Lexbase Social n°872 du 8 juillet 2021 : Social général

[Actes de colloques] Le vieillissement et les aidants non professionnels

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N8105BYT

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par Yéfoungnigui Silué, Doctorant en droit privé à l'Université de Lille - L’EREDS/CRDP et Bérengère Legros, Maître de conférences en droit privé à l’université de Lille- L’EREDS/CRDP

le 22 Juillet 2021

 


Le 13 avril 2021, s'est tenu à la Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de l’Université de Lille, un colloque sur le thème « Le vieillissement, à l’épreuve des choix », sous la direction scientifique de Bérengère Legros, Maître de conférences HDR en droit privé et sciences criminelles à l'Université de Lille. Partenaire de cet événement, la revue Lexbase Social vous propose de retrouver l’intégralité des actes de ce colloque.

Le sommaire de cette publication est à retrouver ici (N° Lexbase : N8213BYT).

Les interventions de cette journée sont également à retrouver en podcasts sur Lexradio.


 

« Vieillir ensemble, ce n’est pas ajouter des années à la vie, mais de la vie aux années [1] ».

Les études sur le vieillissement de la population foisonnent depuis des décennies. Qu’elles soient internationales [2], régionales [3] ou nationales [4], ces études témoignent de l’intérêt, sans cesse croissant, que suscite le vieillissement de la population. Désormais au cœur des recherches démographiques, économiques, juridiques, sociales et sanitaires [5]…, le vieillissement irrigue par sa transversalité, les politiques publiques des organisations internationales et des États [6].

En France, le vieillissement de la population a connu une croissance remarquable. En effet, en 1945, le pays comptait 4,5 millions de personnes âgées de plus de 65 ans. Par ailleurs, le nombre de personnes âgées de plus de 60 ans est progressivement passé à 7,9 millions en 1990, 9,29 millions en 1998, 10,73 millions en 2010 et à 17,22 millions au 1er janvier 2018 [7].

Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce vieillissement. Deux raisons essentielles seront exposées. La première est l’explosion démographique des années 1945. Elle entraîne sous ce 21ème siècle, l’arrivée de nombreuses générations de « baby boomer» dans le grand âge. La seconde raison est l’allongement constant de l’espérance de vie en raison des progrès de la médecine et d’un accès plus facile et massif aux soins de santé.

Ce vieillissement de la population, bien que salutaire dans son principe, pose toutefois et inéluctablement certaines difficultés de prise en charge des personnes âgées au nombre desquelles figurent le financement des régimes de retraites [8] , le financement des dépenses de santé liées au grand âge, la saturation des structures d’accueil et notamment l’accompagnement ou le maintien à domicile des personnes âgées en perte d’autonomie grâce au recours aux aidants [9]. C’est ce dernier sujet qui sera l’objet de notre étude.

Selon le rapport de la Fondation OCIRP de 2017 [10], 11 millions d’aidants non professionnels accompagnent au quotidien un proche en situation de dépendance, en raison de son âge, d’une maladie ou d’un handicap. Ce nombre devrait augmenter au fil des années car, en 2030, un actif sur 4 sera un ‘‘aidant’’ selon l’Enquête Handicap-Santé 2008 de la Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques (DREES) [11]. « En 2015, 3 millions de personnes âgées de 60 ans ou plus vivant à domicile déclarent être aidées régulièrement pour les activités de la vie quotidienne, en raison de leur âge ou d’un problème de santé [12]».

Le recours aux aidants non professionnels est primordial dans la politique actuelle. Il présente un avantage économique de l’ordre de 11 milliards d’euros par an [13].

« Le vieillissement » et « les aidants bénévoles » sont donc des thématiques en situation d’interactions. D’une part, le vieillissement de la population rend nécessaire le recours aux aidants. D’autre part, le recours aux aidants se présente comme une réponse dans la prise en charge des personnes âgées en perte d’autonomie à domicile. Toutefois, le postulat [14] qui supposerait de considérer les aidants bénévoles comme une catégorie juridique achevée ou définitive mérite certaines réserves, de la prudence. Dès lors, se pose la question du statut de l'aidant non professionnel en droit de la protection sociale et en droit du travail. Ce statut est-il suffisamment pertinent face au défi de la prise en charge de la perte d’autonomie de la personne âgée demeurant à domicile ? Cette question est fondamentale car par sa politique d’aide aux personnes âgées, l’État français multiplie les réformes aux fins de reconnaître progressivement cette solidarité familiale en construisant, par petites touches, un statut à l'aidant d'une personne âgée « dépendante » ou en perte d'autonomie [15] (II.). Mais avant, et parce qu’elle n’a pas connu un parcours homogène et linéaire, une étude s’impose sur l’évolution de la notion d’aidant depuis sa genèse (I.).

I. De la genèse de la notion d’aidant non professionnel à une évolution duale

L’aidant comme champ d’étude n’a pas toujours été une chose certaine. Néanmoins, les définitions disparates issues de textes insérées dans différents codes témoignent de la volonté des pouvoirs publics d’en faire une catégorie juridique. Ainsi, la notion d’aidant, créée principalement autour de l'aidé en situation de handicap (A.), s’est progressivement étendue à la personne aidée âgée en perte d’autonomie (B.).

A. Une notion d’aidant créée principalement autour de la personne en situation de handicap

Le statut des aidants est en construction et ce, depuis bientôt deux décennies. Le terme « aidant familial » a fait son apparition pour la première fois en 2005, dans la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées [16]. Le dernier alinéa de l’article 79 dispose en effet que : « Il [le plan des métiers] tiendra compte des rôles des aidants familiaux, bénévoles associatifs et accompagnateurs ».

Ce texte, bien que citant le vocable, n’en donne pas pour autant une définition. Cependant, inséré par la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 (N° Lexbase : L5228G7R) dont l'objet porte sur les droits des personnes handicapées, on peut affirmer que la naissance du terme « aidant familial » s’est faite en lien très étroit avec l’accompagnement de la personne handicapée.

Dès 2006, est relevé un élargissement du champ personnel de l’aidant non professionnel dans le paysage normatif. En effet, la loi du 21 décembre 2006, de financement de la Sécurité sociale pour 2007 [17] insère dans le Code du travail [18] un congé de soutien familial aux fins d’accompagner expressis verbis les personnes en situation de handicap ou en perte d’autonomie d’une particulière gravité [19].

La perte d’autonomie d’une particulière gravité n’est pour autant pas davantage définie. Elle n'est pas non plus associée expressément aux personnes âgées. On peut néanmoins supputer qu'elle les englobe sans pour autant être exclusive d'autres profils d'aidés. La lecture d'une loi antérieure, la loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001, relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie (N° Lexbase : L1777ATY), va en ce sens en introduisant la notion de « perte d'autonomie des personnes âgées » pouvant donner lieu à l’octroi de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) [20]. La notion de perte d'autonomie est d'ailleurs à partir de ce texte et jusqu'en 2020 le plus souvent associée à la notion de personne âgée dépendante [21].

Lors de la recodification du Code du travail en 2008, le législateur a donné une liste de 8 catégories [22] de personnes « présentant un handicap ou une perte d’autonomie d’une particulière gravité » pour lesquelles ce congé peut être demandé par le salarié. Elles sont toujours dans la mouture actuelle [23]. Pour autant, la finalité de cette prise de congé est assez générale, c’est un congé de soutien. Le maintien à domicile apparaîtra expressément comme finalité dans la révision de ce congé par l’article 53-1, 2° de la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015, relative à l’adaptation de la société au vieillissement (N° Lexbase : L0847KWB[24] [25].

Parallèlement, on relève qu'en 2008, un décret [26] insère dans le Code de l’action sociale et des familles [27] une définition de l’aidant familial. Il ressort en effet des dispositions de l’article R. 245-7 du Code de l'action sociale et des familles (N° Lexbase : L6606IPD) que l’aidant familial est indissociablement lié à une personne en situation de handicap. Il peut être : soit l’accompagnant d’une personne handicapée, soit l’accompagnant du parent d’un enfant handicapé.

Il résulte de cette évolution normative que la notion expresse d'aidant tend à se conceptualiser principalement autour de la personne aidée en situation de handicap.

Toutefois, le législateur a promu au fil des réformes ultérieures les deux types d'aidants en les qualifiant comme tels, la notion d’aidant devenant clairement duale sans être nécessairement convergente.

B. La dualité de la notion d’aidant : de l'aidant familial au proche aidant

C’est en 2015, à la faveur de la loi du 28 décembre 2015, que la notion d’aidant a connu une évolution significative autour d'une autre catégorie de personne : la personne âgée dépendante, c'est-à-dire en perte d'autonomie. Cette loi crée la notion de « proche aidant » associée à la personne âgée, en perte d'autonomie ou non d'ailleurs.

Tout d'abord, l’article 24 de ladite loi ajoute la notion de « personne âgée en perte d’autonomie » (CASF, art. L. 113-1-1 N° Lexbase : L0221KW4 et L. 113-1-2 N° Lexbase : L0222KW7) aux côtés de la catégorie « personne âgée de 65 ans » et « âgée de plus de 60 ans inaptes au travail » pouvant, si elle est privée de ressources suffisantes, bénéficier d'aide à domicile ou d'un accueil chez des particuliers ou dans un établissement (CASF, art. L. 113-1 N° Lexbase : L0673KWT).

La notion de perte d'autonomie est associée expressément par ce texte à la personne âgée. On relèvera que l'article L. 753-6 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L0966LD7) introduit par l’article 38 de la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites (N° Lexbase : L2496IZH[28] - encore en vigueur - utilise encore la terminologie « personne âgée dépendante » à la charge d'une personne.

En outre, l’article 51 de la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 (N° Lexbase : L0847KWB) crée la notion de « proche aidant » qu’elle définit à l’article L. 113-1-3 du Code de l’action sociale et des familles (N° Lexbase : L0235KWM) : « Est considéré comme proche aidant d’une personne âgée son conjoint, le partenaire avec qui elle a conclu un pacte civil de solidarité ou son concubin, un parent ou un allié, définis comme aidants familiaux ou une personne résidant avec elle des liens étroits et stables, qui lui vient en aide, de manière régulière et fréquente, à titre non professionnel, pour accomplir tout ou partie des actes ou des activités de la vie quotidienne ».  On relève que la notion de proche aidant est associée expressément à la personne âgée, sans référence dans cette disposition à une perte d'autonomie, même si celle-ci se déduit du texte.

Ensuite, la terminologie « proche aidant » remplace également la sémantique « soutien familial ». Le congé de soutien familial est requalifié à partir de 2015 en congé de proche aidant. Le texte reprend le critère (général) alternatif antérieur de la personne à aider : une personne présentant un handicap ou une perte d'autonomie d'une particulière gravité. Mais désormais, la loi crée une 9e catégorie de personne susceptible d'être aidée « la personne âgée ou la personne handicapée avec laquelle il réside ou entretient des liens étroits et stables, à qui il vient en aide de manière régulière et fréquente à titre non professionnel pour accomplir tout ou partie des actes ou des activités de la vie quotidienne ». La finalité est bien le maintien à domicile de la personne aidée même si l'aidant ne réside pas nécessairement avec elle. 

Le statut des aidants s’est donc construit en l’absence d’un cadre conceptuel clairement défini donnant ainsi lieu à une pluralité de définitions associant ou non les deux types d'aidant, créant une faible lisibilité de ce statut pour les non-sachants. Dès lors, quel bilan peut-on dresser du statut de l'aidant de la personne âgée en perte d'autonomie ?

II. Le statut de l'aidant non professionnel de la personne âgée en perte d’autonomie

Le statut des aidants non professionnels est peu lisible et disparate. À cela, s’ajoute une pluralité de notions et une pluralité de droits rendant ledit statut complexe. C’est pourquoi nous nous intéresserons aux dispositions s'appliquant aux aidants d'une personne âgée en perte d’autonomie (A.), avant de nous s'interroger sur la nécessité d'une convergence de droits des différentes catégories d’aidants aux fins de créer un statut unique et lisible (B.).

