Réf. : Proposition de loi, relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives, adoptée le 18 octobre 2011 par l'Assemblée nationale
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par Julien Prigent, avocat à la cour d'appel de Paris, Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Baux commerciaux"
le 03 Novembre 2011
Il doit être rappelé qu'à défaut de congé ou demande de renouvellement, le bail arrivé à son terme contractuel se poursuit pour une durée indéterminée et il peut y être mis fin à tout moment par un congé (Cass. civ. 3, 7 décembre 2004, n° 03-19.226, F-P+B N° Lexbase : A3705DEX) ou une demande de renouvellement.
Malgré les termes de la loi (C. com., art. L. 145-9), le défaut de congé ou de demande de renouvellement n'entraîne pas une tacite reconduction du bail puisque dans ce cas, il y a poursuite du bail en cours et non formation d'un nouveau bail (Cass. civ. 3, 18 mai 2010, n° 09-15.352, F-D N° Lexbase : A3877EXU).
L'article 2 de la proposition de loi prévoit de remédier à cette imprécision en supprimant le terme "reconduction" et en lui substituant la notion de "prolongation tacite". Cette expression est du reste celle utilisée pour la Cour de cassation (voir, par exemple, Cass. civ. 3, 18 janvier 2011, n° 09-71.933, F-D N° Lexbase : A2885GQW).
Seraient ainsi modifiés les dispositions du statut des baux commerciaux qui évoquent la reconduction du bail à son terme :
- l'article L. 145-8 du Code de commerce (N° Lexbase : L2248IBU) relatif à la date à la date à laquelle il convient de se placer pour apprécier la condition du droit au renouvellement tenant à l'exploitation effective d'un fonds de commerce pendant une durée de trois ans minimum ;
- l'article L. 145-10 du Code de commerce (N° Lexbase : L2308IB4) relatif à la détermination de la date à laquelle le preneur peut former une demande de renouvellement ;
- l'article L. 145-12 du Code de commerce (N° Lexbase : L2273IBS) relatif à la date d'effet du bail en renouvellement ;
- et l'article L. 145-34 du Code de commerce (N° Lexbase : L3108IQ8) relatif l'absence de plafonnement du loyer en renouvellement du bail qui s'est poursuivi pendant une durée totale de plus de douze années.
S'il n'était pas discuté, sous réserve du respect du délai de préavis de six mois minimum, que le congé devait, en cours de tacite prolongation, être donné suivant les usages locaux ou, depuis la "LME" du 4 août 2008, pour le dernier jour du trimestre civil, il existait une incertitude sur la date à retenir pour le congé délivré en cours de bail (et plus de six mois avant son terme) : le bail devait-il prendre fin à la date du terme contractuel ou à la date résultant des usages locaux, ou, par la suite, à la date correspondant au dernier jour du trimestre civil suivant le terme contractuel ?
La Cour de cassation a récemment précisé, dans le cadre de l'application de l'article L. 145-9 du Code de commerce dans sa rédaction antérieure à la "LME" du 4 août 2008, que le terme d'usage ne pouvait être retenu qu'en cas de prolongation tacite du bail. (Cass. civ. 3, 23 juin 2009, n° 08-18.507, F-D N° Lexbase : A4297EIY). Le congé délivré sous l'empire de ces anciennes dispositions devait donc prendre effet, s'il était notifié au moins six mois avant le terme contractuel, pour cette dernière date.
Le tribunal de grande instance de Paris retient une solution analogue pour le congé délivré sous l'empire du nouvel article L. 145-9 du Code de commerce, qui vise désormais le dernier jour du trimestre civil : "les nouvelles dispositions de l'article L. 145-9 du Code de commerce, découlant de la loi du 4 août 2008, en ce qui concerne la date pour laquelle le congé doit être donné, lorsque l'échéance contractuelle n'est pas celle de la fin d'un trimestre civil, ont vocation à s'appliquer en cas de tacite prorogation du bail, mais non à l'occasion d'un congé donné en fin de période triennale" (TGI Paris, 18ème ch., 2ème sect., 28 janv. 2010, n° 09/17461 N° Lexbase : A9335ETW ; TGI Paris, 18ème ch., 2ème sect., 17 juin 2010, n° 09/15527 N° Lexbase : A7632GBB)
Le législateur a décidé d'intervenir afin "d'éviter que ne s'instaurent de mauvaises pratiques, génératrices d'un contentieux inutile, alors que les enjeux économiques pourraient inciter les bailleurs à contester la validité des congés et parfois obliger des locataires à poursuivre un contrat de bail, pendant au minimum un trimestre voire trois ans, dans des conditions qui ne sont pas conformes à leurs projets et ce, alors même qu'ils peuvent connaître des difficultés économiques" (rapport n° 3787 déposé le 5 octobre 2011, p.63).
Les conséquences des erreurs sur la date d'effet d'un congé peuvent en effet être importantes. Ainsi, par exemple, le preneur, dont le congé doit également respecter les prescriptions de l'article L. 145-9 du Code de commerce (C. com., art. L. 145-4 N° Lexbase : L0803HPG), qui notifierait un congé moins de six mois avant l'échéance triennale pour le dernier jour du trimestre civil suivant verrait son congé être délivré trop tardivement et dépourvu d'effet. Le bail se poursuivra en conséquence encore pour trois années (voir pour une illustration, TGI Paris, 2ème ch., 17 juin 2010, n° 09/15527, préc.)
Dans la perspective d'une clarification des règles applicables, les deux premiers alinéas de l'article L. 145-9 du Code de commerce, dans leur rédaction approuvée en première lecture par l'assemblée nationale, seraient ainsi rédigés :
"Par dérogation aux articles 1736 (N° Lexbase : L1858ABG) et 1737 (N° Lexbase : L1859ABH) du Code civil, les baux de locaux soumis au présent chapitre ne cessent que par l'effet d'un congé donné six mois à l'avance ou d'une demande de renouvellement.
A défaut de congé ou de demande de renouvellement, le bail fait par écrit se prolonge tacitement au delà du terme fixé par le contrat. Au cours de la tacite prolongation, le congé doit être donné au moins six mois à l'avance et pour le dernier jour du trimestre civil".
Serait ainsi consacrée la position retenue par le tribunal de grande instance de Paris : le dernier jour du trimestre civil n'aurait vocation à constituer la date d'effet du congé que "au cours de la tacite prolongation". Le congé délivré en cours de bail et au moins six mois avant le terme prendrait effet à cette dernière date et non au dernier jour du trimestre civil suivant.
Toutefois, si le congé est délivré moins de six mois avant le terme contractuel du bail, sa date d'effet devrait également être le dernier jour du trimestre civil suivant l'expiration du délai de six mois. A priori, il n'y aurait donc pas que le congé donné "au cours de la tacite prolongation" qui devrait être délivré pour le dernier jour du trimestre civil, mais également le congé délivré moins de six mois avant le terme du bail.
Dans l'attente de l'adoption définitive de cette loi, il convient d'être vigilant sur la date d'effet des congés et sur le délai de préavis de six mois qui court à rebours à compter de cette date d'effet. Dans le doute, et s'il n'est pas trop tard, il semble préférable de délivrer un congé pour le terme du bail et en tant que de besoin pour le dernier jour du trimestre civil suivant, étant rappelé que le congé délivré pour une date prématurée prendra effet, selon la jurisprudence actuelle, à la première date utile suivante (voir, par exemple, Cass. civ. 3, 9 octobre 1996, n° 94-17.198 N° Lexbase : A9934AYL).
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