Lexbase Social n°872 du 8 juillet 2021 : Social général

[Actes de colloques] L’expression de la volonté en EHPAD

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par Célia Blondel, Doctorante en droit privé à l'Université de Lille, l’EREDS/CRDP et Bérengère Legros, Maître de conférences HDR en droit privé à l'Université de Lille, l’EREDS/CRDP

le 22 Juillet 2021

 


Le 13 avril 2021, s'est tenu à la Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de l’Université de Lille, un colloque sur le thème « Le vieillissement, à l’épreuve des choix », sous la direction scientifique de Bérengère Legros, Maître de conférences HDR en droit privé et sciences criminelles à l'Université de Lille. Partenaire de cet événement, la revue Lexbase Social vous propose de retrouver l’intégralité des actes de ce colloque.

Le sommaire de cette publication est à retrouver ici (N° Lexbase : N8213BYT).

Les interventions de cette journée sont également à retrouver en podcasts sur Lexradio.


L’expression de la volonté d'une personne intégrant en raison de son état de santé ou de sa dépendance le secteur sanitaire ou médico-social, tel un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), est au cœur des préoccupations des pouvoirs publics.

Le créateur de la norme, depuis la loi du 4 mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé [1], dite loi « Kouchner », jusqu'à la loi du 2 février 2016 [2], dite « Claeys Leonetti », tend à protéger le patient en lui permettant de faire connaître sa volonté voire même de tenter de l’imposer, même s'il n'est plus en mesure de l'exprimer.

À cette fin, différents outils ont été créés pour permettre à un individu de faire connaître sa volonté dans le cas où il n’en serait plus en mesure de la formuler : les directives anticipées et la personne de confiance. Ces outils sont les porteurs « potentiels » [3] de la volonté de la personne.

La loi dite « Kouchner » a introduit la possibilité de désigner une personne de confiance. Son rôle a été renforcé par la loi du 22 avril 2005, relative aux droits des malades et à la fin de vie dite « Leonetti » [4] ainsi que par la loi du 2 février 2016. Depuis cette dernière mouture, la personne de confiance « rend compte de la volonté de la personne. Son témoignage prévaut sur tout autre témoignage » [5].

Parallèlement la loi de 2005 a créé le mécanisme des « directives anticipées » dont le régime juridique a été modifié par la loi de 2016. À l'origine, leur durée était limitée à trois ans. Leur valeur juridique n'était pas précisée mais il résultait de l'analyse des textes, en particulier de l'article R. 4127-37 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L6349K9Z), qu'elles étaient prises en compte dans le processus décisionnel d'une décision de limitation ou d'un arrêt de traitement, tout comme d'ailleurs l'avis de la personne de confiance. Elles n'avaient pour autant pas de poids prépondérant par rapport à l'ensemble des éléments médicaux ou non médicaux. La loi de 2016 leur a ôté toute limitation de durée et les a rendues opposables en principe aux médecins sous réserve de trois exceptions : « en cas d’urgence vitale », « si le médecin en charge du patient juge les directives anticipées manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale » [6]. Elles ont peu de succès : en mai 2019, seuls 13 % des Français en avaient rédigées [7]. Ce faible taux peut s'expliquer parce que certaines personnes peuvent ne pas avoir connaissance de leur existence mais aussi parce que d'autres, à l'inverse, peuvent souhaiter ne pas en rédiger et figer ainsi leur volonté à un instant T, préférant laisser la décision aux mains des médecins et/ou confier leur volonté à leurs proches dont la personne de confiance. Elles sont également peu utilisées chez la population âgée entrant en EHPAD : soit par choix, soit parce que le résident n'est plus en mesure de faire connaître sa volonté.

L'utilisation des outils, porteurs « potentiels » de la volonté, interpelle parfois, en particulier l'exigence de la rédaction de directives anticipées (DA) pour l'entrée dans certains EHPAD. 

Par ailleurs, la crise de la Covid-19, en particulier lors du premier confinement au premier semestre 2020, ayant conduit à la limitation des visites, a pu exclure des proches lors des processus de décision médicale et provoquer l'isolement des personnes âgées. De manière plus générale, la crise sanitaire liée à la Covid-19 a pu mettre en saillance certains dysfonctionnements, qui préexistaient et ont pu être exacerbées.