A. Les différents dispositifs à la disposition d’un aidant d'une personne âgée en perte d'autonomie

Les droits de l’aidant sont disséminés dans différents codes comportant de nombreux renvois vers d'autres codes, rendant le statut complexe et peu lisible.

La loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 (N° Lexbase : L0847KWB) a été la loi phare créant le statut de ce type d'aidant en élargissant son champ personnel variant en fonction des dispositions. Désormais, « les personnes âgées » ainsi que « leurs familles bénéficient d’un droit à une information sur les formes d'accompagnement et de prise en charge adaptée aux besoins et aux souhaits de la personne âgée en perte d'autonomie » (loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015, art. 24 ; CASF, art. L. 113-1-2 N° Lexbase : L0222KW7). La loi crée également un droit au répit au profit du proche aidant assurant une présence ou une aide indispensable au soutien à domicile d'un bénéficiaire de l'APA (loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015, art. 52 ; CASF, art. L. 232-3-2 N° Lexbase : L0236KWN).

Les aidants bénévoles peuvent également solliciter le congé de proche aidant modifié après 2008 à plusieurs reprises : tout d’abord, par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (N° Lexbase : L8436K9C[29] mais aussi par la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019, de financement de la Sécurité sociale pour 2020 (N° Lexbase : L1993LUD[30]. Il est régi dorénavant aux articles L. 3142-16 et suivants du Code du travail.

Rappelons que la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 a réparti les dispositions du Code du travail autour du triptyque : ordre public, négociation collective et, à défaut dispositions supplétives. Si la définition du proche aidant est imposée par la loi en tant que disposition d'ordre public, la négociation collective était appelée à s'emparer d'un certain nombre de modalités dont celle de la durée maximale de ce congé ou encore du nombre de renouvellements possibles (C. trav., art. L. 3142-19 N° Lexbase : L7101K9U et art. L. 3142-26 N° Lexbase : L3486LQ8) soit au niveau de la branche, soit au niveau de l'entreprise. À défaut d'accord, les dispositions supplétives prévoient que la durée maximale de ce congé est de trois mois, renouvelable et qu'il ne peut excéder un an sur toute la carrière du salarié (C. trav., art. L. 3142-27 N° Lexbase : L7093K9L), suivant ainsi les mêmes termes que la mouture de 2006 [31]. La condition d’ancienneté nécessaire pour en bénéficier : de deux ans prévus en 2006, réduite à un an en 2016, a été supprimée par la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 [32]. Ce congé bénéficie également aux agents du secteur public [33].

Pour inciter les partenaires sociaux à s'emparer du rôle qui leur a été confié en 2016, la loi n° 2019-485 du 22 mai 2019 [34] visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants (N° Lexbase : L3414LQI) modifie l'article L. 2241-1 du Code du travail (N° Lexbase : L4955LRX) en y insérant l'obligation pour les branches de négocier « sur les mesures destinées à faciliter la conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle des salariés proches aidants ». Le texte ne précise pas ce qu'il entend par proche aidant. Néanmoins il se déduit de la structuration de la loi et, plus particulièrement, de son titre 1er intitulé « Favoriser le recours au congé de proche aidant », que cette notion correspond bien à celle de proche aidant précitée.

 Le congé de proche aidant étant non rémunéré depuis sa genèse en 2006, l'article 68 de la loi du 24 décembre 2019 acte le principe de son indemnisation (CSS, art. L. 168-8 N° Lexbase : L1651LZ8) par la Sécurité sociale tant pour les salariés que pour les agents publics. Pour autant, même si cette indemnisation se superpose au congé de proche aidant, la superposition n'est que très partielle. Le législateur a choisi d’ailleurs de ne pas renvoyer à un décret d'application le nombre d'indemnités journalières qu'il limite à 66 pour l'ensemble de la carrière du salarié ou de l'agent public (CSS, art. L. 168-9).

D'autres avancées peuvent être relevées dans la construction du statut des aidants, elles sont communes aux deux catégories d'aidants :

Tout d'abord, la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 (N° Lexbase : L8436K9C) a prévu, en tant que dispositions supplétives, que « la présence au sein du foyer d'un enfant ou d'un adulte handicapé ou d'une personne âgée en perte d'autonomie » devait être prise en compte dans l'ordre des départs en congé (C. trav., art. L. 3141-16, b N° Lexbase : L8584LGZ). Ensuite, la loi insère dans le Code du travail la possibilité pour un salarié de donner anonymement des jours de repos aux salariés « aidants ». Ce type de don a été créé par la loi du 9 mai 2014 [35] au profit d'un salarié parent d'un enfant gravement malade [36]. Le dispositif a été dupliqué par le législateur en 2018 [37] « au profit du salarié qui vient en aide à une personne atteinte d'une perte d'autonomie d'une particulière gravité ou présentant un handicap dès lors que la personne aidée est l'une de celles mentionnées aux 1° à 9° de l'article L. 3142-16 (N° Lexbase : L5988LUC) » (C. trav., art. L. 3142-25-1 N° Lexbase : L4239LIT), soit la liste des personnes pouvant être aidées au titre du congé de proche aidant.

Certains dispositifs récents du Code du travail, créés par la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018, pour la liberté de choisir son avenir professionnel (N° Lexbase : L9567LLW[38], s'éparpillent dans un jeu de renvois vers le Code de l'action sociale et des familles au profit des deux catégories d'aidants. Il s’agit notamment, du bénéfice de droits comptabilisés en euros inscrits sur le compte personnel de formation en raison de « l’aide apportée à une personne en situation de handicap ou une personne âgée en perte d’autonomie dans les conditions prévues à l’article L. 113-1 du Code de l’action sociale et des familles (N° Lexbase : L0673KWT[39] » (loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018, art. 2 ; C. trav., art. L. 5151-9 N° Lexbase : L9876LLD) et du recours du télétravail (loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018, art. 68 ; C. trav., L. 1222-9, I, al. 4 N° Lexbase : L0292LMR).

Si certains dispositifs s'appliquent sans ambiguïté aux deux catégories d'aidants, quid d'une uniformisation du statut dans un souci de lisibilité quelle que soit la personne aidée ?

B. Vers la création d’un statut unifié des aidants

La notion d’aidant manque d’homogénéité, de clarté. Il existe en réalité une pluralité de définitions se rapportant peu ou prou au terme « aidant » avec des sémantiques différentes. Il y a un maquis notionnel [40] [41], une véritable de nébuleuse sémantique.

Cette pluralité de définitions peut prêter à confusion sur le statut des aidants non professionnels. Pis, une autre confusion d’ordre conceptuel s’ajoute à la confusion. En effet, il résulte de la lettre de l’article 51 précité de la loi de 2015 [42] qu’une personne définie comme aidant familial peut être considérée « comme proche aidant d’une personne âgée ». Cette disposition convoque deux notions - aidants familiaux et proche aidant - sensées se distinguer par leur champ d’application personnel. L’une se rapportant au handicap et l’autre se rapportant à la personne âgée. Or, définir finalement le proche aidant comme un aidant familial est de nature à bouleverser, voire remettre en cause toute la logique de qualification juridique opérée jusque-là. Ce constat met encore une fois en lumière que cette confusion résulte d’une absence de conceptualisation de la notion d’aidant.

Une faible lisibilité du statut en raison de la disparité des sources à laquelle s’ajoute un manque de conceptualisation de la notion d’aidant sont les symptômes principaux d’un régime juridique en construction encore à la recherche d’une architecture pensée. Cela pourrait constituer un frein dans la mise en œuvre des stratégies publiques de prise en charge à domicile des personnes en perte d’autonomie.

S'ajoute à cela une absence d'égalité des aidants à l'accès à certains droits :

Par exemple en droit du travail : l'article 8 de loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 (N° Lexbase : L8436K9C) prévoit que « les aidants familiaux et les proches d'une personne handicapée » salariés bénéficient « d'un aménagement d'horaires individualisés propre à faciliter l'accompagnement de cette personne » (C. trav., art. L. 3121-49 N° Lexbase : L6864K94). Ce droit n'est pas accessible au proche aidant d'une personne âgée en perte d'autonomie.

D'autres exemples existent en droit de la Sécurité sociale. Si l'article 38 de la loi du 20 janvier 2014 (N° Lexbase : L2496IZH), insérant l’article L. 753-6 dans le Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L0966LD7), prévoit que « les personnes [...] qui ont la charge d'un enfant, d'un adulte handicapé ou d'une personne âgée dépendante...sont affiliées obligatoirement à l'assurance vieillesse du régime général de la Sécurité sociale », créant ainsi une disposition commune aux aidants accueillant à domicile les deux types d'aidés, à l'inverse, d'autres concernent exclusivement l'aidant d'une personne en situation de handicap :

Tout d’abord, l'article 20 de la loi n° 2020-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites [43] insère la règle selon laquelle l'assuré social ayant interrompu son activité professionnelle en raison de sa qualité d'aidant familial, telle que définie à l’article L. 245-12 du Code de l’action sociale et des familles (N° Lexbase : L5178LWP), bénéficie d'une retraite à taux plein à l'âge de 65 ans « même s'il ne justifie pas de la durée requise d'assurance ou périodes équivalentes dans le régime général et un ou plusieurs autres régimes obligatoires » (CSS, art. L. 351-8 N° Lexbase : L2698IZX). Ensuite, l'article 38 de la loi du 20 janvier 2014 prévoit que « l'assuré social, assurant au foyer familial, la prise en charge permanente d'un adulte handicapé, [...] bénéficie d'une majoration de durée d'assurance d'un trimestre par période de trente mois, dans la limite de huit trimestres » (CSS, art. L. 351-4-2 N° Lexbase : L2623IZ8).

La divergence des droits des aidants des personnes handicapées ou âgées en perte d’autonomie devrait inspirer les pouvoirs publics sur la nécessité d’une unification des statuts. En 2018, Madame Dominique Gillot dans son rapport intitulé « Préserver nos aidants : une responsabilité nationale », s'interroge sur la réduction des disparités des régimes en matière de Sécurité sociale voire la création d’une retraite spécifique [44] pour ces deux catégories dans un souci d'égalité.

Elle présente un certain nombre de propositions notamment, la prise en compte dans le calcul de la retraite, des années travaillées hors période de proches aidants en raison de la diminution fréquente du temps de travail [45] ; l’octroi d’un congé de proche aidant d'un an par personne aidée [46] ; la garantie d’un droit opposable au télétravail pour les proches aidants [47].

Un statut unifié et arrivant à une certaine maturité s'avère d'autant plus nécessaire que le rôle de proche aidant a des incidences notables sur la santé de l’aidant [48]. En effet, « il n'est pas rare que l'aidant décède avant son aidé » [49].

Conclusion

Le recours aux aidants comme une réponse dans la prise en charge du vieillissement et notamment des personnes âgées en perte d’autonomie, mérite pour plus d’efficience, l’adoption d’un statut lisible et clairement défini.

L'unification des statuts des aidants semble être une solution qui serait en adéquation avec la création de la branche autonomie opérée en 2020 [50] qui rompt la séparation artificielle [51] entre les différentes catégories de personnes à aider en les regroupant sous la sémantique de personnes en perte d'autonomie.

On relèvera que l'Assemblée nationale, lors de l'adoption en première lecture, le 3 mars 2020, du projet de loi instituant un système universel de retraite, ajoute dans ses objectifs assignés par la Nation « 2° Un objectif de solidarité [...] par la prise en compte [...] de l’impact sur la carrière [...] de l’aide apportée en tant qu’aidant » (proj. CSS, art. L. 111-2-1-1). Le statut des aidants semble bien amené encore à évoluer.

 

[1] J. Salome et S. Galland, Si je m'écoutais… je m'entendrais, Éditions J'ai lu, Coll. J'ai lu Bien-être, octobre 2012, 384 p..

