de reproduction et de distribution desdits enregistrements, introduisit une action à l'encontre de Redigi. Dès le mois de février 2012, Capitol Records fit une demande (dénommée "preliminary injunction") visant à ce que l'arrêt du service proposé par Redigi soit ordonné de façon provisoire le temps de l'instruction de l'affaire au fond. Cette demande fut cependant rejetée par la Cour de New York au motif que Capitol Records ne rapportait pas la preuve que la poursuite du service proposé par Redigi lui causerait un dommage irréparable ("irreparable harm" dans la décision).

Au fond, l'action de Capitol Records visait à faire reconnaître que la plateforme exploitée par Redigi constituait à la fois une violation des droits exclusifs de reproduction et de distribution qu'elle détenait sur un certain nombre de MP3 offerts à la vente. En défense, Redigi entendait se prévaloir respectivement de l'exception de fair use et de l'exception de first sale. Seule la défense touchant à la first sale doctrine sera traitée ici dans la mesure où l'exception de fair use a été écartée par la Cour de New York pour des motifs très classiques qui n'appellent aucune remarque particulière.

La first sale doctrine (5) est l'équivalent de ce que le droit français et le droit européen connaissent sous le nom de "l'épuisement du droit" et qui consiste à considérer qu'une fois que la première vente d'une copie d'une oeuvre a été effectuée ou autorisée par l'auteur ou ses ayants droit, son droit lui permettant de contrôler la revente de l'exemplaire de l'oeuvre en question est épuisé (6). Que ce soit au regard du droit américain, du droit européen ou du droit français, l'existence d'un marché dit "d'occasion" des exemplaires d'une oeuvre protégée n'est possible que du fait de la reconnaissance d'une limite au pouvoir du titulaire des droits de contrôler la distribution des exemplaires de son oeuvre.

La question principale posée à la Cour de New York était donc de savoir si l'exception de first sale était applicable à des fichiers MP3, soit des exemplaires immatériels d'une oeuvre protégée par le Copyright ou bien si cette exception devait être cantonnée au monde physique et donc seulement au cas de revente d'exemplaires matériels d'une oeuvre protégée. La problématique posée à la Cour de New York ne se limitait toutefois pas seulement à cette question puisqu'en effet, Capitol Records se plaignait également d'une violation de son droit exclusif de reproduction. Or, comme la Cour de New York le rappelle dans sa décision, la first sale doctrine est une exception qui ne concerne que le seul droit exclusif de distribution (7).

La frontière n'est pas si étanche car, à bien lire la décision rendue par la Cour de New York, l'interprétation retenue de la notion de reproduction influe directement sur l'applicabilité de la first sale doctrine. La Cour de New York assimile le transfert d'un fichier numérique par internet à un acte de reproduction (I), ce qui la conduira à refuser d'appliquer la first sale doctrine à des copies numériques d'une oeuvre protégée par un Copyright (II).

La Cour de New York adopte ainsi une position qui semble diamétralement opposée à celle retenue par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt de grande chambre en date du 3 juillet 2012 (III).

I - Le transfert d'un fichier MP3 implique nécessairement un acte de reproduction

Le Copyright Act opère une nette distinction entre les différents droits exclusifs dont peut se prévaloir le titulaire des droits sur une oeuvre telle qu'un morceau de musique.

Comme le droit français, le Copyright Act reconnait au titulaire d'un Copyright un droit de reproduction et un droit de représentation. Cependant, à l'instar du droit communautaire, le Copyright Act reconnaît expressément et de façon autonome un droit de distribution, ce qui n'est pas le cas du droit français (8). Il convient toutefois de rappeler que si le Code de la propriété intellectuelle français ne reconnaît pas expressément l'existence autonome d'un droit de distribution appartenant à l'auteur, ce dernier existe tout de même au travers du droit de reproduction (9).

Capitol Records reprochait à Redigi une violation de ses droits exclusifs de reproduction, de distribution et de représentation. L'analyse de la décision de la Cour de New York montre que c'est l'interprétation retenue quant à la notion de reproduction d'un bien numérique qui déterminera la position de la Cour quant à l'application de la first sale doctrine. La frontière entre droit de reproduction et droit de distribution n'est donc pas totalement étanche.

Capitol Records avançait que le service mis en place par la société Redigi conduisait à une violation de son droit exclusif de reproduction pour les fichiers MP3 dont elle était investie d'un Copyright. Dans sa décision, la Cour de New York analyse donc le processus opératoire du service proposé par Redigi afin de déterminer si ce dernier implique ou non un acte de reproduction des fichiers MP3. La Cour conclut que le processus opératoire du service proposé par Redigi implique nécessairement que soit effectuée, à un moment donné, une opération consistant à reproduire le fichier MP3.

Pour sa défense, Redigi faisait valoir que le processus utilisé par son service n'impliquait pas une réelle reproduction du fichier MP3 vendu mais un simple transfert de celui-ci du disque dur du vendeur à celui de l'acheteur, puisqu'au terme du processus de transfert, le fichier MP3 était effacé du disque dur du vendeur.

Selon la Cour de New York, cet argument n'est pas recevable pour contester l'existence d'une reproduction. Selon elle, le droit de reproduction est nécessairement impliqué lorsqu'une oeuvre protégée est incorporée dans un nouvel objet matériel après un transfert par internet. Il convient de préciser que lorsque la Cour parle ici de "nouvel objet matériel" ("new material object" dans la décision), ce qui a priori peut paraître très surprenant s'agissant de fichiers MP3, elle vise en réalité le support physique de la mémoire où le fichier MP3 sera enregistré après son transfert, soit le disque dur (10). Ainsi, selon la Cour de New York, au regard du droit de reproduction tel que défini par le Copyright Act, il importe peu que le processus technologique mis en place par Redigi aboutisse à ce que le fichier MP3 vendu par l'internaute soit supprimé au terme du transfert (11).

Pour la Cour de New York il n'y pas de transfert d'un seul et même fichier MP3 mais une opération qui consiste à transférer le MP3 sur le serveur de Redigi avant de le supprimer du disque dur du vendeur. Le fichier MP3 est ensuite une nouvelle fois transféré depuis le serveur de Redigi vers le disque dur de l'acheteur avant d'être supprimé du serveur de Redigi.

La Cour de New York retient donc une vision technique de la notion d'acte de reproduction dans laquelle seul compte le fait, qu'au terme du processus, un nouveau fichier MP3 est nécessairement créé sur le disque dur de l'acheteur du MP3 en question. Cette création d'un nouveau fichier numérique contenant l'oeuvre matérialise un acte de reproduction de la copie originale de l'oeuvre protégée par le Copyright. Par conséquent, dans la mesure où l'existence d'une reproduction des oeuvres protégées par le Copyright était reconnue et que cette opération n'avait pas été autorisée par Capitol Records, il s'agissait, selon la Cour, d'une violation du droit exclusif de reproduction appartenant à cette dernière.

La reconnaissance de l'existence d'un acte de reproduction va également servir de fondement au rejet de l'application de la first sale doctrine.

II - Le cantonnement de la first sale doctrine au monde physique

Selon la section 109 du titre 17 de l'USC, le propriétaire d'un exemplaire particulier (dénommée "a particular copy") d'une oeuvre protégée par un Copyright peut, sans l'autorisation du titulaire du Copyright relatif à l'oeuvre, vendre ou disposer de cet exemplaire. Ainsi, une fois que le titulaire d'un Copyright sur une oeuvre a introduit un exemplaire de cette oeuvre dans le commerce en le vendant, il épuise son droit lui permettant de contrôler la distribution de l'exemplaire en question (12). Cependant, pour que la fisrt sale doctrine puisse s'appliquer il est nécessaire que la copie de l'oeuvre protégée remise en vente soit la même que celle ayant fait l'objet du premier acte de vente.

Redigi faisait valoir que son service ne faisait que permettre la revente par internaute d'un MP3 légalement acheté une première fois sur une plateforme de téléchargement légale (iTunes en l'occurrence) et que, par conséquent, un premier acte de vente ayant eu lieu, Capitol Records avait épuisé son droit de contrôle sur la distribution sur le fichier MP3 en question. La défense de Redigi reposait donc sur la démonstration que le processus opératoire de son service, pris dans son ensemble, revenait au transfert d'un unique et même fichier MP3 du disque dur du vendeur vers celui de l'acheteur.

Or, la Cour de New York n'a pas suivi cette interprétation de l'opération, puisqu'elle a considéré que le processus suivi par le service proposé par Redigi conduisait, à son terme, à la création d'un nouveau fichier MP3 sur le disque dur de l'acheteur. Par conséquent, pour la Cour de New York, ce n'est pas le même fichier MP3 qui est l'objet du premier acte de vente et de l'acte de revente sur la plateforme de Redigi. La Cour considère donc que ce nouveau fichier ne peut pas être considéré comme l'exemplaire particulier de l'oeuvre protégée ("particular copy") visé par la section 109 du titre 17 de Copyright Act et rejette par conséquent l'application de la first sale doctrine.

Compte tenu du fait que, pour la Cour de New York, le transfert via internet d'un fichier numérique conduit toujours à la création d'un nouveau fichier numérique, il faut en déduire que l'exception de first sale ne peut trouver à s'appliquer qu'en présence d'une revente de copies matérielles de l'oeuvre protégée par un Copyright. Par son interprétation de la notion de reproduction, la Cour de New York cantonne donc le jeu de la first sale doctrine au monde physique. Dans sa décision, la Cour de New York affirme ainsi que "the first sale doctrine is limited to material items".

Il est intéressant de noter qu'en refusant de considérer que la first sale doctrine puisse s'appliquer au monde physique, la Cour de New York n'a pas suivi le mouvement de la jurisprudence américaine qui, ces dernières années, a marqué une certaine tendance à élargir le champ d'application de cette exception au droit exclusif de reproduction. La jurisprudence américaine a ainsi, dernièrement, abandonné sa conception restrictive relative à l'application de la first sale doctrine lorsque le premier acte de vente a eu lieu en dehors du territoire des Etats-Unis. En effet, à l'origine, pour que la first sale doctrine puisse trouver à s'appliquer il était nécessaire que le premier acte de vente ait été effectué sur le territoire des Etats-Unis (13).

Or, par une décision en date du 19 mars 2013, la Cour Suprême des Etats-Unis a abandonné cette position. Elle a ainsi élargi les possibilités d'application de la first sale doctrine, en jugeant que cette exception au droit de distribution du titulaire du Copyright pouvait s'appliquer dès lors qu'un premier acte de vente de l'exemplaire de l'oeuvre protégée avait eu lieu, peu important le territoire sur lequel ce premier acte de vente avait eu lieu (14).

Par cette limitation de l'application de la first sale au monde physique, le droit américain adopte surtout une solution qui apparaît diamétralement opposée à celle retenue par la CJUE dans son arrêt "Oracle" du 3 juillet 2012 (15).

III - Une position en conflit avec l'Europe

En droit européen, il était traditionnellement considéré que la théorie de l'épuisement du droit, soit l'équivalent de la first sale doctrine, n'était applicable qu'en matière de supports matériels et non en matière de biens immatériels. Cette interprétation de la théorie de l'épuisement des droits remonte à l'arrêt de la CJCE "Deutsche Grammophon" du 8 juin 1971 (16).

Par un arrêt en date du 3 juillet 2012, il semble que la CJUE ait mis un terme définitif à cette conception traditionnelle et qu'il faille désormais considérer que la théorie de l'épuisement des droits puisse être appliquée même dans le cas de supports immatériels.

Il s'agissait d'une affaire opposant la société Oracle qui édite et distribue des logiciels de banques de données, à une société allemande, UsedSoft, qui commercialise des licences "d'occasion" de nombreux logiciels, notamment ceux de la société Oracle. Oracle, considérant qu'il s'agissait d'une violation de son droit exclusif de distribution des logiciels dont elle détenait les droits de propriété intellectuelle avait assigné la société UsedSoft devant les juridictions allemandes.

La juridiction allemande saisie de cette affaire a posé plusieurs questions préjudicielles à la CJUE, notamment celle consistant à savoir si, au sens de la Directive 2009/24/CE du 23 avril 2009 concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur (N° Lexbase : L1676IES), le droit de distribution relatif à un logiciel devait être considéré comme épuisé "lorsque l'acquéreur a réalisé la copie, avec l'autorisation du titulaire du droit, en téléchargeant le programme sur un support informatique au moyen d'internet".
Selon la CJUE, il "est indifférent, dans une situation telle que celle en cause au principal, que la copie du programme d'ordinateur a été mise à la disposition du client par le titulaire du droit concerné au moyen d'un téléchargement à partir du site internet de ce dernier ou au moyen d'un support matériel tel qu'un CD-ROM ou un DVD".
La CJUE relève "qu'il ne ressort pas de l'article 4, paragraphe 2, de la Directive 2009/24 que l'épuisement du droit de distribution des copies de programmes d'ordinateur, visé à cette disposition, soit limité aux copies de programmes d'ordinateur se trouvant sur un support matériel, tel qu'un CD-ROM ou un DVD" et qu'au contraire la disposition se réfère à la "vente d'une copie d'un programme d'ordinateur" sans aucune autre précision.
En conséquence, selon la CJUE, la Directive ne fait "aucune distinction en fonction de la forme matérielle ou immatérielle de la copie en cause" de sorte "qu'il y a lieu de considérer que l'épuisement du droit de distribution prévu par l'article 4, paragraphe 2, de la Directive 2009/24 concerne à la fois les copies de programme d'ordinateur qui, à l'occasion de leur première vente, ont été téléchargées au moyen d'Internet, sur l'ordinateur du premier acquéreur".

La décision de la CJUE a été rendue au visa de la Directive 2009/24/CE du 23 avril 2009 qui est spécifique aux logiciels, de sorte qu'il convient de rester prudent quant à l'appréciation de la portée exacte de cette décision.

Cependant, d'une part, un logiciel, est protégé par le droit d'auteur, comme tous les autres types d'oeuvres et, d'autre part, il ne présente pas de particularité justifiant un traitement différent quant à l'épuisement du droit de distribution.

De plus, dans son arrêt la CJUE explique que limiter l'application du principe d'épuisement du droit aux seules copies matérielles reviendrait à permettre au titulaire de droit "d'exiger, à l'occasion de chaque revente, une nouvelle rémunération alors que la première vente de la copie concernée aurait déjà permis audit titulaire d'obtenir une rémunération appropriée", ce qui "irait au-delà de ce qui est nécessaire pour préserver l'objet spécifique de la propriété intellectuelle en cause".

Or, cette motivation est parfaitement transposable à tous les types d'oeuvre, de sorte qu'il apparaît difficile d'imaginer que la CJUE limitera sa solution aux seuls programmes d'ordinateur et qu'elle ne l'étendra pas à tous les types d'oeuvres, notamment les morceaux de musique.

Il semble donc que les Etats-Unis et l'Europe aient désormais une vision diamétralement opposée sur la question de l'épuisement du droit de distribution relatif à une oeuvre protégée dès lors qu'il s'agit d'une copie immatérielle de l'oeuvre. L'existence de cette opposition pourrait être source d'une certaine tentation de forum shopping de la part des sociétés désireuses d'éditer un service visant à la revente d'exemplaires immatériels d'oeuvres protégées par le Copyright. Ainsi, si la société Redigi venait à transférer son activité sur un territoire de l'Union Européenne où la théorie de l'épuisement du droit s'applique même en présence d'une copie immatérielle de l'oeuvre protégée, le service qu'elle proposerait serait considéré comme légal. De plus, internet ne connaissant pas les frontières, elle pourrait parfaitement proposer son service au public américain.

Dans un tel cas, Capitol Records, comme toute maison de disque américaine, ne disposerait d'aucune action efficace pour tenter de faire stopper le service proposé par Redigi. En effet, il devrait selon, la Convention de Berne de 1886 être fait application de la lex rei sitae, soit si la société Redigi était implantée au sein de l'Union européenne, une loi qui permettrait à la société Redigi de se prévaloir de la jurisprudence de la CJUE et ainsi de faire jouer utilement en défense l'exception tirée de l'épuisement du droit de distribution des fichiers MP3 dont elle permet la revente sur sa plateforme.

Comme il l'a été indiqué plus haut, Redigi vient d'annoncer qu'elle envisageait d'étendre son service à l'Europe. Vu la position de la Cour de New York, il serait opportun pour Redigi de faire l'inverse et de transférer son service dans l'Union européenne puis de l'étendre ensuite aux Etats-Unis.


(1) L'offre de Redigi est décrite dans la décision de la District Court of New York de la manière suivante : "Redigi's website invites users to sell their legally acquired digital music files, and buy used digital music from others at a fraction of the price currently available on iTunes'".
(2) La décision de la District Court of New York expose à cet effet : "Once installed, Media Manager analyzes the user's computer to build a list of digital music files eligible for sale. A file is eligible only if it was purchased on iTunes or from another ReDigi user; misic downloaded from a CD or other file-sharing website is ineligible for sale".
(3) Dans sa decision, la District Court of New York note : "At the end of the process, the digital music file is located in the Cloud Locker and not on the user's computer. [...] Moreover, Media Manager deletes any additional copies of the file on the user's computer and connected devices".
(4) La société EMI Group a récemment fait l'objet d'un rachat par une major du disque : la société Universal Music et son activité d'édition musicale a, quant à elle, était rachetée par la société Sony Music.
(5) L'exception dite de first sale prévue par le Copyright Act et a été codifiée et figure dans le United States Code (USC), à la section 109 du titre 17 qui est relatif au Copyright. L'USC 17 section 109 expose que "the owner of a particular copy or phonorecord lawfully made under this title, or any person authorized by such owner, is entitled, without the authority of the copyright owner, to sell or otherwise dispose of the possession of that copy or phonorecord".
(6) L'article L. 122-3-1 du Code de la propriété intellectuelle français (N° Lexbase : L2840HPU) transpose l'article 4 de la Directive 2001/29 du 22 mai 2001 (N° Lexbase : L8089AU7) et dispose que "dès lors que la première vente d'un ou des exemplaires matériels d'une oeuvre a été autorisée par l'auteur ou ses ayants droit sur le territoire d'un Etat membre de la Communauté européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, la vente de ces exemplaires de cette oeuvre ne peut plus être interdite dans les Etats membres de la Communauté européenne et les Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen".
(7) La Southern District Court of New York expose ainsi "As an initial matter, it should be noted that the first sale defense, is by its own terms limited to assertions of the distribution right".
(8) Ainsi, selon la section 106 du titre 17 du Copyright Act le droit de distribution se définit comme "the exclusive right to distribute copies or phonorecords of the copyrighted work to the public by sale or other transfer of ownership", ce qui peut se traduire par "le droit exclusif de distribuer des copies ou des enregistrements sonores du travail protégé un copyright par vente au public ou tout autre transfert de propriété".
(9) Selon la doctrine traditionnelle, le droit de distribution serait implicitement inclus dans le droit de reproduction en vertu de du droit reconnu à l'auteur de contrôler la destination des exemplaires reproduits de son oeuvre : v., notamment, Cass. civ. 1, 1er mars 1988, deux arrêts, n° 86-18.038, inédit (N° Lexbase : A7505CK8) et n° 86-17.417, inédit (N° Lexbase : A7504CK7).
(10) Dans sa décision, la Cour de New York expose : "the reproduction right is necessarily implicated when a copyrighted work is embodied in a new material object, and because digital music files must be embodied in a new material objet following their transfer over the Internet, the Court determines that the embodiment of a digital music file on new hard disk is a reproduction within the meaning of the Copiright Act".
(11) La Cour de New York expose ainsi : "It is beside the point that the original phonorecord no longer exists. It matters only that a new phonorecord has been created".
(12) Voir notamment Supreme Court of the United States, 9 mars 1998, 523 U.S. 135, "Quality King Distributors Inc., v. L'anza Research International Inc".
(13) Voir sur ce point la décision de United Sates Court of Appeals for the 9th District, 3 septembre 2008, 541 F. 3d 982, "Omega SA v. Costco Wholescale Corp".
(14) Voir Supreme Court of the United States, 19 mars 2013, 11-697, "Kirtsaeng v. John Wiley & sons". Il convient de rappeler que la Cour Suprême a également examiné l'affaire "Omega SA v. Costco Wholescale Corp" sur cette question, mais que la décision avait abouti à un partage des voix des juges et donc à une confirmation de la décision de la Court of Appeals for the 9th District précitée.
(15) CJUE, 3 juillet 2012, aff. C-128/11, sur laquelle, lire not. l'intervention de J.-A. Benazeref, in Les exceptions en droit d'auteurs - Compte-rendu de la réunion de la Commission ouverte Propriété intellectuelle du barreau de Paris du 15 mai 2013, Lexbase Hebdo n° 340 du 30 mai 2013 - édition affaires (N° Lexbase : N7221BTM).
(16) CJCE, 8 juin 1971, aff. C-78/70 (N° Lexbase : A6685AU7).

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