Intéressons-nous, tout d'abord, à l'expression de la volonté de la personne au travers de ses directives anticipées (I), avant d'aborder l'expression de cette volonté portée par ses proches (II).

I. L’expression de la volonté au travers de directives anticipées

Le régime juridique des directives anticipées est inséré dans le Code de la santé publique à l'article L. 1111-11 (N° Lexbase : L4870LWB). Les directives anticipées permettent à une personne de faire connaître ses propres choix sur d'éventuelles décisions médicales relatives à sa fin de vie et de facto de ne pas subir des choix qui seraient laissés à l’appréciation d’autres personnes.

Nous allons ainsi nous intéresser, tout d’abord, aux conditions de rédaction des directives anticipées et à leur contenu puis, ensuite, nous questionner sur leur utilisation dans certains EHPAD.

A. Rédaction et contenu

1) Rédaction

Les directives anticipées peuvent être rédigées par toute personne majeure [8]. Elles sont désormais valables sans limite de temps tout en étant révisables ou révocables à tout moment [9]. Leur rédaction n'est pas conditionnée à une affection.

Il n’est pas chose aisée, et peut être effrayant, de formuler dans des directives anticipées ce que l’on souhaite ou non pour sa fin de vie notamment lorsque l’on est en bonne santé. Cette réflexion étant néanmoins importante, pour faciliter la rédaction des directives anticipées, la Haute Autorité de Santé (HAS), en application de la loi, a donc créé deux modèles de formulaire, selon que la personne « se sait ou non atteinte d'une affection grave au moment où elle les rédige. » [10] Le formalisme est néanmoins ouvert,  leur rédaction peut être faite sur papier libre que la personne doit dater et signer [11]  [12].

Une fois les directives anticipées rédigées, il est important que la personne les fasse connaître auprès de son entourage (personne de confiance, famille, proches, médecin traitant) pour qu'elles puissent être utilisées le moment venu. Il faut qu'elle leur précise leur lieu de conservation pour qu'elles soient facilement accessibles [13] voire qu'elle les lui confient [14].

La personne peut également les déposer dans son dossier médical partagé [15]  [16], dans le dossier médical de l'établissement [17]. Des copies peuvent également être faites pour pouvoir les donner à plusieurs personnes [18].

2) Contenu

Leur contenu est à l’heure actuelle généralement peu connu ou mal compris par beaucoup de Français. D’ailleurs, seulement 13 % des Français de plus de 50 ans ont rédigé des directives anticipées [19]. « La rédaction des directives anticipées est plus souvent le cas des personnes de plus de 75 ans ou plus (21 % contre 17 % en 2018) » [20]. Bon nombre de personnes interrogées répondent que les directives anticipées doivent contenir ce que l’on ne veut pas pour sa fin de vie. Or cette connaissance est réductrice, elle est partielle de leur contenu potentiel.

L'article L. 1111-11 précise que les directives anticipées « expriment la volonté de la personne relative à sa fin de vie en ce qui concerne les conditions de la poursuite, de la limitation, de l’arrêt ou du refus de traitements ou d’actes médicaux » [21]. C'est le Sénat qui a insisté pour que soit insérée aux côtés de la limitation, de l’arrêt ou du refus, la volonté de poursuivre les traitements [22]. Les directives anticipées « ne sont donc pas limitées à une hostilité à l’égard des traitements ; leur champ d’application est plus étendu » [23].

Par ailleurs, la HAS élargit leur champ matériel lorsqu’elle précise qu'une liberté est donnée à la personne qui rédige ses directives anticipées puisque celle-ci peut également décider d’évoquer ses valeurs, ses convictions, ses préférences et ses attentes [24].

B. Du droit de rédiger des directives anticipées à l'obligation « institutionnelle » le faire ?

Les directives anticipées constituent un dispositif en faveur de la personne. Leur rédaction est un droit lui permettant d’exprimer sa volonté et de la faire respecter.

Cependant, il a pu être remarqué des retours inquiétants sur la temporalité de leur rédaction qui ne sont pas conformes à l'esprit de la loi. En effet, en pratique on passe parfois du droit de les rédiger au devoir de le faire. La liberté de les rédiger devient de fait une obligation « institutionnelle », soit à l'entrée dans l'institution, soit au début du séjour.

Ces remontées de terrain ont pu être révélées, notamment par le biais de rencontres avec des soignants travaillant en EHPAD dans le Pas-de-Calais (ainsi qu’à Lille). Ces pratiques ont été également relevées par le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie (CNSPFV) lors d’ateliers sur la fin de vie. Le Centre national met en lumière que le dispositif des directives anticipées est présenté dans 75 % des cas de façon systématique aux résidents d’un EHPAD [25].

« Dans de nombreuses soirées, comme à Marseille par exemple, des participants se sont inquiétés de possibles dérives du dispositif : ils ont témoigné que certains EHPAD imposaient comme condition d’accueil chez eux qu’un formulaire dit de ‘’directives anticipées’’ soit rempli, y compris par les familles lorsque la personne âgée présente des troubles cognitifs trop importants pour le remplir elle-même. Il semble que ce soit un usage qui devienne assez répandu. À Villeneuve-sur-Lot, une infirmière dans la salle a elle aussi alerté sur ce procédé, arguant que la personne âgée a déjà à faire le deuil de son autonomie et de son domicile et que cela peut être extrêmement violent pour elle qu’on lui demande en même temps "de remplir le welcome package des directives anticipées et pourquoi pas des pompes funèbres ! Le temps est un élément important, il ne faut pas que tout cela devienne automatique et banalisé’’ », a-t-elle poursuivi [26].

Il a été porté à notre connaissance, notamment dans le cadre d’ateliers sur la fin de vie lors de la Première journée régionale CSPHF (Coordination Soins Palliatifs Hauts-de-France) (14 novembre 2019) [27], que dans certains EHPAD, lors de l’entrée d’un nouveau résident, un soignant est « désigné » pour accompagner cette personne dans la rédaction de ses directives anticipées, parfois même dans un temps défini.

Ainsi, la liberté donnée aux individus devient, dans certains EHPAD, une condition d’entrée voire de maintien dans l’établissement et l’outil que sont les directives anticipées est détourné de sa genèse. Ce choix et cette réflexion qui doivent être de prime abord personnels sont alors imposés et encadrés par une personne tierce qui ne devrait normalement pas intervenir dans cette rédaction.

Quid de la finalité de cette obligation « institutionnelle » ? Serait-ce pour une pure question de responsabilité lors d'une décision médicale ? Les directives anticipées ne doivent en aucun cas être rédigées pour protéger l’institution. Par ailleurs, cette obligation qui s’est institutionnalisée a un impact sur les soignants. Les uns se trouvant dans un conflit éthique face à leur hiérarchie et les autres, considérant cette pratique à force d’être mise en œuvre comme « normale » et donc banale.

Par ailleurs, on s’interroge. Une personne entrant dans une telle institution, et à qui l’on imposerait de rédiger des directives anticipées, est-elle encore en capacité de le faire en raison de son âge avancé et de la « fréquence des troubles cognitifs dans cette population » [28] ? Le Centre relève que « Beaucoup de résidents ont de tels troubles cognitifs qu’il leur est impossible d’écrire des directives anticipées. Seulement 5 % des résidents en rédigent » [29]. En effet, au moment où la demande est faite au résident de les rédiger très souvent sa parole est déjà « éparpillée » [30]. La possibilité légale de rédiger des directives anticipées lorsque la personne est sous tutelle [31] à cet égard interpelle également.

Quid de la pertinence de directives anticipées rédigées par le patient dans ces conditions ?

Au-delà des directives anticipées, notamment lorsqu'elles n'ont pas été rédigées, l’expression de la volonté d’un individu va également pouvoir être connue au travers de ses proches.

II. L’expression de la volonté au travers des proches

L'expression de la personne résidant en EHPAD peut être exprimée également par ses proches.

A. Désignation et rôle de la personne de confiance

Les textes distinguent deux types de personnes de confiance. L'une insérée dans le Code de la santé publique, l'autre dans le Code de l’action sociale et des familles.

1) Personne de confiance et Code de la santé publique

Tout d’abord, la personne de confiance est définie à l’article L. 1111-6 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L4868LW9). Elle a un rôle dans le champ sanitaire en raison de son positionnement dans ce code particulier.

a. Désignation

Elle peut être désignée par toute personne majeure et « peut être un parent, un proche ou le médecin traitant » [32]. La liberté de choix est totale. Il n’est d’ailleurs pas précisé si elle doit être majeure.

Cette désignation doit impérativement se faire par le biais d’un écrit : soit sur papier libre, soit en utilisant un formulaire mis à la disposition de la HAS. Il doit être daté, signé et être cosigné par la personne désignée [33]. L'accord de cette dernière est donc indispensable, ce rôle ne doit pas être accepté avec légèreté [34]. Le formalisme permet une prise de conscience. La personne choisie peut refuser de l’endosser. Cette désignation est révisable et révocable à tout moment [35]. La temporalité de la désignation est laissée au choix de la personne et elle n’implique pas qu’elle soit malade.

Le résident en EHPAD peut avoir désigné la personne de confiance avant son entrée en EHPAD.

La loi prévoit que « lors de toute hospitalisation dans un établissement de santé… il est proposé au patient » d’en désigner une. Cette désignation étant « valable pour la durée de l’hospitalisation, à moins que le patient en dispose autrement » [36]. Auquel cas, la désignation n’a donc pas de durée.

b. Missions

Hormis témoigner de l’expression de la volonté de la personne, le Code de la santé publique prévoit également que « si le patient le souhaite, la personne de confiance l'accompagne dans ses démarches et assiste aux entretiens médicaux afin de l'aider dans ses décisions » [37], c’est-à-dire ses décisions médicales. Tout comme pour les directives anticipées, il est important d’informer sa famille, ses proches de cette désignation et du lieu où est gardé le document. Il est également utile que les professionnels soient au courant de celle-ci. Il est ainsi recommandé d’intégrer ce document dans le dossier médical de son médecin traitant. Le rôle de la personne de confiance est pluriel, variant selon que la personne qui l’a désignée peut encore exprimer sa volonté ou non.

Lorsque le résident de l’EHPAD n’est plus en mesure d’exprimer sa volonté, la HAS ajoute, en dehors de toute référence légale ou réglementaire, que la personne de confiance a une « mission de référent auprès de l’équipe médicale » [38].  Ce terme de « référent » est toutefois vague et son sens n’est pas explicité.

La loi du 2 février 2016, inspirée par la jurisprudence « Vincent Lambert », a pointé les difficultés en cas de conflit familial et institué, en l'absence de directives anticipées, une hiérarchie dans les personnes consultées aux fins de connaître la volonté du patient : « la personne de confiance ou, à défaut, de la famille ou de l'un des proches » [39].

La personne de confiance, si elle est désignée, devient le « porte-parole » [40] de la personne. Elle n'exprime pas ses souhaits mais ceux de la personne qui l'a désignée. Elle témoigne seulement ; elle n'a pas de rôle décisionnel.

Lors d’une entrée en EHPAD, le Code de l'action sociale et des familles prévoit également la désignation d’une personne de confiance dont les missions paraissent en partie différentes de celles prévues dans le Code de la santé publique.

2) Personne de confiance et Code de l’action sociale et des familles

L’article 27 de la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015, relative à l’adaptation de la société au vieillissement [41] semble créer une seconde catégorie de personne de confiance.

En effet, l’alinéa premier de l’article L. 311-5-1 du Code de l’action sociale et des familles (N° Lexbase : L0224KW9) dispose que « Lors de toute prise en charge dans un établissement ou un service social ou médico-social, il est proposé à la personne majeure de désigner, si elle ne l’a pas déjà fait, une personne de confiance dans les conditions définies au premier alinéa de l'article L.1111-6 du Code de la santé publique » [42] (première phrase).

Cette temporalité d’entrée dans un EHPAD peut être plus opportune pour désigner une personne de confiance [43], qui ne doit cependant pas être conditionnée à cette rédaction.

Il semble résulter de la lettre de cette première phrase que c’est la même personne de confiance que celle prévue dans le Code de la santé publique. Pour autant, la seconde phrase de l’alinéa premier met un doute. Elle énonce que « Lors de cette désignation, la personne accueillie peut indiquer expressément, dans le respect des conditions prévues au même article L. 1111-6 (N° Lexbase : L4868LW9), que cette personne de confiance exerce également les missions de la personne de confiance mentionnée audit article L. 1111-6, selon les modalités précisées par le même code » (3ème phrase de l’alinéa 1er).

Il résulte de l’interprétation de l’alinéa premier que même si la personne de confiance désignée lors de l’entrée en EHPAD l’est dans les mêmes conditions que celles prévues dans le Code de la santé publique, ses missions peuvent différer de celles prévues par le texte du Code de la santé publique.

Les alinéas 2 et 3 envisagent deux types de missions : tout d’abord, « la personne de confiance est consultée au cas où la personne intéressée rencontre des difficultés dans la connaissance et la compréhension de ses droits » (alinéa 2). Ensuite, « si la personne le souhaite, la personne de confiance l'accompagne dans ses démarches et assiste aux entretiens médicaux afin de l'aider dans ses décisions » (alinéa 3).

Il semble que la seconde mission est d’ordre médical et doit être couplée avec la troisième phrase de l’alinéa 1er, la personne de confiance ayant alors les mêmes missions que dans le Code de la santé publique. La première mission paraît par opposition ne pas avoir de rapport avec le champ sanitaire. Le tout manque indéniablement de clarté. On s’interroge. S’il y a deux catégories de personnes de confiance, ne doit-il pas y avoir deux formulaires ? Le résident pourrait avoir deux personnes de confiance, l’une gérant les droits et libertés du quotidien, la seconde, le côté sanitaire.

Ce flou juridique pose question, plus particulièrement en pleine crise sanitaire où certains résidents ne peuvent pas être transférés aux urgences. Un éclaircissement de la part du législateur semble ici nécessaire.

Le rôle de la personne de confiance a été évoqué pour le consentement à la vaccination contre la Covid-19 [44] en EHPAD. Le CCNE a rappelé que si la personne n’est pas en mesure de s’exprimer alors le choix sanitaire serait opéré « au terme d’un processus délibératif à partir de l’avis exprimé par la personne de confiance » [45]. Il est important ici de souligner la grande ambiguïté de l'utilisation de la terminologie « avis ». Il n'y a en effet pas de synonymie entre l'avis de la personne de confiance et le témoignage de l’expression de la volonté du patient.

Lors de la crise sanitaire et, en particulier, du premier confinement, l'accès aux EHPAD n'était plus libre à la suite de la mise en place des mesures de sécurités sanitaires, que ce soit pour la personne de confiance, la famille ou les proches du résident. Comment, alors, la personne de confiance a-t-elle pu continuer à assister le résident, à être son porte-parole du point de vue sanitaire ou d’un point de vue non sanitaire ? Comment, de manière générale, a-t-elle pu tout simplement continuer à jouer son rôle ?

B. L’expression de la volonté au travers de la famille et des proches

Lorsqu’une personne n’est plus en mesure d’exprimer sa volonté et qu'elle n’a pas rédigé de directives anticipées ni désigné une personne de confiance, l’équipe soignante cherchera à connaître quelle aurait été sa volonté auprès de sa famille et de ses proches.  Il n’y a dans ce cas aucune hiérarchie légale entre la famille et les proches du résident, leur parole ayant alors un poids identique.

Avec la Covid-19, la même problématique que pour la personne de confiance a été mise en relief. Les proches des résidents n’ayant plus la même liberté pour aller les voir. Avec les restrictions d’accès, les familles étaient ainsi parfois totalement exclues de la vie des résidents. Elles ont eu la sensation que leur rôle était remis en question. Cela a notamment débuté avec le confinement général au début de la crise sanitaire en particulier par l’interdiction de visites dans les EHPAD justifiée, « par la nécessité de protéger les anciens » [46]. « Les mesures drastiques prises à l’égard des personnes âgées dans les établissements médico-sociaux ont conduit à un véritable enfermement et isolement qui traduit un traitement indigne de ces personnes » [47].

*****

La crise sanitaire actuelle a mis en relief que les « outils » d'expression de la volonté de la personne résident en EHPAD ont pu être utilisés d'une manière parfois peu satisfaisante tant sur le plan juridique qu'éthique. Parallèlement, hors crise sanitaire, il semble nécessaire que les praticiens soient vigilants pour que l'exercice de ces outils demeurent un droit et ne transforme pas, de fait, en devoir.

 

[1] Loi n° 2002-303, du 4 mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé (N° Lexbase : L1457AXA).

[2] Loi n° 2016-87, du 2 février 2016, créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie (N° Lexbase : L4191KYU).

[3] B. Legros, Euthanasie, arrêt de traitement, soins palliatifs et sédation. L'encadrement par le droit de la prise en charge médicale de la fin de vie, LEH, 2011, p. 160.

[4] Loi n° 2005-370, du 22 avril 2005, relative aux droits des malades et à la fin de vie (N° Lexbase : L2540G8L).

[5] CSP, art. L. 1111-6, al. 1er (N° Lexbase : L4868LW9).

[6] CSP, art. R. 4127-37-1 (N° Lexbase : L6270K94).

[7] CNSPFV, Les directives anticipées en mai 2019 : situation générale et dans les EHPAD en particulier, 10 mai 2019, p. 12.

[8] CSP, art. L. 1111-11 (N° Lexbase : L4870LWB).

[9] Ibid..

[10] CSP, art. L. 1111-11.

[11] HAS, Les directives anticipées concernant les situations de fin de vie, Guide pour le grand public, octobre 2016, p. 5.

[12] « lorsque l'auteur de ces directives, bien qu'en état d'exprimer sa volonté, est dans l'impossibilité d'écrire et de signer lui-même le document, il peut demander à deux témoins, dont la personne de confiance lorsqu'elle est désignée en application de l’article L. 1111-6, d'attester que le document qu'il n'a pu rédiger lui-même est l'expression de sa volonté libre et éclairée. Ces témoins indiquent leur nom et qualité et leur attestation est jointe aux directives anticipées. » : CSP, art. R. 1111-17 (N° Lexbase : L7264L4S).

[13] HAS, op. cit., p. 7.

[14] HAS, op. cit., p. 7.

[15] CSP, art. R. 1111-30 (N° Lexbase : L1812LRK).

[16] HAS, op. cit., p. 7.

[17] Ibid..

[18] Ibid..

[19] CNSPFV, op. cit., p. 4.

[20] Ibid..

[21] CSP, art. L. 1111-11.

[22] B. Legros, La réforme du régime juridique des directives anticipées en droit français, RGDM, n° 58, mars 2016, p. 204.

[23] Ibid..

[24] HAS, op. cit., p. 5.

[25] CNSPFV, op. cit., p. 20.

[26] CNSPFV, Dossier de presse, EHPAD : Les directives anticipées, partage d’expériences, 20 mai 2019, p. 4.

[27] Première journée régionale CSPHF, Les soins palliatifs… vers le futur, organisé à Lille Grand Palais le jeudi 14 novembre 2019. 

[28] Fin de vie Soins palliatifs Centre National, Un an de politique active en faveur des directives anticipées, Les cahiers du CNSPFV, janvier 2018, p. 20.

[29] CNSPFV, Dossier de presse, op. cit., p. 4.

[30] Fin de vie Soins palliatifs Centre National, op. cit., p. 20.

[31] Avec l'autorisation du juge ou du conseil de famille. « Le tuteur ne peut ni l'assister ni la représenter à cette occasion » (CSP, art. L. 1111-11, fine).

[32] CSP, art. L. 1111-6 (N° Lexbase : L4868LW9).

[33] CSP, art. L. 1111-6.

[34] L’écrit doit également préciser les coordonnées de la personne désignée : HAS, La personne de confiance, avril 2016, p. 3.

[35] CSP, art. L. 1111-6.

[36] CSP, art. L. 1111-6, al. 3.

[37] CSP, art. L. 1111-6.

[38] HAS, op. cit., p. 1.

[39] CSP, art. R. 4127-37-1, III (N° Lexbase : L6270K94).

[40] HAS, op. cit., p. 1.

[41] Loi n° 2015-1776, du 28 décembre 2015, relative à l’adaptation de la société au vieillissement (N° Lexbase : L0847KWB).

[42] CASF, art. L. 311-5-1 (N° Lexbase : L0224KW9).

[43] HAS, op. cit., p. 3.

[44] CCNE, Enjeux éthiques d’une politique vaccinale contre le SARS-COV-2, 18 décembre 2020, p. 7.

[45] Ibid..

[46] C. Bourdaire-Mignot, T. Gründler, Covid-19 ou la malédiction d’être vieux, RGDM, n° 77, décembre 2020, p. 268.

[47] Ibid, p. 270.

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