[2] OMS, Rapport mondial sur le vieillissement et la santé, 20 décembre 2016, p. 1 et s. [en ligne].

[3] Commission Européenne, Livre vert sur le vieillissement, SG.E.3 BERL 06/270 Commission européenne 1049 Bruxelles Belgique, 27 janvier 2021, 28 p. [en ligne].

[4] CNSA, Rapport de la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie 2011, 17 avril 2012, 101 p. [en ligne].

[5] OMS, op. cit., p. 49 et s.

[6] D. Libault, Rapport de la concertation Grand âge et autonomie, 28 mars 2019, p. 14 [en ligne] ; Majella Simard, Le vieillissement de la population au Québec : une synthèse des connaissances, Rismouki, avril 2006, p. 14.

[7] INSEE, Bilan démographique 2017, INSEE Première, janvier 2018, p. 3 [en ligne].

[8] Un projet de réforme des retraites était en discussion devant le Parlement en 2020 en France (Projet de loi instituant un système universel des retraites, TA n° 409, « Petite Loi », AN, 3 mars 2020). Le processus parlementaire a été suspendu en raison de la crise sanitaire liée à la Covid-19.

[9] Francis Kessler, Le risque de perte d’autonomie : quelle place pour les aidants ?, RDSS, 2021, p. 45.

[10] OCIRP, Les chiffres-clés sur les aidants en France, Baromètre 2017, Fondation April et BVA, p. 10 [en ligne].

[11] DREES, Enquête Handicap-Santé 2008 portant sur 5 000 aidants informels de proches ayant déclaré « avoir des difficultés dans les actes de la vie quotidienne » citée dans OCIRP, Les chiffres-clés sur les aidants en France, p. 1.

[12] DREES, L'aide et l'action sociales en France. Perte d'autonomie, handicap, protection de l'enfance et insertion, éd. 2020, p. 76.

[13] OCIRP, Les chiffres-clés sur les aidants en France, Laboratoire d’économie et de gestion des organisations de santé de l’université Paris-Dauphine dans le cadre de l’étude Share, 2018, p. 11.

[14] J.-P. Lavoie, S. Clément, F. Dubuisson, F. Ducharme, A. Vezina, Statuts des aidants, OFQSS/CREDES/ OFQSS/MSSS, Santé, société et solidarité, 2006, vol. 5 (1), p. 57.

[15] Cf. supra, B. Legros, « Avant-propos » (N° Lexbase : N8073BYN) : les deux termes étant utilisés alternativement mais le premier tend à ne plus l’être car il est perçu comme péjoratif.

[16] Loi n° 2005-102, du 11 février 2005, pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées (N° Lexbase : L5228G7R).

[17] Loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, de financement de la Sécurité sociale pour 2007 (N° Lexbase : L8098HT4),.

[18] Loi n° 73-4 du 2 janvier 1973, relative au Code du travail.

[19] C. trav., anc. art. L. 225-20 (N° Lexbase : L3223HWB) : « tout salarié justifiant d’une ancienneté minimale de deux ans dans l’entreprise, dont le conjoint, le concubin, la personne avec laquelle il a conclu un pacs…présente un handicap ou une perte d’autonomie d’une particulière gravité a le droit de bénéficier d’un congé de soutien familial non rémunéré ».

[20] Loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001, relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et l'allocation personnalisée d'autonomie (N° Lexbase : L1777ATY).

[21] Dans la définition du handicap, insérée par la loi du 11 février 2005 (loi n° 2005-102 du 11 février 2005 N° Lexbase : L5228G7R, art. 2 ; CASF, art. L. 114 N° Lexbase : L8905G8C), cette sémantique n'est pas utilisée. Néanmoins, le terme « autonomie » est utilisé ponctuellement dans cette loi en association avec les personnes handicapées. Tout d’abord, lorsqu’est défini l’aidant naturel pouvant être chargé de « favoriser » l’« autonomie » d’une personne handicapée moteur (CSP, art. L. 1111-6-1 N° Lexbase : L9880G8G). Ensuite, dans la dénomination d’une des composantes de la Maison départementale des personnes handicapées : la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (art.64).

[22] C. trav., anc. art. L. 3142-22 (N° Lexbase : L5557LRA).

[23] « 1° Son conjoint ; 2° Son concubin ; 3° Son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ; 4° Un ascendant ; 5° Un descendant ; 6° Un enfant dont il assume la charge au sens de l’article L. 512-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L8759KUX) ; 7° Un collatéral jusqu'au quatrième degré ; 8° Un ascendant, un descendant ou un collatéral jusqu'au quatrième degré de son conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité ».

[24] JO, 29 décembre 2015, texte n° 1.

[25] Cf. infra, B.

[26] Décret n° 2008-450, du 8 mai 2008, relatif à l'accès des enfants à la prestation de compensation (N° Lexbase : L8887H3K)..

[27] Décret n° 2004-1136, du 21 octobre 2004, relatif au Code de l’action sociale et des familles (partie réglementaire) (N° Lexbase : L3768GU4).

[28] Loi n° 2014-40, du 20 janvier 2014, garantissant l'avenir et la justice du système de retraite (N° Lexbase : L2496IZH).

[29] JO, 9 août 2016, texte n° 3.

[30] Loi n° 2019-1446, du 24 décembre 2019, de financement de la Sécurité sociale de 2020 (N° Lexbase : L1993LUD).

[31] C. trav., art. anc. L. 3142-24 (N° Lexbase : L2752LT4).

[32] De financement de la Sécurité sociale pour 2020.

[33] Loi n° 2019-828 du 6 août 2019, de transformation de la fonction publique (N° Lexbase : L5882LRB), art. 40.

[34] JO, 23 mai 2019, texte n° 1.

[35] Loi n° 2014-459, du 9 mai 2014, permettant le don de jours de repos à un parent d'un enfant gravement malade (N° Lexbase : L1308I3T).

[36] C. trav., art. L. 1225-65-1 (N° Lexbase : L3459LXE).

[37] Loi n° 2018-84, du 13 février 2018, créant un dispositif de don de jours de repos non pris au bénéfice des proches aidants de personnes en perte d'autonomie ou présentant un handicap (N° Lexbase : L3073LIN).

[38] JO, 6 septembre 2018, texte n° 1. 

[39] « Toute personne âgée de soixante-cinq ans privée de ressources suffisantes peut bénéficier, soit d'une aide à domicile, soit d'un accueil chez des particuliers ou dans un établissement. Les personnes âgées de plus de soixante ans peuvent obtenir les mêmes avantages lorsqu'elles sont reconnues inaptes au travail ».

[40] A. Cappellari, L’émergence d’une définition juridique des aidants en droit français, in Anaëlle Cappellari (dir.), Les proches aidants saisis par le droit. Regards franco-suisses, 2018, PUAM, p. 63-69.

[41] Cf. sur la notion d’aidant naturel introduite dans le Code de la santé publique : cf. supra, note 21.

[42] Cf. supra, IB.

[44] D. Gillot, Préserver nos aidants : une responsabilité nationale, rapport, juin 2018, p. 25 [en ligne].

[45] Ibid..

[46] Ibid, p. 35.

[47] Ibid, p. 65.

[48] «Les personnes qui aident un proche dépendant s'exposent à des risques de problèmes de santé mentale accrus de 20% par rapport à des non-aidants » : OECD, Help wanted? Providing and Paying for Long-Term Care, 2011, p. 20.

[49] D. Gillot, op. cit., p. 26.

[50] Loi organique n° 2020-991, du 7 août 2020, relative à la dette sociale et à l'autonomie (N° Lexbase : L9120LX3) ; loi n° 2020-992, du 7 août 2020, relative à la dette sociale et à l'autonomie (N° Lexbase : L9121LX4) ; loi n° 2020-1576, du 14 décembre 2020, de financement de la Sécurité sociale pour 2021 (N° Lexbase : L1023LZW).

[51] B. Ferras, Cinquième « risque », cinquième « branche » ? Vers une politique rénovée de prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées ?, Regards Protection sociale, septembre 2020, n° 57, p. 206.

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