Lexbase Social n°459 du 27 octobre 2011 : Rel. individuelles de travail

[Questions à...] Vers une codification du télétravail ? Questions à Philippe Gosselin, député de la Manche

Lecture: 4 min

N8383BSB

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Questions à...] Vers une codification du télétravail ? Questions à Philippe Gosselin, député de la Manche. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/5615594-questions-a-vers-une-codification-du-teletravail-b-questions-a-philippe-gosselin-depute-de-la-manche
Copier

par Grégory Singer, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition sociale

le 27 Octobre 2011

Travailler chez soi est-il garant d'une plus grande liberté pour le salarié ? L'éloignement géographique de l'entreprise impacte la relation employeur-salarié, ce dernier devant faire preuve d'une plus grande autonomie face à une autorité hiérarchique moins présente. Le télétravailleur est-il, cependant, un salarié comme les autres ? Afin d'apporter plus de sécurité juridique à ce statut et permettre un plus grand développement de ce mode de travail, Philippe Gosselin, député de la Manche, a été l'auteur d'un amendement dans le cadre de la proposition de loi de simplification du droit, actuellement discuté devant le Sénat (1). Il revient pour Lexbase Hebdo - édition sociale sur cette thématique. Lexbase : Le télétravail fonctionne-t-il en France ?

Philippe Gosselin : Nous sommes face à une situation contrastée du télétravail en France (2). Certains secteurs, certaines professions telles que le dessin industriel, la maîtrise d'oeuvre, témoignent d'un taux important de télétravailleurs. Des espaces urbains sont plutôt bien lotis tandis que des territoires plus ruraux en sont dépourvus. Globalement, la France est en retard par rapport à ses voisins européens. L'Europe a un taux moyen de 13 %, la France seulement de 7 % en 2009 (3). Même si, aujourd'hui, ce taux semble remonter autour de 9 %, il était important d'agir pour sécuriser davantage ce régime. La Chambre de commerce et d'industrie de Paris a d'ailleurs récemment rendu un rapport sur ce mode de travail, le voyant comme un vecteur de croissance et d'emploi. Inscrire le télétravail au sein du Code du travail réduirait certainement l'idée de ne pas être un salarié comme les autres. Par mon expérience de vice-président du syndicat mixte Manche numérique et le travail réalisé, j'ai pu constater qu'un développement des usages numériques était indispensable dans notre société.

Lexbase : Pourquoi est-il nécessaire de codifier le télétravail alors qu'existe l'accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005 ?

Philippe Gosselin : L'accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005, reprenant l'accord cadre européen du 16 juillet 2002, a plutôt donné satisfaction. La définition, les statuts et les obligations des employeurs et des salariés sont clairs. Ces textes ne sont, cependant, pas suffisants, il faut rendre le statut encore plus indiscutable. Il est important de souligner que notre objectif n'est, bien entendu, pas d'affaiblir la force des accords nationaux interprofessionnels. Elever au niveau législatif le cadre de 2005, codifier l'accord, lui donner la force de la loi, peut se rapprocher d'une démarche militante en faveur du développement du télétravail. Cette volonté n'est pas nouvelle. Pierre Morel-A-L'Huissier a déjà été l'auteur d'un rapport sur le télétravail et Jean-Frédéric Poisson, d'une proposition de loi, fin 2009. Je ne reprends que leurs actions au sein d'un article 40 bis.

Lexbase : Quels sont les droits et devoirs des télétravailleurs (4) ? Sont-ils identiques aux autres salariés ?

Philippe Gosselin : Sera, désormais, inséré un article L. 1222-9 au sein du Code du travail énonçant que "le télétravail désigne toute forme d'organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l'employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon régulière et volontaire en utilisant les technologies de l'information dans le cadre d'un contrat de travail ou d'un avenant à celui-ci". Le télétravailleurs est un salarié de droit commun qui jouit des mêmes droits et garanties que les autres salariés. Il est partie intégrante de la communauté de travail. Le télétravail ne se présume pas, un acte positif, une volonté du salarié est indispensable. Le refus ne peut être une cause de licenciement. L'adaptation du lieu de travail (équipement, maintenance, abonnement) est prise en charge intégralement par l'employeur.

Lexbase : Le télétravailleur n'est t-il pas parfois un salarié spécifique ? L'entretien annuel sera-t-il, par exemple, différent des autres entretiens déjà existants dans l'entreprise ?

Philippe Gosselin : Il existe forcément des spécificités déjà énoncées dans l'accord national interprofessionnel de 2005. Le télétravailleur, malgré son statut, doit garder un lien juridique voire physique avec l'entreprise, avec ses supérieurs hiérarchiques. La communauté de travail, les échanges humains sont importants, indispensables. Les partenaires sociaux doivent le privilégier. Inscrire ce lien dans la loi est difficile, il est préférable de laisser ce rôle aux partenaires sociaux qui pourront adapter certains aspects du télétravail en fonction des branches ou des secteurs professionnels.

C'est le cas, notamment, de l'entretien annuel. Ce dernier ne peut être similaires à ceux existants pour les autres salariés. Il doit être ajusté afin de mieux prendre en compte la santé "mentale", l'isolement du salarié. Est ainsi prévu d'insérer l'obligation pour l'employeur "d'organiser chaque année un entretien qui porte notamment sur les conditions d'activité du salarié et sa charge de travail". Cet entretien doit cependant être adapté par les partenaires sociaux en fonction des branches.

Lexbase : Le télétravail s'effectue-t-il seulement sur la base du volontariat ? Le syndicat FO a soulevé quelques réserves sur votre amendement, prévoyant qu' en cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d'épidémie, ou en cas de force majeure, la mise en oeuvre du télétravail est considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l'activité de l'entreprise et garantir la protection des salariés" La question des circonstances exceptionnelles manque de précision et l'introduction de l'adverbe "notamment" peut être sujet à interprétation pour ce syndicat. Comment peut-on définir ces circonstances exceptionnelles ?

Philippe Gosselin : Le télétravail s'effectue sur la base du volontariat. Les circonstances exceptionnelles sont liées à l'épidémie H1NI apparue en 2009. L'ANI de 2005 n'avait pu prendre en compte ce type de situation. Il faut donc actualiser les éléments Face à certaines décisions de fermeture d'entreprise, les employeurs se sont parfois retrouvés dans des situations complexes. L'introduction de ce point permet ainsi d'agir plus vite dans ces circonstances exceptionnelles qui ne concernent que les risques épidémiques. Nous ne pensions effectivement pas que cet amendement poserait des difficultés. L'introduction de l'adverbe "notamment" pouvant créer des incertitudes, je ne m'opposerai pas si cette référence est retirée de la proposition de la loi par le Sénat. Pour conclure, il est important de rappeler que l'article 40 bis n'a posé aucune autre difficulté et qu'il est nécessaire de reconnaître que le télétravail, source de croissance, profite aussi bien aux salariés qu'à l'entreprise, dans un rapport gagnant-gagnant.


(1) Le 18 octobre 2011, les députés ont adopté par 292 voix contre 193 cette proposition.
(2) Sur ce point, v. notamment, les obs. de S. Pillet, Télétravail - Actualité juridique et jurisprudentielle, Lexbase Hebdo n° 438 du 4 mai 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N1355BSY).
(3) Source : ministère du Travail.
(4) Sur cette question, v. les obs. de Ch. Radé, Le droit des contrats au secours du télétravailleur, Lexbase Hebdo n° 284 du 5 décembre 2007 (N° Lexbase : N3608BDY).

newsid:428383

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus