Lexbase Affaires n°332 du 28 mars 2013 : Sociétés

[Questions à...] Résultats de la Cinquième Etude annuelle CMS sur les fusions-acquisitions en Europe : quelles sont les grandes tendances de l'année écoulée ? - Questions à Maître Isabelle Eid, avocat chez CMS Bureau Francis Lefebvre

Lecture: 5 min

N6399BT8

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Questions à...] Résultats de la Cinquième Etude annuelle CMS sur les fusions-acquisitions en Europe : quelles sont les grandes tendances de l'année écoulée ? - Questions à Maître Isabelle Eid, avocat chez CMS Bureau Francis Lefebvre. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/8047883-questions-a-resultats-de-la-cinquieme-etude-annuelle-cms-sur-les-fusionsacquisitions-en-europe-quell
Copier

par Vincent Téchené, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition affaires

le 28 Mars 2013

Le réseau CMS a récemment publié sa cinquième étude sur les fusions-acquisitions qui analyse les aspects juridiques et fiscaux des opérations de M&A conseillées par les cabinets membres de CMS en Europe, lesquelles totalisent plus de 1 700 opérations sur 6 ans, et 342 pour 2012. Les analyses comparent les pratiques européennes par grandes régions et par secteurs, elles sont mises en perspective avec celles observées aux Etats-Unis. Pour Thomas Meyding, avocat associé, responsable du pôle corporate de CMS : "cette cinquième étude européenne sur les fusions-acquisitions en Europe est riche en enseignement, tant par la description comparée des pratiques contractuelles en matière de cession d'actions et garantie de passif, que par le renseignement précis des pratiques M&A par secteur économique (Finance, Hôtellerie, Energie, Produits de consommation, TMT, Financements de projets, Sciences de la vie, Immobilier, Industrie et Services)". Afin de nous présenter les conclusions de cette étude riche d'enseignements, Lexbase Hebdo - édition affaires a rencontré Isabelle Eid, avocat chez CMS Bureau Francis Lefebvre, qui a accepté de répondre à nos questions.

Lexbase : Quelle est la tendance observée concernant l'activité globale des fusions-acquisitions ?

Isabelle Eid : De l'avis des praticiens corporate de CMS, il ressort que 2012 fut une nouvelle fois une année incertaine, lors de laquelle l'activité globale des fusions-acquisitions a été maintenue, avec une valeur totale des transactions avoisinant presque exactement celle de 2011. Dans un contexte difficile, les cibles "saines" moins nombreuses sont courtisées par un certain nombre de candidats ; ce qui favorise les vendeurs en termes d'allocation du risque, ainsi que les transactions à prix fixe.

2012, tout comme 2011, a vu une augmentation du nombre des opérations assorties d'un mécanisme de prix fixe en particulier en Europe, où la croissance a été plus notable au Royaume-Uni, au Benelux et dans les pays d'Europe Centrale et Orientale. Cette évolution s'explique notamment par l'augmentation du nombre de cessions en 2012 par les investisseurs financiers ou les fonds de capital-investissement, qui privilégient ordinairement cette catégorie d'opérations.

Si cette tendance à la hausse est visible dans tous les secteurs, c'est dans les secteurs des TMT (Technologie Media Communication) (croissance de 43 %), financements de projets (29 %) et dans l'industrie (53 %) qu'elle a été la plus significative.

On constate néanmoins une orientation inverse en France et en Allemagne. En effet, la France, qui avait lancé la tendance des transactions à prix fixe il y deux ans déjà, suivie par l'Allemagne en 2012, connaît aujourd'hui une évolution contraire avec une diminution nette du recours aux opérations assorties de ce type de mécanisme (18 % en 2012 contre 48 % en 2011).

Deux raisons peuvent expliquer la diminution des locked box dans ces pays :
- dans les transactions à prix fixe, l'acquéreur assume les risques entre la date des comptes de référence et la date de closing ;
- par ailleurs, les limitations ou exceptions (franchise plafond) à la mise en jeu des garanties de passif s'appliquent dans le cadre d'une transaction à prix fixe. Ce qui n'est pas le cas, par exemple, dans le cadre d'un ajustement du prix.

Par conséquent, côté acquéreur, ce dernier ne sera pas enclin à adopter une locked box lorsque l'audit aura révélé certains risques en amont de la mise en jeu de la garantie de passif. L'étude met ainsi en lumière l'importance croissante des analyses précontractuelles qui peuvent être de plusieurs natures : financière, juridique, stratégique, fiscale, notamment pour valoriser les actifs fiscaux, ou plus spécifiques selon les secteurs. L'optimisation des droits de propriété intellectuelle est notamment un sujet incontournable dans les Medtech et les Sciences de la vie.

Du côté du vendeur, un audit réalisé par ce dernier ("Vendor Due Diligence") dans un processus de vente lui donne un avantage certain dans les négociations et lui facilite l'obtention d'offres fermes et financées.

Lexbase : Concernant les garanties, quelles sont les conclusions de cette cinquième étude ?

Isabelle Eid : En ce qui concerne les garanties de passif, l'étude démontre une généralisation des limitations et exceptions contractuelles aux garanties de passif.

D'abord, côté vendeur, les exceptions et limitations aux garanties de passif plutôt favorables aux vendeurs se généralisent en Europe, avec :

- des plafonds de garantie qui continuent de diminuer, avec 54 % des transactions désormais assorties d'un plafond de garantie représentant moins de la moitié du prix de rachat. A noter que la France affiche la proportion la plus élevée de transactions prévoyant des plafonds bas dans les contrats de garantie, 67 % comportant un plafond inférieur ou égal à 25 % du prix de cession, notamment dans les secteurs de l'industrie et de l'hôtellerie ;

- des périodes de garantie comprises entre 12 et 24 mois sont de plus en plus observées (62 % des transactions). Les périodes de garantie supérieures à 24 mois sont particulièrement présentes dans les secteurs de Sciences de la vie et des Financements de projets ;

- les clauses de minimis et les seuils globaux d'indemnisation (basket) se généralisent également, et les indemnisations "au premier dollar" restent la norme. Cette tendance s'est accentuée au cours de l'année 2012 à l'exception de la France où dans 81% des cas, les transactions sont assorties d'un seuil global d'indemnisation prévoyant des "franchises d'indemnisation", ce qui représente de loin la proportion la plus élevée d'Europe. Vient ensuite l'Allemagne avec 43 % des transactions prévoyant des "franchises d'indemnisation" ;

- par ailleurs, le traitement de la data room dans les garanties de passif tend également à s'uniformiser en Europe : tandis que dans les années 2007-2010, celle-ci était majoritairement exonératoire de la garantie au Royaume-Uni (à 69 %), ce n'était pas le cas en Allemagne (37 %) et surtout en France (19 % des transactions en 2011). L'étude montre qu'en 2012, le traitement de la data room comme élément exonératoire tend à s'uniformiser entre les pays d'Europe avec, d'une part, un tassement de cette tendance au Royaume-Uni (56 % contre 69 % en 2007/2010), et, d'autre part, un accroissement de cette pratique en Allemagne et en France, pays dans lequel 43 % des transactions appliquent désormais (contre 19 % en 2011) de telles dispositions contractuelles favorables au vendeur puisqu'elles permettent à ce dernier de ne pas indemniser l'acquéreur de tout fait ou élément qui aurait été révélé en amont dans la data room.

Ensuite, côté acquéreur, un nombre significatif d'opérations sans plafond de garantie (20 %) est observé. Phénomène au premier abord étonnant, cette pratique s'explique comme suit : lorsque les seules garanties données sont des garanties sur les titres, les acheteurs ne sont alors pas préparés à accepter un plafond dans ces cas précis. Ce qui met en lumière également une tendance, côté acquéreur, en faveur de déclarations simples -et déplafonnées- plutôt qu'une garantie de passif trop contraignante en termes de limitations ou d'exceptions et donc à la mise en oeuvre difficile. L'acquéreur revient ainsi à des indemnisations sur des bases principalement légales pour ne pas se voir opposer les limitations et exceptions contractuelles usuelles aux garanties de passif.

On observe par ailleurs une diminution significative du nombre d'opérations imposant au vendeur des clauses de non-concurrence. La France dispose notamment d'un des plus faibles taux d'Europe avec 35 % des opérations comportant de telles clauses. Cette défaveur conjoncturelle de la pratique pour ces clauses n'est pas sans rappeler le regard acéré que les juges français portent sur elles et aux contentieux importants auxquels elles donnent lieu.

Enfin, la principale tendance significative favorable aux acheteurs est l'aisance relative avec laquelle ils parviennent désormais à obtenir des sûretés pour sécuriser les recours en garantie.

Lexbase : L'étude met en lumière les pratiques contractuelles comparées en matière de cession d'actions en Europe et aux Etats-Unis. Pouvez-vous nous en donner quelques exemples ?

Isabelle Eid : En effet cette cinquième étude met en lumière les pratiques contractuelles comparées en matière de cession d'actions en Europe et aux Etats-Unis avec par exemple :

- les clauses dites de "earn-out" (ajustement du prix sur les performances futures de l'entreprise cible), ces mécanismes ayant un succès globalement limité en Europe (16 % seulement des opérations en 2012) à la différence des Etats-Unis ;

- les clauses de minimis et seuils globaux d'indemnisation dont l'utilisation se généralise en Europe, mais contrairement à l'évolution observée aux Etats-Unis, les indemnisations "au premier dollar" restent la norme et cette tendance s'est accentuée au cours de l'année 2012 ;

- les clauses dites de "material adverse change" (MAC) qui restent relativement rares et concernent seulement 14 % des transactions en Europe, ce qui contraste fortement avec les Etats-Unis où la majorité (93 %) des transactions sont assorties de clauses MAC.

newsid:436399

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus